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L’adversité multi-domaines et les principes de la guerre

Atelier n°3
Engagement opérationnel
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Les types d’adversaires envisagés et la porosité entre les milieux d’engagement auront-ils des conséquences sur la façon de gagner la guerre dans le futur ?

Afin de répondre à cette question, il a été nécessaire de s’interroger sur l’environnement technologique, le contexte géopolitique et sociétal à l’horizon 2035, les évolutions probables des formes d’adversité et leurs implications sur la compréhension des principes de la guerre.


Dans le domaine technologique, l’histoire montre que l’acquisition de nouvelles capacités va toujours de pair avec la génération de nouvelles vulnérabilités. Ces dernières sont souvent de nature à remettre partiellement ou définitivement en cause la supériorité temporairement obtenue par l’un des belligérants. Pour les participants à cet atelier, seule la possible convergence de l’informatique quantique et de l’Intelligence Artificielle, serait susceptible de constituer un facteur de rupture d’ici 2035. L’évolution technologique permanente nécessite en effet une adaptation continue des mentalités, des organisations et des doctrines d’emploi.

 

Ces processus sont relativement lents et l’acquisition définitive d’un système d’armes totalement nouveau s’inscrit généralement sur un pas de plusieurs années. Il est donc peu vraisemblable, à un horizon de quinze ans, qu’un système d’armes réellement disruptif (game changer) puisse être déployé et employé de façon suffisamment significative. La prise en compte de ces évolutions technologiques pourrait cependant rapidement donner lieu à un changement de paradigme dans le schéma des programmes d’acquisition d’armement. Aujourd’hui l’opérationnel exprime un besoin que l’industriel s’efforce de satisfaire au mieux. La complexité des systèmes d’armes de demain, résultant de la convergence de plusieurs avancées technologiques différentes, pourrait inverser ce schéma. L’expert pourrait ainsi demain être le seul réellement à même d’envisager tout le potentiel opérationnel d’un système en cours de développement. La dimension capacitaire pourrait alors dicter l’acquisition du matériel et donc les conditions d’emploi, aux opérationnels.

 

En définitive, les participants à cet atelier ne considèrent pas que l’adoption de nouvelles technologies puisse constituer une rupture opérationnelle majeure, sous réserve de rester dans la course à l’acquisition de ces mêmes technologies. On ne peut en effet que constater la réduction flagrante de l’écart militaire entre les pays occidentaux et leurs compétiteurs. L’adoption de nouveaux systèmes technologiquement plus avancés aura ainsi des corollaires qu’il convient d’ores et déjà de prendre en compte. Pour les systèmes d’armes létales autonomes par exemple, l’impératif que se fixent les démocraties de systématiquement conserver l’homme dans la boucle décisionnelle, va très rapidement se heurter à des contraintes opérationnelles (le temps de réaction est par exemple de l’ordre de la seconde, dans la mise en œuvre des systèmes antimissiles) et morales, face à un adversaire ne se laissant pas entraver par les mêmes règles éthiques et juridiques que les démocraties occidentales.

 

Evoquer la notion de porosité multi-domaines revient à reconnaître la perméabilité des différents milieux de la confrontation (terre, air, mer, espace, cyber) à des effets produits d’un milieu à un autre. Si la réalisation d’effets cinétiques d’un milieu à un autre ne pose pas de réel problème de compréhension, il en va tout autrement si l’on considère la réalisation d’effets dans les champs immatériels. Le fait n’est pas nouveau, la phase préalable de modelage de l’opération Iraqi Freedom en 2003, avait déjà démontré que des actions réalisées dans les champs immatériels (cyber, influence) devaient impérativement précéder, accompagner, puis conclure toute campagne opérationnelle. Or, l’adversaire de demain, qui pourrait davantage être caractérisé par ses intentions et ses objectifs, plus que par ses capacités, cherchera probablement systématiquement à contourner la force, en emportant la bataille de l’information.

 

L’affrontement informationnel au sens large, comprendra à la fois un volet agression/protection de la connectivité et du traitement de l’information, mais également le volet de l’influence et de l’action sur les perceptions. La maîtrise de capacités offensives et défensives dans le cyberespace constituera donc un impératif vital. En outre, gagner militairement restera vain si la bataille narrative (story telling) ne peut être emportée. La distinction entre manœuvre cinétique et non cinétique ne sera donc plus souhaitable, et sans doute même possible, et imposera une planification et une coordination des effets et des moyens, selon une approche systématiquement inter-domaines. La masse et la technologie, tout en restant indispensables, ne seront donc vraisemblablement plus des facteurs de supériorité opérationnelle suffisamment décisifs. Ainsi, la conception de toute campagne ou toute manœuvre devra nécessairement être abordée sous un angle inter-domaines, international, interministériel, interculturel, etc.

 

Par ailleurs, la porosité des champs d’affrontement peut également être comprise comme une perméabilité des espaces. Ainsi, en dépit de sa commodité de lecture, il est peu satisfaisant, pour tenter d’appréhender les antagonismes planétaires de demain, de se contenter d’une carte indiquant des adversaires actuellement identifiés ou un arc de crise désigné. La compréhension et l’anticipation des conflits en 2035 pourraient en effet échapper à une seule et simple dimension territoriale, ou ne pas prendre en compte l’émergence d’une puissance n’attirant pas encore l’attention. Il paraît plus pertinent de considérer les grandes zones géographiques au travers d’intérêts futurs probables en 2035.

 

La porosité des zones d’engagement interroge enfin sur l’action civilo-militaire dans le règlement des conflits. De plus en plus, la conflictualité évolue  vers des domaines déterritorialisés, où les moyens militaires ne sont pas forcément les plus pertinents et les plus efficaces (IA, sécurité, cyberattaques, communication). Faudrat-il donc transférer ces compétences aux militaires (sachant la difficulté à fidéliser dans nos forces des experts bien mieux rémunérés dans le civil) ou devra-t-on déléguer certaines missions aux civils ? La question se pose car les domaines cités sont complétement déconnectés de la géographie. Il n’est en effet pas nécessaire d’être présent sur le théâtre d’opérations pour participer aux actions de combat.

 

Forts de cette analyse initiale, les participants à cet atelier ont centré leurs discussions sur les principes de la guerre autour de la nécessité, ou non, de disposer de principes pour conduire la bataille de demain. Implicitement se pose la question de savoir quelle acception donner à ces principes? Quel rôle leur attribuer dans un processus décisionnel, notamment lorsque les directives politiques auxquelles ils sont subordonnés manquent de clarté ?

 

Un consensus a pu être trouvé sur trois principes: liberté d’action, économie des moyens et concentration des efforts. D’autres principes adaptés à l’évolution du contexte en 2035 ont toutefois été évoqués. Tout d’abord, le principe de proportionnalité qui se traduit par la juste  suffisance  des moyens octroyés à l’accomplissement d’une mission. Puis, le principe de compréhension rendu nécessaire par la complexité des conflits envisagés et rendu possible grâce à la technologie permettant une certaine transparence du champ de bataille. Toutefois, il a été convenu au sein du groupe, que cette transparence ne serait jamais totale et qu’une prise de risques serait donc toujours nécessaire.

 

En conclusion, il apparaît comme une évidence que la porosité des champs de la confrontation aura des conséquences significatives sur la façon de combattre dans le futur. Tout en conservant une aptitude à conduire des manœuvres conventionnelles, l’adversaire sera sans doute à même de porter le combat dans des domaines encore peu familiers aux armées et dans lesquels elles ne sont pas forcément les plus compétentes pour agir efficacement, de manière globale et intégrée.

 

L’enjeu des années à venir se situe donc très certainement dans la capacité que développeront nos forces pour coordonner des actions et des effets inter-domaines, réalisés par les acteurs et les vecteurs les plus adaptés. Ce constat redonne donc toute leur pertinence aux principes de la guerre tels que nous les connaissons. Seules les modalités d’exécution de ces principes seront de nature à évoluer en fonction du contexte et des objectifs assignés à la force.

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Titre : L’adversité multi-domaines et les principes de la guerre
Auteur(s) : CDEC
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