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Contre-insurrection dans l’Ouest (1793 – 1801)

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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La contre-insurrection est à la mode. L’Irak et l’Afghanistan ont remis au goût du jour l’étude de stratégies et tactiques développées à l’occasion des guerres de décolonisation. Pourtant, à cet égard, quelques leçons pouvaient déjà être tirées d’une histoire un peu plus ancienne. Les soulèvements insurrectionnels qui eurent lieu dans l’Ouest de la France au cours de la période révolutionnaire en sont un bon exemple, même s’ils se situent dans le cadre particulier d’une guerre civile.


En effet, l’étude des méthodes de contre-insurrection face aux Vendéens et aux Chouans montre déjà l’inefficacité de la répression sanglante et la permanente nécessité de la négociation avec l’adversaire.

La contre-insurrection dans l’ouest, à l’époque de la Révolution, n’a pas fait l’objet d’une stratégie constante et cohérente. Bien au contraire, elle a évolué au gré des aléas politiques du moment, des modes d’action employés par les insurgés ou encore de la personnalité des hommes chargés de la mettre en œuvre.

Pour illustrer notre propos, nous rappellerons en quoi ont consisté la Guerre de Vendée et la Chouannerie, deux insurrections aux racines similaires mais aux manifestations distinctes. Les réactions de l’État républicain faites d’intransigeance politique et de terreur furent non seulement inefficaces mais renforcèrent l’insurrection. Enfin, la pacification, à défaut de réelle victoire, n’a pu se faire que par une politique de compromis associée à des innovations tactiques.

 

Guerre de Vendée et Chouannerie: deux insurrections aux racines similaires mais aux manifestations distinctes

En 1793, les tensions couvent depuis trois ans autour de la liberté religieuse et de la condition paysanne: Constitution civile du clergé adoptée en juillet 1790, interdiction des congrégations, déportation des prêtres réfractaires, accroissement de l’impôt, exécution de Louis XVI…De plus la rivalité ville/campagne, déjà ancienne, s’amplifie sous l’effet de l’hyper-centralisme jacobin.

C’est la levée en masse, décrétée par la Convention en février 1793, qui met le feu aux poudres. Une grande partie de l’Ouest se soulève (mais aussi Lyon, la vallée du Rhône, l’Alsace, Toulon, Nîmes…). Partout les troupes viennent à bout des émeutes, sauf en Vendée où les insurgés s’organisent, sous l’impulsion de chefs locaux, nobles[1] ou roturiers[2], en une «Armée Catholique et Royale». Des  opérations militaires de grande ampleur sont conduites, avec attaques de villes et batailles rangées. De mars à juin 1793, les Blancs volent de victoire en victoire, avec notamment les spectaculaires prises de Saumur et d'Angers. Après l’échec de la prise de Nantes, 80.000 Vendéens[3] traversent la Loire pour coordonner leurs efforts avec la Bretagne et le Maine et appuyer un débarquement britannique sur la Manche, à Granville, qui ne viendra jamais. Cette «virée de Galerne», après plusieurs succès, s’achève par la déroute de Savenay. La répression sanglante qui s’abat alors sur la Vendée modifie le profil de la lutte en une guérilla à demi centralisée dont Hoche ne parviendra à venir à bout que fin 1796.

Au nord de la Loire, les troupes républicaines l'emportent d'abord sur les insurgés. Mais la dureté des méthodes employées provoque la reprise du conflit fin 1793, sous la forme d’une multitude de résistances locales en Bretagne, dans le Maine et en Normandie. La Chouannerie conservera toujours cet aspect de guérilla décentralisée, à quelques exceptions près (débarquement de Quiberon en juin 1795), même si l’action de grands chefs[4] donne peu à peu une cohérence d’ensemble à l’action. Ce mode d’action explique que l’insurrection chouanne va durer jusqu’en 1801, avec même quelques résurgences en 1815 et 1830.

Face à ces insurrections, la réaction du pouvoir républicain va prendre deux formes distinctes.

 

Intransigeance politique et terreur : des mesures inefficaces et contre-productives

Cette contre-insurrection «dure» coïncide le plus souvent avec le contrôle du pouvoir parisien par les révolutionnaires extrémistes (Montagnards, Hébertistes…). Ceux-ci cherchent à éliminer le problème par le populicide[5] comme l’illustre de façon spectaculaire la répression de Nantes: fin 1793, Carrier, envoyé de la Convention, met en œuvre une politique de terreur encore jamais vue. Des milliers de prisonniers sont entassés dans les prisons de Nantes, dans des conditions inhumaines. Beaucoup meurent d’épidémies. Les exécutions s’enchaînent (2.600 fusillés entre décembre et février) mais leur rythme ne suffisant pas, de nouvelles techniques d’extermination sont mises en place: gaz, mines et surtout les noyades massives dans la Loire. Carrier extermine ainsi près de 10.000 hommes, femmes et enfants. Pour épouvanter la population, il expose les têtes décapitées des chefs sur des piques.

Sur le plan tactique, quelques généraux républicains font preuve d’une véritable férocité. Ainsi, Westermann, après la bataille de Savenay, se vante d’avoir exterminé tous les prisonniers, femmes et enfants compris[6]. Les «colonnes infernales», quant à elles, visent à couper l’insurrection de ses appuis dans l’arrière pays en incendiant les villages et en massacrant leurs habitants, Bleus et Blancs confondus; c’est Turreau, l’inventeur et le maître d’œuvre de ce plan qui, suivant les estimations, fait entre 50.000 et 200.000 morts entre février et juin 1794.

L’emploi de «faux-chouans» en Bretagne est plus anecdotique, mais tout aussi révélateur: soudards arborant le Sacré-Cœur, ils terrorisent la population pour discréditer l’action des Chouans. Mais ces opérations psychologiques avant l’heure ne trompent pas longtemps les habitants.

Bien loin de faire disparaître la révolte, ces méthodes sanguinaires exacerbent au plus haut degré le ressentiment de la population dont une part grandissante, y compris des «patriotes», va grossir les rangs de la rébellion.

 

La pacification par le compromis politique et les innovations tactiques

En juillet 1794, la chute de Robespierre permet le retour des patriotes «modérés» qui souhaitent un apaisement: Hoche négocie la paix de La Jaunaye avec les Vendéens en février 1795 et la paix de La Mabilais en avril 1795 avec les Chouans. Elles permettent d’apaiser temporairement les populations par une politique de clémence (liberté de culte, amnistie des insurgés qui déposent les armes…).

Dans le même temps, les opérations militaires républicaines reprennent. Hoche, alors responsable de tout l’ouest, reprend le plan imaginé par Kléber en 1793, quadrillant la région par des camps fortifiés, dispositif qu’il complète par des colonnes mobiles de 50 à 60 cavaliers qu’il fait marcher la nuit. De plus, il fait effort sur la capture des chefs charismatiques, véritables centres de gravité vivants de l’insurrection: Stofflet est capturé et fusillé en février 1796, Charette en mars. Enfin, il discipline ses troupes afin d’éviter les excès à l’égard des populations et laisse le culte catholique se réinstaller durablement. Cette stratégie se révèle payante. Le 15 juillet 1796, le Directoire peut annoncer que «les troubles dans l'Ouest sont apaisés».

Après le coup d’état jacobin[7] de Fructidor (septembre 1797), les persécutions religieuses reprennent, provoquant la «troisième Chouannerie» en Bretagne. Elle ne s’apaisera que sous l’action de Bonaparte (après le 18 Brumaire) qui, s’inspirant de Hoche, met en œuvre une politique mêlant fermeté et tolérance et surtout accepte de signer le Concordat en juillet 1801. Cette paix religieuse enfin obtenue satisfait une majorité de paysans de l’ouest, qui désarment définitivement et rentrent chez eux.

Cette période de notre histoire a laissé des traces profondes dans la mémoire collective des départements de l’Ouest français, même si elle a longtemps fait l’objet d’une lecture univoque dans les manuels d’histoire[8]. Pourtant, une relecture dépassionnée des faits s’avère riche d’enseignements militaires si on les replace dans une perspective stratégique et tactique. Dans une perspective humaine, toutes les leçons n’ont pas été tirées non plus, comme le souligne l’histoire mouvementée de l’Europe au XXème siècle.

Les leçons de cette guerre contre-insurrectionnelle ne furent que partiellement assimilées par la Grande Armée. Car si elle a su faire face aux rebelles du Tyrol menés par Andréas Hofer ou aux insurgés de Naples, son enlisement de 1808 à 1813 dans la péninsule ibérique face aux guerrilleros espagnols fut une des causes majeures de la chute de Napoléon.

 

 

 

[1] Bonchamps, La Rochejacquelein, Charette, Lescure…

[2] Cathelineau, Stofflet…

[3] 30.000 combattants accompagnés de 50.000 civils, principalement leurs familles.

[4] Puisaye, Cadoudal, Guillemot, Tinténiac, Boishardy…

[5] Terme que l’on doit à Gracchus Babeuf, auteur en 1794 de «Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier». Certains auteurs contemporains, tels Reynald Secher, Pierre Chaunu ou Jean Tulard, parlent même d’un véritable génocide.

[6] «Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains, elle est morte sous notre sabre libre avec ses femmes et ses enfants. […]. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé».

[7] Coup d’état motivé par la victoire des monarchistes aux élections d’avril 1797.

[8] Reynald Secher parle de «mémoricide» pour décrire l’occultation historique volontaire des massacres perpétrés en Vendée.

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Titre : Contre-insurrection dans l’Ouest (1793 – 1801)
Auteur(s) : le chef d’escadrons Roland de CADOUDAL
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