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L’externalisation des fonctions régaliennes liées à la Défense : entre comparatif international et pluralité des approches

1/3 Revue militaire n°55
Histoire & stratégie
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Depuis les années 1990, une nouvelle forme d’entreprenariat paramilitaire s’affirme avec la prolifération de sociétés privées de sécurité. Ce processus d’externalisation de la Défense, initié par la Grande-Bretagne et les États-Unis, est aujourd’hui largement utilisé par Moscou et Pékin.

L’auteur explique pourquoi ce n’est pas le cas de la France où développer de telles entités afin de disposer d’unités de combat n’est, ni légitime, ni pertinent et contraire, aussi bien à notre tradition, qu’à nos convictions, même s’il signale que de timides avancées ont lieu, dans des cas très précis, avec la législation du recours à des « contradictors ».


De l’Antiquité jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les mercenaires connaissent un âge d’or en tant que professionnels de la guerre tout en s’adaptant aux changements politiques et économiques, quand ils ne les favorisent pas eux-mêmes…

 

Avec les années 1990, une nouvelle forme d’entreprenariat paramilitaire s’affirme peu à peu par le biais de sociétés privées dédiées au monde polymorphe de la sécurité, qu’il s’agisse de sociétés militaires privées (SMP) ou de sociétés de sécurité privées (SSP). Les SMP sont également dénommées entreprises militaires et de sécurité privée (EMSP) voire, comme en France, entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD)1. Quoi qu’il en soit, toutes sont en mesure de proposer une pluralité de missions au profit de pouvoirs publics ou privés, d’entreprises multinationales et d’organisations non-gouvernementales.

 

Les attentats du 11 septembre 2001 ont contribué à accentuer l’influence des SMP en lien avec le complexe militaro-industriel au-delà des États-Unis et de la Grande-Bretagne, précurseurs contemporains des contractuels paramilitaires. À l’instar des milieux économiques en général, la dynamique est imprégnée des logiques boursières et spéculatives. Actuellement, le marché de l’externalisation de la Défense et de la Sécurité, au sens large, s’élève à l’échelle mondiale à près de 200 milliards de dollars.

 

Pour autant, le processus d’externalisation de la Défense suscite bien des interrogations quant à la manière de faire la guerre demain.

 

Sans revenir sur la dimension historique du sujet, insistons sur le contexte actuel et les interrogations que suscitent les sociétés militaires privées et la politique d’externalisation plurielle.

 

Sociétés privées et enjeux géostratégiques : externalisation de services spécialisés

Sous-traitance polyvalente et quête d’efficacité

 

Aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, les SMP suscitent un regain d’intérêt depuis la fin de la Guerre froide pour servir de substituts aux forces conventionnelles, jugées trop onéreuses pour les fonds publics

Dans les années 1990, sur fond de réduction des effectifs de l’armée américaine, la société Blackwater, créée par Erik Prince, profite alors d’un climat propice à la privatisation de la Défense2.

En outre, les contractors issus pour la plupart des special Forces, peuvent intervenir en toute discrétion dans une zone de tensions géopolitiques, sans pour autant impliquer directement les autorités du pays. Il n’est donc pas étonnant de constater que près de 50 % des membres des équipes opérationnelles de la Central Intelligence Agency (CIA) relèvent ainsi de la sphère contractuelle.

 

En cas d’opérations de combat, la stratégie de communication de l’Exécutif estime même que le recours à des SMP est salvateur pour préserver indirectement le potentiel électoral du Président et de son gouvernement, notamment en cas de décès de contractors qui laissent indifférente l’opinion publique, très soucieuse à l’inverse de la vie de ses G.I.

En 2009, 39 % des employés de l’armée américaine sont des contractors. Leur proportion n’a cessé d’augmenter depuis. En Irak, entre 2003 et 2005, on note un ratio d’un contractor pour dix militaires environ ; par la suite, il est d’un militaire pour 1,5 contractor. En 2010, les médias américains, comme le Washington Post, annoncent ainsi que près de 1 931 sociétés privées sont sous contrat avec l’État américain.

 

Depuis les années 2010, les processus de sous-traitance au profit des ministères de la Défense américain et britannique sont devenus courants ; entre opérations armées, actions de coercition ou d’attrition, même très cadrées et ciblées, opérations post-conflictuelles et sécuritaires auxquelles s’ajoutent les missions de soutien logistique.

Les partisans du recours aux SMP mettent souvent en avant l’argument du coût-efficacité sur fond d’ultralibéralisme. Erik Prince, ancien Navy Seal, fondateur de la très controversée SMP Blakcwater, devenue Academi, expliquait lui-même devant le Congrès le 30 novembre 2017, combien la recherche de l’efficacité optimisée était au coeur de sa stratégie tant commerciale qu’opérationnelle3.

 

Aujourd’hui, certains analystes estiment même que des SMP sont capables de mener des opérations résolument frontales et décisives, face notamment à l’État islamique. C’est le cas du Britannique Simon Mann, ancien membre du Special Air Service (SAS), créateur avec Tim Spincer de Sandline International (1996-2004), devenu ensuite un authentique mercenaire4.

 

Inclination internationale à la géoéconomie et géostratégie

Quoi qu’il en soit, le lobbying des SMP et SSP est souvent associé à des stratégies de positionnement étatique sur des espaces géographiques visés pour la richesse des sous-sols et des perspectives lucratives d’exploitation des matières premières à haute valeur ajoutée (uranium, lithium, coltan, cobalt, or, zinc, uranium, or, diamants). Les SMP/SSP permettent ainsi à leur État d’origine respectif en quête de marchés à disposer de points d’ancrage et de renseignements locaux.

 

Au Moyen-Orient, ne serait-ce qu’entre 2007 et 2012, le ministère des Affaires étrangères de Grande-Bretagne aurait notamment investi 150 mil­lions de livres dans la signature de contrats avec des sociétés de sécurité privées pour intervenir en Irak. L’une des SSP britanniques, Aegis Defence Services, aurait même mené à bien des missions diligentées par les États- Unis pour instruire, entraîner et équiper les forces de sécurité irakiennes. Les SMP sont également très liées aux pétromonarchies, à l’instar du Qatar, du Koweït, mais aussi des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite5.

 

Les cas de la Russie et de la Chine témoignent, là aussi, de politiques de recours aux contractors.

                                                  

 

1 Avant 2012, on parlait non pas d’ESSD mais de sociétés d’appui et de soutien opérationnel (SASO).

2 Erik Prince crée même, en décembre 1996, un centre d’entraînement à Moyock (Caroline du Nord), à proximité de la base navale de Norfolk. En 1997, il acquiert quelque 2 000 hectares supplémentaires pour offrir ainsi un site dédié aux organismes de maintien de l’ordre, qu’il s’agisse de structures publiques ou gouvernementales.

3 Nicolas BOURCIER : « Erik Prince, un “ chien de guerre ” dans les arcanes de la Maison Blanche » in Le Monde, 9 février 2018.

4 Colin FREEMAN : Simon Mann : « We can use mercenaries to defeat Isil » in The Telegraph, 14 juin 2015.

5 Dans le cas saoudien, on observe dès 1975, un contrat établi entre la monarchie et la société Vinnell Corporation en vue de la formation et de l’encadrement de la garde nationale.

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Titre : L’externalisation des fonctions régaliennes liées à la Défense : entre comparatif international et pluralité des approches
Auteur(s) : le commandant (CR) Pascal LE PAUTREMAT
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