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⚡️ Lanrezac et l’esprit guerrier

Brennus 4.0
Histoire & stratégie
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L'armée de Terre redécouvre le général Lanrezac et c’est heureux. À la faveur de l’enseignement tactique du généralYakovleff à l’École militaire et d’un certain nombre de publications mémorielles à l’occa­ sion du centenaire de la  Première Guerre mondiale, ce personnage à la personnalité et au parcours stupéfiants, a refait surface dans l’univers intellectuel français.


Au long d’une carrière riche et variée qui débute dans la région d’Orléans à l’aube de l’hiver 1870 et se poursuit en Tunisie, puis à Paris, et dans divers états­majors, Lanrezac développe des traits de caractère militaire qui, à bien des égards, relèvent d’une forme très actuelle d’esprit guerrier.

On connait parfois Lanrezac pour son « coup » à Guise, manœuvre originale, inattendue, qui par sa singularité déroute le Gal von Bülow et provoque l’inflexion du mouvement allemand vers le Sud, les divertit de leur objectif initial (Paris) et permet la constitution de l’armée Foch et le rétablissement de la Marne.

On sait aussi parfois que, caractère marqué et indépendant,  Lanrezac est l’un des rares à émettre des réserves sur les théories tactiques de l’offensive à outrance, plus ou moins fondées sur les théories de Bergson et développées avec maladresse par les disciples du  Colonel de  Grandmaison. On  rapporte son propos moqueur « attaquons, attaquons, comme la lune… ».

On se souvient moins que Lanrezac compte parmi les officiers contemporains des généraux Foch et Pétain, tous instructeurs à L’Ecole de guerre qui ont forgé la génération d’officiers qui sera à la manœuvre entre 1914 et 1918 et assumera les plus hautes responsabilités entre 1939 et les années 50.

Et l’on oublie toujours qu’il fût plutôt mal accueilli par le Colonel Bonnal en 1892. Le tout puissant patron de l’École supérieure de  guerre vit  en  effet d’un  mauvais œil ce capitaine mal noté rejoindre son corps enseignant. Lanrezac a en effet pris un certain retard en notation par rapport à ses confrères de la promotion du « 14 aout 1870 » (1869­1871). En 1873 en effet, il fît un choix de cœur qui l’amena à demander contre l’avis de ses supérieurs, un congé d’une année pour épouser Félicie Dutau. Très tôt, il sait faire des choix et les assumer.

Lanrezac apparaît dans les livres spécialisés sur la Première Guerre mondiale dans la honteuse charrette des limogés de  sept­ embre 1914. Malgré ce désaveu, il compte dans l’esprit  des  officiers  d’aujourd’hui, parmi  les tacticiens les plus fins de sa génération, l’un de ceux qui relèvent la triste réputation des généraux de 1914.

Il  faut comprendre l’histoire personnelle de Charles Louis, Marie Lanrezac pour décrypter les caractéristiques fortes de son tempérament qui vont le conduire à désobéir pour son malheur, mais pour le succès de ses continuateurs : Foch sur la Marne, puis Franchet d’Esperey à la tête de la Ve armée. Il faut aussi distinguer chez lui ce qui relève de l’inné et de l’apprentissage  dans l’esprit de décision qui le caractérisa le 24 août en particulier.

Lanrezac est un classique, un authentique conservateur au sens le plus positif du terme.

Cette culture classique, loin de faire de lui un rabougri ou un esprit étroit, lui permet d’accueillir en professionnel  et même parfois d’anticiper les progrès techniques, d’en tirer le meilleur parti au plan militaire et de jouir ainsi d’une ouverture d’esprit et d’une capa­cité d’adaptation particulièrement vertueuse pour le chef militaire.

 

Lenracinement :  la  formation  militaire  et morale

Fils d’un officier de la coloniale né et éduqué à la Guadeloupe, le futur général Lanrezac bénéficie d’une éducation rigoureuse qui le verra rejoindre, dès l’âge de treize ans, le Prytanée militaire de la Flèche où il pratiquera la compétition équestre à l’instar de tous les officiers de sa génération. Il y développera de grandes qualités de cavalier sportif et cette capacité propre à tous les sportifs de concentrer l’ensemble de leurs facultés vers un seul but : le record, la victoire, le dépassement de soi. S’il semble que cette disposition le portait à l’obstination et une forme d’arrogance, il n’en demeure pas moins qu’on ne va pas à la guerre pour « participer » mais pour vaincre.

Fort  d’une  authentique culture  classique, il  conjugue dans son enseignement à l’École supérieure de guerre, des études historiques et l’appréhension  des caractéristiques  des conflits modernes. Comme d’autres à cette période de préparation de la revanche, Lanrezac est un officier expérimenté. Il a bénéficié tout d’abord et ne doutons pas de l’importance de cette formation souterraine, d’une culture militaire familiale et des récits des aventures coloniales de son père, le capitaine Victor Lanrezac qui vécut les grandes expéditions de l’Algérie à la Cochinchine, de L’Oubangui­Chari au Mexique. Charles Louis Marie Lanrezac, le futur général voit sa scolarité à Saint­Cyr interrompue par le conflit franco­prussien de 1870. Le 14 août 1870, toute sa promotion est déployée dans diverses unités. Le Sous­lieutenant Lanrezac ne pourra rejoindre le 13e Régiment d’infanterie, prisonnier à Sedan. Il reste sans affectation quelques semaines avant de rejoindre les fraîches armées de l’Ouest et prend part aux combats de la région d’Orléans. Il se distingue à Coulmiers, le 9 novembre 1870. Début 1871, il participe aux ultimes combats dans la région de Besançon, échappe de peu à la capture à Larnod, à la frontière suisse jusqu’à l’armistice du 28 janvier 1871. Ces six mois intenses de combats de mouvements, de replis et de contre­attaques au sein d’une armée sûre d’elle mais en pleine décomposition, ont forgé le caractère de cette génération d’officiers élevés dans le mythe de la Grande Armée enrichi de la geste coloniale partout victorieuse. Lanrezac fait là, la dure expérience du réel.

 

L’attrait  pour  le  progrès  technique :  la  faculté à comprendre le changement

Sûr  de  son  fait,  sûr  de  lui,  certainement, Lanrezac puise cette assurance dans une grande maîtrise de ses dossiers. Sa contribution au Dictionnaire encyclopédique militaire de 1910, comme ses réflexions sur la guerre écrites en 1918, offrent en effet au lecteur l’image d’un officier capable d’un véritable effort de compréhension des événements et des progrès technologiques en cours autour de lui. Très tôt, il imagine les possibilités que pourraitoffrir l’aviation militaire dans le  domaine du bombardement comme du renseignement. Il imagine une liaison directe entre le chef tactique et ses pilotes qui explorent les failles du dispositif ennemi. Très vite, il décrit les nécessaires dispositions techniques de maintenance, les besoins logistiques et de carburant, autant que la nécessité de liaisons visuelles pour assurer la transmission des informations. La concentration de l’artillerie, qu’il mettra en œuvre dans une forme de groupement tactique d’artillerie avant l’heure, le 29 septembre 1914 à Guise est un autre exemple d’emploi original de moyens militaires. Dans ses réflexions Lanrezac qualifie « d’environnement » l’éventail des possibilités offertes au chef militaire pour vaincre. Il place sur un même plan les innovations techniques dans le domaine du feu ou de l’aéronautique, le développement de places fortes, qui « modifient la carte » et l’influence sur l’opinion que peut avoir la presse.

Il insiste dans son enseignement pour que le chef ne néglige aucun de ces aspects et ne se cantonne pas dans son domaine d’excellence qu’aujourd’hui nous nommerions « combat ciné­ tique », mais ouvre ses horizons à toutes les possibilités d’influer sur le cours des événements. À l’instar de nombre de professeurs de l’École de guerre de l’époque, Lanrezac pressent la manœuvre globale ou manœuvre des effets aujourd’hui formalisée.

 

La  capacité  dadaptation :  la  disponibilité intellectuelle

Pragmatique et simple dans son approche des choses, il s’adapte aux événements. Ainsi, lorsque, désigné chef de la Ve armée, il reçoit la responsabilité du flanc Ouest du dispositif français et une zone d’opération vaste comme un département à la frontière belge, qui sera infranchissable jusqu’au 4 août (date de la déclaration de la guerre), il effectue une reconnaissance exhaustive de sa future zone de responsabilité en civil, comme un simple touriste. Il en tirera un mémoire, daté du 30 juillet 1914, d’une rare précision qui décrit parfaitement la diversité du terrain sur lequel il devra opérer. Il  y  évalue des  délais nécessaires aux  mouvements logistiques, comme tactiques, qui s’avéreront parfaitement exacts du côté allemand comme du côté français. Ce mémoire resté sans réponse sera occulté par les opposants à Lanrezac au moment de sa disgrâce.

Cette profondeur intellectuelle et cette capacité de concentration le conduiront aussi à développer de vrais stratagèmes pour tromper son adversaire en regroupant, par exemple, ses canons de 75 mm – théoriquement des canons d’accompagnement de l’infanterie – afin de simuler une forte concentration d’artillerie à Guise et de porter un coup sévère aux Allemands. Ce coup très inattendu sur la IIe armée allemande stoppe son avance et provoque l’inflexion du mouvement allemand vers les Ardennes qui les détourne de Paris.

C’est ce trait de caractère qui l’avait conduit, dès 1908, à déployer des arbitres lors des grandes manœuvres dans les Vosges. Jusqu’alors, les grandes manœuvres des corps d’armées tenaient davantage des démonstrations que d’une véritable préparation au combat. Loin d’un esprit guerrier désordonné, Lanrezac n’a pas la passion de la « geste militaire », mais privilégie le résultat et l’efficacité. Fort de l’expérience des âpres combats de l’automne 1870, il connaît la réalité des exigences de la guerre et ne se laisse pas impressionner par les modes tactiques du moment. Si l’offensive est certes séduisante, il est conscient que des pauses sont nécessaires dans les mouvements opérationnels. Il arrachera d’ailleurs l’autorisation de laisser quarante­huit heures de repos au corps de cavalerie Sordet qui avait été déployé dix­huit jours au contact de l’ennemi.

On ne peut évoquer Lanrezac sans aborder la nuit du 24 au 25 août 1914 qui le vit prendre la décision la plus grave qu’un soldat semble pouvoir poser. Tout porte à croire que son caractère trempé et le travail de toute une vie à « forger la victoire » comme le dira l’un de ses anciens élèves l’ont préparé à ce moment décisif. Sa capacité de travail et sa maîtrise de l’art militaire lui permettent d’identifier clairement les enjeux et les risques de la situation au 20 août 1914. En outre, son indépendance d’esprit lui ouvre le choix du confort de la discipline ou de l’aventure de la transgression.

Sommé de reprendre l’offensive « toutes forces rassemblées » vers le nord, il désobéit et choisit – contre l’avis de son état­ major – un repli organisé vers le sud. Il écrit dans ses mémoires avoir eu parfaitement conscience de la gravité de son geste, mais déterminé à sauver son armée pour éviter un effondrement complet du front, il ne voyait que cette manœuvre – honteuse à l’époque – pour parvenir à son objectif. « Seule la France compte» dira­-t-­il à son chef d’état­major, le remarquable général Hely d’Oissel. Il se replie en combattant, porte un coup déterminant à la tête du dispositif allemand (Guise sera la seule victoire française de la bataille des frontières) et se rétablit en moins d’une semaine, dans un ordre quasi parfait, à près de deux cents kilomètres au sud de ses positions initiales.

Il est démis de ses fonctions le 5 septembre 1914.

Son armée, sous les ordres du général Franchet d’Esperey, prendra part « toutes forces rassemblées » à l’offensive de la Marne dès le 6 septembre.



 

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Titre : ⚡️ Lanrezac et l’esprit guerrier
Auteur(s) : par le lieutenant-colonel Aubry, de l'École de Guerre-Terre
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Armée