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Sciences cognitives et organisation des postes de commandement 1/2

cahier de la pensée mili-Terre
Sciences & technologies
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Les sciences cognitives sont souvent considérées comme un effet de mode, voire une affaire de quelques spécialistes. Elles ont pourtant déjà révolutionné nombre de domaines et sont en pleine expansion. L’armée de Terre, qui a su prendre le virage de la numérisation, pourrait, et saurait-elle, tirer profit de ce nouveau champ d’évolution? Si oui, quelles découvertes cognitives seraient susceptibles de peser demain sur les structures de commandement? C’est à ces questions, et à beaucoup d’autres, que les auteurs de cet article tentent de répondre.


Dans Action terrestre future, document prospectif destiné à l’emploi optimum des forces dans l’avenir, l’armée de Terre identifie la «performance du commandement» comme un facteur fondamental de la supériorité opérationnelle. Celle-ci est ainsi caractérisée: «La performance du système de commandement doit assurer la direction optimisée des opérations par la prise en compte de quatre impératifs interdépendants […]: l’intelligence des situations, l’accélération des décisions, la plasticité des organisations et la réduction des vulnérabilités».

Les trois premiers impératifs font référence à des thèmes abordés par une discipline autrefois discrète, mais de plus en plus citée aujourd’hui: les sciences cognitives. Parce qu’elles ont l’attrait de la nouveauté, elles sont porteuses d’une attention, d’une attente, sinon d’un espoir, qui se révèlent dans la multiplication des références qui leur sont faites, en particulier dans le domaine de la défense[1]. Une étude prospective de l’ANR[2] affirme à cet égard que «la cognition [sera] au cœur des révolutions technologiques et sociétales».

Toutefois, comme tous les scientifiques, les cognitivistes ont élaboré un vocabulaire, des concepts et des écoles qui se complètent souvent, s’affrontent parfois mais qui, passées les doctes postures de ceux qui les citent, n’en disent pas toujours plus à qui les écoute. Reconnaître que ces recherches, à l’ère de l’hyper-information qui prévaut aujourd’hui, sont en vogue et riches de potentiel ne les rend pas moins hermétiques ou fantasmées. En effet, il existe aussi une friction sur le champ de bataille scientifique: au carrefour des sciences de la vie, des sciences humaines et sociales et des sciences logiques, les cognitivistes tentent parfois de découvrir une théorie du tout qui s’ancrerait dans l’objectivité des sciences exactes. Si la richesse (et la diversité, parfois conflictuelle) des théories cognitives est réelle, celles-ci ne sont pas directement transposables en réalités militaires. Un effort d’analyse critique, et sans fascination, est donc nécessaire pour exploiter cette richesse et en tirer des enseignements doctrinaux et stratégiques utiles.

Les postes de commandement (PC), animés d’une intention et nourris d’informations, sont ontologiquement cognitifs et peuvent être vus comme des systèmes de décision[3]. Dès lors, quelles découvertes cognitives seraient susceptibles de peser demain sur les structures de commandement? Les sciences cognitives ne resteront-elles qu’un effet de mode qu’il est permis de négliger, ou faut-il au contraire éviter le jugement péremptoire d’un Foch jugeant l’aviation avant 1914 et repenser impérativement les organisations des PC avant qu’une rupture n’intervienne, offrant à qui l’anticipera une supériorité incontestable?

Il est probable que, comme toutes les sciences, les sciences cognitives continueront de s’approcher de l’objectivité sans jamais y parvenir; elles n’apporteront sans doute pas la révolution qui débouchera sur une domination militaire par la seule réorganisation des systèmes de commandement. De fait, qui peut croire encore qu’il suffirait de quelques bonds technologiques pour annuler le brouillard de la guerre? En revanche, comme pour toutes les avancées scientifiques, il sera profitable de déterminer quelles améliorations significatives les découvertes cognitives apporteront à ce qui constitue, quelle que soit la submersion de l’information, la raison d’être du commandement militaire: transformer l’intention en action. 

Aussi, il sera proposé dans un premier temps une définition des sciences cognitives, de sorte qu’il soit possible d’en déduire les opportunités et les limites pour les systèmes de commandement et déboucher ainsi sur la proposition de quelques applications pour l’avenir.

 

Les sciences cognitives: de quoi s’agit-il?

Les sciences cognitives, ou sciences de la cognition, trouvent leur origine dans le «cogito» («je pense») rendu fameux par René Descartes. Elles sont éminemment liées à l’usage de la pensée, et leur étymologie s’enracine dans le substantif «cognitio» qui signifie en latin la «faculté de connaître». Aussi ont elles «pour objet de décrire, d’expliquer et, le cas échéant, de simuler les principales dispositions et capacités de l’esprit humain – langage, perception, coordination motrice, planification…»[4].

  • Origine des sciences cognitives

Expliquer et formaliser l’esprit a constitué une des ambitions originelles de la philosophie. Considérée comme propre à l’homme dès les présocratiques, la pensée est apparue comme la clé d’un usage conscient et sage de la liberté humaine. Dans le sillage de la Renaissance, les philosophes «rationalistes», emmenés par Descartes, Spinoza, Newton et Leibniz, ont jeté les bases scientifiques de l’ère moderne en interprétant la pensée comme un phénomène logique et décomposable. L’étymologie en répond: la «ratio» latine correspond à la faculté de compter, d’organiser et d’ordonner. Le «logos» grec renvoie à la parole, en particulier à sa nature explicative et démonstrative. Ces notions presque synonymes ont fait école, de Kant à Comte, nourrissant la volonté de dissocier la complexité en concepts plus élémentaires, clairs, distincts et assurés, qui se scindent à leur tour jusqu’à atteindre des idées simples, des «atomes» en somme. Selon cette approche, la raison consiste alors en la manière d’associer ces «atomes» selon des règles séquentielles, produisant ainsi la matière qu’est la pensée.

Au XIXème siècle, George Boole poursuivit cette mécanisation de la pensée en inventant le «calcul symbolique». Celui-ci s’efforce de traduire des opérations logiques (ou, et, si… alors…, etc.) en actions algébriques simples composées de 0 ou de 1. En 1936, Alan Turing, mathématicien britannique, inventa la célèbre machine éponyme, modèle abstrait de l’ordinateur, qui décompose tout problème mathématique calculable par l’homme en une suite d’opérations simples. John von Neumann, quant à lui, jeta les bases de la conception des ordinateurs modernes en différenciant le programme des données de calculs.

Parallèlement, des découvertes importantes en neurologie contribuèrent au progrès de la compréhension du cerveau. Alcméon de Crotone avait d’ailleurs posé les bases d’un consensus rarement remis en cause depuis l’Antiquité, identifiant le cerveau comme le siège de la raison: les avancées scientifiques modernes lui donnèrent, sans surprise, raison. Entre autres, Paul Broca localisa le centre du langage dans le lobe temporal gauche, et le neurone fut découvert par un chercheur espagnol, Santiago Ramón y Cajal. L’Allemand Korbinian Brodmann publia à son tour en 1909 la première cartographie du cerveau, toujours utilisée aujourd’hui.

L’après-guerre vit la naissance de la cybernétique. Sous l’impulsion du mathématicien N. Wiener et du neurophysiologiste W. McCulloch, des mathématiciens, des psychologues, des sociologues, des linguistes, mais aussi des anthropologistes participèrent à des sessions interdisciplinaires[5] pour dégager les principes qui régissent les systèmes, qu’ils fussent vivants ou non-vivants. Tout-à-fait dans l’esprit de Descartes qui «ne [connaissait] aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose»[6], le but était alors non seulement de développer une analogie entre les machines et les organismes vivants[7], mais également de faire converger les échanges entre spécialistes de disciplines distinctes. Trois idées principales s’en dégagèrent: la possibilité d’associer le calcul et le signal électrique, la notion de système – qui traite des données et produit un effet –, et enfin le pilotage par rétroaction[8], qui permet de réguler les systèmes.

Mais c’est en 1956 que les sciences cognitives furent portées sur les fonts baptismaux, lorsque fut organisée à Darmouth, au Canada, une première conférence consacrée à l’intelligence artificielle dans le but de copier et simuler l’intelligence humaine. On lui donna pour nom: «cognition». Différentes disciplines s’efforcèrent alors de lui attribuer des contenus et des orientations spécifiques: notons, parmi d’autres, la linguistique, l’anthropologie, la psychologie, les neurosciences, la philosophie ou encore l’intelligence artificielle…

Les sciences cognitives ont depuis connu des avancées notables, en partie grâce au progrès de l’informatique (capacités et réseaux neuronaux), de la robotique, et enfin de l’imagerie cérébrale. Différents courants se complètent aujourd’hui, et parfois divergent. Pour les partisans du cognitivisme, le cerveau est comparable à un système de traitement de l’information qui manipule séquentiellement des symboles selon des règles précises. Dans cette optique, du moment que l’on connaît les processus mentaux, il est possible d’en déduire ce dont un système est capable et pourquoi. Le connexionnisme considère que l’esprit humain est modélisable par un système constitué d’ensemble d’unités interconnectées et opérant en parallèle, qui correspondent fonctionnellement – et grossièrement – à des neurones. Les performances du réseau sont évaluées en continu par des boucles rétroactives. Un courant plus récent enfin, l’énactivisme, qui remet en cause la logique purement rationaliste du cognitivisme, se fait le défenseur du dynamisme incarné, autrement appelé l’énaction. Cette école estime en particulier que la cognition est un phénomène temporel qui ne permet pas de distinguer l’esprit de l’organisme (il ne peut y avoir de séparation entre le corps et le cerveau, car les émotions sont incarnées) et de son interaction avec l’environnement.

  • Définition des sciences cognitives: modéliser la pensée?

Les sciences cognitives ne sont pas une science unitaire, car elles réunissent plusieurs disciplines autour d’un but commun. Elles peuvent être définies comme l’ensemble des connaissances et des études dédiées à la modélisation des processus par lesquels un système[9] (vivant ou non) aboutit, à partir d’informations réelles et de l’expérience, à une décision qui induit un comportement. Les grands domaines traités par les sciences cognitives se rapportent donc aux fonctions que sont la perception, le comportement, la mémoire, le langage, le raisonnement, les émotions, l’attention, l’apprentissage, la conscience, la communication, les interactions, soit tout ce qui rend compte d’une activité mentale. Plus concrètement, elles se donnent comme finalité de modéliser, c’est-à-dire de comprendre et décrire le fonctionnement des systèmes de traitement de l’information. On les distingue selon plusieurs types.

La compréhension des mécanismes du cerveau humain[10] arrive chronologiquement en première place. Le cerveau, au centre du système nerveux (le commandement de l’organisme), est constitué par un réseau de plus de 85 milliards de neurones et autant de cellules gliales, qui communiquent par des stimuli électriques et chimiques. Ils prennent à chaque milliseconde des millions de mini-décisions qui ébauchent une pensée. La mémorisation de l’information, pour laquelle il existe des structures cognitives variées et complexes (schémas, plans, scripts…), joue un rôle important dans les processus de raisonnement. On distingue de façon simple la mémoire à court terme[11], dont les informations sont disponibles rapidement, et la mémoire à long terme où réside tout le reste de l’information. La charge cognitive, soit la quantité d’informations que peut traiter et supporter le cerveau, est limitée; la maîtrise de tâches complexes passe alors par un apprentissage. Les mécanismes du cerveau sont de plus affectés par la durée de réflexion, son histoire, son interaction avec l’organisme et son environnement (émotions, culture), ainsi que par de nombreux biais cognitifs. Les avancées en neurologie ont été importantes ces dernières décennies, comme le décrit un rapport parlementaire récent[12]. Ainsi, la cartographie du cerveau est-elle de plus en plus précise; un groupe de chercheurs a récemment identifié 180 régions distinctes du cortex, dont 97 n’avaient jamais été décrites[13].

Sont étudiées ensuite les interactions entre individus et entre sociétés. À la naissance de la théorie des organisations, ces dernières étaient assimilées à des machines, notamment par Adam Smith. Elles sont désormais considérées comme des ensembles de relations interpersonnelles structurées en réseau: les individus représentent des nœuds, et les informations échangées des flux. Afin de rendre plus efficiente les organisations, le management tente d’améliorer le travail en groupe en s’appuyant sur des approches cognitives telles que les approches comportementales du Britannique Meredith Belbin[14], ou les process-communication de Taibi Kahler[15] et, enfin, la programmation neuro-linguistique[16]

Enfin se pose la question des machines. Les ordinateurs peuvent traiter des informations numériques nombreuses et de grandes tailles et disposent de capacités de calcul, de traitement et de stockage bien supérieures à celles de l’être humain. L’intelligence artificielle tente aujourd’hui d’atteindre et de dépasser les capacités de raisonnement du cerveau. Ainsi le machine learning permet-il de prédire des valeurs à partir de données (trop importantes en quantité pour être évaluées par le cerveau) qui lui servent d’exemples. Initialement conçue avec une vision computationnelle, cognitiviste, l’intelligence artificielle utilise aujourd’hui des structures de type «réseaux de neurones»: le deep learning. Le fonctionnement de celui-ci est calqué sur celui du cerveau humain, capable d’apprendre à partir de données brutes. On le retrouve entre autres dans le domaine de la reconnaissance vocale ou faciale et dans le traitement de texte. Cette intelligence artificielle, connectée aux capacités de la robotique, permet désormais d’effectuer des tâches autrefois dédiées aux hommes grâce aux systèmes experts. Par exemple, un robot, Vital, siège aujourd’hui au conseil d’administration de la société hongkongaise Deep Knowledge Venture depuis 2014[17]. Les avancées de l’intelligence artificielle «forte», consciente, capable de se représenter elle-même dans son environnement, nourrissent les fantasmes d’un robot humanoïde prenant son autonomie. Sur un autre plan, le rapport de l’homme à la machine (interface homme-machine, «l’IHM») mérite d’être étudié également: l’apprentissage du service et l’utilisation de la machine requièrent de la part du cerveau une charge cognitive souvent non négligeable, parfois supérieure à celle que nécessiterait la tâche sans machine.

  • De la modélisation[18] des PC comme systèmes cognitifs

Les PC peuvent être considérés comme des systèmes[19] de décision. Les armées ont toujours cherché, pour l’emporter sur l’ennemi, à décider plus vite et mieux. Les états-majors sont nés à la fin du XVIIIème siècle, initialement pour organiser les détails d’exécution de la décision des chefs; puis ils ont évolué pour permettre aux chefs de percevoir et synthétiser plus rapidement

une masse exponentielle d’informations, dont il fallait pourtant déduire les manœuvres appropriées. Ainsi se sont formalisés les postes de commandement modernes, permettant de combiner l’analyse des conseillers à l’intention du chef pour aboutir à une décision. Afin de permettre une prise de décision efficiente et rapide par le PC, modéliser le raisonnement qui aboutit à un choix apporte un éclairage analogique. Aussi, si l’on s’intéresse à la cognition des systèmes de commandement, on peut distinguer trois couches correspondant aux trois principaux courants des sciences cognitives : cognitivisme, connexionnisme et énactivisme.

Le fonctionnement d’un PC peut être considéré comme celui d’un système manipulant séquentiellement des symboles (schémas tactiques, symboles tactiques, termes issus de glossaires, acronymes, etc.), suivant des règles précises : doctrine, règlements, principes. Le processus décisionnel consiste en une succession logique d’étapes, elles-mêmes décomposables en sous-étapes. L’environnement, la situation et la mission reçue sont perçus et analysés par différents capteurs, humains ou non. L’état-major effectue à proprement parler un raisonnement, et propose au chef des options. Ce processus est cyclique, et se renouvelle en fonction des évolutions de la situation. Les armées formalisent ce processus en doctrine, selon des principes conceptuels et des enseignements historiques. La simple boucle OODA (observe orient decide act, modèle décrit par le colonel John R. Boyd, de l’US Air Force, pour le duel aérien) et la complexe méthode de planification otanienne, la COPD[20], développée dans le cadre d’une approche globale en disposant de moyens technologiques avancés, en sont des exemples. Cette vision cognitiviste du PC a fait école, car elle permet de déterminer des options rationnelles et donc rassurantes pour les décideurs. Néanmoins, elle rend le PC prédictible : si l’on connaît la doctrine de l’adversaire, on peut estimer ses modes d’actions.

Les PC ont adapté leur structure au gré des besoins, jusqu’à adopter une organisation matricielle croisant hiérarchies et branches fonctionnelles, et intégrant les nouvelles technologies, en particulier la numérisation. La mise en réseau de tous les niveaux de commandement par l’intermédiaire de systèmes de communication permet des coordinations ad hoc : les réunions de travail réunissent des participants issus de différentes cellules, il est primordial de bien définir les modalités de ces réunions (« comitologie »), et principalement les responsabilités de chaque intervenant, à l’image des matrices RACI[21]. La maîtrise de l’information dans le cadre d’une approche globale devient donc la clé de voûte du fonctionnement de l’état-major : comment accéder aux données, sélectionner l’information pertinente, et la diffuser, malgré les contraintes de confidentialité. L’OTAN a ainsi conceptualisé le Knowledge development, repris par le CICDE dans une réflexion doctrinale interarmées (RDIA-004 du 18 juin 2010), et développé l’outil TOPFAS[22]  pour faciliter la planification. Le feedback est également présent avec le contrôle (performance des actions), le retour d’expérience et le pilotage, qui permettent au PC d’être conscient et de s’adapter. Cette vision connexionniste du fonctionnement du PC permet d’appréhender la simultanéité du travail des différentes cellules, ainsi que les problématiques de stockage, de flux et d’accès à l’information.

Les états-majors sont composés d’êtres humains : les aspects liés à l’énaction leur sont donc inhérents. La perception de l’environnement, rendue difficile par la friction et la complexité des conflits, influe sur l’évaluation des situations. Les heuristiques propres à l’humain et au groupe sont chargées de subjectivité et biaisent les raisonnements. Il est alors possible de les modéliser en partie, mais l’ensemble des processus cognitifs liés aux émotions (stress, fatigue, empathie, peur, etc.) reste encore méconnu. Les mécanismes de prise de décision sont de plus influencés par l’expérience des états-majors, leur culture, les valeurs partagées. La personnalité du chef, enfin, influe à l’évidence sur la décision : il oriente la planification, définit les critères de comparaison et choisit l’option qui lui paraît in fine la meilleure, ce qui n’implique pas qu’elle soit la plus objective.

Les processus des états-majors sont donc en partie modélisables : les approches cognitiviste et connexionniste décrivent l’organisation et le fonctionnement théoriques de l’état-major. L’approche énactiviste, quant à elle, permet de prendre en compte l’homme : en pratique, parce qu’il est composé d’êtres humains, aucun état-major n’applique totalement les méthodes. Cette modélisation – certes partielle – semble pouvoir permettre, grâce aux nouvelles technologies issues des progrès des sciences cognitives, de rendre les états-majors plus rapides et efficients. La condition essentielle pour améliorer son efficacité est la conscience de l’état-major, c’est-à-dire sa capacité à se représenter, à se décrire soi-même.

 

 

[1] Pour le CICDE, «les sciences cognitives, qui s’intéressent aux grandes fonctions mentales comme la perception, la mémoire, le raisonnement, la communication, etc., devraient pouvoir contribuer à augmenter la quantité d’informations exploitable par les soldats et leur encadrement. Cette capacité pourrait avoir un impact sur l’organisation du commandement sur la capacité de prise de décision et sur l’autonomie des équipes sur le terrain». (Réflexion prospective interarmées «Environnement opérationnel futur 2035» du 23 mai 2016, p.15)

[2] (PIRSTEC, Prospective interdisciplinaire en réseau pour les sciences et technologies cognitives, 2010)

[3] Le poste de commandement est constitué deux entités: le chef et son état-major. Il revient au premier de trancher et de décider en fonctions des analyses et des recommandations qu’élaborent le second.

[4] Andler, 1989

[5] Ce sont les conférences Macy, du nom de la fondation qui les organisa. Au nombre de 10, elles eurent lieu aux Etats-Unis de 1942 à 1953.

[6] Dans Descartes, «Principes de la philosophie», 4è partie, § 203

[7] Dans un contexte post guerre mondiale, d’aucuns espèrent pouvoir influer sur les sociétés en «programmant» les individus.

[8] Anglicisé de nos jours sous le terme de «feedback», compris comme l’effet qui agit sur sa cause.

[9] Jean-Louis Le Moigne (spécialiste français de la systémique) définit un système comme «un objet, qui, dans un environnement, doté de finalités, exerce une activité et voit sa structure interne évoluer au fil du temps, sans qu’il perde pourtant son identité unique».

[10] Voir à ce sujet le site www.lecerveau.mcgill.ca

[11] La capacité de rétention de cette mémoire à court terme est décrite par G.A. Miller en 1956 (The magical number seven plus or minus two: some limits on our capacity for processing information. Psychological Review - 63, pp. 79-81) : elle contient à peu près sept «morceaux» d’information en même temps et peut en utiliser deux directement.

[12] Claeys & Vialatte, 2012

[13] Glasser, Coalson, & Robinson, 2016

[14] Le psychosociologue Meredith Belbin a décrit il y a une vingtaine d’années neuf rôles clés nécessaires au bon fonctionnement d’une équipe.

[15] Le psychologue américain Taibi Kahler a travaillé avec la NASA sur le recrutement des astronautes au début des années 70 et en a déduit une classification des types de personnalités, ainsi qu’une méthode pour réduire les problèmes de communication entre personnes.

[16] Méthode qui permet d’agir sur les comportements au moyen du langage, développée au début des années 70.

[17]http://www.latribune.fr/technos-medias/20140516trib000830445/un-entreprise-nomme-un-robot-a-son-conseil-dadministration. html

[18] La modélisation est définie par le centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS comme une «opération par laquelle on établit le modèle d'un système complexe, afin d'étudier plus commodément et de mesurer les effets sur ce système des variations de tel ou tel de ses éléments composants» (Giraud-Pamart Nouv. 1974). Le modèle est quant à lui défini comme un «système physique, mathématique ou logique représentant les structures essentielles d'une réalité et capable à son niveau d'en expliquer ou d'en reproduire dynamiquement le fonctionnement» (Birou 1966).

[19] Voir définition supra.

[20] Comprehensive operations planning directive

[21] L’acronyme RACI (responsible, accountable, consulted, informed) est utilisé dans le management ; c’est une matrice de responsabilités pour un projet, dont les entrées sont le découpage en sous-projets et la structure organisationnelle.

[22] TOPFAS, (Tool for Operational Planning, Force Activation and Simulation) est un logiciel de l’OTAN pour la planification opérationnelle et la projection de forces ; il est constitué d’une base de données et d’outils d’analyse.

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Titre : Sciences cognitives et organisation des postes de commandement 1/2
Auteur(s) : Madame LEBOEUF, le Commandant HOURS et le Chef d’escadrons LARCHET
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