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David Galula, du Capitole à la roche Tarpéienne ? 3/4

Questions opérationnelles - Revue militaire n°55
Histoire & stratégie
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Si Galula ne peut donc être un manuel à glisser dans la musette, il devrait rester une source d’inspiration et de réflexion pour passer au crible les opérations et les difficultés que les forces occidentales rencontrent aujourd’hui. Donnons-en quelques exemples sur l’emploi de la force et la manière dont elle est perçue.


Pour Galula, rappelons-le, l’objectif de la guerre contre-insurrectionnelle n’est pas la conquête d’un territoire mais de la population, et l’on n’atteint pas cet objectif en détruisant les forces ennemies. C’est parce que l’insurgé ne trouve plus de soutien dans la population qu’il ne peut poursuivre le combat. Certes, pour entamer la pacification, il faut, selon lui, commencer par une opération militaire visant à expulser de manière au moins temporaire les rebelles de la zone dans laquelle on doit opérer. Mais ensuite, les choses sont tout à fait différentes ; l’action de feu doit laisser la place au retournement de la population.

Alors que Galula obtient des succès spectaculaires dans son secteur de Kabylie et que celui-ci devient progressivement l’attraction des états-majors d’Alger, voire des visiteurs parisiens, il ne cesse d’être confronté à l’incompréhension. Ainsi, lorsque le général Guérin veut le faire promouvoir au grade supérieur à titre exceptionnel, Alger lui oppose qu’il est inconcevable de mettre en avant un officier qui n’a pas été cité dans une action de feu… Au contraire, les « warriors », l’expression est de Galula, ayant un score élevé en termes d’ennemis hors de combat, mais un résultat nul en termes de pacification, avaient, eux, toutes leurs chances… Deux mois plus tard, Guérin et le général Salan rédigeaient une « fausse » citation à son sujet pour avoir gain de cause !

Dans le même esprit, il dénonce l’erreur consistant à croire qu’il suffit d’éliminer les chefs rebelles pour venir à bout de l’insurrection. Il le remarque notamment à propos de l’interception de l’avion de Ben Bella et des leaders du FLN entre Rabat et Tunis en octobre 1956. Galula ne nie pourtant pas que cela puisse être utile dans certaines circonstances ; il l’a lui-même pratiqué dans son secteur, mais presque comme conséquence de l’action de pacification. On peut s’interroger en revanche sur le recours quasi systématique à ce moyen d’action. L’élimination ciblée ne risque-t-elle pas d’empêcher l’émergence de tout interlocuteur crédible et de favoriser celle de leaders extrémistes ? N’existerait-il pas actuellement la tentation de croire que les opérations spéciales suffiraient à atteindre les objectifs stratégiques ?

En contradiction avec les principes traditionnels d’emploi, dans son secteur d’opérations Galula va progressivement disperser sa compagnie dans chaque village en petits groupes de quinze à vingt soldats. Inspectant son secteur, le général Noguès fut horrifié : « Vu la dispersion de vos forces, vous n’avez plus aucun pouvoir militairement. Vos postes sont complètement inutiles, vous n’êtes pas assez puissants pour vous permettre la moindre sortie sérieuse et combattre les rebelles ! » Il ne réussit pas à le convaincre que c’était justement le résultat du succès. N’avait-il pas ouvert six écoles pour scolariser 1 400 enfants, garçons et filles, uniquement grâce à ses soldats ? Ce parti pris et ces résultats ne doivent-ils pas interroger alors que les FOB, convois blindés et casques lourds sont devenus la norme ?

Alors qu’il manque de moyens pour mener à bien la pacification, Galula critique le coût exagéré des opérations militaires (munitions et destructions) au regard de leur efficacité. À l’issue d’une journée de ratissage, il observe : « En une journée, nous utilisâmes 500 obus de 105 mm et je ne sais combien de roquettes. Nous trouvâmes les corps de trois rebelles. Dans mon rapport, je comparai le prix de nos munitions avec le résultat de l’opération et suggérai qu’éventuellement offrir 500 000 francs (1 000 dollars) à chaque fellagha qui se rendrait avec son arme nous coûterait moins cher et serait plus efficace. »

Plus généralement, la guerre contre-insurrectionnelle est une guerre qui, pour être gagnée, doit aller contre le principe classique de montée aux extrêmes. L’usage de la force doit être autant que possible minimal. Néanmoins, dans Pacification en Algérie4, son témoignage de terrain, les choses ne sont pas toujours aussi tranchées. Galula est, par exemple, partisan de l’usage du Napalm, du DDT, voire des gaz pour purger une forêt impénétrable de ses rebelles. Commentant la bataille d’Alger, à laquelle il n’a pas pris part, il est ambigu quant aux moyens utilisés au regard du terrorisme aveugle qui sévissait. Cependant, dans sa pratique des interrogatoires, il refuse tout recours à la torture et prône plutôt de traiter humainement les prisonniers pour lutter contre la propagande adverse, voire retourner les suspects, sans toutefois naturellement abandonner la pression psychologique indispensable pour les faire parler.

 

4 Les Belles Lettres, collection Mémoires de guerre, Paris, 2016, 363 p., traduit de l’anglais par Julia Malye, « Pacification in Algeria », 1956-1958, 1963, Rand Corporation.

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Titre : David Galula, du Capitole à la roche Tarpéienne ? 3/4
Auteur(s) : Monsieur Matthieu MEISSONNIER
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