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Corée et Corée: premier round

cahier de la pensée mili-Terre
Relations internationales
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Finalement, la vraie question est qu’au bout d'un siècle de batailles, d'affrontements terrifiants, de heurts irrémédiables, la version communiste collectiviste du pouvoir et de la société peut-elle être compatible avec celle de la société libérale-capitaliste?

Madame le professeur Françoise THIBAUT détaille l'enjeu mondial des rencontres des prochains mois, de ces sourires et poignées de mains, de ces accolades et tables rondes.


Voilà… C'est fait: le premier pas est accompli.

La diplomatie silencieuse (la vraie diplomatie) a fait son œuvre. Le lassant désir de transparence permanente imposée par les médias a été habilement contourné. Des dizaines de messieurs en costume sombre et cravate, munis de passeports diplomatiques, ont pris des dizaines d'avions pour se rencontrer dans des lieux calmes et discrets, afin de discuter de choses sérieuses. Cela a pris du temps, beaucoup de patience, et la nécessité d'un vocabulaire commun.

Les deux Corée rebâtissent un début d'univers partagé. Cela prendra du temps, beaucoup de patience, et il n'est pas certain que cela réussisse. Mais le plus important est l'acquisition de cette plate-forme commune d'intérêts, sans l'intervention de puissances extérieures, même si elles sont très «puissantes» ou si elles influencent en sous-main. Cette bonne perspective a émergé de la calamiteuse conférence de Vancouver, en janvier, où aucune des Corée n'avait été conviée: sa conclusion fût que seules les deux nations concernées pouvaient trouver une solution commune satisfaisante pour tout le monde. Ensuite, il y a eu le bienfaisant intermède des jeux olympiques d'hiver où, sous couvert d'amusement sportif, les premières rencontres opérationnelles ont pu se dérouler. Les représentants respectifs de monsieur Kim et de monsieur Moon ont pu mesurer leur capacité à s'entendre1.

Lors de ses délires nucléaires – tout à fait volontaires – Kim Jong-Un a atteint son premier objectif: se faire connaître, se faire respecter, lui et son État, en faisant savoir au monde qu'il n'était pas «un tigre de papier», mais un chef à la tête d'une nation armée et disciplinée. «Faire peur» est un moyen comme un autre de s'imposer en politique. Le second objectif était d'accéder à une reconnaissance non plus symbolique, mais réelle et juridique: l'établissement de l'armistice de 1953 et de la frontière du 38ème parallèle, lors de l'arrêt des hostilités entre occidentaux et communistes, a laissé «béante» la question de la paix entre les deux espaces délimités par l'autorité internationale. Il est donc temps de remédier au vide douloureux. Tel est l'enjeu actuel. La Corée du Nord est désormais le symbole le plus pur de l’État communiste (maintenant que Cuba s'est engouffré dans la brèche monétariste et que la Russie et la Chine pratiquent des politiques alternatives). À ce titre, elle représente une vision autoritaire du pouvoir pour le bien du peuple, mais également dynastique (ce qui est paradoxal). Après trois années de guerre et deux millions de morts, la péninsule devait revivre, quelle que soit la forme de son gouvernement. L'option communiste au nord, celle libérale et capitaliste au sud, représentent à elles deux le dilemme le plus pathétique de notre époque troublée et remuante à l'excès.

Maintenant, l'ambition du jeu sera d'établir une situation «gagnant-gagnant»: l'inquiétude de la zone Pacifique, dans son ensemble et sa diversité, a été et reste très grande; il n'est pas question d'avancer davantage vers une déstabilisation. Tous les proches voisins des Corée ont atteint des niveaux d'alarme peu vivables sur le long terme. De l'Australie au Japon, de Singapour au Philippines, les essais nucléaires et la politique extrêmement menaçante de Kim Jong-Un ont engendré la panique.

C'est là que le clan des «grands frères» communistes intervient: la Chine d'abord, et la Russie (toujours soviétique) sont intervenues afin de modérer les ardeurs agressives; les enjeux économiques et financiers sont d'importance. Surtout pour la Chine du président Xi, dont les plans de conquêtes économiques sur la zone Pacifique et dans le reste du monde ne doivent pas être contrecarrés par un allié irresponsable. La Russie, grande pourvoyeuse de moyens et de procédés de gestion sociale, a également désiré affermir son rôle de modératrice. Donc, coté Corée du Nord le contexte est bétonné.

 

En face, Donald Trump n'a pas tort lorsqu'il affirme que ce sont ses «coups de gueule» qui ont déclenché le cheminement vers l'apaisement. Si on a bonne mémoire, en 1994, Bill Clinton, alors président des États-Unis, finit, au terme de discussions interminables, par arracher un accord à l'ultra tyrannique père du Kim actuel: lequel promet d'abandonner son programme nucléaire militaire en échange d'une aide économique civile. Sous couvert de cet accord, la Corée du Sud, le Japon et d'autres États fournirent deux petits réacteurs nucléaires civils et une aide de plusieurs milliards de dollars. Clinton affirma naïvement «c’est un bon accord qui assurera une meilleure sécurité à tout le monde et permet à la Corée du Nord de se développer». Monsieur Kim ne démantela rien du tout et empocha les dollars2. Ensuite, George W. Bush tenta d'être plus sévère, et enclencha sans succès de nouvelles négociations; la réponse, en 2006, fut le premier essai nucléaire. Tout le travail de l'administration Obama fut de ralentir au maximum les effets dévastateurs de cette politique, alors que Chine et Russie épaulaient leur allié nord-coréen.

Maintenant qu'il a acquis sa notoriété internationale et conforté sa réputation, monsieur Kim veut passer à une solidification économique et, sans doute, tenter de rendre son système social moins épouvantable. Pour cela, il doit «s’ouvrir au monde», trouver des liens financiers nouveaux, utiliser des modèles sociaux occidentalisés; il les connaît bien, puisqu'une grande partie de sa jeunesse s'est déroulée en Europe et aux États- Unis. Il en connaît les qualités et les défauts.

Il ne faut surtout pas songer à une réunification. L'hypothèse est absurde. Sur quelles bases pourrait-elle exister? Aucun des protagonistes ne le souhaite, ni aucun des deux peuples. Les deux systèmes, tels qu'ils existent, sont aux antipodes l'un de l'autre. Tout au plus, une coopération ciblée sur des domaines précis serait appréciée par les deux parties.

Peut-être la rencontre en juin 2018 avec Donald Trump n'aura-t-elle pas lieu? Peut-être sera-t-elle catastrophique? Trump ne démordra pas d'une dénucléarisation totale, et monsieur Kim revendiquera la disparition des bases armées nord-américaines les plus proches de ses frontières. Néanmoins, les professionnels de la diplomatie misent sur une pacification bilatérale. Un modérateur a été introduit dans ce dialogue effervescent: le représentant sud-coréen; lui seul peut comprendre le point de vue des deux parties. L'aboutissement logique idéal serait, près de 70 années après l'armistice séparatiste, la signature d'un véritable traité de paix et l'abandon de l'opaque et douloureuse frontière militarisée.

Mais la route est encore longue. Quelle est la part de sincérité ou d'hypocrisie? De strict calcul opportuniste et de véritable désir de paix? Faut-il miser sur un remarquable coup de théâtre (ou d'accélérateur) commis par deux interlocuteurs imprévisibles ou sur un enlisement dévastateur?

 

Finalement, la vraie question est: au bout d'un siècle de batailles, d'affrontements terrifiants, de heurts irrémédiables, la version communiste collectiviste du pouvoir et de la société peut-elle être compatible avec celle de la société libérale-capitaliste?

L'enjeu des rencontres des deux prochains mois, de ces sourires et poignées de mains, de ces accolades et tables rondes, est mondial. Et en quelque sorte philosophique. Il nous concerne tous, présente une résurgence des périls nucléaires que l'on croyait pourtant évanouis à jamais, et pèsera également sur le devenir de l'Europe, car désormais tout est lié.

 

 

Docteur en droit et en sciences politiques, Madame Françoise Thibaut est professeur émérite des universités, membre correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques. Elle a enseigné aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan le droit et la procédure internationale ainsi qu'à l'École supérieure de la gendarmerie de Melun. Elle écrit aussi des thrillers pour se distraire, tout en continuant de collaborer à plusieurs revues et universités étrangères. Elle est notamment l'auteur de «Métier militaire et enrôlement du citoyen», une analyse du passage récent de la conscription à l'armée de métier.

 

 

1-Les rencontres politiques et diplomatiques discrètes sont un rituel des jeux olympiques. Cela a commencé il y a longtemps, bien avant la 2ème Guerre Mais c'est surtout à partir de 1948 que cet aspect s'est développé: afin de prouver au monde qu'ils existaient toujours et que la paix était vraiment acquise, les Européens et le Comité International ont rétabli très vite la tradition olympique. Les Britanniques reprirent le flambeau en 1948, puisque les Jeux de 1944 y avaient été impossibles. À la recherche d'une capitale européenne neutre, non touchée par la guerre et ses bombardements (ni non plus dans un pays à gouvernement fasciste), Helsinki en 1952, capitale de la Finlande, fut plébiscitée. C'est là que les Nord-Américains et les Soviétiques se rencontrèrent pour la première fois dans le contexte de guerre froide. L'évènement très symbolique en fut aussi les trois victoires d'Émile Zatopek, brillant représentant du monde de l'Est alors que les USA remportaient le plus grand nombre de médailles.

 

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Titre : Corée et Corée: premier round
Auteur(s) : Madame le Professeur Françoise THIBAUT
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