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Au «Pays du cèdre», été 2006: un théâtre, deux opérations

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Le 12 juillet 2006, le HEZBOLLAH lançait une attaque contre Israël à la frontière israélo-libanaise, entraînant la mort de 8 soldats de TSAHAL et la capture de deux autres. Israël ripostait, dans la foulée, par une campagne aérienne, maritime puis terrestre de grande envergure au Liban et contre les positions du «Parti de Dieu».

Le 12 août, les gouvernements libanais et israélien acceptaient la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ainsi que les conditions d’un cessez-le-feu à compter du 14 août.

Dès la mi-juillet, la France s’était impliquée dans la crise. Il s’agissait à la fois de participer à la protection des ressortissants et de répondre à la volonté politique d’intervenir rapidement et de manière visible au Liban alors que la situation sur le théâtre était loin d’être stabilisée.


Quel volume de forces fallait-il engager au Liban? Dans les médias, on a évoqué successivement 20.000, 2.000 puis 200 hommes. A cette dernière annonce, certains journalistes étrangers ont dénoncé un «revirement français», «un engagement à reculons». Pour le gouvernement et le commandement français, la question s’est posée de manière différente: il s’agissait d’évaluer la capacité à projeter un volume de forces suffisant dans l’urgence et sous mandat ONU, sans déséquilibrer les forces sur le territoire national, ni perturber les autres engagements opérationnels. Pour l’Armée de terre, il s’agissait de confirmer son aptitude à pouvoir intégrer un environnement interarmées et multinational dans la phase de montée en puissance et de déploiement de l’opération.

Malgré les incertitudes qui ont longtemps perduré sur la nature et le volume de la force projetée, l’Armée de terre a répondu avec efficacité à la décision du Président de la République d’un engagement au «Pays du Cèdre». Elle a démontré sa réactivité tout à la fois parce qu’elle a su anticiper le cadre multinational de l’opération et s’inscrire résolument dans le processus de planification interarmées.

Au-delà de la bataille des chiffres, et de la présentation parcellaire et polémique de certains médias, la gestion de cette crise a caché une réalité plus complexe. Il y a bien eu deux opérations distinctes au Liban engageant des volumes de forces et des processus de planification différents.

  • La première, «BALISTE», a compté 600 militaires de l’armée de terre. Elle eut pour objectif de répondre rapidement à une situation d’urgence: participer dans un cadre essentiellement national à l’évacuation des ressortissants français.
  • La deuxième, «DAMAN», a impliqué 1.600 hommes s’ajoutant aux 400 déjà présents à Naqourah au sein du 420ème détachement d’infanterie motorisée (420ème DIM) de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Elle s’est inscrite dans le cadre multinational d’une FINUL renouvelée, capable de faire respecter les termes de la nouvelle résolution.

 

Opération BALISTE: de la mer à la terre (juillet – août 2006)

                Chronologie des événements[1]

Le 14 juillet 2006, en raison de la dégradation de la situation au Liban, le Centre de planification et de conduite des opérations de l’état-major des armées (EMA/CPCO) a fait mettre en alerte à 12h00 des moyens des trois armées. Leur mission: appuyer le départ de ressortissants souhaitant quitter le pays par Chypre.

Le 15 juillet, le CPCO a donné l’ordre de déploiement. Les moyens Terre ont embarqué le 16 à 14h00 à Toulon sur le Siroco pour appareiller à 21 heures. Le 21 juillet, le bâtiment était opérationnel sur zone. A son bord une compagnie du 7ème Bataillon de chasseur alpin (7ème BCA) et un détachement de l’Aviation légère de l’Armée de terre (ALAT) de 4 hélicoptères de manœuvre. Le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral a quitté Toulon le 19 juillet, emportant un groupement tactique embarqué (GTE) renforcé d’hélicoptères légers, d’une composante santé «lourde» et d’un module de regroupement et d’évacuation des ressortissants.

Sur les 1.500 hommes qui ont participé à l’opération, près de 600 de l’Armée de terre ont été projetés par les deux bâtiments de la Marine nationale. Finalement début août, plus de 13.800 personnes avaient été évacuées du Liban dont 10.800 Français[2]. Deux tiers de ces évacuations ont été assurés par des moyens militaires.

 

Le déroulement des opérations: l’urgence prime

La rapidité et la brutalité de la riposte israélienne ont été à la mesure de la surprise causée par l’attaque du Hezbollah. La FINUL a paru bien démunie face à la dégradation de la situation. Il a donc fallu faire face à l’urgence des événements pour protéger au plus vite nos ressortissants. La France a donc décidé de lancer l’opération BALISTE.

Pour cette opération, il n’y a guère eu de planification préalable et les documents opérationnels ont été élaborés progressivement à bord des bâtiments de la Marine nationale. C’est l’alerte Guépard qui a permis de répondre rapidement au mandat du CPCO. A cette occasion, l’alerte des unités à 12 heures s’est révélée pertinente. Elle a permis l’appareillage du Sirocco dès le 16 juillet avec une unité du 7ème BCA et du 3ème Régiment d’hélicoptère de combat (RHC). Le 19 juillet, le Commandant de la force a jugé indispensable de disposer d’une composante amphibie avec des moyens du 2ème Régiment d’infanterie de marine et un complément ALAT qui n’étaient pas d’alerte.

L’efficacité d’une telle opération repose sur la rapidité du déploiement et la complémentarité des moyens. Le cadre interarmées devient dès lors incontournable.

Ainsi au cours du conflit, le soutien logistique qui aurait dû être fourni par la FINUL, s’est avéré vulnérable et rapidement dépassé. La force BALISTE a alors procédé au transport du fret humanitaire et au ravitaillement de la FINUL entre la mi-juillet et la mi-août depuis les bâtiments au large de Beyrouth et la base aérienne de Paphos de Chypre. Sur le territoire libanais, le 420ème DIM dont la mission principale était d’assurer la sécurité du quartier général (QG) de Naqoura a dû prendre en compte avec succès de nombreuses missions de protection et d’évacuation de civils, de distribution d’aide alimentaire.

La mise en place rapide (21 juillet) de moyens spécialisés - dont un Centre de regroupement d’évacuation des ressortissants (CRER) - à Beyrouth et à Nicosie a facilité le travail des ambassades. Parallèlement, le groupement tactique embarqué a apporté une contribution déterminante en participant à la protection des sites, à l’enregistrement et à l’accueil des ressortissants. Ensuite, les 5 Puma de l’Armée de terre ont été utilisés de manière intensive pour les missions logistiques en complément des actions du détachement aérien de Paphos et du dispositif de soutien à partir des navires. Ils ont compensé ultérieurement et significativement la dissolution du «DETAIR» de Paphos le 22 septembre en accomplissant l’ensemble des missions de la force par voie aérienne. Enfin le détachement BAILEY (unités du 2ème Régiment étranger du génie et du 121ème Régiment du train) renforcé par des équipes EOD et cynophiles a pleinement contribué à la réalisation de l’effet final recherché en participant au rétablissement de la vie économique du pays. Les dix ponts construits sur six sites répartis sur tout le territoire et au profit de l’ensemble des groupes confessionnels ont permis de répondre à un fort besoin de la population et de l’économie libanaise.

Cette opération permet de tirer un certain nombre d’enseignements:

Si la planification au niveau politico-militaire - planification stratégique - a été menée tambour battant par le CPCO, la planification opérationnelle s’est adaptée à l’urgence de la situation. Urgence qui a imposé d’élaborer progressivement les documents opérationnels à bord des bâtiments de la Marine et de s’appuyer sur les structures d’alerte existantes. Des officiers de l’Armée de terre ont été pleinement intégrés à l’état-major de la Task Force 470 commandée par le contre-amiral Magne. Les efforts faits depuis plusieurs années pour développer la coopération avec la Marine nationale dans le cadre du concept amphibie y trouvent leur justification. En effet, même si cette opération ne peut être assimilée à une véritable opération amphibie, du moins a-t-elle permis d’éprouver et d’affiner les procédures de planification et de prise de décision dans un cadre nécessairement interarmées. Le dispositif d’alerte de type Guépard, quant à lui, a une nouvelle fois démontré sa pertinence. En revanche l’option d’une alerte amphibie qui n’est pas proposée par le Guépard pourrait judicieusement compléter le dispositif existant.

 

Opération DAMAN: le fait multinational est multiplicateur de délais

S’il n’y a pas vraiment eu de planification opérationnelle pour la projection de la force BALISTE, tant celle-ci a été déclenchée sur faible préavis, il a rapidement fallu préparer l’engagement d’une force plus conséquente. L’opération DAMAN s’est appuyée principalement sur les structures de planification nationale, travaillant parallèlement à celles de l’ONU.

 

Complémentarité des structures de planification nationales

La montée en puissance de ces opérations s’est appuyée sur une procédure de planification interarmées maîtrisée par l’Armée de terre et qui semble confirmer le bien fondé de sa chaîne des opérations. Dès le début, celle-ci a été associée aux travaux de planification du niveau stratégique au travers du Groupe de planification opérationnelle (GPO). Les commandements de la Force d’action terrestre (CFAT) et de la Force logistique terrestre (CFLT) y étaient représentés. L’état-major opérationnel terre (EMO-T) a tenu le rôle d’un indispensable relais avec les instances interarmées. Cette interface entre l’EMA et les commandements opérationnels terrestres travaille en étroite collaboration avec le CPCO avec lequel il est co-localisé. Cette proximité permet à la fois de bien appréhender les enjeux politiques et militaires des opérations et de faire valoir les positions de l’Armée de terre. Dans un environnement très incertain, l’Armée de terre a démontré qu’elle disposait d’une chaîne de commandement opérationnel lui permettant de répondre aux demandes de l’EMA dans des délais souvent contraints.

 

Une opération dans un environnement multinational contraignant

Toutefois, comme pour toute projection d’urgence où se sont conjugués l’impératif politique de limiter le coût et les incertitudes liées au cadre multinational de l’opération, la planification a dû être adaptée.

Première contrainte: la procédure de planification au sein de l’ONU est plus longue que dans un cadre national et nécessite plusieurs niveaux de validation. Les membres français de l’équipe de planification multinationale ont mis en exergue les lenteurs de cette planification. Sur le théâtre, elle s’est fait en liaison avec le commandement de la FINUL qui n’avait pas forcément la même manière d’envisager son renforcement. Le Manifest of Understanding (MOU) négocié début septembre à New York sur la base d’une mission du chapitre VI de la charte de Nations Unies, n’évoquait pas la mise en place de capacité offensive lourde ni le déploiement d’un soutien spécifique. Ce document décrivait un bataillon mécanisé «standard ONU» à base de véhicules blindés de transport de troupe à roues. Dès lors, se posait la question du financement des moyens réellement projetés. Le concept d’opération (CONOPS) et les règles d’engagement (ROE) étaient toujours en cours d’élaboration à quinze jours du déploiement des premiers éléments. Des points d’achoppement ont perduré par exemple sur l’attribution du secteur de Bin J’Beil que l’Espagne ne souhaitait pas occuper et que l’Italie aurait préféré voir attribuer à la France.

Ensuite, dès le 20 juillet, l’éventualité d’un engagement français a amené l’Armée de terre à étudier le renforcement de la FINUL, bien qu’on n’eût aucune certitude que cette dernière pût survivre au conflit de juillet. Toutefois, compte tenu des différences de tempo entre les travaux de planification de l’ONU et la volonté de déploiement national, aucune directive initiale de planification n’a précédé les travaux de planification de l’Armée de terre. Ceux-ci ont alors porté essentiellement sur la préparation d’options sur la constitution de la force. Les choix effectués ont donc été surtout fonction des impératifs nationaux. La France a décidé de projeter un GTIA équipé de moyens lourds et offensifs même si ces derniers n’avaient pas été expressément demandés par l’ONU. Ce choix délibéré découlait de la volonté de constituer une force robuste et crédible afin de prévenir une reprise des hostilités entre les belligérants. Il s’inscrivait dans les efforts faits pour renforcer l’image d’une FINUL si souvent critiquée pour son manque de célérité et de réactivité. Surtout il correspondait pleinement aux exigences françaises exprimées par le Président de la République dans son discours du 24 août: chaîne de commandement simple, cohérente et réactive, conditions d’efficacité et de sécurité optimales, règles d’engagement robustes.

Pour autant, même si le cadre multinational de l’opération avait été anticipé dans les travaux de l’Armée de terre, le retour d’expérience démontre qu’un effort devrait être poursuivi pour mieux tenir compte des procédures plus longues et contraignantes de l’ONU:

Insérer au plus tôt des précurseurs dans les cellules de décision et de planification au niveau stratégique (département des opérations de maintien de la paix) et au niveau opérationnel (FINUL) constituerait une véritable plus-value. Ils aideraient ainsi à la préparation puis à la diffusion des travaux de planification et des ordres vers les structures nationales.

La connaissance du fonctionnement de l’organisation mériterait une attention nouvelle parce que certains savoir-faire semblent avoir été oubliés. Les procédures de validation comme les structures opérationnelles de l’ONU, en particulier pour le soutien, semblent avoir été quelque peu perdues de vue.

 

Conclusion

En définitive, les opérations BALISTE et DAMAN ont permis de projeter rapidement et de manière visible une force capable de participer à l’évacuation des ressortissants français et européens du Liban et de renforcer la FINUL sans attendre que le conflit soit terminé, sans déséquilibrer les forces sur le territoire national, ni perturber les autres engagements opérationnels. L’armée de Terre s’est parfaitement intégrée au processus de planification interarmées. Les organismes qui participent à la planification opérationnelle ont démontré leur complémentarité, garantissant ainsi la cohérence des options proposées par l’Armée de terre. En outre, le cadre multinational de ces opérations a été anticipé suffisamment tôt même si la connaissance des procédures mises en œuvre par l’ONU mérite d’être approfondie.

Cet environnement interarmées et multinational apparaît comme un enjeu pour l’Armée de terre. Il mérite une attention soutenue tant la connaissance des procédures, des impératifs et des contraintes conditionne la bonne exécution des déploiements aujourd’hui.

 

 

[1] Opération Baliste – Point de situation Terre au 21 juillet 2006

[2] DICOD, communiqué de presse EMA du 11 août 2006

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Titre : Au «Pays du cèdre», été 2006: un théâtre, deux opérations
Auteur(s) : le Chef de bataillon Patrice BELLON
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