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États-majors tactiques / opératifs multinationaux : choisir pour ne plus subir

Cahiers de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Comment les armées françaises pourraient-elles tirer pleinement profit des état-majors de coalition pour y exercer leur influence dans les meilleures conditions ?


La montée en puissance des états-majors multinationaux ces dernières années traduit une double réalité : d’une part les autorités locales et les populations des théâtres d’intervention accueillent de moins en moins favorablement les interventions «mono-nationales», plus ou moins suspectes de néo-colonialisme, d’autre part les puissances alliées de ces coalitions n’ont plus les moyens financiers d’assurer durablement seules leur présence.

 

Les autorités locales et les populations reconnaissent désormais aux seules forces multinationales la légitimité et la capacité à sécuriser et contribuer, par une aide significative, à la reconstruction et au développement.Le retour de la France dans les instances de commandement de l’OTAN traduit l’adaptation de notre pays à cette nouvelle donne: alors que la France a à faire valoir bien souvent une culture, voire une connaissance réelle du théâtre d’opérations, reposant parfois sur des relations historiques privilégiées, et attendu qu’elle est constamment l’une des nations de l’OTAN aux contributions les plus significatives, il s’agit de continuer à peser significativement à un niveau stratégique dans les alliances multinationales.

 

Le facteur multinational dans un état-major de coalition de niveau tactique ou opératif constitue structurellement une force et une faiblesse, tant en terme d’efficacité opérationnelle et d’efficacité politico-médiatique, d’économie des moyens et d’économie des hommes. Comment les armées françaises pourraient-elles tirer pleinement profit de ces structures pour y exercer leur influence dans les meilleures conditions ?

 

La multinationalité est d’abord nationale

 

Les grandes organisations privées étant souvent données en exemple, une observation succincte de l’entreprise peut être faite ici. Définir la « nationalité d’une entreprise multinationale » renvoie à la question des critères définissant sa nationalité, critères souvent sujets à discussion: pays de résidence de son siège social, nationalité de ses actionnaires ou d’exercice des salariés? L’entreprise multinationale, qui achète ses matières premières dans un pays, les transforme dans un deuxième et les vend dans un troisième, reste pour autant marquée par une culture nationale dominante, la multinationalité caractérisant son champ d’action; on peut plutôt parler d’entreprise nationale globalisée.

 

Dans un état-major de coalition de niveau tactique ou opératif, la multinationalité se caractérise par l’agrégation de forces nationales hétérogènes, la spécificité militaire rappelant la prégnance du paradigme national: la responsabilité du chef dans la défense des intérêts nationaux et face à ses pertes humaines lors des opérations.

 

Sous l’autorité d’une nation-cadre, nation en charge de la responsabilité de commander les actions dans une zone déterminée, l’action des forces armées des différents pays engagés au sein de la coalition est définie dans la stricte observance de «caveats», chartes définissant les règles d’engagement de chaque nation et dûment négociées par leurs responsables politiques respectifs. Cette juxtaposition de la culture dominante de la coalition, anglo-saxonne le plus souvent, avec les cultures nationales, se présente comme un frein redoutable à l’efficacité. Jusqu’à quel niveau de décision est-il possible de servir en mode multinational?

 

Quels scénarios pour sortir de cette dichotomie déconstructrice de valeur ?

 

Cette question nous invite préalablement à définir la finalité sous-jacente de la question de la multinationalité: quelle est l’efficacité recherchée? L’efficacité se juge par rapport à la perception de la population: en Afghanistan, la FIAS est souvent perçue comme un corps étranger qui n’apporte pas de moyens financiers; au Liban, la FINUL est un acteur économique.

 

  • Revenir à une chaîne de commandement national

 

Partant du postulat que dans toutes les coalitions existe une nation leader, il est nécessaire de se demander si, derrière l’affichage multinational, n’existe pas la crainte d’une normalisation, d’une «otanisation» rampante, et d’alignement sur des normes civiles influencées par la nation leader. Or, la spécificité du métier militaire rend les intérêts nationaux non quantifiables.

 

Une dialectique souvent évoquée entre l’efficacité et la légitimité accorde au niveau multinational davantage de légitimité et moins d’efficacité et au niveau national moins de légitimité mais davantage d’efficacité. À titre d’illustration, si l’on considère la légitimité vis-à-vis de la population, du point de vue des Américains, l’État-major du RC-C – Regional Command Capital, état-major de la région de Kabul – ce sont les Français.

 

Si seule une chaîne de commandement entièrement nationale est à même de garantir toute capacité d’action durant les opérations, alors est-il nécessaire d’élargir la chaîne de commandement nationale aux niveaux tactique, opératif, voire stratégique: réattribuer des zones d’occupation comme les Alliés l’ont fait en Allemagne à partir de 1944? L’histoire n’est pas linéaire; nous ne saurions le démontrer.

 

  • Accélérer l’intégration dans l’OTAN

 

Une autre approche justifie le manque d’efficacité des états-majors par un manque général d’intégration dans la chaîne OTAN: l’intégration des Français pourrait s’en trouver améliorée par des efforts plus conséquents d’anticipation et d’intégration de ses normes.

 

Effort d’anticipation tout d’abord, car les cadres sont insuffisamment formés aux procédures OTAN (GOP -Guidelines for Operational Procedures), dont une plus grande maîtrise faciliterait leur compréhension des modes de fonctionnement et, par-delà, leur capacité à retraduire sur le terrain.

Effort de standardisation ensuite, tant par la prise en compte des procédures à tous les niveaux que par la compatibilité des matériels et l’intégration des systèmes d’information: à titre d’illustration, la NEB[1] française n’est pas employée en Afghanistan car, en dehors du BATFRA[2], on ne trouve pas de poste SICF[3] (seulement le réseau ISAF Secret). Et le niveau d’anglais, toujours insuffisant, induit une forte perte sémantique.

Il devrait enfin être possible de renforcer tel ou tel bureau, comme par exemple les fonctions G3 Psyops ou G9 en Afghanistan pour accompagner la mise en œuvre de la doctrine de contre-insurrection, et de pouvoir armer de manière plus souple telle ou telle branche en fonction des opérations.

 

  • Vers une solution intermédiaire, souple et modulaire

 

Intégrer durablement une action multinationale à géométrie variable: la force multinationale étant une coalition, elle permet de dégager le politique de ses responsabilités et entraîne ainsi des variations importantes d’effectifs et de moyens. Dès lors qu’il y a un engagement, lorsqu’il y a des victimes, le politique redevient responsable.

Plusieurs scenarii sont possibles.

 

-  Apport de soutien par l’échelon multinational lors d’opérations conduites à l’échelon national. À titre d’illustration, lors de la reprise du Ponant – voilier français – par des commandos français le long de la côte somalienne, l’US Tarawa – bâtiment amphibie avec capacité hospitalière – a été mis à disposition de la Marine en attendant l’arrivée sur zone de la Jeanne-d’Arc.

 

-  Partage de zone à deux ou trois avec un leader permanent pour la zone. Le concept de «supporting / supported» désigne un pays responsable, la lead nation, dans une zone déterminée: des binômes multiculturels sont constitués, par exemple pour la FINUL entre une nation-cadre pays occidental, – la France – et un ailier, pays musulman, – l’Indonésie

– Ainsi la multinationalité est garantie et la multiculturalité peut être un appui précieux sur certains théâtres.

La notion de leader permanent est à développer: on oublie trop souvent que les peuples gardent la mémoire des nations qui interviennent. Une forme de jumelage, permettant de développer des relations approfondies entre une nation et une région, permettrait, pour les besoins de reconstruction et de développement, d’inscrire les actions conduites davantage dans la durée. Il importe que ces nations soient habituées à travailler ensemble, qu’elles aient le même objectif politique et que les nations cadres s’engagent à assurer la continuité.

 

Lorsqu’il y a besoin de moyens lourds, ces actions pourraient être ponctuellement soutenues par les moyens mis à disposition par un état-major opératif / stratégique. Le rôle de l’état-major pourrait être de donner des lignes d’action, avec la possibilité de bénéficier de retours d’expérience terrains très différents, en sachant capitaliser sur les différentes approches mises en œuvre: selon la nation cadre (ou pilote), les solutions mises en œuvre peuvent entraîner de très grandes disparités entre régions. Le terrain commandant, se réadapter aux bonnes pratiques des autres nécessite que l’état-major central puisse être assez directif.

 

Avant de conclure, précisons qu’un état-major tactique / opératif multinational peut faire l’objet d’autres angles d’analyse, que nous détaillerons succinctement: l’économie des moyens, l’efficacité politico-médiatique et le développement des collaborateurs.

 

L’économie des moyens générée par le caractère multinational d’un état-major est une de ses raisons d’être majeure. Elle permet ou doit permettre de rationaliser les moyens lourds et de concentrer les forces: être en mesure de faire des opérations chirurgicales sous réserve de pouvoir sécuriser et faire de la reconstruction et du développement par la suite. Malheureusement, trop souvent, la concomitance des chaînes nationales, en doublon de la chaîne OTAN, vient atténuer les réductions de coût escomptées.

 

Concernant la communication extérieure, autre perception de l’efficacité, les forces multinationales devraient être plus humblement mises en arrière, en tant que forces de sécurité. À titre d’illustration, les presses civile et militaire pourraient se focaliser davantage sur la population afghane, centre de gravité des opérations, plutôt que vers le commandement, ce qui pourrait être interprété comme de l’auto-légitimation.

 

Concernant enfin le développement des collaborateurs, une approche pragmatique s’impose: donner du travail à chacun de manière qu’il se sente utile au bien commun, ce qui nécessite de savoir employer intelligemment les contributeurs les plus modestes, et faire en sorte qu’ils aient un apport utile sur le terrain. La perte d’efficacité est une des faiblesses des coalitions. Alors que la multinationalité permet de développer l’apprentissage des langues, de favoriser les échanges culturels, on constate que du point de vue opérationnel, elle est plutôt favorable à l’épanouissement des meilleurs, le travail de fond continuant de se faire au niveau national.

 

Ainsi, si nous voulons pouvoir orienter et mettre en œuvre efficacement les actions de la France au sein des états-majors tactiques/opératifs de coalitions, la multinationalité doit être assumée et non plus subie, organisée et non plus vécue comme une somme de contraintes à contourner. In fine la qualité d’une organisation est surtout une affaire d’hommes et la population nous juge en fonction de la nation à laquelle nous appartenons.

 

[1] Numérisation de l’espace de bataille

[2] Bataillon français

[3] Système d’information et de commandement France

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Titre : États-majors tactiques / opératifs multinationaux : choisir pour ne plus subir
Auteur(s) : Jérome Taillandier
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