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De tout temps l’apparition d’armements nouveaux a amené le soldat à s’interroger sur la légitimité de leur emploi 2/2

Cercle de réflexion G2S - n°23
Sciences & technologies
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Au bilan une morale de riches et d’intellectuels réservée à une élite de l’humanité mettant à distance l’autre, une vision illusoire d’un monde qui n’est qu’illusion. Comme l’écrit le philosophe Nassim Nicholas TALEB : « En fait, les universitaires et les théoriciens veulent apprendre aux oiseaux  à voler ».


Dilution du lien et de la responsabilité

Dans l’équipe de pièce qui sert un canon, dans l’équipage de char qui progresse, dans le groupe de combat qui avance dans une ruelle, chacun a la certitude qu’il dépend de l’autre et que le camarade compte sur lui. La solidarité, cette fraternité d’armes que les combattants revendiquent est vécue au quotidien. Pour la seule mission d’un drone chargé d’éliminer une cible depuis la base de l’US Air Force, à CREECH dans le Nevada, les choses sont  bien  différentes :  une  équipe  d’une  quarantaine  d’opérateurs  est mobilisée pour assurer les trois huit. Elle est appuyée à distance depuis la Virginie par une soixantaine de personnels spécialisés de la CIA à LANGLEY. Pilotes, analystes, spécialistes des communications, interprétateurs d’images se croisent, se succèdent en attente du moment opportun où viendra l’ordre de tir du missile. Quelle est la part de chacun dans le succès ou l’échec de la mission, dans l’élimination de la cible avec ou sans dégâts collatéraux ? Il est bien difficile d’y répondre car ce fractionnement des tâches dans le temps, mais de tâches répétitives, de quasi routine dans un environnement aseptisé peut s’apparenter à un travail sur une chaine d’usine sauf qu’au bout de la chaîne, c’est la mort qui est donnée en ayant fait une totale confiance au système d’armes robotisé. Au bout du compte, c’est la perte du sens de la responsabilité individuelle lorsque l’individu est soumis à une autorité supérieure éloignée et inconnue qui peut être posée comme l’ont montré les expériences menées à Yale par Stanley MILGRAM en 1961.

Cette confiance dans les ordinateurs d’un système d’armes est sans doute à l’origine de la destruction du BOEING 777 au-dessus de l’Ukraine en juillet 2014, tout comme ce fut le cas pour l’avion de ligne iranien abattu en 1998 par le système radar Aegis de l’USS VINCENNES auquel l’équipage avait fait une totale confiance.

 

Forces et faiblesses du facteur humain

Un rapport interne de l’armée américaine a rapporté que les opérateurs de drones donnaient des signes d’un épuisement psychique en raison d’une augmentation sensible des missions, des critiques portant sur la portée de leur efficacité opérationnelle, en particulier les dégâts collatéraux diffusés sur la toile, et de la difficulté à faire cohabiter sur le même lieu une vie civile privée et une vie opérationnelle.

Il est vrai que l’ancien président américain Barack OBAMA, très réticent à engager des soldats sur le terrain, a largement employé ce système d’armes. Il appartient alors au commandement de gérer la fatigue opérationnelle et de donner du sens aux missions. En revanche, il est certain qu’il est plus difficile de gérer les conséquences psychologiques des missions sur les opérateurs compte tenu du peu de recul que l’on a sur l’impact de ces images, de cette guerre sur écran qui ressemble étrangement à un jeu vidéo violent. En la matière, certaines études tendent à montrer que ces jeux génèrent des comportements agressifs, une perte d’empathie, un décalage progressif avec le monde réel et un enfermement dans une bulle personnelle. Mais à chaque fois que l’on a recherché un lien de cause à effet à la suite d’un drame, il est apparu qu’il existait un terrain prédisposé chez l’individu en question (violence familiale, tendance suicidaire, désocialisation etc.). Néanmoins, on ne peut exclure les conséquences d’une image silencieuse de destruction humaine ou matérielle sur son auteur, d’une image qui peut provoquer une poussée brutale d’émotion alors qu’il n’y a pas eu la montée progressive du bon stress, du stress adapté compte tenu de l’environnement totalement sécurisé et climatisé.

En revanche, comme pour les militaires rentrant d’opération après plusieurs mois d’absence, les opérateurs de drones sont confrontés à un zapping brutal entre le monde de la violence guerrière et le monde civil. Mais avec une difficulté accrue, celle d’un temps de réadaptation très court qui est celui du trajet entre la base et le domicile. Et cela de manière répétée, quotidiennement. C’est dans ce contexte que la distorsion entre le théâtre d’opérations, là où le missile a été tiré et le lieu de stationnement, la base et le domicile proche, peut s’avérer psychiquement déstabilisante. D’autant qu’il est hors de question de raconter à l’épouse ou au voisin « sa journée de travail »  couverte  par  le SECRET  DÉFENSE.  Mais  on  peut  imaginer  leurs regards interrogateurs ou leurs questionnements lorsque les médias annoncent telle ou telle élimination ou telle frappe avec dégâts collatéraux.

Pour autant, gageons que les solutions à ces difficultés que peuvent rencontrer certains opérateurs sont à rechercher entre les professionnels de la santé (médecins d’unité, spécialistes, psychologues) et le commandement par des actions de sélection et de prévention afin de renforcer la force morale de ces unités.

 

Conclusion

Les drones marquent incontestablement une étape importante vers des armes plus ou moins autonomes. Ces armes inquiètent nombre de scientifiques qui dénoncent cette nouvelle forme armée de l’intelligence artificielle. Le physicien Stephen HAWKING, peu avant sa mort, déclarait que « le  développement  d’une  intelligence  artificielle  complète pourrait mettre fin à l’humanité ».

L’apparition des robots armés est cependant irréversible et penser qu’il est possible de les interdire est illusoire alors qu’on annonce pour demain la voiture intelligente et les robots domestiques. Arrivera-t-on à un équilibre de la terreur comme l’a produit l’arme nucléaire ou au contraire à « la troisième révolution de l’âge de la guerre après la poudre à canon et l’arme nucléaire » sans pouvoir imaginer ses conséquences ? À ce jour, il est trop tôt pour y répondre.

Enfin, cette révolution marquera-t-elle la disparition de l’homme de guerre qui  a contribué  à  l’accouchement des nations et  des  civilisations ?  Pour l’heure, même s’il se fait rare et si l’on cherche à l’emprisonner dans un monde banalisé, il reste encore aujourd’hui, quel que soit son grade, le spectateur et l’acteur privilégié d’une existence faite de risques surmontés qui font de lui un homme à part.


 

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Titre : De tout temps l’apparition d’armements nouveaux a amené le soldat à s’interroger sur la légitimité de leur emploi 2/2
Auteur(s) : le GCA (2S) Henri PONCET
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