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Fast in/Fast out : le bel avenir de l’intervention éclair

Cahiers de la pensée mili-Terre
Tactique générale

Bagdad US Marines en 2003
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Si les opérations militaires des armées occidentales s’inscrivaient encore récemment dans la durée, leurs outils militaires ne pourraient plus bientôt mener uniquement que des actions courtes, en raison de la pression toujours plus forte exercée sur les budgets de défense et d’une opinion publique devenue très difficile à convaincre de l’utilité des longues opérations. C’est de ce constat que découle le concept de «guerre/désengagement rapides», de plus en plus en vogue outre-Atlantique. L’auteur nous le décrit, en nous montrant ses avantages, inconvénients et limites.


Des opérations toujours plus nombreuses, souvent plus longues, mais des budgets toujours plus réduits

«À 428 voix contre 14, l’accord de prolongation de l’opération Sangaris a été voté avec une rassurante majorité», commentait Claude Bartolone le 25 février dernier lors du vote parlementaire autorisant la prolongation de l’intervention militaire française en Centrafrique au-delà des quatre mois. Rompu désormais à ce nouvel exercice démocratique visant à renforcer le droit de regard du Parlement en ce qui concerne les opérations extérieures (OPEX), le président de l’Assemblée nationale semblait se satisfaire de l’union sacrée politique obtenue à travers ce vote, en dépit des nombreuses critiques actuelles sur la durée du conflit: isolement diplomatique de la France, décision d’engagement des troupes au caractère «improvisé», absence de stratégie sur le long terme, épuisement de nos forces, éventualité d’un enlisement, précarité des financements.

Cependant, au-delà du débat politique, se pose essentiellement aujourd’hui la question de l’utilisation de l’avance de trésorerie «opérations», exclusivement réservée aux dépenses effectuées dans le cadres des OPEX. Son plafond est en effet systématiquement dépassé depuis l’entrée par les armées françaises dans ce nouveau «tunnel de la guerre», historiquement débuté en 1991 avec le déclenchement de l’opération Daguet au Koweït. Depuis sa participation à «Desert Storm», la France n’a en effet jamais cessé de progresser dans ce tunnel, sans jamais pouvoir en sortir. Du respect de ses accords de défense passés avec des pays tiers (crises successives en Côte d’Ivoire, Tchad, RCA), en passant par l’engagement d’une force dans un cadre multinational (ex-Yougoslavie, Kosovo, Afghanistan), ou encore en soutien auprès d’un pays en crise humanitaire (Haïti, Syrie), sans oublier les interventions en «cavalier seul» mais soutenu par des alliés (Lybie, Mali), les armées françaises n’ont jamais eu vraiment le temps de basculer en vitesse de croisière dans ce fameux tunnel opérationnel, que le duc de Wellington surnommait déjà en 1815 après 25 années de guerre ininterrompues en Europe le «tremendous tunnel of war»[1] («l’immense tunnel de la guerre»).

Il reste que ces glorieuses campagnes françaises de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle ont un coût en vies humaines, dont chaque citoyen doit mesurer le sacrifice. Mais elles ont également un coût de finances publiques de plus en plus présent dans les esprits du citoyen et du parlementaire qui le représente, et ce coût ne peut plus être ignoré aujourd’hui. Un luxe que Wellington pouvait probablement se permettre en 1810 au beau milieu de sa campagne d’Espagne; aujourd’hui un impératif dans la prise en compte de la programmation annuelle des budgets de défense.

Ces fameux «surcoûts OPEX» du programme 178 au sein de la mission défense[2] augmentent certes en volume d’année en année lors de chaque vote de la loi de finance initiale (LFI). Cependant, ils sont soumis chaque année à un dépassement de leur budget initial, ce qui démontre une inquiétante absence de maîtrise de cette dépense publique.

L’expérience acquise au fils de ces dernières années par l’armée française est certes considérable, la hissant désormais sans discussion au rang de deuxième armée du monde derrière celle des États-Unis[3], et lui a permis récemment de démontrer une nouvelle fois tout son savoir-faire tactique et opératif au Mali à travers l’opération Serval, capitalisant plus de dix années d’expérience acquises au feu. Une véritable «génération OPEX» tous corps sociaux confondus, est née de ces décennies d’engagements.

Toutefois, si cette nouvelle génération a grandi au rythme du vrombissement des hélices d’un C-160 Transall atterrissant sur une piste de fortune n’importe où dans le monde, elle a aussi fait ses classes dans un contexte de crise budgétaire permanent, de restructurations de l’outil de défense jamais menées à leur terme, et de coupes au sein des dépenses publiques toujours plus nombreuses. Le soldat français de 2014 est donc très opérationnel, mais surtout devenu par la force des choses très pragmatique. Comment concilier exigence opérationnelle et diminution de moyens? L’intérêt pour l’utilisation à bon escient des deniers publics intéresse donc à juste titre le chef militaire, soucieux de continuer à pouvoir entraîner ses hommes et à les projeter en opérations (sans exclure les missions intérieures type Vigipirate, trop souvent oubliées mais parfois tout aussi difficiles). En d’autres mots: oui je veux faire la guerre, mais la faire de manière efficient; efficace et à moindre coût.

Il est d’ailleurs particulièrement intéressant de constater que cette tendance n’est pas uniquement française. En effet, les principales armées occidentales, touchées également par des réductions considérables de leurs budgets jamais vues depuis la chute du mur de Berlin, ont dû faire face dans le même temps à des engagements de leurs contingents sur plusieurs théâtres d’opérations depuis les précédents déploiements de 1954 en Algérie pour la France, de 1965 au Viêt-Nam pour les États-Unis, ou encore de 1982 aux Malouines pour la Grande-Bretagne.

Ce paradoxe d’inflation des opérations face à leurs coûts a nécessairement engendré une problématique au sein des grandes nations occidentales, qui ont cherché ces dernières années à y apporter des solutions plus ou moins pragmatiques. Le décideur politique, soumis à la pression budgétaire, suit en théorie un objectif de niveau stratégique (stabilisation d’une région), mais reste également, et surtout, soumis à la pression de l’opinion publique. Cette opinion, influencée exagérément par les médias, devient de plus en plus sensible à l’engagement de l’armée en dehors du territoire national pour des raisons qui sont pour elle discutables.

 

Puissances occidentales: la tyrannie de l’opinion

La bascule à l’été 2014 en Afghanistan de Enduring Freedom vers Resolute Support Mission ne démontre pas uniquement le recentrage stratégique vers l’Asie et un nouvel effort porté sur l’US Navy. Les États-Unis doivent surtout faire face à la lassitude de leur opinion publique face aux guerres longues et controversées. À l’instar des Canadiens et des Britanniques, le citoyen ne cautionne plus de tels déploiements, même s’il continue à soutenir moralement le soldat engagé en zone de combat. Ce paradoxe est couramment cité dans les médias américains au titre de «uncivilized patriot»: l’esprit patriotique du citoyen s’inquiète du sort des soldats au front mais est détaché des raisons qui les y ont envoyés.

En effet, au vu du bilan discuté de treize années de présence de l’OTAN en Afghanistan, et de neuf années de présence américaine en Irak, le citoyen étant avant toute chose un électeur, il est probable que le politique ne s’engagera plus volontairement dans une guerre longue en toute connaissance de cause, à moins d’une menace majeure contre le territoire national. Certes, ces treize années en Afghanistan laissent aujourd’hui ce pays dans une position relativement favorable au retour à des conditions de vie «normales», qui resteront à confirmer dans la durée. Mais à quel prix pour les puissances occidentales? 2014 pourrait donc représenter potentiellement la fin d’un cycle dans la conduite des opérations face à l’environnement hostile aux guerres longues qui entoure de plus en plus le politique.

Concernant l'intervention militaire française en Centrafrique, l’opération Sangaris «ne devait pas s’inscrire dans la durée», comme l’avait annoncé en janvier dernier le Premier ministre Jean-Marc Ayraut. Au sein de l’institution militaire, au contraire, on présentait depuis le début que ce serait long et difficile. Les imprévus du célèbre «brouillard de la guerre» de Clausewitz ne mentent jamais, surtout en Afrique, et le terme de cette opération n’est pas fixé. Sur chaque théâtre d’opération, la crédibilité du politique est désormais remise en question, l’opinion publique moderne se focalisant plus facilement sur les incohérences des discours de ses dirigeants plutôt que sur les victoires acquises sur le terrain, parfois au prix du sang, par son armée.

Cette opinion est aujourd’hui sans aucun doute façonnée en grande partie par les médias, devenus en quelques années le véritable «quatrième pouvoir». Agissant comme une caisse de résonance, les médias catalysent et accélèrent les faits souvent à leur convenance, privant la plupart des citoyens de leur capacité à se forger leur propre opinion, et poussant le politique à agir vite afin d’inscrire son action au vu de tous.

Mais le tempo d’une opération militaire ne peut se synchroniser sur celui du rythme d’une chaîne d’information continue. Et, face à ce dilemme de contenter à la fois ses électeurs à l’écoute des médias et d’emporter la décision sur le terrain, le décideur politique se retrouve donc souvent hésitant face à l’emploi de son outil militaire. Il se trouve désormais condamné à la victoire rapide et décisive sur le terrain, puis à inscrire son action dans le paysage médiatique, qu’il tente d’utiliser à ses fins. Le victorieux «Benghazi libéré!» de Nicolas Sarkozy en 2011 alors que la fin de l’opération Harmattan n’était pas encore annoncée, ou encore la présence devant les caméras du président de la République à Gao dès les premières victoires opératives acquises au Mali, peuvent constituer en soi une brillante démonstration de la volonté politique de répondre à ce désormais refus de l’opinion envers les guerres longues et coûteuses.

 

Retrait de la force: assumer de laisser une situation en crise

Le 19 mars dernier, quatre ans précisément s’étaient écoulés depuis la première frappe française contre l'armée de Kadhafi en 2011. La Libye reste cependant dans un état chaque jour un plus fragile, voire chaotique. «La situation politique et sécuritaire est très préoccupante» reconnaît-on au Quai d'Orsay, où l'on constate que «la transition post-Kadhafi a perdu de sa lisibilité».

L’opération Harmattan a produit des effets tactiques et permis d’emporter la décision. Il est cependant admis que les effets stratégiques se font encore attendre. Il a été convenu et décidé par le politique dès la phase de planification que les armées ne «s’accrocheront pas au terrain» et qu’il n’y aurait pas de déploiement au sol. La conduite des opérations fût irréprochable. Il reste ensuite à faire face à des préoccupations géopolitiques et des considérations morales.

Pour une armée occidentale bien entraînée et équipée, une fois le feu vert donné par le politique, il est maintenant en règle générale relativement facile de neutraliser un ennemi asymétriquement préparé et armé à faire la guerre. S’assurer par conséquent de la victoire en moins de quelques semaines est donc tout à fait à sa portée. D’ailleurs, outre son niveau opérationnel incontestable, l’armée française ne fait-elle pas effort depuis plusieurs années sur sa «capacités d’entrer en premier»? Erigée en pierre angulaire doctrinale dans tous les manuels, cette capacité fait malheureusement souvent de l’ombre à son alter ego: la capacité de sortir en premier.

Une fois engagées sur le terrain, la victoire tactique voire opérative obtenue, les armées sont à la recherche d’une victoire stratégique à laquelle le politique ne leur permet que trop rarement d’accéder. L’absence de décision politique et de clairvoyance stratégique condamne les armées à trouver des solutions sur le terrain «en conduite». Le calendrier de désengagement d’un théâtre d’opérations est soumis au chef de l’État et ses décisions auront sans nul doute des conséquences sur l’avenir du territoire où l’intervention armée a eu lieu. La stabilisation d’une région du globe en crise est un processus très long que les forces occidentales doivent assumer, ou au contraire en rester volontairement observatrices.

Ce choix est un choix éthique et géopolitique qui ne concerne que peu les armées, même si l’impact d’une intervention militaire de plus de dix ans possède certainement des répercussions sur les budgets de défense à venir. Car, techniquement, les armées occidentales ne rencontrent généralement pas de difficultés à se retirer d’un théâtre, même si ce retrait s’effectue en fonction de l’empreinte de la force sur place: le tour de force logistique de la France lors du retrait d’Afghanistan en 2012 reste un exemple de chaîne logistique à grande échelle que les États-Unis étudient dans le cadre de leur propre retrait, même si les ordres de grandeur ne sont pas comparables (l’US Army et l’USMC ont dû désengager 60.000 hommes et 300.000 tonnes de fret avant décembre 2014).

 

FAST IN/FAST OUT: les conditions d’une victoire rapide et d’un désengagement éclair

Il est possible de s’essayer à définir quatre conditions indispensables si l’on veut conduire aujourd’hui des opérations courtes.

 

  • Disposer d’une force expéditionnaire très entraînée et toujours disponible. Densifier les opérations de plusieurs années en une seule signifie être capable de mener tout le spectre des actions possibles et d’accomplir toutes les missions assignées en un minimum de temps. Ce raccourcissement du temps opératif et tactique s’apparente au concept de «Blitzkrieg» développé dès 1920 par la Wehrmacht et orienté volontairement dès le début vers une guerre courte mais brutale et interarmées. En 1940, la mise en œuvre de cette doctrine a provoqué l’effondrement de la plupart des armées européennes en moins de deux mois, face à d’autres doctrines qui, elles, relevaient encore de la Grande Guerre.

 

Aujourd’hui, la réduction en volume des effectifs de nos armées occidentales entraîne mathématiquement un accroissement de la professionnalisation des armées, devenant de plus en plus performantes et de mieux en mieux entraînées. Pour des raisons différentes, l’outil militaire occidental devient donc plus réduit mais de plus en plus efficace, sans pour autant aboutir à la même doctrine que celle que la Reichswehr avait su construire de 1920 à 1938, pour reprendre la même référence. Toutefois, posséder un outil militaire aiguisé et performant est une chose, l’utiliser à bon escient dans un cadre espace-temps bien déterminé en est une autre, et l’AfrikaKorps a justement été victime de ce type d’erreur stratégique (voir encadré).

La préparation opérationnelle revêt un caractère particulièrement essentiel si l’on veut pouvoir disposer d’une force expéditionnaire toujours en alerte et prête à être engagée dans n’importe quelle zone du globe. Les grands décideurs militaires et politiques doivent pouvoir compter sur ce type de force afin de prendre en amont les décisions les plus pertinentes en cas de crise.

 

FOCUS: Afrikakorps: un «mission creep»[4] (4) organisé?

  • Obéir à une volonté politique inébranlable. Il convient donc au politique de fixer des objectifs clairs et une mission réalisable dès le début de l’intervention, avec un calendrier de désengagement planifié en amont lors de la phase de conception. L’opération Harmattan fut une opération «coup de poing» à coût relativement maîtrisé et à l’image médiatique soignée. Harmattan représente peut-être l’avenir de nos opérations, à condition ensuite de tolérer une situation de crise post-conflit.

La voix de la France est écoutée dans le concert des nations, car, notamment, elle porte encore aujourd’hui des valeurs de libertés individuelles et de démocratie. Au cœur des situations de crises les plus difficiles, comme le peuvent être les situations actuelles en Syrie ou en Ukraine, on attend la réaction de la France, mais aussi celle des États-Unis ou de la Grande-Bretagne. Ces grandes valeurs démocratiques, qui trouvent leurs racines dans l’histoire de nos nations, guident l’action du politique, l’obligeant parfois plus à agir au nom de grandes causes morales plutôt que dans l’intérêt général de son pays, profondément lié aujourd’hui à l’issue d’une crise économique dont personne ne semble prédire la fin.

Au dilemme d’ingérence bien connu entre «liberté des peuples à décider d’eux-mêmes» et impératif de les protéger, vient s’ajouter la contrainte économique que toute puissance occidentale ne peut désormais ignorer. Le décideur politique en charge de trancher ne peut se permettre, à la lumière des récents engagements en Irak et en Afghanistan, d’autoriser à nouveau de tels déploiements de forces. Il doit donc impérativement décider dès le lancement des opérations quels sont les objectifs à long terme de ces dernières, donnant un sens à l’action des troupes dont il est, faut-il le rappeler, également le chef de guerre.

  • Posséder un outil logistique militaire, efficace et bien pensé. «Fast in/fast out» signifie essentiellement être capable de projeter un maximum de moyens, loin de la métropole en un minimum de temps, puis de réaliser la même opération en sens inverse. Cela suppose posséder une logistique puissante et très performante.

L’engagement et le désengagement d’une force expéditionnaire en temps contraint relève souvent du tour de force. Disposer de moyens d’acheminement modernes ne suffit pas, il faut également une doctrine éprouvée en matière de flux logistiques et une volonté du commandement de donner systématiquement la priorité à ce type d’opérations, ce qui est le cas des États-Unis (le «Focus Logistic» y est clairement décrit dans chaque Quadrennal Defense Review). La logistique doit donc être pensée au niveau stratégique et comprise comme un facteur de puissance, car elle représente sans aucun doute le centre de gravité des batailles contemporaines.

La France, dans ce domaine, reste encore vulnérable, avec notamment des capacités d’acheminement stratégique nationales comptées. En effet, si les armées ont été capables de projeter 2.000 hommes au Mali en moins de quelques jours, l’opération Serval a surtout démontré une nouvelle fois notre faible liberté d’action dans le domaine des avions gros porteurs. Cette dépendance face aux contrats passés avec des sociétés russes ou ukrainiennes mettant à notre disposition les Antonov nécessaires, ou face à l’appui des avions cargo C17 prêtés par nos alliés, ne se terminera vraisemblablement pas avant 2020, date programmée de mise en service des nouveaux aéronefs MRTT (Multi Role Transport Tanker).

Cette marge de progression en termes d’acheminement s’accompagne du besoin de mettre en place à court terme une chaîne logistique globale interarmées pertinente, qui travaillerait en totale cohérence avec la conduite des opérations. À cet effet, la création à Villacoublay du centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA) à l’été 2014 doit sensiblement améliorer cette capacité essentielle.

«Le CSOA va permettre de garantir la cohérence des actions relatives au soutien global des engagements opérationnels des armées», commente le Général de division aérienne Boussard, en charge du projet depuis 2012. «Cette coordination du soutien logistique interarmées au niveau stratégique est capitale. En arbitrant l’ensemble des flux logistiques depuis la métropole jusqu’au théâtre, le CSOA assurera la continuité permanente du soutien des forces en opération, permettant ainsi de projeter plus vite, plus loin, mais surtout plus intelligemment, c'est-à-dire en optimisant chaque vecteur et chaque ressource.

Le prochain déploiement de cette structure de commandement logistique indispensable, placé directement sous les ordres du sous-chef opérations du CEMA, sera facilité par la mise en œuvre d’un nouvel outil de suivi des flux, SILRIA (système d’information logistique pour le suivi de la ressource interarmées), qui sera capable de tracer la ressource de bout en bout. Enfin, le CSOA pourra juger de l’efficience de l’empreinte logistique sur un théâtre d’opérations, et en modifier directement si besoin le contenu» conclut le Général Boussard.

 

  • Agir en national, mais penser transfert vers une force multinationale. Le caractère strictement national du fast in/fast out représente souvent un atout si l’on vise l’efficacité sur le terrain, car agir dans un contexte international ne favorise pas le facteur vitesse. En effet, si la légitimité d’une intervention sous couvert d’une résolution du conseil de sécurité de l’ONU reste toujours recherchée par les armées occidentales, mener une opération avec d’autres alliés multiplie les délais de mise en place et de désengagement de celle-ci plus qu’elle n’en améliore l’excellence opérationnelle. C’est en partie pour cette raison que désormais les États-Unis ne cherchent souvent qu’en façade le soutien de l’OTAN ou une quelconque approbation extérieure, afin de déclencher leurs propres interventions au Pakistan, au Sahel ou encore dans certains pays d’Amérique du Sud. Encore une fois, décider de faire cavalier seul reste une décision politique, mais une condition indispensable à ce type de concept opératif.

 

En revanche, il est impératif dans ces conditions de programmer dès la phase de planification un transfert de force, dans un premier temps vers une organisation internationale (MISMA au Mali, FINUL au Liban, ONUCI en Côte d’Ivoire), puis dans un deuxième temps vers la force locale (ANSF en Afghanistan ou forces de police au Kosovo). C’est justement sur ce délai de transfert, que l’on dit souvent incompressible, que l’effort doit se porter en amont. Certes, cela nécessite de longues discussions avec nos alliés et partenaires internationaux (et des efforts budgétaires consentis), mais un transfert réussi vers une force multinationale, puis locale, ne représente pas moins que la conclusion stratégique à l’introduction tactique que nos armées nationales ont initiées. Sans cela, le prix du sang que nos armées paieraient lors de la phase d’entrée en premier, remettrait malheureusement en question l’utilité même d’une telle intervention sur le long terme.

 

Conclusion/ouverture

Si le modèle Fast in/Fast out est séduisant à bien des égards, encore faut-il réunir ces quatre conditions, et peu de nations dans le monde peuvent actuellement se le permettre. Mais surtout, le modèle peut aussi rapidement montrer ses limites: ne pas occuper le terrain suite à un conflit, c’est organiser le chaos au profit d’autres forces de tous ordres (politique, militaire, civile) qui sauront l’occuper et donc produire un effet inverse à celui recherché, créant de nouvelles zones d’instabilité qui menaceraient l’ordre régional.

Il est 18h30 le 25 février 2014, et les derniers députés de l’Assemblée nationale quittent l’hémicycle, le sentiment du devoir accompli. Deux mille courageux soldats français sont reconduits pour au moins quatre mois sur le sol centrafricain, engagés dans une opération délicate où plane la menace d’un enlisement. Le même jour, à Washington, lors de la présentation au Sénat du dernier point de situation des forces américaines pré-positionnées en Asie, le Général Alexander, chef du département de veille stratégique au Pentagone, présente aux sénateurs les différentes options d’intervention militaire en Corée du Nord, juste au cas où… Pas plus de trois semaines de combat de haute intensité, intense et décisif comme les armées américaines savent le faire. Puis retour sur la base de Daegu en Corée du Sud. «The Irak – Afghanistan struggles are over, no more mistakes» déclare un sénateur en fin de séance. Tout est dit.

 

[1] Brett James, “Wellington at War, Londres, 1961

[2] Le programme 178 de la mission défense, appelé «préparation et emploi des forces», représente le cœur des activités du ministère de la Défense au sein d’une loi de finances initiale. Pour 2014, le «P178», comme on a l’habitude de le nommer dans les milieux de la défense, s’élève à 22,19 milliards d’euros, soit environ 57% du budget. Héritage de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le programme est désormais structuré en sept actions, dont l’action n°6, «Surcoûts liés aux OPEX», représente 1,96% du P178, soit environ 435 millions d’euros budgétés pour 2014. Ce budget OPEX atteint déjà cependant 300 millions d’euros en mars 2014, et les prévisions les plus optimistes estiment cette dépense à environ un milliard d’euros au mois de décembre, donc un dépassement de plus de 50% du budget voté par le Parlement

[3] Sur des critères objectifs basés essentiellement sur l’efficacité opérationnelle, le niveau de professionnalisme atteint et l’intensité des combats dans lesquels les armées sont régulièrement engagées. La plupart des experts de défense ainsi que le mensuel «Jane’s Defence Weekly» s’accordent désormais à classer les armées françaises en deuxième position. Ces critères restent cependant à relativiser, car le niveau d’effort consenti par une nation pour le budget de sa défense n’est pas pris en compte: la France, par exemple, n’a investi en 2014 que 1,5% du montant de son PIB en matière de défense, contre 2,3% pour la Grande Bretagne et 4,3% pour les États-Unis. Ce ratio est de plus en baisse constante depuis 2009.

[4] Mission creep: littéralement «glissement de mission». Opération militaire dont les objectifs fixés en début de mandat glissent au cours des opérations vers des conséquences généralement indésirables, ce qui oblige le commandement à reformuler en conduite sans cesse de nouveaux objectifs.

 

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Titre : Fast in/Fast out : le bel avenir de l’intervention éclair
Auteur(s) : Chef d’escadron Guillaume KATONA
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Soldats français en patrouille dans Bangui
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Fermeture de la FOB Tagab en Afghanistan en mai 2012.
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Le Général Rommel donnant ses ordres avant la prise de Tobrouk, avril 1941
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Opération Harmattan en Lybie
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Contrôle de police au Kosovo
Armée