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«Aux armes citoyens !»: guerre et finances, politique et souveraineté

Cahiers de la pensée mili-Terre n° 44
Défense & management
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La situation préoccupante des finances publiques françaises a longtemps semblé rendre irréconciliables les enjeux militaires et budgétaires. En ces temps où la sécurité du citoyen et la défense de la nation ont retrouvé une place centrale dans le débat public, il semble opportun de mieux faire comprendre l’articulation défense-budget-souveraineté.


Comprendre les principes de l’action militaire pour assurer durablement sa défense

 

C’est la guerre. Cet état de fait n’est pas nouveau pour le militaire, engagé depuis longtemps dans des opérations fort éloignées du seul «maintien de la paix». Il n’est pas nouveau non plus pour l’observateur qui se sera efforcé de regarder objectivement l’évolution de la situation nationale et internationale. Il semble désormais assumé unanimement par la nation et le pouvoir politique.

 

Pour faire la guerre, on a besoin de soldats. Certes. En retour, le soldat a toujours les mêmes besoins: un chef, une mission et des moyens pour agir. Parce que ces dernières années le niveau d’engagement de nos armées va croissant et que les ressources peinent à suivre, il apparaît nécessaire d’expliquer à nos compatriotes ce que les moyens militaires ont de spécifique. Peut-être apprécieront-ils alors différemment les affrontements récurrents entre Bercy et les armées. Peut-être conviendront-ils que quelques actions s’imposent. Peut-être tiendront-ils alors, via la représentation nationale ou plus directement, à retrouver voix au chapitre sur les questions de défense dont ils se sont progressivement détachés.

 

Reconnaître que l’action militaire est, par nature, en tension avec la logique budgétaire

 

D’abord parce qu’un outil de défense se forge dans le temps long. Face aux menaces existantes et prévisibles, il s’agit en effet de doter la nation de capacités militaires adaptées. Mettre sur pied une doctrine qui cadre les modalités d’engagement des forces est une œuvre de longue haleine. Recruter, former et entraîner les soldats déployés demain se fait dès aujourd’hui. Développer du matériel par nature spécifique et en assurer le soutien dans la durée n’est pas instantané. Le temps militaire sera donc toujours en tension avec le temps budgétaire, dont l’unité de mesure est l’année. La loi de programmation militaire fut pensée comme l’outil qui permettrait la réconciliation des agendas. A-t-elle été ne serait-ce qu’une fois respectée face aux urgences budgétaires?

 

Ensuite parce que la victoire repose sur l’acquisition d’un rapport de forces favorable, au moins localement et temporairement. C’est par la masse, c’est à dire la force brute, associée aux capacités de manœuvre, c’est à dire de rassemblement des forces disponibles dans le temps et l’espace, que le soldat acquiert la supériorité sur l’ennemi. La technologie dont il dispose l’y aide naturellement. Parce qu’il est garant du succès de la mission confiée et qu’il engage sa vie et celle de ses hommes, il tient légitimement à disposer d’un arsenal optimum. L’action militaire sera donc toujours en tension avec la volonté de modération budgétaire.

 

Enfin parce que s’adapter et dominer pour faire face et vaincre imposent la constitution de réserves. L’action militaire se déroule dans le réel face à un ennemi qui évolue constamment. Le soldat doit donc être capable d’anticiper et de réagir pour saisir les opportunités et réduire ses propres vulnérabilités. Même l’homme le mieux renseigné reste impuissant s’il ne dispose pas d’une capacité d’action «au cas où». L’action militaire sera donc toujours en tension avec le concept de flux-tendu et le principe budgétaire de justification «au premier euro», la dépense militaire ne se justifiant au mieux qu’a posteriori

 

Faire face aux enjeux du temps court sans sacrifier les besoins du temps long

 

Face à cette triple tension, que faire alors pour concilier enjeux militaires et budgétaires? Reconnaissons d’abord que de nombreux acteurs des deux camps s’y attèlent au quotidien. Il semble toutefois possible de renforcer la dynamique selon trois axes.

 

Le premier consiste à garantir la lisibilité et la crédibilité des besoins et des ressources. Le ministère du Budget est garant auprès de la nation de la bonne utilisation de ses finances. Il est donc légitime que le budgétaire puisse discuter des dépenses de défense. À la condition toutefois qu’il s’efforce d’en comprendre les fondements. Le militaire doit l’accepter et l’aider dans cette tâche. À l’inverse, le militaire doit pouvoir connaître précisément les ressources qui lui sont consenties et dans quelle mesure il pourra effectivement en disposer. Quand la méconnaissance et la méfiance règnent, l’affrontement n’est jamais loin. Multiplions par conséquent les échanges, dotons-nous des outils qui le permettent; nous pourrons ainsi ensemble nous concentrer sur l’essentiel.

 

Le second consiste à renforcer la prise en compte de la contribution des armées aux autres politiques publiques. Outre la défense de la France et de ses intérêts, les armées ont un effet «collatéral» dans bien d’autres domaines: cohésion sociale, emploi, éducation, recherche et développement… Le fait est reconnu, mais qu’en est-il lors les arbitrages budgétaires? Quel retour pour les armées lorsqu’elles «rendent» à la société civile, chaque année, des milliers d’actifs compétents, ayant le sens du collectif et de l’engagement? Quel retour pour la défense lorsqu’elle finance des recherches de pointe comme le laser mégajoule dont les retombées pour elles sont finalement assez hypothétiques? Si la mécanique budgétaire ne permet pas de valorisation quantitative, il est urgent de l’adapter.

 

Le troisième consiste à contribuer à la création d’une «réserve budgétaire stratégique». Cette fois, les outils (réserve gouvernementale) et les mécanismes (prise en compte du surcoût lié aux opérations extérieures) existent. Nous en connaissons toutefois les limites. La constitution programmée et récurrente d’une réserve budgétaire dédiée à la défense nationale apparaît comme le seul moyen de garantir au militaire de pouvoir mobiliser des ressources face à de nouveaux besoins, tout en assurant au politique de conserver sa pleine liberté de décision. Il s’agirait là d’un acte fort qui permettrait enfin de faire face aux enjeux du temps court sans sacrifier les besoins du temps long. Les défis actuels et les perspectives de long terme le nécessitent assurément.

 

Réinvestir les questions de défense

 

S’ils peuvent se sentir incompétents face à la nature technique et politique de ces enjeux, nos compatriotes doivent pourtant savoir qu’ils en sont le cœur. Assurer leur défense et leur sécurité est le rôle premier de l’État. Faire un juste usage de l’impôt consenti en est un autre, également capital. Attentifs et parfois inquiets, ils attendent légitimement d’être protégés et de voir leur contribution employée avec prudence. Qu’ils me permettent pourtant de les inviter à réinvestir ces questions qui leur ont parfois échappé. Qu’ils me permettent de leur rappeler que les armées sont LEUR armée. Que NOTRE défense ne se construira pas sans EUX. Que le militaire et le budgétaire sont les artisans de LEUR souveraineté.

 

Saint-cyrien de la promotion «Du bicentenaire de Saint-Cyr» (1999-2002), le Lieutenant-colonel Christophe de LIGNIVILLE a servi au 1er régiment de hussards parachutistes puis au cabinet du ministre de la Défense. Après son année d’École de guerre, il est actuellement stagiaire au MBA d’HEC.

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Titre : «Aux armes citoyens !»: guerre et finances, politique et souveraineté
Auteur(s) : le Lieutenant-colonel Christophe de LIGNIVILLE
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