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Budget 2017 de la Défense

Par le général Jean-Pierre Guiochon
Défense & management
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Le présent document est destiné à l’information des membres du G2S : il a pour objectif de faire un point de situation sur le budget alloué pour 2017 au ministère de la Défense.


Il s’appuie principalement sur les documents produits en fin d’année 2016, dont le PAP (projet annuel de performance), et sur ceux du Sénat et de l’Assemblée nationale établis au titre des travaux préparatoires au vote du projet de loi de finance 2017, en particulier les comptes-rendus des auditions parlementaires du CEMAT. Il prend en compte quelques chiffres plus précis communiqués par les acteurs du dossier.


Bien que ces informations ne soient pas confidentielles, la présente lettre n’est pas destinée à être exportée hors du cercle des membres de notre association.


La construction du budget de la Défense 2017 est fortement liée aux décisions prises par le gouvernement à la suite des attentats de 2015 et de 2016.


Les décisions du Conseil de défense d’avril 2016 ont complété les dispositions prises en juillet 2015, lors de la réactualisation de la loi de programmation militaire 2014-2019. Cette réactualisation accordait une augmentation du budget de 3,8 Md€ pour la période 2016-2019 et diminuait, à hauteur de 18750 postes, les déflations d’effectifs prévues dans la loi. Le conseil de défense d’avril 2016 annulait un reliquat de déflations à effectuer, de 14935 postes, et réajustait l’enveloppe financière de la loi de programmation réaménagée de 3 Md € supplémentaires.


Ces différents ajustements d’effectifs, sans annuler le reliquat définitif de déflation de 4925 postes, permettaient la remontée en puissance de la FOT (force opérationnelle terrestre) de 66000 à 77000 hommes, le renforcement des fonctions renseignement et cyber-défense, tout en prenant en compte l’exécution dans la durée de la mission Sentinelle sur le territoire national.


Le budget de 2017 est à considérer par rapport aux perspectives de la loi actualisée, mais également aux conditions de fin de gestion de l’année 2016.
Les deux augmentations de l’enveloppe financière en 2015 et 2016, soit 6,8 Md€, marquant un effort significatif compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, compensent largement, en crédits budgétaires, les 6,2 Md€ de ressources exceptionnelles prévues en construction initiale de la loi de programmation 2014-2019. Ces ressources devaient être issues de cessions de fréquences, d’aliénations immobilières, et d’économies provenant de la création de sociétés de projet visant à louer aux armées des matériels achetés par ces nouvelles entités. Ce projet a vite été abandonné compte tenu de la complexité de sa mise sur pied et de son cadre juridique incertain. Cet abandon rendait donc plus exigeante la rentabilité des différentes cessions, dont les résultats ont, jusqu’à présent, été rarement conformes aux prévisions annuelles.


Le retour à un contenu financier plus réel et tangible de la loi initiale, élément positif, ne permettra cependant pas de rattraper complètement les retards et les impasses accumulés depuis les années passées.


La fin de l’exercice 2016 se traduira par un report global de charges de l’ordre 2,3 Md€. Celui lié au programme 146 des armements serait de l’ordre de 1,2 Md€ ; 672 M€ ont été pris par décret d’avance sur ce programme pour financer en partie le surcoût des opérations extérieures et intérieures de l’année 2016, soit 850 M€ sur un total de 1,3Md€ (450 € ayant été budgétés en loi de finances initiale). Ces 672 M€ devraient être à nouveau crédités en fin d’année et donc consommés en 2017, mais sans que le financement interministériel permettant de couvrir le reste du surcoût ne soit encore défini.


En présentation, le budget affiche un niveau de CP de 32,7 Md€, soit une augmentation de 2% (600 M€), représentant avec pensions seulement 1,7% du PIB.
Hors le report de charges 2016, ce budget est construit en prenant en compte 200 M€ d’économies attendues sur le coût des facteurs et 100 M€ de cessions immobilières, paramètres restant un peu aléatoires.


La masse salariale (Titre 2) est de 11,4 Md€, en nette progression, liée aux moindres déflations, et au financement de différentes nouvelles mesures catégorielles touchant les personnels civils et militaires (montant de 205 M€).


L’agrégat « équipement » est de 17,3 Md€, dont 10 ,05 Md€ pour le programme 146 (opérations d’armement).


Ce montant permet :
- la livraison de 1 Frégate FREMM, 3 A 400M, 1 avion de transport C130J, 9 hélicoptères NH90, 3 Rafale, 379 porteurs polyvalents terrestres ;


- la commande de 1 SNA Barracuda, de systèmes de cyberdéfense, de moyens de commandement des opérations aériennes, des premiers véhicules de combat du programme SCORPION de l’armée de terre, du drone de l’armée de terre « Patroller » succédant au SDTI Sperwer, enfin de la rénovation de 45 Mirage 2000.
La part dissuasion est en augmentation de 9,4%, soit 3,8 Mds€, et comprend en particulier le début des études sur la modernisation du SNLE et l’adaptation du missile M51.


Ces crédits augmenteront régulièrement dans les années à venir pour prendre en compte la fin de la modernisation de la composante marine, puis le renouvellement des deux composantes aérienne et navale de la dissuasion.
L’entretien programmé des matériels, dont le montant est en hausse de 6,8%, soit 3,4 Mds€, reste encore en-deçà des besoins réels, en raison de l’usure exponentielle des matériels utilisés en opérations et de l’arrivée de nouveaux systèmes d’armes plus sophistiqués, dont les systèmes aériens.


Les besoins financiers supplémentaires estimés sont de l’ordre de 800/900M€, alors qu’un effort global de 500M€ seulement a été consenti, réparti en 2015 et 2016 au titre de l’actualisation de la loi de programmation.


Les insuffisances dans ce domaine ont deux incidences majeures :


- d’une part, une disponibilité technique des matériels très variable, oscillant de 40% à 70% selon les systèmes d’armes, avec une situation plus que préoccupante pour les hélicoptères nécessitant une action vigoureuse auprès des industriels concernés ;


- d’autre part, un frein concret à la réalisation de l’entrainement opérationnel des armées ; ce frein d’ordre technique, couplé aux contraintes financières des budgets activités, conduit les forces à ne pas atteindre les objectifs en termes de journées d’entrainement, qui restent toujours en dessous de ceux prévus par la loi de programmation et inférieurs aux normes OTAN ; cette situation, latente depuis quelques années, a conduit les différentes armées à organiser, contre leur gré, des systèmes imparfaits d’entrainement différencié qui constituent un non-sens en termes de cohérence opérationnelle, caractérisant finalement une posture d’armées à deux vitesses.


Il y a là un point hautement critique qui devra être impérativement et rapidement corrigé dans les 3 prochaines années pour rendre crédibles et pérennes les capacités opérationnelles actuelles et à venir de nos armées.


Les crédits de fonctionnement, à hauteur de 3,5 Md€, restent stables, mais sont toujours insuffisants pour donner une quelconque marge de manoeuvre dans la vie quotidienne des unités : elles doivent inlassablement faire preuve d’ingéniosité et de dévouement pour travailler dans un environnement chichement mesuré. Il est incontestable que ces conditions de vie pèsent sur le moral des personnels.


En matière d’infrastructure, l’effort consenti, soit 1,4 Mds€ (dont 100 M€ de cessions immobilières), porte notamment sur les adaptations nécessaires des installations accueillant les nouveaux systèmes d’armes, sur la prise en compte des besoins liés à la remontée en puissance de l’armée de terre (33 régiments sont densifiés par au moins une unité élémentaire), sur la sécurisation des implantations des unités et enfin sur les loyers à régler aux services domaniaux pour certaines emprises de la défense, en particulier le site de Balard.


Les crédits d’entretien de l’infrastructure restent toujours très en-dessous des normes, inférieurs à 4€/m², alors que la moyenne admise pour les administrations de l’Etat est de 8/9 € m².Ce constat est à corriger impérativement, car il a aussi un impact très fort sur le moral des personnels.


Dans le domaine des réserves, les annonces présidentielles portant sur l’augmentation des forces militaires de la réserve opérationnelle de 28 000 à 40 000 à l’horizon 2018 se sont traduites par une dotation budgétaire en augmentation de 30%, soit 105 M€, dont 45M€ destinées à des mesures d’attractivité. Ces 40 000 réservistes Défense seront regroupés avec les 40 000 réservistes de la Gendarmerie et les 5 000 de la Police nationale, au sein du nouveau dispositif de la Garde Nationale, dont il restera à mesurer, à terme, l’efficacité.

Pour l’armée de terre, le budget 2017, peut être considéré globalement comme juste satisfaisant, mais encore marqué par des contraintes significatives. S’il permet d’achever la hausse d’effectifs prévue, il prend également en compte certaines mesures très attendues de compensations en matière de sujétion d’alerte opérationnelle et d’absence cumulée hors garnison, ainsi que des mesures de revalorisation au bénéfice de certaines fonctions de sous-officier. Les chiffres évoqués ci-après sont des crédits de paiement (CP).


En matière d’équipements, le budget assure une prise de commandes importantes pour le devenir de l’armée de terre, en particulier la mise sur pied des unités SCORPION : 319 VBMR (véhicule blindé multi-rôles Griffon), 20 EBRC (Engin blindé de reconnaissance et de combat Jaguar) ; par ailleurs, 100VBL rénovés, 12000 HK146 (remplaçant du Famas), 3000 EPC feront l’objet de commandes.
Seront livrés : 6 Tigre HAD, 7 NH90, 150 munitions et 50 postes de tir MMP (missile antichar de moyenne portée), 5340 fusils d’assaut HK416, 1350 ensembles parachutistes du combattant.


Cet effort attendu doit être inexorablement poursuivi pour redonner à l’armée de terre les capacités opérationnelles nécessaires aux nombreuses missions qu’elle assume sur beaucoup de théâtres d’opérations. En parallèle, comme souhaité par l’armée de terre, le calendrier de mise sur pied des matériels SCORPION mériterait d’être accéléré pour adapter plus rapidement l’armée de terre aux menaces actuelles et futures.
Le budget activités et entrainement reste, malgré une légère hausse, tendu. 175 M€ devraient permettre de réaliser, si la disponibilité technique des matériels est au rendez-vous, 81 jours d’activités (64 en 2015, 72 en 2016, pour un objectif de 85 en 2020). La partie fonctionnement courant assure un minimum de moins en moins supportable.


L’EPM des matériels terrestres avec 438 M€, en légère hausse, est consacré à l’impératif et à l’urgent ; s’il permet de régénérer 440 camions GBC, 150 VAB, 90VBL, il doit faire face à d’autres besoins plus globaux, à savoir notamment la remise en état des 3000 matériels majeurs utilisés en opérations. Une ressource supplémentaire annuelle de 100M€ est indispensable pour répondre à cet enjeu.


L’EPM des matériels aériens de l’armée de terre (ALAT), avec 338 M€, consacré en particulier aux hélicoptères, ne permet pas encore de faire remonter significativement la disponibilité technique moyenne actuelle qui est de 40%. Les pilotes n’effectueront que 164 heures de vol, pour une cible réitérée en programmation de 180 heures.
Le budget fonctionnement – vie courante se monte à 100 M€ ; c’est un niveau identique aux années précédentes, alors les effectifs ont augmenté…


Comme cela a été souligné lors des auditions parlementaires du CEMAT, l’armée de terre est confrontée à une forme de course dans laquelle « les matériels doivent rattraper les effectifs repartant à la hausse ».


Fort de ce constat, il estime que le modèle administratif et économique concourant au développement et à la fabrication des systèmes d’armes est à revoir et à moderniser dès que possible. Ce souhait répond à la nécessité pour l’armée de terre de rendre cohérente l’organisation de ses effectifs avec la mise en place d’équipements performants afin de réaliser concrètement les capacités opérationnelles adaptées à ses différents engagements.


Enfin, en matière d’infrastructure, le niveau de 233M€ est largement insuffisant, pour des besoins à hauteur de plus 350M€. Permettant de faire face à l’aménagement des casernements destinés à recevoir dans les régiments concernés les unités supplémentaires, de prendre en compte l’installation de la 13éme DBLE au Larzac et la montée en puissance du 5éme RD à Mailly, ce montant n’assure en revanche pas correctement le maintien en condition de nombreuses infrastructures vieillissantes et de moins en moins adaptées au personnel et aux matériels.

Au bilan, et sous réserve que le dégel des 2,4 Mds€ de crédits mis en réserve en 2016 soit effectué en totalité, le budget 2017 présenterait une légère embellie pour les armées, à condition qu’un orage d’ordre politique et (ou) budgétaire ne vienne perturber cette éclaircie du moment. Cet effort, en affichage, doit d’abord être confirmé et réalisé au cours de l’année commencée, mais surtout poursuivi dans les années suivantes, selon les engagements pris ou les promesses faites pour l’avenir.


Le décalage constaté, et rappelé inlassablement, depuis les deux dernières lois de programmation entre les objectifs affichés en matière de politique de défense et de sécurité et les moyens attribués, ainsi que l’écart entre les missions retenues et les capacités opérationnelles correspondantes des armées, ont atteint leur extrême limite, que les événements survenus en France et hors métropole en 2015-2016 ont clairement mise en évidence.


Les moyens ne peuvent continuellement courir derrière des missions inchangées, voire supplémentaires, sans courir le risque d’un essoufflement insupportable, prélude à une mortelle asphyxie.


A cet égard, il convient peut-être de méditer deux exemples :
- d’une part, le Royaume-Uni, dont les armées peinent encore à retrouver un niveau opérationnel acceptable, suite à leur fort engagement en Afghanistan et en Irak couplé à de très strictes restrictions budgétaires,
- d’autre part, l’Allemagne, pays ne revendiquant pas la conduite d’une politique mondiale et non doté de l’arme nucléaire, mais ayant défini un budget de la défense de 34,2 Md€ pour 2016, de 37 Md€ pour 2017 avec un objectif de plus de 39Md€ pour 2019.


C’est dans ce type de perspective qu’il importe de placer le débat actuel sur les conditions de l’augmentation du budget français de la défense à 2% du PIB, pensions comprises ou non.

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Titre : Budget 2017 de la Défense
Auteur(s) : général Jean-Pierre Guiochon
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