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«Cette difficulté de voir juste …» de Tora à Gao

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Plus-value des détachements de recherche humaine (REHUM) en contre-insurrection

 

S’appuyant sur les références anglo-saxonnes, les spécialistes n’hésitent pas à trancher: «En France, nous n’avons pas la culture du rens!». Et pourtant …Surobi a permis de subtiliser aux insurgés près de cinq tonnes d’explosifs (477 munitions de type roquette ou obus) dans la vallée de Tizin – la plus importante récupération de munitions depuis l’engagement de la France en Afghanistan.


Le 21 août 2010, à la suite d’une présentation effectuée par le détachement REHUM Surobi à une délégation américaine, le COM TFLF[1] a proposé au chef des opérations de la 101st Air Assault de profiter de la connaissance fine du réseau insurgé de cette unité pour l’insérer auprès de la Task Force Iron Gray en charge de la fouille de villages dans le nord de la vallée d’Uzbeen, afin qu’il puisse la guider. Grâce à une de ses sources, le détachement REHUM a notamment permis d’éviter à une compagnie américaine de tomber dans une embuscade menée par des insurgés au sud du Lakarlam.

 

Voici un extrait d’un compte-rendu de fin de mandat du chef de détachement de liaison de la TFLF auprès de CJTF101[2]:

«Point extrêmement positif: les renseignements transmis par La Fayette sont particulièrement appréciés des Américains, un peu étonnés des résultats des Français dans ce domaine. Du reste, les résultats obtenus lors des fouilles de caches en vallée de Tizin les laissent également pantois».

 

De Tora à Gao, face à un ennemi furtif, fanatisé et sachant se dissimuler, les détachements REHUM ont permis d’éclairer l’appréciation de situation du chef interarmes grâce à la fois à l’expérience acquise en Afghanistan et à leur capacité de gestion de contacts et d’acquisition de renseignement dans la profondeur.

 

Engagés en auto-relève depuis une dizaine d’années en Afghanistan, depuis début 2013 au Mali et récemment en République centrafricaine, les détachements REHUM des forces terrestres (FT) ont dû s’adapter au combat de contre-insurrection en appui des plus petits échelons tactiques. Formés au TSH[3], ils tiennent une place particulière dans ces opérations de renseignement et sont préférentiellement orientés sur la population. Leur réversibilité vers des procédés de reconnaissance ou de surveillance spécialisée leur permet d’accompagner les unités de la force. Enfin, l’apport des capacités IPC[4] est jugé incontournable, y compris lorsque l’adversaire ne peut être décrit comme un ennemi au sens des conventions internationales.

«Quant à la diffusion des informations, c’est une vieille plaisanterie dans les états-majors de raconter comment un deuxième bureau , aussitôt qu’il sait quelque chose, s’empresse d’en faire un papier, d’écrire sur celui-ci, à l’encre rouge, «très secret», puis de l’enfermer, loin des yeux de tous ceux qu’il pourrait intéresser, dans une armoire à triple serrure» (Marc Bloch 1886-1944, «L’étrange défaite», 1940)

 

Avant l’action, un démultiplicateur de capacité renseignement et d’aide à la décision

 

Les détachements REHUM sont un véritable outil d’anticipation. L’auto-relève de ces unités permet de constituer une base de données solide pour préparer les missions des GTIA. Bénéficiant d’informations sur les groupes insurgés présents dans la zone d’opération, elle valorise les évaluations des intentions de l’ennemi des S2/GTIA.

La clé du succès en contre-insurrection passe par le partage de l’information au sein des états-majors et par l’exploitation des synergies entre les différents bureaux:

  • Pour orienter efficacement le chef interarmes sur des objectifs ennemis

Ces détachements ont la capacité d’orienter leurs contacts au sein de la population afin d’identifier la présence de caches d’armes et de munitions, de HVT[5] du type facilitateur insurgé, fabriquant d’EEI[6] …La campagne au Mali a révélé la pertinence de ces unités de renseignement terrestres notamment dans la constitution de dossiers d’objectifs à fin d’action (opérations DORO)[7].

  • Pour permettre à la force de lancer une opération en dehors de sa zone de responsabilité

En Afghanistan, lors de l’opération ALTOR INCUDINE dans le Methar Lam (16 au 18 juin 2010), le GTIA Surobi avait simulé la construction d’un COP[8] afin d’inciter des insurgés d’un village à quitter leur sanctuaire. S’infiltrant de nuit en véhicule, puis à pied jusqu’à un PC TAC HARPON[9] situé sur un col au nord-est de Chasmeh-Ye-Masti, le GTIA avait parfaitement réussi sa manœuvre de déception: il avait pu surprendre l’ennemi en tenant le lieu de refuge par les hauts et en lui coupant les arrières. Or, cette opération n’aurait pu se faire sans la constitution d’un intel package imposée par l’IJC[10]. En amont de l’opération, le détachement REHUM a pu fournir en temps et en heure ces informations à la cellule ISTAR[11] pour constitution du dossier d’objectif.

Ayant une durée utile, le renseignement doit être valorisé rapidement pour profiter de la validité de l’information

 

Au cœur de l’action, au plus près des échelons tactiques

 

«Offrir au commandement un grand choix d’indications contradictoires, n’est-ce pas se réserver le moyen de dire triomphalement, quoi qu’il arrive: «si vous m’aviez cru?» (Marc Bloch 1886-1944, «L’étrange défaite», 1940).

Les détachements REHUM, qui s’installent en avance de phase et s’exfiltrent après le désengagement, sont un atout indéniable pour la sûreté des mises en place de la force. En zone très instable, une opération de type shaping[12], qui s’inscrit dans la durée et dans la continuité (plus de 72 heures), précédée d’opérations successives de renseignement, permet de déstabiliser et de désorganiser le dispositif insurgé. En Surobi, l’opération BISON PLAY OFF (22 au 24 novembre 2010) l’a parfaitement illustrée. En coopération avec deux compagnies, renforcées de l’ANA[13], elle visait à saisir et tenir des points clés du terrain dans le sud de Tagab dans un but de shaping au profit du GTIA Kapisa.

 

  • Une manœuvre conduite dans la durée combine de manière pertinente, actions d’influence sur la population et actions de coercition sur les insurgés. Pour combattre auprès de la force. Les opérations employant des STU[14] soulignent le rôle clef des détachements REHUM. Elles sont menées à partir d’un renseignement consolidé par le TSH du type localisation d’une HVT, d’un stock d’armement ou de munition, d’un local de fabrication d’EEI. Habitués à s’infiltrer et à renseigner de nuit, rompus à l’étude des cas non conformes et s’appuyant constamment sur leur capacité TSH (avant et pendant l’opération), les détachements REHUM sont naturellement responsables de la préparation mission des STU et commandent ces unités de circonstance.
  • Pour donner du crédit au renseignement donné, être prêt à s’engager en première ligne pour obtenir une vision consolidée de la menace. L’emploi simultané de plusieurs capteurs spécialisés permet de croiser les vues et d’améliorer les observations des mouvements insurgés qui recherchent l’imbrication pendant les combats (TIC[15]) en profitant des zones non vues de la force. Accompagnant l’engagement des GTIA, les détachements REHUM ont pu identifier, grâce à leurs moyens d'observation, des indices de pose d’EEI de nuit par des insurgés. Ils ont également pu être prévenus par des sources de la présence de tels engins sur des axes ou de la localisation précise de préparation de tirs indirects. Au Mali, la brigade Serval a su déceler et localiser un ennemi parfaitement camouflé et intégré dans le paysage grâce à l’action de ses unités de contact et de renseignement tactique, dans l’Adrar comme dans les oueds de Gao.

«L’ennemi est contingent, variable; aucune étude, aucun raisonnement ne peuvent révéler avec certitude ce qu’il est, ce qu’il sera, ce qu’il fait et ce qu’il va faire». (Général de Gaulle, «Le Fil de l’épée», 1932).

 

  • Pour protéger la force grâce aux capacités de guidage d’avions (FAC[16]) ou d’hélicoptères d’attaque (CCA[17]) des détachements REHUM qui contribuent à sa sûreté. Les délais d’acquisition visuelle de l’ennemi par les équipages des hélicoptères d’attaque sont incompressibles (difficultés liées à la végétation, au terrain compartimenté…). Le RETEX du BATHELICO Pamir a souligné l’importance de la mise en synergie de tous les capteurs de renseignement et des vecteurs de désignation des objectifs pour contribuer sensiblement à l’amélioration de l’efficacité des missions d’appui feu hélicoptère.

 

Après l’action, en appui des résultats de la force

 

  • Pour participer au rayonnement de la force. Lors du premier mandat de la force Serval, à partir du renseignement tactique (principalement humain), la brigade a saisi une quantité importante d’armes et de munitions, en liaison avec les FAM[18] et la MISMA[19]. De telles opérations, comme le partage de renseignements sur l’ennemi avec les forces étrangères, participent pleinement à l’image positive de la force.
  • Pour rechercher les preuves. L’avantage de bénéficier de tels détachements est de pouvoir confirmer ou d’infirmer des Battle Damage Assessments (BDA) ennemis, ainsi que d’éviter des dommages collatéraux sur la population. En pleine opération, si l’observation directe permet d’évaluer de tels BDA, le mode TSH contribue à les affiner non seulement pendant mais aussi après l’opération (cérémonie d’enterrement). Des tirs indirects sur des insurgés accompagnés d’enfants ont également été évités.

 

Dans ses «Mémoires», le duc de Fezensac rapporte qu’ayant reçu, un jour de Ney, la mission de porter un ordre à un des généraux subordonnés du maréchal, il voulut demander où il devait aller: «Point d’observations, me répondit le maréchal, il ne les aime point», et Fezensac d’ajouter: «On ne nous parlait jamais de la situation des troupes. Aucun ordre de mouvement, aucun rapport ne nous était communiqué. Il fallait s’informer comme on pouvait ou plutôt deviner».

Connaître la plus-value de tels détachements en contre-insurrection est indispensable pour le chef interarmes. Connaître les modes d’emploi et modes d’action des unités interarmes est crucial pour les détachements REHUM des FT.

 

S’inscrivant pleinement dans la démarche multi-capteurs pour optimiser leur efficacité lors des opérations et faciliter leurs liens avec les unités interarmes, les détachements REHUM doivent participer plus régulièrement lors des mises en condition avant projection (MCP) à des opérations de type shaping dans le cadre de la préparation des missions et du type STU dans le cadre du drill des procédures communes.

 

Le concept de «tout soldat est un capteur» reprend tout son sens en contre-insurrection.

 

Nul doute que le détachement REHUM, engagé dans l’opération Sangaris en Centrafrique, permettra d’affiner cette aptitude du chef interarmes de «voir juste».

 

 

[1] Commandant de la Task Force La Fayette

[2] Combined Joint Task Force de la 101st Airborne Division (Air Assault).

[3] Traitement de sources humaines

[4] Interrogation des personnels capturés

[5] High Value Target

[6] Engin explosif improvisé

[7] Lors de ces opérations, le GTIA n°2 infanterie blindé a affronté les katibat du MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) dans la région du grand Gao.

[8] Combat Outpost

[9] Poste de commandement avancé

[10] ISAF Joint Command

[11] Intelligence Surveillance Target Acquisition and Reconnaissance

[12] Terme américain qui décrit la phase préliminaire (façonnage) d’une opération majeure et qui n’a pas d’équivalent dans le vocabulaire tactique français.

[13] Afghan National Army

[14] Search Task Unit: unités de circonstance, dédiées à la fouille des zones habitées (compounds), accompagnant les unités sur le terrain dans les actions de combat débarqué. Elles sont toujours composées d’un groupe génie de fouille opérationnelle, d’un détachement INVEX (investigation des compounds), d’un détachement de type GCM/GCP et d’un détachement REHUM qui coordonne la fouille.

[15] Troop In Contact

[16] Forward Air Controller

[17] Close Combat Attack

[18] Forces armées maliennes

[19] Mission internationale de soutien au Mali

 

Saint-cyrien de la promotion «Général Béthouart», le Chef d’escadrons GAY a servi sept ans au 2ème RH, puis deux ans au J2/CPCO. Il est actuellement stagiaire à l’École de guerre. Il a participé à cinq opérations extérieures en Afrique, au Liban et en Afghanistan.

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Titre : «Cette difficulté de voir juste …» de Tora à Gao
Auteur(s) : le Chef d’escadrons GAY
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