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«En porte à faux»: le pari risqué de la France dans la Force intérimaire des Nations-Unies au Liban

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Au Liban, la résolution 1701, initialement motif d’espérance, se révèle fondée sur un malentendu qui risque aujourd’hui d’attiser de profondes fractures dans la conception et la conduite des opérations de maintien de la paix. La France, membre historique de la Force intérimaire des Nations-Unies au Liban (FINUL) se doit aujourd’hui de repenser les raisons et les modalités de son engagement afin d’éviter un positionnement en porte à faux, préjudiciable à ses intérêts.


Liban, été 2006: le président israélien Ehoud Olmert promet de ramener «le Liban cinquante ans en arrière» et d’éradiquer la menace du Hezbollah. Trente trois jours de guerre médiatisée ont presque fait oublier qu’une force de paix, censée garantir le silence des armes, est déployée au Sud-Liban depuis 1978…La FINUL 1 a vécu.

Dans les semaines qui suivent le conflit, le mandat de la FINUL est renouvelé par la résolution 1701[1]. Tout d’abord hésitante, la France s’engage finalement de tout son poids, espérant trouver à travers ce nouveau mandat un levier pour faire évoluer les opérations de maintien de la paix, dédaignées par les nations occidentales, vers un modèle plus efficace. Après trois ans d’engagement, cet espoir ne semble plus fondé.

Faute d’avoir pu imposer sa vision d’un «robust peacekeeping»[2], la France est aujourd’hui en porte à faux avec la réalité de la mission.

«Faire la paix au milieu de gens qui veulent faire la guerre constitue un défi à la logique et à la sécurité»

C’est par ces mots que le colonel Cann, alors chef de corps du 8ème RPIMa, conclut son rapport de fin de mission au Liban en 1978. Ils n'ont rien perdu de leur actualité.

Certes, selon Ban Ki Moon, «un nouvel environnement stratégique s’est imposé au Sud-Liban»[3] et, depuis la guerre de juillet 2006, le niveau de violence reste au plus bas.

Cependant, absence de guerre ne signifie pas paix pour autant. Il est bien plus judicieux de parler de trêve, Israël et le Liban demeurant «techniquement» en guerre tant qu’un traité entre les deux États n’aura pas été conclu. Si cette trêve perdure, c’est surtout parce que les parties au conflit y ont un intérêt, soit pour reconstituer un arsenal dans le cas du Hezbollah, soit pour regagner la confiance d’une société ébranlée par le conflit de 2006 dans le cas de L’État hébreu. Que la FINUL 2 ait facilité à la fois le retrait de l’armée israélienne et le déploiement des forces armées libanaises au Sud-Liban ne fait aucun doute. Elle n’a pour autant rien imposé, faute de volonté plus que de moyens[4].

 

Le «robust peacekeeping»: un tigre de papier?

Dans ce contexte, l’idée de maintien de la paix «robuste», bien que séduisante, révèle tant ses limites conceptuelles que l’impossibilité de sa mise en pratique. La France, qui a œuvré pour cette mutation des opérations de maintien de la paix, se retrouve de fait dans la position peu enviable de l’équilibriste. D’un côté, le discours de fermeté, de l’autre la réalité du théâtre libanais et d’une opération multinationale sous couleurs onusiennes. Théoriquement, la FINUL peut imposer la paix, au besoin par les armes[5]. Dans les faits, la FINUL «constate» et «dénonce». Elle n’a cependant jamais empêché véritablement la conduite d’actes hostiles dans sa zone d’opérations[6].

La France ne possède en effet au sein de la FINUL qu’une marge d’initiative très réduite. Le processus de décision onusien, soumis en permanence à la recherche du consensus, vide le mandat de la force de sa substance. Comment faire valoir une lecture intransigeante de la résolution 1701 là où d’autres nations souhaitent l’apaisement à tout prix, fut-ce au prix de la crédibilité? À cet égard, le difficile positionnement vis-à-vis d’un Hezbollah, désormais membre du gouvernement libanais et officiellement reconnu comme mouvement de résistance, est symptomatique.

Dès lors, il est permis de s’interroger sur la pertinence des moyens fournis par la France à la FINUL. Ces derniers[7] supportent un discours de fermeté qui ne peut être appliqué dans les faits. Essentiellement orientés face à une potentielle agression israélienne, ils constituent par excellence une arme de non emploi et, dans un cadre de stabilisation, génèrent plus de friction auprès des populations locales qu’ils ne les rassurent. Leur portée dissuasive est de plus aujourd’hui moins évidente qu’en 2006, date à laquelle leur déploiement avait constitué un symbole particulièrement fort. Chars Leclerc ou non, l’État d’Israël, s’il estime ses intérêts vitaux menacés, sera, pour les défendre, prêt à payer le prix d’une condamnation sur la scène internationale[8].

 

Plus de cohérence!

Pour éviter le piège de la contradiction, un effort de cohérence apparaît de plus en plus nécessaire.

Redéfinir la stratégie poursuivie par la FINUL 2 revient à se confronter aux contradictions propres à toutes les opérations de maintien de la paix. Cela constitue à n’en pas douter un travail de longue haleine dans lequel la France n’est pas maître du jeu et devra nécessairement composer avec des intérêts divergents. Cette solution ne se concrétisera pas à court terme.

En revanche, le discours tenu par la France peut-être modulé. D’aucuns pourraient y percevoir un fléchissement de la volonté française, signe d’un désengagement. Le risque ne semble pourtant pas plus important que celui de voir à nouveau des casques bleus français dans l’impossibilité d’agir malgré, cette fois, la robustesse de leurs moyens. Une telle passivité constituerait un camouflet non seulement pour notre pays mais également pour la communauté internationale dans son ensemble.

La prise en compte de ce risque doit conduire à redéfinir la posture adoptée par les unités françaises déployées au Liban. Le remplacement des engins chenillés par des véhicules à roues constituerait par exemple un signe fort pour la population du Sud-Liban, prompte à se plaindre de l’usage d’engins chenillés. Elle redonnerait aux unités déployées une liberté de mouvement perdue du fait des contraintes liées à l’usage de la chenille. Plus prosaïquement, une telle décision générerait, à terme, des économies substantielles.

Au-delà des matériels servis, il importe également de bien intégrer dans la mise en condition opérationnelle des unités déployées la dimension spécifique d’une mission comme la FINUL. Cela peut sembler relever de l’évidence mais mérite toutefois une attention particulière. En effet, à l’heure du «retour de la guerre» et du durcissement des conflits, il existe un risque d’aborder un théâtre comme le Liban à travers le prisme afghan. C’est bien là le défi principal de la diversité des conflits actuels, soulignée par le Général Georgelin[9]. Au Liban, on ne mène pas d’opérations de combat…et il n’y a pas d’ennemi non plus.

Ces réflexions pourraient sembler à certains oublieuses des contraintes de la grande Stratégie ou des impératifs de communication sur la scène internationale. À ceux-ci, le Général de Gaulle aurait adressé cette réponse ironique, rédigée alors qu’il était en poste au Liban dans les années 1930: «Les sceptiques ajouteraient une troisième solution, à savoir que durent les tâtonnements d’aujourd’hui, puisque ici le temps ne compte pas et que les systèmes comme les ponts et les maisons trouvent facilement moyen de rester debout en porte à faux».

Ne rien changer, entretenir l’illusion d’un maintien de la paix robuste n’en demeure pas moins un pari risqué.

 

 

[1] La résolution 1701 est votée le 14 août 2006. Elle complète les résolutions antérieures et fixe à la force un plafond de 15.000 hommes.

[2] Le concept de «Robust Peacekeeping» cherche à répondre aux carences du maintien de la paix traditionnel. Le terme de «robuste» est devenu une constante et une marque de fabrique des discours sur la FINUL.

[3] Employée dans une lettre destinée au président du Conseil de sécurité, cette formule sera reprise lors de la prorogation de la résolution 1701, le 27 août 2009.

[4] Le désarmement du Hezbollah, condition essentielle d’un plein exercice de la souveraineté du gouvernement libanais n’a, par exemple, jamais figuré au mandat de la force.

[5] Le paragraphe 12 de la résolution 1701 autorise la FINUL «à prendre toutes les mesures nécessaires dans les secteurs où ses forces sont déployées et, quand elle le juge possible dans les limites de ses capacités, à veiller à ce que son théâtre d’opérations ne soit pas utilisé pour des activités hostiles de quelque nature que ce soit, à résister aux tentatives visant à l’empêcher par la force de s’acquitter de ses obligations dans le cadre du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité».

[6] L’explosion dans la zone de responsabilité française d’une importante cache d’armes entretenue par le Hezbollah à Kirbat Selim le 14 juillet 2009 ou les violations répétées de l’espace aérien libanais par des aéronefs israéliens le prouvent.

[7] Le contingent DAMAN est constitué de deux éléments distincts: une «Quick Reaction Force» (QRF) disposant essentiellement d’un escadron de chars Leclerc, d’une section de reconnaissance régimentaire, d’une batterie de canons AUF1, d’une section de missiles sol air courte portée MISTRAL et d’un bataillon français (BATFRA) articulé autour de deux compagnies d’infanterie mécanisée sur AMX 10 P

[8] En 1982, l’opération «Paix en Galilée» a superbement ignoré la présence des casques bleus. Les soldats français reçurent d’ailleurs l’ordre de ne rien tenter face à l’avancée des Merkavas.

En 2006, un poste d’observation de la FINUL fut délibérément pris pour cible par Tsahal, tuant 4 observateurs.

[9] 4D: Diversification, Durée, Durcissement, Dispersion  sont les 4 D qui, selon le Général Georgelin, caractérisent les opérations contemporaines.

 

Le Chef de bataillon DANIGO est saint-cyrien, officier des troupes de marine. Stagiaire de la 123ème promotion du cours supérieur d’État-major (CSEM), il a occupé les fonctions d’officier traitant au sein du Bureau plans (J5) de la FINUL d’août à février 2010.

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Titre : «En porte à faux»: le pari risqué de la France dans la Force intérimaire des Nations-Unies au Liban
Auteur(s) : le Chef de bataillon Ludovic DANIGO
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