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Les enseignements de la défaite militaire de 1940 ont-ils été tirés?

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Comme Marc BLOCH nous le rappelle au sortir de la désastreuse campagne de France de 1940, «nos chefs n'ont pas su penser cette guerre»[1]. Par ce cinglant constat, il imputait la responsabilité de la défaite militaire, entre autres, au commandement français de l’époque. 70 ans après son analyse sans concession de nos défaillances, il est permis de se demander si tous les enseignements de ce brutal effondrement militaire ont réellement été tirés. Le recul des événements montre que les mentalités, les méthodes, mais surtout la formation des futurs chefs ont connu une évolution salutaire.

 

[1] Marc BLOCH, «L’étrange défaite»


Évolution du contexte et des mentalités

Force est tout d’abord de constater que l’état d’esprit de l’armée de Terre a connu une véritable métamorphose. Dans ce domaine, le développement de mythes guerriers a fortement joué dans la création de l’identité collective des unités, bien loin des bandes molletières et du casque Adrian de 1940. De même, l’armée était caractérisée par la routine des revues de détail et par les tracasseries de discipline intérieure qui ne préparaient pas au commandement des hommes. À l’inverse, notre époque est marquée par de multiples engagements qui confrontent nos cadres à leurs responsabilités tantôt en projection intérieure ou extérieure, tantôt en opérations, au cours desquelles ils acquièrent une expérience de commandement irremplaçable.

Dans le cadre de la cohérence des opérations engagées, le vide juridique et normatif d’avant-guerre résultant du rejet de la Société Des Nations est à opposer au contexte des opérations actuelles qui s’appuient sur la légitimité des organisations de sécurité internationales. Parallèlement, la France d’avant-guerre avait laissé se distendre les liens avec son allié britannique par anglophobie ou par négligence. Or une véritable alliance demande des liens efficaces et réciproques. C’est le travers qu’entend aujourd'hui corriger l’insertion massive d’officiers Français au sein des structures de l’OTAN.

En 1940, alors que les méthodes de l'armée allemande étaient connues depuis la campagne de Pologne, nous n’avons pas su adapter nos modes d’action trop ancrés dans la doctrine des fronts continus. Depuis, les armées ont considérablement développé la fonction «retour d’expérience». Les enseignements des conflits actuels sont ainsi systématiquement étudiés par le Centre de Doctrine d’Emploi des Forces (CDEF). Dans cette même optique, l’enseignement militaire fait désormais largement appel aux Études Tactiques et Historiques (ÉTH) qu’elle aborde sous l’angle des principes de la guerre, du changement de situation et de la nécessaire adaptation aux circonstances[1].

 

Évolution dans les méthodes

Il est indéniable que les décideurs français de 1940 n’étaient pas éduqués dans un esprit de réalisme, de décision et de prise d’initiative. Pour se convaincre des efforts entrepris afin de s’armer contre la surprise, on peut citer la place primordiale accordée aujourd’hui aux plans de manœuvre permettant de couvrir le plus grand nombre d’éventualités. La constitution d’une réserve tactique et stratégique pour remédier aux imprévus est également devenue un principe auquel il n’est plus permis de déroger. De surcroît, alors que les moyens terrestres et aériens n’étaient pas capables de mener des actions coordonnées[2], les armées se sont dotées désormais d’organes interarmées de commandement et de contrôle des opérations dès le niveau opératif.

Par ailleurs, le style de commandement français d’avant-guerre ne recherchait ni la confiance préalable, ni l’adhésion des subordonnés. À l’inverse, depuis quelques décennies, des méthodes de pédagogie et de commandement participatif par objectif sont venues se substituer au «dressage» et à la «mise au pas» contre-productifs. Dans le même ordre d’idées, le style d’après-guerre a mis davantage l’accent sur l’«esprit de la mission» à travers la notion d’effet majeur, ou encore sur le commandement de l’avant, en s’inspirant de l’esprit de décision des jeunes chefs de la France Libre par exemple[3].

Dans le domaine du renseignement, des efforts notables ont été entrepris en matière de recherche par le biais de la «manœuvre des capteurs»[4]. De même, à la défaillante et insuffisante étude des ordres de bataille aboutissant souvent à des interprétations d'intentions aléatoires, a succédé la méthode des hypothèses qui s’appuie sur la connaissance solide de la doctrine et des modes d’action adverses. Ces méthodes encouragent le B2 à s’engager sur des modes d’action ennemis, plutôt que de simplement offrir au commandement un grand choix d'indications contradictoires.

 

Sélection et formation des futurs chefs

Il y a 70 ans, le commandement français n’a pas su s’adapter à la manœuvre allemande. La lenteur de notre parade ayant été un lourd handicap, la rapidité à intégrer les changements est aujourd’hui une qualité recherchée chez les cadres dont les capacités d’adaptation sont un constant critère d’évaluation. Qui plus est, en 1940, les règles d'avancement nous ont donné un «commandement de vieillards» réfractaires à toute nouveauté et incapables de se détacher de l’expérience du premier conflit mondial. Force est de constater que le problème n’est plus d’actualité avec les règles de gestion qui privilégient l’ascension des plus jeunes potentiels décelés.

En outre, les hauts rangs des états-majors étaient peuplés avant-guerre d’anciens professeurs de l’École Supérieure de Guerre et de leurs meilleurs élèves. Dans ce contexte de vassalité entretenu par la cooptation, la contradiction et l’adaptation au neuf n’étaient pas possibles. Or c’est le conformisme et son enseignement qui ont conduit aux mauvais choix de l’entre-deux-guerres, en négligeant par exemple l'emploi massif de chars regroupés en grandes unités. À l’inverse, de nos jours, loin de toute orthodoxie, la liberté de parole et le renouvellement de pensée sont encouragés chez les futurs chefs.

Enfin et surtout, en 1940, les décideurs n’étaient pas assez formés à s'aider de leur culture pour agir. Rejetant le bachotage et la pusillanimité des élites qui en découlait, Marc BLOCH prônait l’institution de concours basés sur la culture générale, sans laquelle «tout homme d'action ne sera jamais qu'un contremaître»[5]. Force est de constater que près de 70 ans plus tard, un tel système de recrutement a bel et bien été mis en œuvre dans le cadre du concours du Collège Interarmées de Défense, en faisant davantage appel à la réflexion et à l’argumentation qu’à la connaissance pour elle-même.

L’examen des progrès effectués dans le champ absolu de nos erreurs fait apparaître que l’armée de Terre a profondément évolué dans ses mentalités et ses méthodes en étant capable de tirer les leçons du passé, comme de ses engagements plus récents.

C’est pourquoi, face au douloureux constat d’échec de 1940, il est essentiel de ne pas sombrer dans l’éternelle repentance, mais plutôt de méditer cet aphorisme de Marc BLOCH qui eut le courage de mettre ses idées en application : «il n’est pas de salut sans une part de sacrifice».

 

 

[1] Trois ÉTH sont conduites aujourd’hui au CSEM et une au CID.

[2] Comme le montre l’absence de réaction face aux vulnérables colonnes blindées allemandes déferlant à travers les Ardennes.

[3] L’armée française a également été influencée par la méthode de commandement par objectif allemande promouvant comme on le sait, la prise d’initiative des subordonnés dans l’esprit de la mission reçue et des objectifs à atteindre.

[4] L’échec en matière de recherche était patent, comme l’a montré l’absence de relance le 10 mai 1940 pour recouper l’observation aérienne faisant état d’embouteillages de blindés allemands dans les Ardennes.

[5] Il rejoignait sur ce point le général De Gaule pour qui « la véritable école du commandement est la culture générale ».

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Titre : Les enseignements de la défaite militaire de 1940 ont-ils été tirés?
Auteur(s) : le chef de bataillon Gilles HUSSON
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