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De la politique de «jaunissement» des effectifs du Corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient 1/2

à la création de l’armée nationale vietnamienne pendant la guerre d'Indochine - BRENNUS 4.0
Histoire & stratégie
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Le corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient (CEFEO), créé en 1943 et initialement destiné à libérer l’Indochine des troupes d’occupation japonaises, souffre dès les débuts d’un mal endémique: celui de l’insuffisance des effectifs métropolitains, et notamment des cadres et spécialistes. Cette pénurie apparaît pleinement à la fin de l’année 1945 et au cours de l’année 1946 lorsque sont entreprises les premières grandes opérations contre un nouvel adversaire, le Viêt-Minh dont les buts de guerre sont la réunification des trois territoires (Cochinchine, Annam, Tonkin) constituant le Vietnam, l’accession à l’indépendance de ce dernier et l’instauration d’un régime communiste.


Avec le déclenchement «officiel» des hostilités, le 19 décembre 1946, le triple problème de la maintenance, des relèves et des renforts du CEFEO prend, parfois, l’aspect d’une véritable «crise des effectifs», notamment en 1948-1949. Pour pallier ce problème et permettre au corps expéditionnaire de remplir ses missions, appel est fait, dès l’automne 1945, au recrutement de soldats ou de la main-d’œuvre autochtone. Une telle politique n’est pas nouvelle pour l’armée française, qui y a déjà eu recours au XIXe siècle dans ses diffé-rentes entreprises coloniales que ce soit en Afrique du Nord ou en Indochine, et elle s’inscrit dans la logique occidentale de tous les pays s’étant lancés à la conquête de vastes territoires avec des forces expéditionnaires peu nombreuses. À ce titre le démantèlement de l’Empire aztèque par Cortès au XVIe siècle, constitue un exemple des plus parlants, le conquérant espagnol et ses quelques centaines de soldats ne seraient sans doute pas parvenu à leur fin s’ils n’avaient bénéficié de l’aide de dizaines de milliers d’autochtones.

Dans le contexte particulier de la guerre d’Indochine où les enjeux politiques déterminent la conduite des opérations, la politique de «jaunissement» des effectifs du CEFEO - pour reprendre l’expression consacrée à l’époque -, atteint toutefois ses limites. Les autorités françaises, civiles comme militaires, prennent en effet très tôt conscience que toute action contre le Viêt-Minh et son bras armé, l’armée populaire vietnamienne (APV), ne pourraient être efficaces que dans le cas de la construction d’un État vietnamien disposant d’une armée nationale opérant aux côtés du corps expéditionnaire français. Le développement de cette armée, soumis aux vicissitudes de la mise en place de l’État du Vietnam dirigé par l’empereur Bao Daï, va être long et donner, en définitive, des résultats mitigés. Si la France porte sa part de responsabilité dans la médiocrité de nombreuses unités de l’armée nationale vietnamienne (ANV), notamment en ne la développant que trop tardivement, celle du gouvernement vietnamien et son peu d’implication dans le processus semblent être à l’origine du manque de «mystique» et du faible engagement des cadres et de la troupe.

 

Le «jaunissement» du corps expéditionnaire

Dès 1943, et malgré le manque de moyens, décision est prise par le général de Gaulle de constituer un corps expéditionnaire destiné au théâtre asiatique dans le cadre de la lutte contre le Japon. « Le sang versé sur le sol d’Indochine [...] serait un titre imposant »[1] pour légitimer le retour de la France en Indochine, écrira plus tard le chef du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Le général Blaizot, un colonial, est chargé de la constitution de cette force[2], mais il faut attendre le mois de juillet 1945 pour que les Français bénéficient - enfin - de l’aval américain les autorisant à participer aux opérations contre le Japon[3]. La fin des hostilités en Europe et la mort du président Roosevelt, profondément opposé au retour des Français en Indochine, rendent en effet désormais possible l’envoi de forces en Extrême-Orient. En août 1945, le Comité de Défense nationale fixe à 55 000 hommes les effectifs du CEFEO[4]. Ce dernier doit être organisé autour de deux divisions d’infanterie de type américain, les 1re et 2e division coloniale d’Extrême-Orient (1re et 2e DICEO). Mais, en raison des pénuries en cadres et hommes de troupe qui prévalent dans l’armée française de la Libération, la 1re DICEO est finalement remplacée par la 3e division d’infanterie coloniale (3e DIC), tan-dis que la 2e DICEO ne voit jamais le jour[5]. C’est la 9e division infanterie coloniale (9e DIC), division de la 1re armée française en campagne depuis le débarquement de Provence, qui est en fait désignée pour l’Indochine. Un groupement de marche, à l’effectif d’environ 2200 combattants, formé à partir de détachements de la 2e division blindée (GM/2e DB), ainsi que diverses autres unités formant corps, existantes pour certaines depuis 1943, à l’instar du Corps léger d’intervention (CLI) ou de la Brigade de Madagascar (future Brigade d’Extrême-Orient, BEO), complètent le dispositif que soutiennent différents éléments organiques de corps d’armée (EOCA)[6].

Grâce à l’appel au volontariat dans les unités de la 1re armée française (les désignations d’office pour l’Indochine ne débutant réellement qu’au début de l’année 1946) et au recours massif à la Légion étrangère, qui constitue un «vivier» particulièrement important dans l’Europe de l’après-guerre, les effectifs théoriques du corps expéditionnaire s’élèvent à l’été 1945 à 50 000 hommes - qu’il faut envoyer rapidement en Indochine. Dans la réalité ils atteignent sensiblement 30000 hommes, en Cochinchine (la partie sud de l’actuel Vietnam), au mois de décembre 1945. Ce chiffre se révèle toutefois insuffisant pour mener à bien les nombreuses missions auxquelles le CEFEO doit faire face: combattre l’insurrection viêt-minh et reconstruire les installations militaires et civiles au sud du Vietnam. Aussi, dès le mois de novembre 1945, l’état-major du corps expéditionnaire procède à une vaste politique de recrutement de soldats autochtones qui apparaît comme la seule à même de permettre l’accroissement rapide des effectifs dans les uni-tés et de leur donner un volume suffisant pour remplir leurs missions. Les autochtones, majoritairement vietnamiens sont donc engagés par milliers sous différents statuts: réguliers du corps expéditionnaire qui viennent «gonfler» les effectifs de ses bataillons en remplacement des pertes dues aux opérations ou aux maladies, supplétifs constitués en compagnies pouvant éventuellement accompagner les troupes en opération, simples partisans, équipés d’armes obsolètes et affectés à des missions de garde statique (comme celle des tours kilométriques) le long des voies de communication ou encore emploi de «coolies» comme journaliers[7]. Cette politique porte en partie ses fruits et, conjuguée à l’arrivée progressive des autres éléments du corps expéditionnaire, permet à ce dernier d’atteindre 62000 hommes au mois de mars 1946.

Le déclenchement de la guerre d’Indochine, aux lendemains de l’attaque des garnisons françaises du Tonkin par les miliciensdu Viêt-Minh, conduit le commandement français à accélérer cette politique de recrutement d’origine locale, notamment dans les unités de soutien et des services. L’effet recherché est double: tout en permettant un accroissement du nombre d’hommes dans ces formations, cette mesure doit faciliter la récupération d’un maximum de Français et de légionnaires, non spécialistes, afin de les reverser dans les unités com-battantes où ils font grandement défaut. En pratique, le recrutement des autochtones s’opère aux vues des effectifs à combler dans les bataillons et également des formations à mettre sur pied en fonction du plan d’organisation annuel des Forces terrestres d’Extrême-Orient (FTEO).

Avec l’approbation du commandant en chef, le 1er bureau - « organisation et effectifs » - autorise les directions de chaque arme et service à procéder aux engagements. De manière générale, les autochtones sont recrutés par unité formant corps après être passés devant une commission qui élimine les moins robustes. Plusieurs notes fixent les conditions d’engagement du personnel autochtone. La première, en date du 9 novembre 1946, stipule que le recrutement porte exclusivement sur les célibataires et fixe à un an la durée des contrats. En fait, afin d’élargir les possibilités, cette mesure est assouplie et leshommes mariés sont progressivement autorisés à souscrire un engagement, d’où la présence au sein ou à proximité des postes du « camp des mariés », resté célèbre dans le souvenir des anciens combattants d’Indochine. Par ailleurs, au cours des années 1947 et 1948, d’autres notes précisent les conditions de soldes et indemnités, la mise en place de l’habillement ou la composition du paquetage de chaque soldat. Le recrutement des autochtones est avant tout local, ce qui donne aux unités « un caractère régionaliste ». Les résultats ont comme conséquence de multiplier par deux, dans certaines formations, les effectifs des unités. Ainsi et à titre d’exemple, au 15 juin 1947, le 61e bataillon du génie (61e BG) totalise 565 hommes, officiers compris, et reçoit dans les semaines qui suivent un complément de 450 autochtones. La proportion moyenne de 50 % de Vietnamiens dans nombre de formations mérite toutefois d’être précisée, la répartition des Européens et des autochtones à l’intérieur des bataillons n’étant pas uniforme. De fait, le pourcentage de Français ou de légionnaires est plus grand dans les fonctions de commandement ou les emplois adminis-tratifs. En conséquence, la part d’autochtones dans les compagnies de combat est plus importante.

 

 

[1] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Paris, Plon, 1989, p. 760.

[2] Le général Blaizot est plus tard nommé commandant en chef en Indochine de mai 1948 à septembre 1949.

[3] Jacques Dalloz, La Guerre d’Indochine. 1945-1954, Paris, Points Histoire, Éditions du Seuil, 1987, p. 78.

[4] Hugues Tertrais, La Piastre et le fusil,op.cit., p. 32.

[5] Les personnels qui auraient dû être intégrés dans les unités de la 2e DICEO sont répartis dans les différentes formations du CEFEO. Sur la question des effectifs du Corps expéditionnairefrançais d’Extrême-Orient, voir Michel Bodin, La France et ses soldats, Indochine, 1945-1954, Paris, l’Harmattan, 1996.

[6] Par ailleurs, aux forces qui se rassemblent en métropole et dans le reste de l’Empire, il convient d’ajouter les quelques milliers de soldats toujours présents en Extrême-Orient, reli-quat de l’ancienne armée coloniale ayant échappé à l’armée japonaise ou internés par elle. Ainsi, en Cochinchine, le 11erégiment d’infanterie colonial (11e RIC) dont les soldats sont faits prisonniers à Saïgon après le coup de force du 9 mars 1945 représente encore, au mois de septembre 1945, un con-tingent d’un millier d’hommes environ. Enfin, au nord du Viet-nam, le général Salan, lorsqu’il prend le commandement des troupes stationnées au Tonkin et en Chine, évalue, début no-vembre 1945, à presque 5000 hommes (dont 4500 pour la seule garnison de Hanoï) les effectifs français dont il peut dis-poser. Les forces réfugiées et immobilisées en Chine représen-tent une force équivalente.

[7] En avril 1946, un coolie est rémunéré entre 5, 80 et 6,50 piastres par jour, contre 7 piastres pour le coolie «spécialisé» et 4 piastres pour le coolie «femme» en raison de sa supposée plus faible résistance physique.

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Titre : De la politique de «jaunissement» des effectifs du Corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient 1/2
Auteur(s) : le commandant Yvan Cadeau du Service Historique de la défense
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