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Les enjeux de formation du combat SCORPION 2/2

Revue de doctrine des forces terrestres
Sciences & technologies
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Une autonomie accrue des échelons subordonnés


Historiquement, l’autonomie conférée s’expliquait par les difficultés et le caractère rudimentaire des liaisons (alternant le commandement à la voix et les messagers de l’âge héroïque, estafettes et motocyclistes de l’époque moderne, puis les transmissions). Il fallait donc que le détachement isolé ou éloigné dispose de prérogatives suffisantes pour remplir l’étendue de ses missions, tout en faisant face aux contingences. C’était particulièrement vrai pour les expéditions outre-mer lointaines.


L’amélioration constante des liaisons ainsi que de la transmission de données, couplée à la numérisation de l’espace de bataille, pourrait faire craindre un micro-management néfaste et mortifère pour l’initiative. Ce n’est pourtant pas ce qu’ont montré les expérimentations doctrinales conduites à Saumur sous l’égide du Laboratoire du Combat SCORPION (LCS). Au contraire, les chefs tactiques ont été beaucoup plus enclins à accepter les initiatives qu’ils pouvaient en suivre le développement en temps réel grâce au Blue Force Tracking.

 

Cette autonomie accrue impliquera mécaniquement une formation spécifique et ce, à deux niveaux : pour les chefs, qui devront encourager l’initiative permise par la connaissance partagée de la situation tactique, et pour l’ensemble des cadres qui devront, dès le niveau du chef de groupe, être capables d’intégrer un panel plus large d’effets en évitant l’écueil de la surcharge cognitive.


S’appuyer sur les fondamentaux

 

Les deux artisans de cette acculturation seront le Centre de Doctrine et d’Enseignement du Commandement (CDEC), pour la partie enseignement du commandement, et le Commandement de l’Entraînement et des Écoles du Combat Inter-Armes (COM E2CIA) pour l’assimilation par les forces terrestres. Créé en 2018 à Mourmelon, ce commandement regroupe désormais sous une même autorité fonctionnelle les centres d’entraînement et les écoles de formations des fonctions opérationnelles du combat de contact. Leur faudra-t-il pour autant tout réinventer ? Le combat futur sera certes plus rapide et plus décentralisé, mais tout aussi violent et toujours livré au milieu des peuples. De même, il sera toujours aussi long d’embosser un véhicule ou de faire rembarquer une section d’infanterie. C’est donc par le biais des outils et méthodes de commandement que l’on pourra accélérer le cycle décisionnel et le tempo.


L’esprit guerrier du combattant SCORPION

 

Les deux reproches faits a priori au système SCORPION sont qu’il sous-estimerait l’importance de l’esprit de corps en favorisant des reconfigurations fréquentes et qu’il pourrait engendrer un combat de « presse-boutons » inaptes à combattre en dégradé. Un vrai travail pédagogique s’avère donc nécessaire dès les écoles de formation, comme cela fut le cas à l’arrivée de chaque génération de NEB : lors de la mise en service des terminaux numériques embarqués par exemple, on craignait que les chefs d’engin ne sortent plus la tête de leurs tourelles. C’est précisément pour cette raison que la maîtrise de la haute technologie par les forces terrestres figure dans le plan d’action « esprit guerrier » de l’armée de Terre, aux côtés de l’aguerrissement et de l’esprit de corps. En effet, c’est bien l’ensemble de ce triptyque qui permettra à nos forces terrestres de surclasser leurs adversaires futurs.

 

Assimilée à une logique d’effets de nature impersonnelle, la reconfiguration fréquente d’une unité est souvent opposée, assez artificiellement, à la connaissance de ses frères d’armes. Si, et c’est heureux, les ressorts humains resteront au coeur de notre système de combat, ce reproche souvent fait à l’agilité n’est-il pas éminemment dangereux ? Il revient à prôner des structures fixes, si contraires à tous les enseignements des conflits récents, notamment en zone urbaine. En outre, l’arrivée de matériels sophistiqués au cours des dernières décennies n’a pas transformé nos soldats en geeks individualistes et renfermés sur eux-mêmes.

 

Comme nous l’avons souligné plus haut c’est le pragmatisme, et non le romantisme, qui doit prévaloir dans le domaine de l’adaptation des modes
de combat, avec une question permanente : comment tirer le meilleur profit des nouvelles technologies ?


L’esprit de corps

 

À entendre certains argumentaires, il est à se demander s’il ne faudrait pas avoir passé ses dernières vacances avec le chef de pièce mortier ou le chef de section du Génie qui nous appuie pour que le système fonctionne. Cette intention, louable en apparence, est illusoire. Elle le serait encore plus dans le cadre d’un engagement de haute intensité livré en coalition, scénario qui figure dans le contrat opérationnel des armées et dont il faut donc prendre en compte les présupposés, comme le fait que le fuseau voisin pourra être occupé par une unité alliée. Envisagée de manière trop réductrice ou systématique, la connaissance personnelle peut donc devenir une dépendance, voire une vulnérabilité. Pour gagner, il faudra donc (parfois) savoir-faire sans : c’est là tout l’enjeu du processus normatif qui sous-tend la doctrine.


Bien évidemment, l’esprit de corps restera un multiplicateur d’efficacité et un des ressorts les plus puissants du combat : c’est lui qui amène à se dépasser pour ses frères d’armes, sa « band of brothers ». De même, l’abonnement d’unités à des fins de connaissance réciproque tels que les détachements de liaison, d’observation de de coordination de l’artillerie avec des régiments de mêlée devront être poursuivis, afin de maximiser l’efficacité de nos combinaisons interarmes. Il faut se souvenir que les carences en ce domaine furent une cause majeure des échecs tactiques israéliens durant la Guerre de 200633. À ce titre, la reprise de la préparation opérationnelle inter-armes (POIA) sera une véritable opportunité, en permettant à toutes les unités de s’entraîner à nouveau ensemble.

 

On retrouve cet aspect dans les problématiques d’interopérabilité, avec le terme d’interopérabilité humaine et c’est ce qui explique, outre les liens d’amitié et de confiance avec les pays alliés, la présence au sein des promotions de l’École de Guerre-Terre d’officiers issus de pays aux côtés desquels nos forces combattent (appartenant notamment au « G5 Sahel »).


La technique au service de la tactique

 

Si le coeur même du « lien tactique » ne changera pas, il s’exprimera par des supports différents, au premier rang desquels le SICS évoqué précédemment. Plus intuitif, plus simple, en somme plus adapté aux exigences du combat moderne, c’est lui qui permettra à nos unités de mieux appréhender la situation tactique. Ce logiciel a en outre pu bénéficier des retours d’expérience de la première NEB. C’est d’ailleurs ce qui a prévalu
dans le processus d’ensemble, avec une réflexion doctrinale exploratoire qui a précédé l’arrivée des matériels. Le SICS sera mis en oeuvre dès 2019 au sein de la force d’expertise du combat SCORPION (FECS). Basée à Mailly, cette nouvelle structure aura en charge à compter de l’été 2019 l’animation du LCS ainsi que la formation des premières unités SCORPION : dans un premier temps, elle sera logiquement axée sur les aspects techniques. Peu à peu, les aspects tactiques tels que décrits précédemment et ceux à redévelopper, comme la déception, occuperont le devant de la scène. Ils devront toutefois être déclinés, afin de ne pas rester dans l’incantatoire.


Dans le domaine clé de l’enseignement du commandement, un certain nombre de pratiques ont fait leurs preuves et devront être perpétuées : études historiques sur le terrain34, combats cadres, exercices à double action etc. À l’avenir, ils devront toutefois être complétés grâce aux possibilités offertes par la simulation. Les forces gagneraient également à utiliser des outils tels que les jeux de guerre, dont le potentiel est assez méconnu ou sous-estimé, en dehors du wargaming des modes d’action. Ils permettent à peu de frais de se confronter à une situation tactique et à une intelligence adverse non mécanique. Pour les états-majors en effet, les exercices de décision tactique sont bien de la préparation opérationnelle, tout autant qu’un tir pour un grenadier-voltigeur.

 

Plus généralement, cela doit s’inscrire dans l’effort de formation en tactique générale initié dans le cadre de l’enseignement militaire supérieur. Pour le dire trivialement : avant de saisir les opportunités, il faut être capable de les identifier. On retrouve ici la notion de vista, qui permet d’être capable de répondre au « de quoi s’agit-il ? », et le sens de l’initiative, qui permet d’agir ou de réagir en conséquence. Ces deux attributs classiques du chef dans la pensée militaire française trouveront grâce à SCORPION un vecteur d’expression inédit.

 

Conclusion


La période qui s’ouvre pour l’armée de Terre s’annonce trépidante pour les chefs tactiques que nous serons, avec d’un côté la remontée en puissance de nos forces terrestres et de l’autre la transformation SCORPION. Cette dernière pourra s’appuyer sur la dynamique actuelle de réinvestissement des savoir-faire tactiques : création de la qualification interarmes de premier niveau, densification de la formation tactique à l’école d’état-major, création de l’École de Guerre-Terre avec le passage à un an de la scolarité spécifique Terre des futurs brevetés ou encore la reprise de la POIA. Ce préalable permettra d’exploiter au mieux les opportunités offertes par la nouvelle génération de matériels intégrés au sein du SICS, non pas dans une logique prométhéenne de prouesse technologique mais d’effets cinétiques décisifs.


En s’appuyant sur un ensemble bien identifié de fondamentaux, ce renouveau tactique sera alors une véritable expression de notre culture militaire, à la hauteur de nos ambitions de première armée d’Europe.

 

 

33 Voir notamment à ce sujet l’ouvrage du général PELLEGRINI, Un été de feu au Liban, Paris, Economica, 2010, 171 p.

34 Animé par un historien militaire, le lieutenant-colonel Christophe GUE, l’exercice « Pretelat » sur la percée allemande de Sedan en 1940 est un modèle du genre, plaçant
les stagiaires de l’EDG-Terre face à des dilemmes tactiques concrets et mettant à l’épreuve leur capacité de décision en temps contraint.

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Titre : Les enjeux de formation du combat SCORPION 2/2
Auteur(s) : Chef de bataillon Laurent NERICH, École de Guerre-Terre, stagiaire de la 132e promotion
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Armée