Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

Peuples et populations dans La conduite de la guerre, une approche historico-militaire 3/4

La guerre au milieu des peuples : exemple de l’opération Atlante - Revue militaire générale n°55
Histoire & stratégie
Saut de ligne
Saut de ligne

L’opération Atlante, occupe une place singulière dans la guerre d’Indochine. Lancée en 1954, elle constitue la première phase du plan Navarre qui devait permettre à la France de trouver une sortie honorable à un conflit qui n’avait que trop duré. En six mois de campagne, Atlante devait reconquérir le Lien Khu V, région située au Centre Annam entre Nha Trang et Tourane (actuel Da Nang). Peuplée de deux millions de personnes cette région était administrée par le Viêt-minh depuis 1945.


Pour les troupes de l’Union française, il s’agissait de détruire ce centre de résistance ennemi et d’engager la toute jeune armée vietnamienne dans la reconquête de son propre sol en permettant à l’administration vietnamienne de s’implanter dans le sillage des troupes. Atlante représente une opération complexe, qui coordonne des actions militaires, civiles et politiques. Elle fait appel à des mécanismes économiques complets visant notamment au rétablissement du commerce et à la stabilisation de la monnaie. Elle permet également le déroulement d’actions régaliennes, comme le recensement, l’instruction des enfants, les soins médicaux et la protection des installations par le développement de milices d’auto-défense. Enfin, elle vise à extirper la présence Viêt-minh en effaçant toute trace de son armée et de son administration.

Atlante procède en deux phases : la conquête et la pacification qui reposent sur des mécanismes très différents.

La conquête vise à s’emparer de la zone et à détruire le potentiel de combat de l’ennemi. Elle se situe sur le spectre haut de la violence et nécessite des unités robustes toutes orientées vers l’action de guerre. Ces unités maintiennent des liens très limités avec la population pour des raisons de peur d’un côté et de protection et de fluidité de l’autre.

La pacification repose sur un temps beaucoup plus long, au cours duquel on va chercher à créer beaucoup de liens avec la population pour la rassurer, l’assister, la faire adhérer et en tirer tous les renseignements nécessaires permettant d’extirper l’ennemi de la zone. Ceci nécessite alors d’engager d’autres unités spécialisées qu’il faut recruter, trier et former.

Plus que la conquête d’un territoire, l’enjeu d’Atlante était bien celle des peuples. C’est un trait intemporel que l’on retrouve dans beaucoup d’autres conflits, comme en Afghanistan ou aujourd’hui au Mali : trouver comment une armée peut reconquérir un peuple.

Il est d’abord nécessaire de le protéger. Pour ne pas diluer ses moyens à garder des sites de plus en plus nombreux, le mieux est de détruire, voire au pire, de neutraliser le potentiel de combat de l’adversaire. Facile à dire, beaucoup plus complexe à réaliser ! La protection passe par le déploiement de postes, de tours de gardes et d’unités déployées au plus près des gens. Ce maillage fixe est ensuite complété par des missions mobiles et dynamiques faites de patrouilles, de reconnaissances et d’embuscades laissées sur les itinéraires fréquentés par l’ennemi. Tous les jours les forces doivent se mettre à l’ouvrage pour que l’adversaire ne se réimplante pas de nuit dans ses anciens sanctuaires.

Il est ensuite nécessaire d’éradiquer les réseaux et les infrastructures de l’ennemi. En effet, toute unité de combat doit disposer de zones d’impunité où elle peut se cacher pour échapper à ses poursuivants, trouver de la nourriture, de l’eau, des munitions, de quoi soigner ses blessés et se coordonner avec les autres unités. Trouver et détruire ce réseau de caches mobilise beaucoup d’énergie et de troupes.

Pour affaiblir l’ennemi, il faut également porter le fer dans son camp, par des coups de main sur les zones qui lui sont chères, afin de lui montrer que l’impunité n’existe pas et que tout ralliement à lui n’est pas synonyme de sécurité et de paix. Tout ceci nécessite des unités particulières, de type commando.

L’étude historique montre que dans ce type de conflit, pratiquement 80 % de la population est neutre, ne demandant qu’à basculer dans un camp ou dans un autre, pourvu qu’elle y gagne en sécurité et en prospérité. L’ennemi quadrille cependant cette population. Il la maintient sous pression, en l’endoctrinant et en forçant son autorité, par l’assassinat des notables ralliés, le recouvrement de son impôt et l’application de sa justice, le plus souvent la nuit.

Le but ultime de la pacification consiste à rallier les personnes, c’est-à-dire les transformer en supporters pro-actifs. Le mécanisme du ralliement en constitue le coeur. Pour rallier, il faut être attractif et faire adhérer : montrer que la cause est juste, que la vie est meilleure et faire croire en la victoire inéluctable. Il ne faut jamais perdre de vue que ce choix est quasi irréversible, car le rallié s’est condamné à mort vis-à-vis de l’ennemi, lui-même et sa famille. La pacification n’admet donc aucun retour en arrière, ni abandon, ni changement de cap. Il s’agit d’un mode d’action très lourd de conséquences qui demande des garanties politiques solides. Revenir sur sa parole, c’est trahir, car on ne peut jouer avec la vie de ceux qui nous font confiance. C’est un point fondamental qui explique en grande partie l’attitude d’une fraction de l’armée française qui refusa un second abandon durant la guerre d’Algérie.

Parmi les modalités techniques, une des questions clés consiste à savoir comment être sûr de la sincérité du ralliement et comment débusquer les agents infiltrés. Lors d’Atlante, un centre de transit avait été spécialement créé pour évaluer la sincérité du ralliement. Au bout du processus, le suspect pouvait être interné, libéré dans la vie civile ou incorporé dans une unité supplétive. Le processus semble simple, mais il est tout d’exécution ! C’était le rôle majeur des agents civils, sélectionnés pour leur probité et parfaitement entraînés. Les gouverneurs de province bénéficiaient d’unités adaptées, les GAMOs (Groupes Administratifs Mobiles Opérationnels), formés pendant près d’un an dans une école adaptée. Ces unités regroupaient des agents administratifs, médicaux, enseignants et policiers enquêteurs, notamment pour conduire les interrogatoires. C’était un monde de professionnels dont la somme des compétences permettait de faire repartir une administration de qualité, intègre et fidèle. Le succès fut sans appel, à tel point que les dix GAMOs formés furent très nettement insuffisants.

Les suivants furent montés sur le tas, aboutissant à la tonte en règle de certaines provinces ; effets déplorables, plus efficaces pour le Viêt-minh que sa propre propagande
! Une opération de pacification ne s’improvise donc pas.

Séparateur
Titre : Peuples et populations dans La conduite de la guerre, une approche historico-militaire 3/4
Auteur(s) : Le général de corps d’armée Michel GRINTCHENKO
Séparateur


Armée