« La précédente publication de la Revue militaire générale mettait en exergue l’héritage de Lyautey et le succès de ses campagnes au sein des peuples, obtenu par l’attention qu’il leur portait et la forme de réversibilité qu’il a su initier en opérations. Nous l’avions écrit : « l’état d’esprit Lyautey, c’est une dynamique qui pousse à l’adaptation aux hommes et aux circonstances alliée à un non-conformisme assumé ».

Cet impératif d’adaptation continue à s’imposer dans la réflexion associée à nos engagements actuels, même si la formule consistant à « gagner les coeurs et les esprits » peut parfois apparaître bien vaine tant l’aboutis­sement d’une intervention sur une situation durable et stabilisée semble difficile à obtenir. Des réflexions initiales de Galula, revisité par l’école américaine, à l’ouvrage « Un sentiment d’inachevé » récemment paru aux Éditions de l’École de guerre, le regard des praticiens de l’engagement opérationnel constitue un apport précieux au débat.

Peuples, populations : leurs simples définitions illustrent clairement la différence de considération qui leur est portée lors d’un engagement aéroterrestre en leur présence. Elles indiquent aussi, dans un champ plus large, le rapport des sociétés humaines au conflit, lourd de sens et de conséquences.

La scolarité de l’École de guerre-Terre est aujourd’hui clairement orientée vers la compréhension de la complexité du combat aéroterrestre, dont la quasi-totalité des engagements, dans leur brutalité inlassablement accrue par le progrès technologique, se déroule dans l’environnement naturel où, depuis l’aube de l’humanité, naissent, vivent et (la plupart du temps) meurent les hommes.

L’affrontement hoplitique sur un terrain déterminé d’avance, les savantes manoeuvres de la campagne d’Alsace de Turenne pour fixer puis affronter l’ennemi, la fulgurance de la manoeuvre d’enveloppement lors des campagnes de l’Empire, les destructions inouïes lors des batailles des deux conflits mondiaux pourront certainement émerger à nouveau demain lors de certaines phases du combat collaboratif Scorpion. Mais, comme à l’époque d’ailleurs, elles seront toujours incluses dans un ensemble conflictuel plus vaste, stratégique et politico-militaire, dont elles s’inspirent mais également qu’elles façonnent en fonction de leurs résultats.

Ce troisième numéro de la RMG, alliant réflexions d’universitaires et témoignages de praticiens de l’engagement aéroterrestre, continue de passer en revue diverses perceptions de la guerre au sein des peuples, dans une variété de circonstances qui malgré tout ne peut prétendre à couvrir l’immense champ des possibles.

Du Lachès de Platon à la trilogie de Clausewitz, de l’homme « instrument principal du combat » pour Ardant du Picq à l’enseignement actuel de l’interculturalité, cette compréhension de la perception de l’histoire longue et de la dynamique des peuples nous est essentielle. Elle est en effet cruciale, dans ce contexte qui pourrait voir l’affrontement armé d’importance redevenir malheureusement plus qu’une hypothèse.

Bonne lecture (et n’hésitez pas à écrire à votre tour…) !