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Les jeunes générations d’officiers de nouveau confrontées à des opérations de guerre...

Cercle de réflexion G2S - n°23
Commandement
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...où ils doivent parfois décider face à des situations hors normes.

Dans ces cas, doit-on toujours obéir ? Quels fondements pour exercer leur libre arbitre ?

Comment se préparer à de tels dilemmes ? C’est ce à quoi le GCA (2S) Alain BOUQUIN nous invite à réfléchir.

Un dossier consacré à l’éthique militaire ne saurait faire l’impasse sur le sujet de la discipline. On pourrait d’ailleurs écrire de nombreuses pages sans épuiser ce thème tant il est au cœur du savoir-être militaire.


Mais c’est également un sujet délicat car il reste, en France en particulier, marqué par des événements, des situations ou des contextes au cours desquels l’obéissance a pu cesser d’être une évidence… Quelques dates (1904, 1917, 1940, 1957, 1961…) suffisent à évoquer pour chacun d’entre nous, à des titres divers, des épisodes difficiles, voire tragiques : des situations face auxquelles des soldats, pour des raisons plus ou moins justes, ont décidé de cesser d’obéir et ont assumé les conséquences de leur geste. Faut-il en déduire que l’obéissance est finalement, contrairement aux idées reçues, une attitude qui ne va pas nécessairement de soi au sein des forces armées ? L’obéissance serait-elle en quelque sorte devenue « relative » ?...

Il faut en premier lieu rappeler que la discipline est historiquement un impératif lié à l’efficacité au combat. Notre ancien règlement de discipline générale disait qu’elle faisait « la force principale des armées ». C’est un fait d’expérience : dans l’adversité extrême, les organisations les plus solides ont une fâcheuse tendance à se déliter. Quand les frictions, le brouillard ou le chaos semblent régner sur le champ de bataille, la cohérence de l’action de guerre ne peut reposer que sur ce qui fait le ciment de la troupe : sa cohésion et sa discipline. C’est pour cette raison qu’elle a été depuis toujours érigée en un garde-fou quasi-absolu.

Mais  ce  principe  d’obéissance  n’est  pas  (n’est  plus !)  un  principe  de soumission. Car il est tempéré depuis 1966 par un principe de responsabilité qui le complète et l’ordonne. L’ordre reçu du supérieur ne peut plus aujourd’hui exonérer la responsabilité du subordonné. Celui-ci n’est pas tenu d’accepter, encore moins d’exécuter, un ordre illégal, en particulier criminel ou délictueux. On a d’une certaine manière introduit dans les textes et formalisé un « devoir de désobéissance »

Dans l’action militaire ou dans la conduite d’une mission opérationnelle, sont désormais responsables de leurs actes à la fois celui qui ordonne et celui qui obéit. Le statut général des militaires (depuis 1972) et les règlements, mais aussi le code pénal consacrent cette disposition.

On peut ainsi considérer, selon un raccourci probablement simplificateur, que des limites ont été posées au principe d’obéissance par le principe de responsabilité. Elles sont schématiquement de deux ordres très différents l’un de l’autre :

-     La  première  est  objective ;  c’est  la  seule  qui  soit  formalisée  et explicitée par les textes ; c’est celle de la légalité ; elle est en général facile à identifier ;

-     La seconde moins formelle, est une conséquence ; c’est celle qu’on peut se fixer à soi-même27 par une sorte d’extension de la notion de responsabilité ; c’est la limite de la moralité (ou de la « conscience morale »)  des  actions  décidées  et  engagées ;  c’est  celle  de  la légitimité, dont il peut être moins simple d’apprécier le contour.

 

Quel est dès lors le véritable enjeu de l’obéissance ? Il n’est pas celui de la discipline quotidienne, en général facile et naturellement tracée. Il est finalement le suivant : un jour, au combat, il pourra arriver à chaque soldat de se poser la question « que dois-faire? Faut-il obéir ? ». Et, plus délicat encore, il pourra arriver que des subordonnés se tournent vers leur chef et lui demandent  « que  devons-nous  faire ? ».  Car  ils  seront  face  à  un cas « anormal », face à des décisions difficiles, dans des situations où le doutes’installe et où les certitudes sont dépassées.

En de telles situations, les principes précédemment posés serviront de guide, mais ils ne pourront pas, à eux seuls, déterminer les choix à faire. Car ces choix relèveront  des circonstances :  le  conjoncturel  aura  pris  le  pas  sur  le structurel ; les références pourront ne pas suffire, les bases morales ne seront qu’un point d’ancrage à partir duquel il faudra, en conscience, se déterminer. L’obéissance sera alors devenue, non plus un automatisme, par réflexe, mais une attitude raisonnée, endossée, faite d’adhésion et d’intelligence de situation partagée. Ou au contraire elle sera refusée au chef… ce qui devra alors être dûment motivé !

Est-il utile de répertorier par avance ces situations d’exceptions potentielles ? L’histoire nous en donne un certain nombre d’exemples ; avec des thèmes récurrents ou plus occasionnels comme la torture, le respect des conventions liées au droit de la guerre ou la perte de légitimité des autorités en place. D’autres sujets moins « classiques » méritent également aussi d’avoir été appréhendés en amont comme l’objection de conscience, la mutinerie ou l’interdiction du droit de grève… En sachant que les solutions « toutes faites » sont rares sur ce genre de sujets.

C’est pourtant à ces situations d’exception qu’il faut se préparer : l’intérêt d’une réflexion éthique profonde, étayée, illustrée, permanente, est précisément de se disposer à devoir faire face, le cas échéant, à des circonstances « extraordinaires » pour lesquelles les principes ne suffisent plus et les solutions ordinaires ne fonctionnent plus. C’est alors une véritable « culture de la discipline » qui doit prendre le relais pour fournir les clefs des actes à poser. Elle repose sur un apprentissage basé sur l’expérience, l’étude de cas concrets, le refus de la facilité, la connaissance des textes, une éducation à la notion de devoir, un sens des valeurs patiemment inculqué… C’est un savoir-être que l’on construit pour faire en sorte que, je jour venu, obéir ou désobéir seront le fruit d’un choix assumé, en toute légalité, en toute légitimité, en toute justice, en toute dignité.

Mais l’obéissance n’a-t-elle jamais été autre chose : une expression de la liberté de chaque individu consistant à accepter, dans un cadre donné, de soumettre son destin à la volonté et au discernement d’un homme parce qu’il est mieux armé que soi pour comprendre, choisir, décider et diriger ?

 

 

27 … sachant que certains peuvent ne pas s’en fixer !



 

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Titre : Les jeunes générations d’officiers de nouveau confrontées à des opérations de guerre...
Auteur(s) : le GCA (2S) Alain BOUQUIN
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