ADAPTER SON COMMANDEMENT AUX CONDITIONS DE L’ENGAGEMENT ET À SES OBJECTIFS STRATÉGIQUES
LE CONTINUUM DES OPÉRATIONS IMPLIQUE DES CONDITIONS ÉVOLUTIVES DE L’EXERCICE DU COMMANDEMENT.
Les engagements opérationnels d’aujourd’hui sont très schématiquement caractérisés par trois grandes phases au sein d’un même continuum : l’intervention, la stabilisation puis la normalisation. Chacune d’entre elles comporte, dans des proportions variées, des situations ou des pics de violence pouvant aller jusqu’à des actes de guerre caractérisés, simultanément à des situations plus calmes voire stables. Il reste que le passage d’une phase à l’autre est difficile à percevoir et que les phases de transition peuvent durer : l’intelligence des situations par le chef tactique s’avère donc une qualité essentielle.
La phase initiale d’intervention correspond à celle où le commandement repose le plus souvent sur des aspects militaires combattants. Cette phase qui met en présence des forces armées, conventionnelles ou non, doit être planifiée à l’aune des phases de stabilisation et de normalisation qui suivent. Cela peut comporter pour le planificateur des facteurs de réflexion contradictoires.
La phase de stabilisation quant à elle, cristallise les difficultés majeures, car elle se caractérise, pour le chef, par l’empilement de contraintes souvent antagonistes. Elle est éminemment plus complexe, et beaucoup plus difficile à appréhender pour ce chef qui n’est alors qu’un des nombreux acteurs présents sur le théâtre d’opérations.
- La nature idéologique, voire religieuse des conflits, à laquelle les mentalités occidentales sont peu ou pas préparées, impose une réflexion en profondeur sur des modes de pensée et des références culturelles différentes des nôtres.
- Le succès de cette phase qui s’inscrit nécessairement dans la durée, repose sur la continuité et la permanence de l’action, toujours difficile à réaliser en raison de la rotation permanente des chefs et des unités, inhérente aux cycles opérationnels en vigueur dans toutes les armées occidentales. Dans ce contexte, il est prim+ordial de conserver à l’esprit la finalité de l’opération, c’est-à-dire l’état final recherché. Cela impose pour le chef militaire, un effort intellectuel considérable pour intégrer dans son raisonnement le fait que son action locale de quelquesmois,viseàcontribuerin fine àl’accomplissement d’un objectif stratégique dont l’horizon se compte le plus souvent en années.
- En stabilisation, le contrôle du milieu nécessite sur le terrain un déploiement permanent d’effectifs importants alors que le format réduit des armées occidentales, ne permet plus d’obtenir l’omniprésence d’une force sur un théâtre. Cette situation conduit donc le chef militaire à combiner les modes d’action et procédés présentant le meilleur rendement coût/efficacité, voire à être contraint à prendre des risques calculés.
- Cette nouvelle forme de guerre, au sein des populations, souvent en zone urbaine, change fondamentalement la donne en termes de choix des modes d’action, et donc d’exercice du commandement.
Dans le contexte de retour à la vie normale (phase de normalisation), la place des forces armées n’est plus première et le chef militaire n’agit le plus souvent qu’en appui des autres intervenants au profit desquels il peut être amené à fournir tout ou partie des moyens dont il dispose, notamment ceux de commandement. Il doit toujours faire preuve d’intelligence de situation, c’est-à-dire repenser son action en fonction des acteurs déterminants.
Le rôle et la place dévolus au chef en opération sont évolutifs en fonction de la phase considérée de l’opération ; au fur et à mesure de son développement, le chef voit décroitre sa liberté d’action, alors que parallèlement il subit un accroissement des contraintes extérieures. D’acteur majeur, il devient un acteur en appui d’autres acteurs, civils ou locaux. En revanche, quelle que soit cette phase, les fondements du commandement demeurent, notamment la nécessaire adaptation du chef militaire au contexte dans lequel il agit et donne du sens.