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La neutralisation de chefs ennemis

Revue militaire n°55
Histoire & stratégie
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En Indochine ou en Afrique du Nord, les bases aéroterrestres étaient nombreuses et conçues comme de véritables points d’appuis pour les opérations tactiques. Cela demeure essentiel aujourd’hui.


En effet, les résultats les plus visibles que sont la neutralisation de chefs ennemis, sont avant tout obtenus par les unités des forces spéciales qui emploient des savoir-faire particuliers et bénéficient d’importants appuis provenant de ces mêmes bases.

 

Il convient aussi d’insister sur le coût logistique des bases aéroterrestres au regard de leur effet sur le terrain. En effet, l’acheminement des ressources (eau, vivres, carburant, munitions) nécessaires à la vie de ces implantations est aussi coûteux que dangereux. Leur taille réduit certainement le risque de submersion par une attaque ennemie, mais la menace s’est finalement reportée sur les nombreux convois logistiques.

 

Des discussions remettent maintenant en cause la notion de « pion insubmersible » pour laisser place au « pion autonome ». Ce changement de paradigme est souhaitable dans le sens où le chef interarmes, s’il bénéficie d’une logistique et d’appuis adaptés, gagne à être plus visible sur le terrain, plus réactif dans l’utilisation du renseignement et face aux menaces. La mobilité permet de mener à bien des reconnaissances régulières, d’impressionner l’adversaire et, autant que possible, de l’empêcher de constituer des sanctuaires. L’acceptation d’une prise de risque évidemment maîtrisée permettra de renouer avec des procédés que l’armée de Terre maîtrisait précédemment, comme les nomadisations ou « tournées », actuellement trop courtes pour obtenir des effets durables. Les expérimentations récentes d’opérations menées conjointement avec des groupes armés locaux, avec une empreinte très légère au sol, ont pleinement démontré leur pertinence. Travailler conjointement avec des groupes armés favorables ne peut se faire sans prise de risque, mais se révèle extrêmement efficace, ainsi que le montrent les expériences récentes au Mali. Cela permet notamment d’obtenir du renseignement de qualité, de laisser la population locale assurer la protection dans certains secteurs, et de reprendre l’initiative. Le partenariat militaire opérationnel (PMO) visant à former les armées régulières est un savoir-faire ancien et précieux de l’armée française qui obtient de très bons résultats.

 

Un des enjeux majeurs consiste aujourd’hui à créer un rapport de confiance avec la population. Dans ce domaine, les savoir-faire humains des militaires français sont incontestables. Ils parviennent plus aisément que d’autres nations à tisser les premiers liens avec la population. Certes, le faible volume de forces déployées et la durée des mandats22 sont des limites évidentes. Il est difficile de garantir la protection permanente de populations qui se déclarent ouvertement favorables. De plus, l’armée française ne dispose pas de moyens suffisants pour pouvoir améliorer la situation économique et sociale dans son environnement immédiat. L’acceptation de la force en dépend pourtant fortement23. Cela était déjà le cas au début du XXe siècle, où l’ingéniosité des militaires palliait le manque de moyens provenant de la métropole. Les compétences des militaires sont ainsi utilisées régulièrement, qu’il s’agisse de l’aide médicale de proximité, de travaux requérant l’emploi d’engins spécifiques par le génie, mais aussi de savoir-faire individuels qui trouvent à s’exercer. La débrouillardise et l’imagination font le reste.

 

En effet, un trait supplémentaire de la culture militaire française est la capacité d’innovation dans les procédés. Le but n’est pas de reproduire des systèmes qui fonctionnaient précédemment, mais de chercher le moyen d’optimiser l’emploi de moyens limités. Une certaine latitude doit être conférée au commandant de la force pour qu’il puisse adapter son dispositif. Le concept de sous-groupement interarmes à dominante aéromobile (SGTIA-A) a été expérimenté de façon intéressante, conférant une allonge exceptionnelle aux forces déployées, même si celle-ci ne peut-être permanente et requiert un soutien logistique important. Cette capacité à innover doit s’appliquer à d’autres domaines. Concernant les équipements, il se révèle nécessaire de pouvoir les adapter aux théâtres, soit en modifiant des matériels, soit en achetant de façon rapide des moyens identifiés24. De même, s’agissant de la logistique, les évolutions liées à Scorpion seront vraisemblablement l’occasion d’adapter des systèmes de façon à être plus souple, voire à s’affranchir des axes. En conclusion, il faut conjuguer la rusticité associée à une logistique légère et des innovations, par exemple à travers l’emploi de dirigeables transportant des containers25.

 

La capacité à acquérir une culture de la contre-rébellion et à la conserver par la suite n’est pas une chose simple. C’est là que la richesse de l’histoire militaire et coloniale française se révèle être un atout précieux. Il est intéressant de noter que les premières expéditions étaient rendues difficiles par la volonté de plaquer les méthodes qui avaient servi sous l’Empire, en particulier en Espagne26. Ainsi qu’on peut le lire en filigrane à travers un recueil de lettres relatant les campagnes d’Algérie entre 1835 et 184827, l’acquisition d’une connaissance du milieu et l’adaptation des procédés militaires ont été progressives. Les colonnes se sont allégées, en particulier en limitant l’emport d’artillerie et les modes d’action aménagés. Une place importante a été donnée à la mobilité en employant des unités montées ou en employant massivement les mulets ou les dromadaires. De même, à côté des troupes métropolitaines initialement engagées, on a créé des forces spécifiques (légion étrangère, chasseurs d’Afrique, zouaves, etc.) appuyées par des troupes indigènes fidèles et efficaces (tirailleurs, spahis, goumiers). Enfin, la coordination entre politiques et militaires a dû s’ajuster en permanence, oscillant entre la centralisation des compétences entre les mains de certains chefs, à l’instar de Bugeaud en Algérie ou de Lyautey au Maroc, et l’établissement d’une administration civile. La durée d’affectation en Afrique (généralement plus de deux ans) poussait les cadres et la troupe à s’intéresser aux populations, à en apprendre la langue et à acquérir des savoir-faire propres28. L’aéromobilité était très employée durant la guerre d’Algérie, autant pour des missions tactiques (mise en place de commandos par exemple) que logistiques (évacuation de blessés).

 

Dans ce domaine, le volume de moyens disponibles est un enjeu crucial aujourd’hui29. Par la suite, la conservation d’une culture de contre-rébellion s’est effectuée au travers des engagements successifs en Afrique, ce dont rend désormais bien compte la chaîne RETEX militaire30 ainsi que de multiples publications officielles ou personnelles, démontrant aussi la curiosité individuelle31. Sur le plan tactique, malgré les évolutions techniques, beaucoup d’enseignements historiques restent viables. Au-delà des connaissances de la population, de l’ennemi ou du terrain, ou l’acquisition de savoir-faire, l’enseignement principal porte sur la capacité d’adaptation aux situations dans le cadre de mandats politiques clairs. Mais la diffusion des savoir-faire est aussi le résultat des discussions informelles entre différentes générations militaires. Il est essentiel de souligner que ce n’est pas tant la connaissance des théâtres qui importe que la transmission d’une culture de la curiosité, de l’adaptation et de l’initiative.

 

Il ne peut sans doute pas y avoir une doctrine unique pour répondre aux difficultés engendrées par ces conflits. Il est évident que la résolution de conflits asymétriques modernes requiert la mise en oeuvre d’une stratégie globale, construite à partir de buts politiques clairs et s’inscrivant dans le temps long. De même, détenir tous les moyens de combattre dans une guerre classique (le « haut du spectre ») ne garantit pas forcément le succès face à des rebelles. L’adaptation est loin d’être facile, chacun étant tenté de réduire la réalité à sa propre expérience, mais elle est nécessaire pour faire face à la diversité des situations. Ainsi, les savoir-faire requis pour la contre-rébellion procèdent d’un héritage ancien et précieux qu’il convient de maintenir et de mettre en valeur.

                                       

22 Pour faire face à l’impression de rotation perpétuelle des forces, les périodes de préparation précédant la projection doivent être particulièrement bien élaborées afin de permettre aux unités montantes de pouvoir débuter leur mission immédiatement et dans la continuité de leurs prédécesseurs.

23 Il est essentiel d’aligner clairement les actions tactiques et stratégiques alors même qu’une large partie de ces dernières ne relèvent pas du militaire mais plutôt de partenaires nationaux (ambassades) ou internationaux (ONU, UE), voire de l’action non maîtrisable d’autres acteurs (ONG, médias). La tendance très forte à vouloir réduire par principe les militaires à un rôle d’exécutant ou de conseiller technique présente de véritables risques.

24 Il convient de relativiser l’intérêt des « achats sur étagère ». Bien que dans certains cas cela se révèle indispensable, cela crée souvent des problèmes de cohérence en matière de soutien, voire d’emploi.

25 La navette aérienne de transport automatique de conteneurs (NATAC) actuellement en cours de développement par la société française Voliris vise directement à pouvoir assurer le transport de fret dans des zones désertiques. Il existe d’autres possibilités à travers l’emploi de drones de transport.

26 Étienne de Durand, op. cit.

27 Campagnes d’Afrique, 1835-1848. Lettres adressées au maréchal de Castellane par les maréchaux Bugeaud, Clauzel, Valée, Canrobert, Forey, Bosquet et les généraux Changarnier, de Lamoricière, Le Flo, de Négrier, de Wimpffen… 1898. Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

28 Lyautey, op. cit.

29 Guillaume Rolland et Antonin Tisseron : « L’emploi des hélicoptères en contre-insurrection – Quels enjeux pour quelles menaces ? » Cahier de la recherche doctrinale, Centre de Doctrine d’Emploi des Forces, Janvier 2012.

30 Nicolas Rey et Valentin Germain : « 50 ans d’OPEX en Afrique (1964-2014) », Cahier du Retex, Centre de la doctrine et de l’emploi des forces, Septembre 2015.

31 Capitaine Aymard, op. cit. Chef de bataillon Bétrix : « La pénétration Touareg », 1911. Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

 

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Titre : La neutralisation de chefs ennemis
Auteur(s) : le chef d’escadrons Paul LA COMBE
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Armée