Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

La fusée sud-coréenne: réalité et portée régionale

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
Saut de ligne
Saut de ligne

Le 16 avril 2009, quelques jours seulement après le lancement d’une fusée nord-coréenne Unha-2 supposée être porteuse d’un satellite de communication, la page principale du site du quotidien sud-coréen d’orientation progressiste «Hankyoreh» fait apparaître une photo intitulée: «Préparatifs de la première fusée spatiale de Corée du Sud au centre spatial de Naro, province du Jeolla du Sud, le 15 avril. La Corée du Sud planifie un vol orbital en juillet 2009». Cette image sobrement commentée arrive dans un contexte particulier. Le Conseil de sécurité des Nations-Unies vient de condamner le lancement de la fusée nord-coréenne du 5 avril, qu’il considère comme un essai de missile balistique, et la Corée du Nord a répondu le 15 avril en annonçant qu’elle se retirait des pourparlers de désarmement nucléaire et qu’elle allait réhabiliter ses installations de recherche nucléaire en cours de démantèlement. La publicité faite à Séoul autour de la fusée sud-coréenne et du tir qui a finalement lieu le 25 août 2009 n’est donc pas tout à fait anodine. Elle incite en tous cas à se poser la question du sens de ce programme pour la Corée du Sud et ses voisins.

Ambitieux, le programme de lanceur spatial sud-coréen date de seulement quelques années mais est désormais concrétisé par le demi-succès d’un premier tir, ce qui rend nécessaire d’en évaluer la signification dans son contexte géopolitique régional, notamment dans le cadre de la confrontation avec Pyongyang.


Un programme récent, appuyé sur l’expertise russe

L’histoire de la fusée sud-coréenne est courte. Elle trouve ses origines dans le programme de fusée-sonde «Korean Sounding Rocket» (KSR), de construction entièrement nationale et lancé en 1990 par le Korean Aeropsace Research Institute (KARI), fondé l’année précédente. Ce programme a pour objectif le développement d’un lanceur de véhicule spatial capable de mettre en orbite un satellite d’une centaine de kilos. Cependant, des difficultés dans le développement des propulseurs à carburant liquide conduisent à son abandon en 2005 en faveur du Korean Space Launch Vehicule-1 (KSLV-1), système équipé de propulseurs issus du futur lanceur spatial russe Angara, les États-Unis n’ayant pas jugé opportun d’apporter leur soutien technique à ce programme. L’aide russe n’a d’ailleurs pu être obtenue que parce que l’achat d’une dizaine de propulseurs par la Corée apportait au «Centre pour la recherche et la production spatiale» de Khrunichev, les ressources financières qui manquaient à son budget pour développer son lanceur lourd Angara[1]. Malgré l’entrée de la Corée dans le Régime de non-prolifération de la technologie de missiles[2] en 2001, des questions de transfert de technologies retardent cet accord jusqu’en juin 2007, la Russie obtenant finalement qu’il n’y ait aucun transfert.

Concrètement, la fusée qui décolle le 25 août 2009 est donc articulée autour d’un premier étage à carburant liquide conçu entièrement par le centre de Khrunichev, d’un deuxième étage à carburant solide de conception coréenne, ainsi que d’un troisième étage constitué par un satellite scientifique également de fabrication coréenne. C’est, selon le KARI, un défaut d’éjection d’une partie du carénage de ce satellite après la séparation du premier et du deuxième étage qui aurait entraîné l’échec du tir du 25 août, la masse supplémentaire représentée par cet élément ayant empêché le satellite de s’aligner correctement sur son orbite à 300 km d’altitude. Incidemment, les déclarations du KARI à la suite de cet incident mettent en lumière les responsabilités importantes confiées aux techniciens russes, non seulement dans la confection du premier étage de la fusée, mais aussi concernant le contrôle général du projet et sa cohérence technique.

À court terme, un deuxième lancement est prévu au printemps 2010, tandis qu’à partir de 2018, les KSLV-2 et KSLV-3 devraient être des lanceurs de construction à 100% nationale en mesure de mettre en orbite des satellites d’une tonne et plus. Néanmoins, ces projets dépendent étroitement de la capacité de la recherche scientifique coréenne à acquérir les compétences nécessaires, une capacité elle-même étroitement liée au degré de contrôle des techniciens russes sur le processus, puisque la Russie souhaite transférer le moins de technologies possible. Des objectifs plus concrets sont également évoqués, tels que la capacité à remplacer les 10 satellites coréens actuellement en orbite, ce qui nécessiterait l’envoi d’un satellite par an dans les prochaines années, ou la mise en place en toute sécurité de satellites dédiés entièrement au renseignement.

Comme l’affirme le porte-parole du département d’État américain le 18 août 2009, «Les Coréens du Sud ont développé leur programme spatial d’une façon très transparente, en accord avec les accords internationaux qu’ils ont signé. Cela contraste fortement avec l’exemple donné par la Corée du Nord, qui n’a pas respecté ses engagements internationaux»[3]. Cette dernière, en effet, avait alors suggéré que le lancement du KSLV-1 fasse l’objet d’une sanction du Conseil de sécurité, de la même façon que le test de lancement de sa fusée Unha-2 l’a été en avril de la même année. Justifiée ou non, cette demande montre qu’au-delà de l’état d’avancement du programme KSLV et de ses perspectives annoncées, il est nécessaire de prendre en compte la signification qu’il revêt en dehors de la Corée du Sud.

Quelle peut être la signification de ce programme spatial dans le contexte géopolitique régional?

Tout d’abord, il faut bien admettre qu’établir un parallèle entre certains aspects des projets sud et nord-coréens de «lanceurs de satellites» n’est pas totalement artificiel. Ainsi, les deux fusées sont proches en termes de dimensions: 33,5 mètres de long et un poids de 140 tonnes pour le KSLV-1, contre des dimensions estimées à 32 mètres de long et 85 tonnes pour la fusée baptisée Unha-2 par la Corée du Nord. Théoriquement capables tous les deux de placer un satellite de 100 kilos en orbite basse, ces vecteurs présentent donc très probablement des performances comparables, avec un certain avantage de puissance pour le KSLV-1. Ensuite, les deux fusées sont fondées sur une architecture d’origine russe. Le premier étage du lanceur Unha-2 / Taepodong 2C est en effet une évolution du missile balistique à carburant liquide de portée intermédiaire nord-coréen Nodong-1, lui-même une copie du Scud-B russe, tandis que le deuxième étage serait dérivé du Scud-C, apparemment sans aide russe. En outre, en février 2009, alors que les préparatifs du tir nord-coréen se précisent, le ministre des affaires étrangères sud-coréen déclare lui-même qu’«en terme de technologie, il est difficile de distinguer un missile d’un lanceur de satellite»[4]. En effet, comme il faut légèrement plus de puissance et de précision pour placer un satellite en orbite basse que pour lancer un missile balistique sur une trajectoire intercontinentale, la capacité technologique à faire l’un induit généralement l’autre, argument qui peut d’ailleurs se retourner contre le KSLV-1 sud-coréen.

Par ailleurs, vus de Pyongyang, un faisceau de signes inquiétants s’ajoute à ces faits pour mettre en doute à ses yeux le caractère uniquement pacifique du lanceur sud-coréen. Tout d’abord, la Corée du Nord présente ses tirs de 1998 et d’avril 2009 comme deux succès de mises en orbite de satellites de télécommunications (même si aucun objet ni aucune émission radio n’ont été détectés en orbite), ce que l’immense majorité de la communauté internationale voit comme une tentative de dissimulation de deux essais de missiles balistiques intercontinentaux Taepodong. Il paraît donc assez naturel que Pyongyang voie à son tour le projet spatial sud-coréen comme la couverture d’un programme militaire. De plus, immédiatement après le tir nord-coréen d’avril 2009, le ministre de la Défense sud-coréen réaffirme la nécessité pour Séoul de renégocier avec les États-Unis l’accord qui limite la portée des missiles de l’armée sud-coréenne à 300 km, regrettant qu’une telle limite mette par exemple largement hors de portée Musudan-ri, le site de lancement nord-coréen. Un vecteur balistique à capacité orbitale résoudrait en théorie ce problème de portée, même si le coût nécessaire pour délivrer une centaine de kilos d’explosif serait évidemment rédhibitoire. Ensuite, les négociations en cours entre les États-Unis et la Corée du Sud en vue d’une «dissuasion étendue»[5] ne peuvent avoir échappé à Pyongyang. Ces discussions portent sur l’éventuel équipement d’aéronefs, sous-marins et vecteurs sud-coréens avec des armes nucléaires fournies par les États-Unis, à l’image du système mis en place dans certains pays d’Europe dans le cadre de l’OTAN. Enfin, la Corée du Sud se prépare à obtenir une plus grande autonomie d’emploi de ses forces à l’issue du transfert de la responsabilité du commandement de ses troupes en temps de guerre de l’armée américaine vers l’armée coréenne en 2012. Tous ces indices rendent probablement crédibles pour Pyongyang la possibilité de l’émergence, à terme, d’une Corée du Sud appuyée sur une dissuasion dotée de vecteurs stratégiques.

Cependant, dans le contexte régional extérieur à la péninsule, le lanceur sud-coréen n’est probablement pas entrevu sous cet aspect militaire, mais plutôt comme un marqueur de puissance et de développement technologique caractéristique de tous les grands acteurs de la région: la Russie, les États-Unis, la Chine (avec la fusée Longue marche) et le Japon (avec les lanceurs H-II, capables de ravitailler la Station spatiale internationale depuis septembre 2009). D’ailleurs, vis-à-vis de ces puissances, dont aucune n’a intérêt à l’apparition en Asie de l’Est d’un nouveau pays détenteur de vecteurs extra-atmosphériques, une certaine retenue s’impose et Séoul ne peut raisonnablement que se limiter à des démonstrations technologiques. Largement dépendante de l’aide russe, fournie sans transfert de technologie par crainte de prolifération balistique, la Corée est en fait encore loin de représenter une menace même commerciale pour les lanceurs de satellites russes ou les futurs lanceurs commerciaux japonais.

Le demi-succès du lancement du KSLV-1 le 25 août dernier laisse présager l’arrivée à maturité d’un programme spatial sud-coréen récent. Dans l’état actuel des tensions avec la Corée du Nord, ce lancement ne peut apparaître aux yeux de Pyongyang que comme une riposte voilée, voire un début de course aux armements, alors qu’au niveau régional le lanceur sud-coréen n’occupe qu’un statut de modeste compétiteur dans le domaine spatial. En fin de compte, ce programme pourrait avoir essentiellement une valeur symbolique à destination de l’opinion sud-coréenne et dans le cadre du tête à tête nord-sud. Une mise en orbite de satellite réussie pourrait en effet transmettre le message selon lequel, dans ce domaine comme dans d’autres, Pyongyang a beau concentrer énormément de moyens et se répandre en gesticulations diplomatiques menaçantes, la Corée du Sud lui est supérieure.

 

[1] Destiné à mettre des satellites de 25 tonnes en orbite basse; son premier lancement est prévu pour 2010.

[2] Créé en 1987 par l’Allemagne, le Canada, la France, l’Italie, le Japon, la Grande Bretagne et les Etats-Unis, il compte actuellement 34 pays membres et vise essentiellement la non-prolifération des armes de destruction massive.

[3] Extrait d’une conférence de presse citée par le Site «Global security.org», le 2 septembre 2009

[4] D’après une dépêche de l’agence de presse sud-coréenne Yonhap du 18 février 2009.

[5] D’après une dépêche du journal coréen Chosun Ilbo sur la 41ème réunion consultative Corée du Sud/États-unis en matière de sécurité, le 22 octobre 2009.

Séparateur
Titre : La fusée sud-coréenne: réalité et portée régionale
Auteur(s) : le commandant Johann DAVID
Séparateur


Armée