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DONNER SON INTENTION :MEILLEUR MOYEN POUR LE CHEF DE REDUIRE L’INCERTITUDE EN FAVORISANT L’INITIATIVE DES ECHELONS SUBORDONNES

L’exercice du commandement en opérations pour les chefs tactiques
Histoire & stratégie
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Aujourd’hui, les systèmes d’information à disposition des armées occidentales  atténuent  ce  qu’il  est  convenu  d’appeler   « le brouillard de la guerre ». Pour autant, l’acquisition et le traitement de l’information ne suppriment jamais complètement le degré d’incertitude dans lequel se trouve le chef. Une déviance à éviter consisterait d’ailleurs à continuellement retarder la prise de décision, en attente d’une information qu’on voudrait toujours plus exhaustive. Pour éviter cette déviance comme pour atténuer  le degré d’incertitude, le chef, pour sa prise de décision, devra toujours avoir un temps d’avance et, comme le  disait dans son langage  imagé  Liddell  Hart  « regarder  de  l’autre  côté  de  la colline », bref le chef doit anticiper.


Pour autant, afin de réduire ce degré d’incertitude, deux approches sont possibles. La première par le haut et info centrée, consiste à doter les plus hauts échelons de commandement de moyens considérables  de collecte  et de traitement de l’information. Il en résulte l’effet pervers suivant : une moins bonne information des plus bas échelons par rapport aux plus hauts, ce qui ne supprime en rien l’incertitude pour les échelons d’exécution. La seconde se focalise sur l’action et les effets à obtenir sur le terrain. Dans cette option, les chefs et leurs états-majors sont prêts et entraînés à appréhender l’incertitude comme facteur inhérent à la conduite de la guerre. Cette approche privilégie donc la délégation d’exécution aux échelons en mesure d’acquérir, de traiter et d’exploiter l’information de manière appropriée et efficace (« actionable information »).

Le maréchal Foch, accentuant le trait à son habitude, en vue de bien se faire comprendre, explique qu’il a toujours décidé dans l’incertitude  des intentions  de l’ennemi  et  que, s’il avait  dû attendre d’avoir en main tous les renseignements, il n’aurait jamais rien décidé :

 

« Les renseignements ? Mais, c’est inutile, ils sont presque tous faux ; on ne sait qu’après, ceux qui étaient vrais. Je n’en ai jamais fait état. On voit ce qu’on veut faire, on voit si on peut le faire avec ce qu’on a, et puis on le fait. Les renseignements sur l’ennemi ? On ne sait jamais rien… Le soir de la Marne, quand on m’a dit que les Allemands n’étaient plus là, je ne comprenais pas ! L’Histoire ?... A posteriori, on ne fait plus état que des renseignements dont on sait qu’ils furent exacts ; mais quand on devait s’en servir, on ne le savait pas ! …Voyez vous, ce qu’il faut, c’est ne pas attendre le renseignement, c’est savoir ce que l’on veut. On fait ce qu’on veut quand on sait ce qu’on veut. »

 Rapporté par le Cdt Bugnet en écoutant le maréchal Foch (Paris 1929.Grasset. Page 121)

 

L’intention irrigue l’idée de manœuvre, clef de voute de tout ordre d’opération quel que soit le niveau considéré.

 

  • lindispensable idée de manœuvre du chef

Elle repose sur la notion d’effet majeur, mise en œuvre en France, même si les armées alliées finissent par l’adopter plus ou moins (commander’s intent). L’idée de manœuvre fixe l’objectif commun sous la forme d’un effet à obtenir dans un cadre espace temps défini, le phasage de l’action considérée et le rôle dévolu à chacun, tout en imposant comme limites à l’initiative des subordonnés les indispensables mesures de coordination qui leur sont nécessaires.

En critiquant les manœuvres annuelles de l’armée d’AFN en 1947 dont il était l’Inspecteur, Leclerc insiste sur le « but », c’est-à-dire l’intention du chef, fondement de son idée de manœuvre :

 

« Chaque fois que le But final n’est pas nettement fixé, la mission échoue. Dire à un chef de détachement ou de groupement : faire effort sur tel axe en vue d’enlever tel mouvement de terrain, puis reprendre la progression sur telle direction, tout cela est un ordre mal donné. Il faut que les chefs, à tous les échelons, connaissent le But : celui pour lequel on y court par tous les moyens, par tous les itinéraires en passant où ils peuvent, et pour cela, il faut qu’ils connaissent l’Intention de leur supérieur et le But final qu’il  se   propose d’atteindre. Donc, simplicité  dans l’énoncé  de vos missions, votre intention est le But, le But, le But. »

Général LECLERC cité par Général COMPAGNON, (Ce que je crois, Page 138)

 

  • La nécessaire  prise de responsabilité  (contrôlée)  des subordonnés

Dans le cadre de cette idée de manœuvre qui non seulement indique le  but recherché par le  chef, mais également  le  phasage pour y parvenir dans un cadre espace-temps fixé, le subordonné peut alors prendre en compte la part relative d’action qui lui revient pour réaliser sa mission. C’est par ce biais qu’il appréhende s’il est chargé ou non de l’effort ce qui lui donne d’emblée  une indication sur la  marge d’initiative qui sera la sienne ainsi que les renforcements qu’il est susceptible de demander. Accepter cette notion d’initiative constitue pour le  chef une certaine prise de risque, c’est pourquoi il faut s’assurer de la compréhension par les subordonnés de l’esprit de la mission  (pratique  du  « backbrief »  anglo-saxon).  Ce contrôle  par l’échelon supérieur fait partie du jeu normal des relations de subordination et ne constitue nullement une marque de défiance.

C'est ainsi, que dans l’intention suivante du colonel Erulin, commandant le 2e  REP. à Kolwezi, ses capitaines pouvaient parfaitement saisir le but que leur colonel poursuivait ainsi que leur place et rôle dans l’opération :

 

« Sauter au plus près des quartiers européens afin de bénéficier de la surprise pour s’emparer des premiers objectifs.

Pour cela :

 

  1. 1. Mettre à terre la première vague (PC réduit, 3 compagnies) sur la ZS A, gagner au plus vite les premiers objectifs sans se laisser retarder par le nettoyage des quartiers résidentiels.
  1. 2. En fonction de l’évolution de la situation, mettre à terre la deuxième vague :

-  soit en totalité sur la ZS A, en cas de difficultés pour pénétrer dans l’ancienne ville,

-  soit partie sur ZS A partie sur ZS B, en cas de contrôle de  la situation en ancienne ville.

  1. 3. Dès maîtrise de la situation dans les quartiers européens :

-  entreprendre le nettoyage des cités indigènes,

-  rechercher la liaison avec les unités zaïroises et l’aérodrome.»

 

  • L’importance d’insuffler l’esprit d’initiative aux échelons subordonnés

Pénétrés de l’idée de manœuvre de leur chef, les échelons subordonnés doivent pouvoir décider des modalités d’exécution de leur mission à leur échelon. En outre, ils doivent saisir toute opportunité de nature à atteindre l’objectif recherché, dans l’esprit de l’intention de leur chef.

En 1958, engagé dans la bataille du barrage, le colonel Buchoud,  commandant  le  9e    RCP explique  son  style  de commandement :

« Pas de limitation : une flèche.

Pas d’objectifs terrain : un ennemi à détruire. L’action commande et non les états-majors. Le renseignement sera la raison de la discipline, même parfois, au détriment de la hiérarchie, pour atteindre les buts définis par le commandement qui aidera au mieux, organisera l’action amorcée et l’alimentera plutôt que de la freiner. La guerre est faite d’occasions qu’il faut prévoir autant qu’il se peut et prévenir, mais surtout qu’il ne faut pas perdre. Le mieux placé, celui qui a l’action en main commandera ; les autres viendront à sa rescousse et selon  ce qu’il  aura prévu ; le lendemain, les blessures d’amour propre seront pansées autour d’un pot qui fêtera la réussite des uns et des autres.

La hiérarchie n’est plus faite pour ordonner des décisions planifiées et asservir des responsabilités, mais pour susciter les initiatives et leur donner l’ampleur des efforts qu’elles méritent dans les délais les plus brefs afin de leur octroyer l’efficacité dans une souplesse de manœuvre jamais conçue jusqu’à ce jour. Tactique nouvelle, probablement celle de demain. »

LE MIRE Histoire militaire de la guerre d’Algérie. (Paris 1982. Albin Michel page 203)

 

  •  Faire un effort sur la qualité et la simplicité des ordres, qui doivent être émis à temps

Si dans le  commandement par objectifs, le  chef prend moins de décisions, il doit se concentrer sur les plus importantes. Celles-ci seront traduites en plans ou en ordres, qui devront comprendre, outre l’intention du chef :

  • la situation amie, notamment les voisins ; la situation ennemie pour ce qu’on en connait ;
  • les missions des subordonnés rédigées sous forme d’effets à obtenir, dans un cadre espace-temps fixé ;
  • les moyens qui leur sont alloués pour remplir leur mission

(exemple : renforcement de feux) ;

  • les mesures de coordination, indispensables pour donner aux subordonnés le cadre de leur action, c’est-à-dire leur périmètre d’initiative.

Dans la forme, la simplicité de l’expression des ordres et leur concision  doit  toujours être recherchées.  Cette simplicité sera d’autant plus facile à atteindre que l’idée de manœuvre du chef est limpide est claire.

Cet effort de simplicité doit toujours être recherché, même lorsque la procédure en vigueur impose des cadres d’ordres tendant vers l’exhaustivité comme dans l’OTAN.

Au printemps 1958, en Algérie,  lors  ce qui a été appelé  la « bataille du barrage » les moyens de la Zone Est Constantinois se trouvaient déployés dans l’échelonnement suivant:

« 1) En avant du barrage, sont placés quatre régiments : le 3e  REI ;  la 1re demi-brigade de Chasseurs, le 153e RIM et le 26e RIM, chargés de la couverture du barrage et d’une première interception.

2) Sur le barrage, six régiments blindés sont chargés de la « herse » : les  31e  et 18e Dragons, le  1er   Spahis marocains, les  1er et 2e  REC, le 1er  Hussards.

3) En arrière du barrage, les secteurs tenus par le 3e RTS, le 151e RIM, le 60e  RI, le 152e RIM et le 6e  Spahis marocains occupent toute la profondeur du terrain et constituent, par leur dispositif, une véritable toile d’araignée dans les fils de laquelle les bandes rebelles doivent se prendre.

4) Se superposant à ce dispositif, en chasse libre, cinq régiments de parachutistes  sont placés  sur  les   grands  axes  d’infiltration de l’adversaire. Il s’agit du nord au sud des 1er REP, 9e RCP, 14e RCP,

8e RPC et du 3e RPC. L’action de ces cinq régiments d’intervention est coordonnée par le colonel Craplet, adjoint du général Vanuxem.

En outre, trois  détachements d’hélicoptères  sont disponibles  à Guelma, Tébessa et Bir el Ater, l’appui aérien (T6, Corsairs, voire B 26) étant assuré à partir des bases de Bône et de Tébessa. »

 

Le colonel Buchoud, chef de corps du 9e RCP cite10  le message qu’il a lui-même expédié le 23 avril 1958 au général Vanuxem à la suite de renseignements recueillis sur le terrain infirmant ceux précédemment obtenus,

« PRIMO : Vous demande placer  un escadron du 18e  Dragons dès que possible, en bouclage sur l’axe Souk Ahrras – Gambetta et faire rechercher renseignements par poste Calleja.

SECUNDO : Je lance immédiatement mon escadron et une compagnie du 152e RIM actuellement à mes ordres en bouclage entre Souk Ahrras et Dréa.

TERTIO : Disposerai pour 6h30 ensemble de mon régiment entre Zaroura et Dréa pour ratissage soit vers ouest, soit vers est.

QUARTO : Cette action sera complétée vers le sud par mon groupement du 152e RIM.

QUINTO : Ces actions seront utilement prolongées au nord et au sud. Nord pourrait être confié à 60e RI et actionné par vos soins. Sud à un élément du 152e RIM également actionné par vos soins.

SEXTO : Ai donné ordres à tous éléments 152e RIM. Vous demande prévenir 60e RI, 18e Dragons, 4/8e  RA.

Annulation opération précédemment prévue. STOP et FIN.»

 

Mis à part la formule, toute formelle « vous demande » on a ici affaire à un ordre complet. En fait, le  colonel  Buchoud annule  la  manœuvre initiale et en cours, passe de sa propre initiative à l’exécution d’une autre manœuvre avant d’en rendre compte et suggère – assez cavalièrement

– à son général de s’intégrer dans le dispositif que lui, chef de corps est en train de mettre en place.  En fait,  avec Vanuxem, ce genre  de comportement passait très bien, dès lors que les ordres étaient clairs et l’intention en cohérence avec la situation.

Dès lors que le chef s’exprime sous la forme d’une intention parfaitement claire et ciselée, il diminue d’autant la part d’incertitude, voire de méprise, dans les décisions de ses subordonnés. Par ailleurs,  il est assuré que ceux-ci concevront leur propre manœuvre dans le  respect absolu de l’esprit de la sienne. C’est ainsi que les intentions successives des différents échelons de commandement s’imbriquent les unes dans les autres à la manière des poupées russes de façon parfaitement cohérente, gage de simplicité  et de concision dans l’expression des ordres.

Les opérations de stabilisation, engagements les plus probables à court et moyen termes, privilégient  l’approche indirecte et recourent à l’application d’une manœuvre globale. Le commandement par objectif permet d’accorder dans l’absolu la  primeur   de l’esprit  sur la lettre.  Il  cultive  par  ce biais l’initiative des subordonnés et semble particulièrement adapté à la stabilisation sans en occulter le recours en phase d’intervention.

 

 

 

 

 

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Titre : DONNER SON INTENTION :MEILLEUR MOYEN POUR LE CHEF DE REDUIRE L’INCERTITUDE EN FAVORISANT L’INITIATIVE DES ECHELONS SUBORDONNES
Auteur(s) : RFT 3.2 Tome 2 (FT-05)
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