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⚡️ « Innovez, ré-innovez »

BRENNUS 4.0
Sciences & technologies
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Est-ce une injonction paradoxale de demander aux Forces d’innover ? Si « seule la victoire compte, » pourquoi ne pas utiliser des moyens même anciens s’ils apportent à nouveau la victoire ?! Il faut que tout change pour que rien ne change, disait Lampedusa dans Le Guépard. D’où la question : quel serait le juste emploi de l’innovation au sein du Ministère des armées ?

Je vois pour ma part trois domaines d’innovation indispensable et permanente :

  • Le mindset
  • Le système d’armes
  • L’intelligence artificielle

 


L’état d’esprit, ou mindset, est de loin le plus complexe. Par définition, un officier est un homme ou une femme d’action. Après une phase d’observations et de réflexions vient le passage à l’acte, qui ne peut laisser place au doute, dans le plein exercice de la responsabilité, et de la confiance accordée. Le passage à l’acte génère lui-même de nouveaux résultats, des informations qu’il faut recueillir, analyser, pour guider de nouvelles actions, les plus pertinentes possibles. L’officier doit apprendre à maîtriser ces deux façons très différentes de faire fonctionner son cerveau. Sinon, il ne serait qu’un taureau aveugle. Savoir passer du doute méthodique à la conviction et vice-versa n’est pas l’apanage le plus répandu parmi les humains. Festinger, en 1957, l’a démontré par sa théorie de la dissonance cognitive. En résumé, nous ne nous déjugeons jamais, et  reconstruisons l’histoire pour nous donner raison. Kahneman, prix Nobel d’économie, décrit dans Système 1/Système 2 des dizaines de décisions absurdes liées au fonctionnement imparfait de nos cerveaux. Pourtant, la souplesse d’esprit peut s’apprendre, et doit s’entretenir. Pour avoir lu L’étrange défaite de Marc Bloch, je m’inclus dans les civils qui doivent participer et s’impliquer dans la connaissance de la doctrine, et créer un continuum entre le politique et les élites militaires. « La paix est une chose trop sérieuse pour être  confié aux  pacifistes »  pourrait-on dire en parodiant Georges Clemenceau. Cet état d’esprit s’appliquera continûment à (extrait du séminaire du 12 octobre dernier du Centre de Doctrine d’Emploi des Forces) :

 

  • maintenir la supériorité opérationnelle sur un ennemi innovant,
  • améliorer le quotidien du soldat au quartier et en opération,
  • développer l’innovation d’opportunité et assurer la cohérence avec celle du temps planifié,
  • être capable d’accélérer la réalisation des projets en levant les  obstacles techni- ques  (financement / achat,  autorisation d’emploi…) organisationnels  et culturels,
  • garantir une subsidiarité décisionnelle et financière.

 

Le second champ d’exercices d’innovation per- manente est le système d’armes. Plutôt que de l’imaginer aux seules mains, certes expertes, de la DGA et des grands industriels impliqués, de plus fréquents allers-retours entre les futurs utilisateurs et les prototypes à différents stades de leur dévelop- pement sont à recommander. Intégrer également d’autres acteurs comme les universitaires et les start-ups serait certainement facteur de créativité. Le mode de développement dit « agile » dans l’industrie civile présente aussi de multiples intérêts au sein des Forces. Ainsi, le développement des essaims de nanodrones est de nature à faire réviser un grand nombre de schémas tactiques, hérités du passé, quand la trajectoire des balles était encore rectiligne. J’ajoute que ces nanodrones pourraient décharger non pas des charges létales, mais des poisons aux effets plus ou moins délétères, ce qui permettrait d’engager une négociation, l’antidote en main. Ces nanodrones pourraient être amphibies, rampants, volants, furtifs, et même assez petits pour entrer dans le corps de l’ennemi (on utilise des nanorobots en chirurgie pour déboucher des coronaires). L’imagination doit être sans limites, intellectuelles et organisationnelles. Autrement dit : de quoi rêverions-nous pour faire cauchemarder nos ennemis ?

 

Le troisième chantier d’innovation permanente à ouvrir de toute urgence est celui de lintelligence artificielle. Deux informations seulement à connaître pour en tirer des enseignements immédiats :

  • Watson, l’intelligence artificielle d’IBM, a été nourrie de 4 milliards de clichés médicaux, avec les comptes rendus d’opérations qui ont suivi ; son taux de fiabilité est d’ores et déjà de 85 %, contre une moyenne mondiale des radiologues à 65 %.
  • Alpha GO Zéro est l’intelligence artificielle de dernière génération de Google, la branche dite « autoapprenante ». Après quatre heures d’entraînement, en simulant des milliards de parties contre elle-même, après avoir lu la page des règles du jeu, elle a battu 100 parties à 0 Alpha GO — l’intelligence artificielle qui avait battu le champion du monde de go après avoir ingurgité des milliards de parties… jouées par des hommes. Autrement dit, une IA autoapprenante peut jouer à la perfection, au lieu de seulement jouer mieux que les hommes.

Le CTO de Watson nous a confié que l’IA d’IBM, nourrie de milliers de combats aériens, a battu au simulateur tous les pilotes de l’US Air Force. Le Général qui commande ces pilotes a déclaré « I’ve never seen such a vicious intelligence ». Ajoutons que Poutine a, lui, déclaré : « qui possédera l’IA possédera le monde ».

Le développement  de l’IA au MinDef devra s’appuyer sur de multiples expérimentations, par les usagers eux-mêmes, sans que l’aristocratie capacitaire méprise l’innovation d’opportunité  en boucles courtes. Réussir la convergence des forces opérationnelles et algorithmiques, « from data to decision », passera par une inévitable succession d’essais-erreurs. Rappelons que la DARPA, centre R&D de l’armée américaine doté d’un budget annuel de 3 milliards de dollars, cherche à ce que plus de 70 % de ses projets échouent. Sinon, cela signifierait selon eux qu’ils n’étaient pas assez ambitieux.

 

La France possède une des meilleures écoles de mathématiques du monde, ainsi que de brillants ingénieurs. Les qualités de ses officiers, qui possèdent la double expérience des opérations et de l’administration  centrale, sont également reconnues bien au-delà de nos frontières. Nous possédons tous les ingrédients pour assurer notre souveraineté, à condition que notre capacité à nous remettre en cause soit permanente. Henri Atlan le résumait très bien dans son livre Entre le cristal et la fumée : être vivant, c’est savoir se maintenir entre la fumée, qui ne ressemble à rien, mais qui résiste à tout choc, et le cristal, merveille d’organisation et de beauté, et que le moindre bruit peut disloquer. Sachons mettre de l’ordre où et quand il en faut, mais aussi un peu de chaos, parfois, « pour accoucher d’une étoile qui danse » (Nietzsche).

 

L’innovation est une invention ou une idée qui réussit. Le Général Dempsey, ancien chef d’état-major interarmées américain, la plaçait dans les trois qualités du leader, avec la curiosité active et l’adaptabilité,  « afin d’anticiper les évolutions du monde et de son environnement, avec l’équipe dont on a la responsabilité ». Or rarement le monde a changé si vite, si fort, si brutalement.

 

 

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Titre : ⚡️ « Innovez, ré-innovez »
Auteur(s) : M. Ivan Gavriloff
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