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De la création à la consécration. 1804-1914 2/4

Revue de tactique générale - La bataille - le corps d'armée français
Histoire & stratégie
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Boulogne  1804. Napoléon  crée  le  corps  d ’armée. La  bataille napoléonienne

Au moment de la constitution de la Grande Armée, suite à la rupture de la Paix d’Amiens en 1803, l’Empereur cherche à la réorganiser à sa main. Si le système divisionnaire a fait ses preuves, il est incomplet, en ce sens qu’il multiplie beaucoup trop les subordonnés directs de Napoléon...


... Il lui faut des groupes de divisions, indépendants, capables, selon des ordres précis, de réaliser rapidement et de façon autonome la marche à l’ennemi, et en mesure d’être regroupés dans sa main pour la bataille décisive. Ce seront les corps d’armée, dont le commandement est confié aux maréchaux qui viennent d’être élevés à cette dignité : Bernadotte,  Marmont, Davout, Soult, Lannes, Ney et Augereau. Les succès de Napoléon tiennent à sa capacité à coordonner les trois armes (infanterie­cavalerie­artillerie) grâce aux corps d’armée, premier niveau tactique complet pour conduire la bataille. De ce fait, les divisions, dont c’était la fonction durant les guerres de la Révolu­ tion, en passant sous la subordination des commandants de corps, sont ravalées à un niveau d’exécution.

Chaque corps d’armée est doté d’un état­major (Jomini sera chef d’état­ major de Ney lors de la campagne de 1813, après avoir servi à l’état­major de la Grande Armée sous Berthier), deux ou trois divisions d’infanterie dotées de leur artillerie organique, une brigade ou une division de cavalerie légère, une artillerie de corps, un parc du génie et des éléments du Train.

Cette réorganisation doit beaucoup à l’adoption du système d’artillerie Gribeauval, lequel, disposant d’un attelage articulé, peut pour la première fois dans l’histoire, marcher au même rythme que l’infanterie, sans compter le fait que sa portée s’est trouvée doublée par rapport au système qui le précédait.

Quant aux états­majors, même si les premiers précis quant à leur fonction­ nement n’ont été rédigés que sous la Restauration, ils comportaient déjà des avancées très modernes en termes de fonctionnement et même de méthode  :

  • le Renseignement (confié à la Cavalerie légère) : différencie déjà l’ennemi immédiat et futur, en cherchant l’ennemi au contact et dans la profondeur.
  • les effectifs ainsi que les remontes sont suivis journellement par un système qui n’est pas sans analogie avec nos « situations de prise d’armes » (S.P.A.).

En revanche, le combat direct (il n’existe pas à l’époque de combat indirect dans le sens où on l’entend actuellement), demeure entre les mains de l’Empereur qui voit son terrain, ses unités et son ennemi et se détermine seul. La notion d’aide à la décision n’existe pas. Avant l’action et en cours d’action, Napoléon donne à ses commandants de corps des ordres précis dont il ne veut pas qu’ils s’écartent. Il se réserve le lieu et le moment (le cadre espace­temps) de l’engagement décisif.

Le meilleur exemple de la souplesse et de l’efficacité du système est donné par la campagne de 1805, au cours le laquelle le Grande Armée, déployée sur les côtes de la Mer du Nord, a rallié dans des délais extrê­ mement brefs le Haut Danube pour se concentrer et agir groupée à hau­ teur d’Ulm, à la surprise totale du commandement autrichien, chaque corps d’armée disposant d’un axe en propre le long duquel des dépôts de vivres et de fourrage avaient été constitués, et l’essentiel des mouvements étant camouflés à la vue de l’ennemi par la Forêt Noire. Qu’on en juge : le 1er Corps (Bernadotte) venait du Hanovre, le 2e (Marmont) de Hollande, le 3e (Davout) d’Etaples, les 4e (Soult) et 5e (Lannes) du camp de Boulogne, les 6e (Ney) et 7e (Augereau) partant de l’Ouest. Ce fut une véritable défer­ lante convergeant vers la même zone, chaque commandant de corps étant autonome. À l’État­major de Napoléon, Berthier a fait établir un tableau qui indique les jours et heures de départ, les itinéraires, les lieux d’approvi­ sionnement et les gîtes d’étape de chacun des corps d’armée. Les étapes journalières sont de 20 à 30 kilomètres et des jours de repos sont planifiés. Le mouvement initial de cette masse de manœuvre de plus de cent mille hommes, complétée par la Garde de Bessières et la réserve de Cavalerie de Murat ne donna lieu à aucun incident.

Le système perdurera durant tout l’Empire, mais, lors de la campagne de Russie, compte tenu de l’immensité du milieu, les corps d’armée perdent leur autonomie. L’Empereur commande directement sa masse de manœuvre, 400 000 hommes sur 600 000, tandis qu’Eugène de Beau­ harnais et Jérôme Bonaparte commandent des armées « auxiliaires », chargées de couvrir les flancs des Gros ; Le niveau du corps d’armée est dépassé pour atteindre celui de l’armée.

En 1813, Napoléon revient au système des corps d’armée autonomes, qui sont au nombre de 14, ce qui est, manifestement trop. En 1814, lors de la campagne de France, l’Empereur commande l’armée (aux effectifs forts réduits) principale entre Marne et Seine, tandis qu’Eugène, à la tête d’une armée franco­italienne assure la défense de la frontière des Pyrénées.

 

Le cas particulier de la réserve de Cavalerie

La réserve de Cavalerie est la réunion en un Corps de cavalerie2, de la cava­lerie lourde (cuirassiers, puis carabiniers) et de ligne (dragons), regroupées au sein de divisions de telle ou telle subdivision d’arme, directement aux ordres de l’Empereur qui la destine à «créer la décision ». Quand la Grande Armée a atteint le volume de 600 000 hommes pour la campagne de Rus­ sie, la réserve de Cavalerie alignait six corps de cavalerie. Il est très intéres­ sant de s’appesantir un peu sur l’idée que l’Empereur avait de son emploi.

 

Pour Napoléon, la réserve de Cavalerie, en fait, ne devait jamais être enga­ gée face à un ennemi non déjà pris à partie et « façonné » par les corps d’armée, dans la phase initiale de la bataille. C’est ainsi qu’à Austerlitz, Murat a été engagé pour couper la retraite de Koutousov ; à Iéna, après la déroute prussienne, la réserve a été lancée en exploitation profonde, jusqu’au­delà de Berlin ; et à Eylau, la charge dite des «Quatre­-vingts escadrons» visait, elle, à soutenir Augereau. Cette idée que la cavalerie ne pouvait pas être engagée face à un ennemi frais a été perdue de vue par Ney à Waterloo, lors de ses charges, aussi furieuses que désespérées, face aux carrés anglais retranchés. Mais surtout, en 1870, alors que la place de la cavalerie sur le champ de bataille commençait déjà à être forte­ ment remise en question par les enseignements (non lus en France) de la Guerre de Sécession, l’armée française ignorait superbement cette réalité. Ces dispositions  d’esprit amenèrent les funestes charges de Woerth lors de la bataille de Frœschwiller : pour soutenir une de ses corps d’aile, Mac Mahon demanda à Bonnemains, commandant une division de cavalerie, de charger le dispositif lui faisant face. Connaissant les règles d’emploi de ses régiments, Bonnemains demanda à Mac Mahon si l’ennemi qui lui avait été désigné pouvait être soumis au préalable à une préparation d’artillerie. Il s’attira cette réponse dédaigneuse de Mac Mahon : « Depuis quand, mes généraux de cavalerie ont­ils peur ? », ce qui illustre l’incurie totale de Mac Mahon et la justesse de vues de Bonnemains.

 

Le réveil militaire après 1870. Les lois d ’organisation de 1872 et 1882

Jusqu’à la guerre franco­allemande de 1870, le corps d‘armée n’avait jamais constitué une structure permanente du temps de paix, sauf sous l’Empire, mais ce n’était pas le temps de paix. Napoléon III avait bien esquissé une structure territoriale à peu près équivalente, sous l’appellation de « grand commandement », mais sans que le projet n’aboutisse. Aussi, une des premières mesures de réorganisation prise dès 1872 par voie législative consista à copier le modèle d’organisation territoriale allemande, une région militaire correspondant à la mise sur pied d’un corps d’armée du temps de paix, raison pour laquelle les termes de « région » et de « corps d’armée » sont souvent employés indifféremment pour les désigner. Le territoire fut divisé en 18 régions et une dix­neuvième fut instituée à Alger3.

 

À ce titre, le corps d’armée est le seul élément complet et homogène, l’armée n’étant pas un échelon constitué en temps de paix4, car il dispose en permanence  :

  • de ses organes de commandement ;
  • de troupes ;
  • de services.

Tous les éléments du corps d’armée correspondant stationnaient sur le territoire de la région, à savoir :

  • deux divisions d’infanterie (seul le sixième Corps à Châlons en disposait de trois) ;
  • un régiment de cavalerie légère ;
  • un régiment d’artillerie ;
  • des éléments du génie ;
  • un escadron du train.

Ce système permit de rétablir la conscription sur la base d’un recrutement local.

Un vingtième Corps fut rapidement institué à Nancy, et, lors de la loi de Trois ans, un vingt et unième à Épinal. La désignation des premiers commandants de région donna lieu à un déferlement d’ambitions, si bien que ce fut Mac Mahon lui­même qui les désigna nominativement, ce qui permet de retrouver un certain nombre de grands noms de l’ancienne armée impériale5. Ce n’est donc pas par le haut que s’effectuera la régéné­ rescence intellectuelle de l’Armée, mais par l’École Supérieure de Guerre, créée en 1876 et dont le premier commandant fut Lewal qui sut s’entourer d’une pléiade de cerveaux bien faits. Il est significatif de constater que ces commandants de région, subordonnés directement au ministre, se virent attribuer initialement l’appellation de « général commandant en chef ».

Parmi ces corps d’armée, il convient de distinguer les corps dits « de couverture » : il s’agit en fait de corps frontières chargés dès la mobi­ lisation, de se porter à la frontière, de manière à placer les opérations de mobilisation et de concentration hors de la menace d’une attaque brusquée de la part de l’ennemi allemand.

Les corps d’armée disposent d’un état­major permanent dès le temps de paix, et ils sont même le seul niveau en disposant. Sous le commandement d’un chef d’état­major, ils comprennent quatre bureaux :

  • 1er Bureau : personnels, tous ravitaillements et santé.
  • 2e Bureau : renseignement, topographie.
  • 3e Bureau : opérations, planification et conduite.
  • 4e Bureau : mouvements et transports.

Or commandement des armes, le quartier général (terme de l’époque pour désigner le PC) comptait une trentaine d’officiers, et ce chiffre a peu varié jusqu’en 1914.

S’agissant de l’emploi du corps d’armée, les documents officiels de l’époque le désignaient comme constituant l’unité de bataille. De par sa composition uniforme et invariable, il constitue la seule Grande Unité qui serve de base aux combinaisons de la manœuvre conduite par le haut­commandement.

Au point de vue tactique, les divisions sont dans la dépendance étroite du corps d’armée qui intervient directement dans la conduite de leur engage­ ment et centralise entièrement sa direction.

C’est sur ces bases organisationnelles et doctrinales que l’armée française est entrée en campagne en août 1914. Ces principes,  au moins d’orga­ nisation, vont évoluer très vite, compte tenu de la contingence de toute bataille. C’est ainsi que, dès le mois de novembre 1914, pour participer à la bataille d’Artois, le général Pétain reçoit le commandement du 33e C.A., nouvellement constitué à quatre divisions. En revanche, sur le plan de la manœuvre, le niveau du corps d’armée confirme être celui du pivot central de la manœuvre, conçue et conduite à celui de l’Armée, ce qui relègue la division à un niveau d’exécution6.

 

2   Dont le commandement est confié initialement à Murat.

3   L’Annexe 1 indique l’implantation des régions/corps d’armée, ainsi que les noms des premiers titulaires de leur commandement.

4   À compter de 1890, par la création du Conseil Supérieur de la Guerre, les généraux com­ mandants désignés des armées y siégeront et disposeront de leur chef d’état­major, mais d’aucun autre officier. Ils exercent un pouvoir d’inspection sur les corps d’armée désignés pour entrer dans la composition de leur armée, selon la planification alors en vigueur.

5   Il était prévu que les commandants de région puissent tenir leur rang, qu’ils disposent d’un hôtel de commandement et qu’ils soient dotés d’une maison militaire.

6   Néanmoins, le commandement d’une division s’avère une tâche d’autant plus complexe que son état­major est très réduit. Pour illustrer ce fait, il suffit de se rapporter au chapitre des Carnets de Fayolle, publiés en 1964, dans lequel il relate son commandement de la 70e D.I. sous les ordres de Pétain d’octobre 1914 à juin 1915, date à laquelle il lui succède à celui du 33e C.A. On est frappé par la différence du niveau de préoccupations de Fayolle qui note ses impressions au jour le jour, sans intention de les voir publiées un jour, ce qui leur donne tout leur intérêt. Cette différence de niveau de préoccupations apparaît d’emblée, dès les premiers jours. Le même constat de complexité du commandement d’une division et de différentiel de niveau entre celui de la division et du corps d’armée apparaît égale­ ment de façon tout à fait claire dans la Correspondance du général Guillaumat, publiée en 2004.

 

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Titre : De la création à la consécration. 1804-1914 2/4
Auteur(s) : le colonel (R) Claude FRANC
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Armée