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Poser le cadre d’une réflexion

sur les principes de la guerre à l’horizon de 2035
Engagement opérationnel
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Dans le domaine de l’art et de la science de la guerre, les théoriciens européens se sont intéressés dès l’Antiquité, à la recherche de règles fondamentales permettant au stratège et au tacticien de prendre l’ascendant sur un adversaire. S’inspirant les uns des autres au fil des siècles, ils ont contribué à l’émergence d’un corpus commun, que chaque nation décline aujourd’hui en fonction de sa culture militaire propre. Les principes de la guerre peuvent tout autant être entendus comme des préceptes de la stratégie et des préceptes de la manœuvre.


Ce champ dual, à la fois politique et opérationnel, incite à les comprendre, soit comme des invariants, c’est-àdire des lois intemporelles et universelles, soit comme des règles d’action conjoncturelles, interprétables en fonction de contingences techniques, temporelles et spatiales. La pratique montre que les différences de cultures militaires et de style de commandement, les enjeux, le niveau, les spécificités et le contexte d’un engagement, conduisent généralement à une application très variable de ces principes. Par ailleurs, après une période marquée, pour ne pas dire figée, par des modes opératoires spécifiques développés dans le contexte des opérations de stabilisation, il est très probable que l’extension et le durcissement des conflits actuels ne fassent que préfigurer les défis que soulèveront nos engagements futurs.

 

La typologie des adversaires probables, la porosité des champs d’affrontement, les évolutions sociétales et culturelles, qui constituent déjà des grandes tendances observables, auront très vraisemblablement dans un avenir proche, des conséquences, tant sur la façon de vaincre au combat, que sur les conditions nécessaires à l’obtention d’une paix durable. Même si l’on présuppose que la nature de la guerre ne changera pas fondamentalement, notre compréhension de ce que pourraient être, à un horizon de vingt ans, le contexte stratégique et l’environnement opérationnel de nos forces, suscite cependant une interrogation légitime sur la pertinence des principes aujourd’hui admis dans les forces occidentales et l’armée française en particulier.

 

L’anticipation de l’émergence imminente de nouvelles technologies, potentiellement disruptives, invite en outre à s’interroger sur la pérennité des principes fondamentaux encadrant la doctrine française depuis la fin du XIXe siècle. La compréhension de ces principes, régulièrement remis en question ou complétés, est donc aujourd’hui parfois confuse et leur enseignement, à tous les niveaux de la formation des décideurs militaires, souvent malaisé.

 

Le forum international de juin 2019 et sa préparation ont ainsi constitué une excellente opportunité pour faire un point sur  ce qu’il est admis d’appeler les principes de la guerre et se prêter à un questionnement multiple. Que recouvrent réellement aujourd’hui ces fameux principes, en France et à l’étranger ? Quelles sont leur portée et leur utilité opérationnelle ? L’analyse des conflits récents valide ou infirme-t-elle leur actualité ? Permettent-ils de raisonner aussi bien la guerre en haute et en basse intensité ? Autrement dit, les principes actuels sont-ils des outils suffisants et adaptés pour concevoir et conduire les opérations aéroterrestres d’aujourd’hui, anticiper celles de demain ?

 

Loin de pouvoir répondre affirmativement et précisément à toutes ces interrogations, le forum a néanmoins mis en évidence la nécessité de conduire sans tarder, une réflexion approfondie sur les principes fondamentaux nourrissant notre doctrine et surtout sur leurs procédés d’application. Les travaux à venir devront donc porter sur la détermination des effets décisifs à réaliser dans une manœuvre aéroterrestre au milieu des peuples dans le futur, la réinterprétation éventuelle des principes actuels ou la définition de nouveaux préceptes et leurs combinaisons possibles. Les conclusions proposées seront déterminantes, car elles permettront d’anticiper et d’orienter les modalités de formation, d’entraînement et d’emploi des forces terrestres dans un contexte stratégique, technologique, sociétal et opérationnel vraisemblablement très différent de celui qui a caractérisé les opérations conduites par l’armée française durant les trois dernières décennies.

 

Les principes de la guerre : de quoi s’agit-il  et  pour  quoi faire ?

Le terme princeps en latin signifie à la fois commencement (la cause première, le fondement d’un raisonnement ou d’une science) et commandement (par abstraction, ce qui ordonne la pensée). De manière générale, on en retient usuellement qu’un principe est une proposition fondamentale, une loi ou une règle définissant un phénomène dans un domaine d'études. Il peut également s’agir d’une hypothèse servant de base à un raisonnement et définissant un mode. Entendu sur le plan moral, il s’agit d’une règle d'action, ce qui prescrit ce qu'on doit faire. En sciences physiques, il s’agit d’un énoncé à portée très générale servant de point de départ à une partie d’un raisonnement.

Le glossaire de l’armée de Terre (ex TTA 106) de 2013 définit le principe de la façon suivante : il « permet de cerner une posture intellectuelle, une attitude, une façon d’être. De l’ordre de la substance, de l’essence, du fondamental, il doit reposer sur du structurel. Enraciné dans l’absolu, il est permanent ».

 

La doctrine interarmées française énonce actuellement, au travers du concept d’emploi des forces (CEF) de 2013, trois principes majeurs : la liberté d’action, l’économie des forces, la concentration des efforts. Ces principes, inspirés des études du futur maréchal Foch à la fin du XIXe, sont repris et complétés dans le glossaire de l’armée de Terre par ceux définis à la fin du XXe par l’amiral Labouérie : l’incertitude et la foudroyance.

 

Ces derniers n’ont toutefois pas fait l’objet d’une actualisation dans les documents doctrinaux antérieurs des forces terrestres, qui ne mentionnent encore aujourd’hui que les trois premiers. Le corpus doctrinal de l’armée de Terre constitue un référentiel essentiel permettant aux décideurs, à tous les niveaux, de concevoir un emploi des forces terrestres approprié à chaque contexte. Les documents fondateurs de ce référentiel précisent les conditions nécessaires pour atteindre des buts spécifiques à chaque type d’engagement et contribuer ainsi à l’atteinte du succès stratégique. La doctrine précise les effets pouvant être réalisés sur l’adversaire et sur le milieu, formalise les modes d’action possibles et les missions pouvant être confiées aux forces terrestres.

 

Elle est fondée sur des principes supposés invariants, visant à organiser les moyens et encadrer les procédures permettant de conduire l’action. Son enseignement permet de diffuser une manière commune de comprendre, de raisonner et d’agir de façon collective sur le plan opérationnel. Ces principes, tirés de l’expérience ou de l’histoire et communément regroupés sous le vocable de « principes de la guerre », constituent donc des notions essentielles. Ainsi que le souligne l’amiral Labouérie au début des années 1990, « la comparaison d’expériences historiques aussi nombreuses et aussi variées que possible doit permettre de dégager des lois (pour les dogmatiques) des constantes ou au moins des régularités (pour les relativistes). Ces lois, constantes ou régularités vont devenir des principes à valeur permanente et qui fondent tout l’art de la guerre. »

 

Il est au passage important de distinguer les termes parfois mal compris de « principe » et de « procédé ». L’amiral Castex définissait ainsi le principe comme un « mouvement intellectuel et pratique irriguant tous les procédés d’exécution ». Labouérie invite donc à bien distinguer les principes des procédés génériques. « Le principe permet de cerner une posture intellectuelle, une attitude, une façon d’être, alors que les procédés ont pour but la recherche d’un effet. ». Les principes renvoient donc à la conception de l’action et à ses objectifs à atteindre, tandis que les procédés renvoient à sa mise en œuvre et à l’emploi des moyens.

 

Aujourd’hui, au-delà de leur aspect purement référentiel, les principes constituent dans le domaine des méthodes de raisonnement opérationnel, une grille d’analyse permettant d’évaluer une décision. Considérés comme un crible analytique, les principes forment des critères permettant de valider ou d’infirmer une option ou un mode opératoire, de considérer rationnellement une prise de risques ou une opportunité potentielle. Toutefois, leur lecture et leur application ne peuvent être dogmatiques. L’étude d’engagements passés montre en effet que leur application simultanée est souvent difficile, voire irréalisable, de par leur interdépendance même. La concentration des efforts est par exemple impossible si la liberté d’action est trop entravée et/ou si l’organisation des forces est inadaptée.

 

Le succès opérationnel repose donc généralement sur une application variable, séquencée dans l’espace et dans le temps de ces principes. Au travers de cette grille d’analyse, le retour d’expérience peut ainsi permettre de démontrer qu’une opération s’est soldée par un échec, par défaut d’application raisonnée de tout ou partie de ces principes. En revanche, démontrer a posteriori le succès d’une opération au travers de cette seule grille reste paradoxalement plus subjectif et globalement insatisfaisant. Disposer d’une liste de grands principes et un inventaire de procédés à suivre ne constitue donc pas une condition exclusive garantissant la victoire. Ces derniers n’étant en effet que des recommandations pratiques enseignées par l’expérience, il importe de les comprendre plus simplement et sans dogmatisme, comme étant des axes d’orientation, permettant au stratège et au tacticien de décider face à l’adversité, l’altérité, la complexité et l’incertitude. Dans ses conférences à l’École de guerre, Foch comparait ainsi les principes à des « feux de pâtre allumés sur la côte orageuse pour guider le navigateur incertain ».

 

Les deux documents de référence que constituent le concept d’emploi de forces et le document prospectif Action terrestre future (ATF) publié en 2016, complètent donc les principes cités supra par des facteurs de supériorité opérationnelle (FSO). Le CEF en reconnait cinq, tandis que les rédacteurs d’ATF en déterminent huit. Ces FSO sont définis comme étant des qualités ou des aptitudes, permettant d’obtenir l’ascendant sur un adversaire et contrairement aux principes, ne sont pas des invariants.

 

Ils peuvent donc évoluer dans le temps et dans l’espace en fonction du contexte, du milieu et de la technique. Les FSO, initialement conçus dans une logique capacitaire, trouvent ainsi un intérêt particulier dans le domaine de la prise de décision opérationnelle. Ils permettent en effet, combinés aux principes, de faciliter le raisonnement portant sur des effets à obtenir sur l’adversaire, sur nos propres capacités et sur l’environnement, et donc d’en déduire des articulations et des procédés d’exécution adaptés à chaque contexte.

 

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Titre : Poser le cadre d’une réflexion
Auteur(s) : CDEC
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