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L’ entrée en premier dans la culture SCORPION et la saisie d’initiative 1/2

Revue de doctrine des forces terrestres
Sciences & technologies
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L’arrivée prochaine de SCORPION dans l’armée de Terre permettra, grâce à une technologie de gestion de l’information de nouvelle génération, de développer davantage le combat décentralisé et conduira vers une autonomie accrue les plus petits niveaux tactiques. La saisie d’initiatives et d’opportunités sera en partie liée aux actions et aux décisions tactiques de ces éléments subordonnés. Or, en France, la saisie d’opportunité n’est que peu déléguée aux chefs tactiques sur le terrain, elle est surtout étudiée au sein des états-majors de niveaux 3 ou supérieurs dans le cadre de la planification et des plans de manoeuvre.


Un des enjeux pour préparer l’arrivée du système SCORPION est de préparer les chefs à exploiter au mieux les capacités qu’il offre et donc de permettre le développement de l’esprit d’initiative. Bien que pouvant présenter des risques sur la manoeuvre de l’échelon supérieur, cette marge d’initiative laissée au subordonné et permettant la saisie d’opportunités peut conduire à des succès tactiques significatifs.

 

Dans quel cadre et comment la saisie d’initiatives et d’opportunités est-elle déléguée au chef tactique ? Comment cette mesure peut-elle être appliquée au modèle français ?


Bien que bridée par la nature des conflits actuels, l’initiative des chefs tactiques se développe par l’habile combinaison de la compréhension de l’environnement et de la confiance associée à un commandement par la finalité.

 

Si le modèle « au contact » voit le retour de l’initiative dans la documentation doctrinale de référence comme dans les composantes des missions tactiques, le modèle allemand et sa philosophie du commandement apparaissent comme une clé permettant l’entrée en premier de l’armée de Terre dans la préparation au combat décentralisé SCORPION dont une des perspectives demeurera le commandement par la finalité.

 

La saisie d’initiative, l’opportunité et le modèle « Au contact »


Dans son ouvrage Tactique Théorique35, le général Michel Yakovleff définit l’initiative et l’opportunité, il met en avant leurs caractéristiques communes et leurs liens. « L’initiative est la maîtrise de la décision. Elle est indissociable de la présence d’options. Saisir l’initiative, c’est obtenir la maîtrise du coup suivant, c’est inversement priver l’adversaire de la capacité d’exercer une option pour le même «coup». Le combat a donc pour but, initialement de conquérir une/des option(s) au détriment de l’adversaire ». En parallèle, il précise que « créer une opportunité, c’est utiliser des effets particuliers sur le terrain ou l’ennemi pour le forcer à agir en réaction, en commettant une erreur et donc en donnant au chef une opportunité d’action efficace ou décisive sur le plan tactique. Cela revient à créer des situations permettant de saisir l’initiative et de l’exploiter. » Il insiste ainsi sur la nécessité de saisie du tempo par une action dynamique et donc sur une notion d’action mettant l’ennemi en réaction, pour permettre au chef tactique de penser au coup suivant et de pouvoir engager la réserve sur une action d’exploitation d’opportunité.


Or, dans les états-majors français, les opportunités sont abordées dans la MEDOT36 mais principalement à partir du niveau de la brigade.


Au sein des états-majors de niveau 3, lors de la phase de planification des opérations, les opportunités sont présentées dans le plan de manoeuvre sous forme de tableau à double entrée, présentant le contexte, le but, le cadre espace-temps, les actions à mener. Cependant le plan de manoeuvre comme le tableau des opportunités ne sont pas diffusés aux niveaux subordonnés.

 

Une autre vision permettant d’appréhender la notion de saisie d’opportunité est celle de certains grands chefs de guerre qui étaient des adeptes du commandement de l’avant. Pour Erwin Rommel37, le chef, qui maîtrise la situation globale, la mission de chacune de ses unités et l’action du niveau supérieur, doit se porter à l’avant car il possède une vision d’ensemble et est le mieux placé pour prendre la meilleure décision. Pour cela Rommel planifiait à l’avance ses « visites » à l’avant. De fait son état-major conduisait l’action pendant qu’il se portait sur la ligne de front auprès de l’unité qu’il avait ciblée, à l’endroit décisif et au moment critique estimé, afin de pouvoir analyser rapidement la situation envisagée. Il commandait ainsi directement les subordonnés concernés via des ordres en cours d’action et donnait aussitôt à son état-major les directives correspondant à ces unités et leurs actions, le reste de la manoeuvre restant quant à lui à la main de l’état-major. Le délai de prise de décision était donc réduit à son minimum, le gain obtenu en était maximal et traduisait l’émanation de la volonté du chef.


Cependant ce type de commandement semble obsolète du fait de l’émergence de la numérisation de l’espace de bataille et de l’ubiquité électronique qui prédominent dans les opérations contemporaines. L’arrivée du combat SCORPION, qui fait partie intégrante du modèle « Au contact », renforcera cet état de fait.


Le modèle « Au contact » a recréé le niveau divisionnaire et la capacité à armer un corps d’armée. Dans les exercices de systèmes de PC, permettant l’entraînement commun des différents états-majors face à un ennemi symétrique, la gestion des feux et le combat dans la profondeur redeviennent une priorité pour les niveaux 1 et 2. Dans ce cadre, la mission « exploiter » revient dans le spectre des manoeuvres offensives.


Exploiter consiste à saisir une opportunité, dans l’esprit de l’effet majeur, sans obérer la capacité de la Force à atteindre l’état final recherché. Il s’agit de profiter d’une vulnérabilité temporaire (physique ou immatérielle) de l’ennemi afin d’en obtenir le rendement maximal et lui imposer le rythme voulu par la Force en l’empêchant de se rétablir dans son cycle décisionnel38.

 

L’exploitation39 est une action de conduite des opérations qui s’anticipe aux niveaux 1 et 2 dans différents champs d’application physiques et immatériels mais nécessite une connaissance de l’intention des niveaux de commandement N+2 pour les échelons tactiques sur le terrain.

 

La compréhension des objectifs opératifs voire de la conception opérationnelle40 apparaît ainsi importante pour les subordonnés. Ceux-ci pourraient ainsi être présentés aux niveaux bataillonnaires pour faciliter leur compréhension globale. De même l’ordre doit permettre aux subordonnés de déduire les opportunités des niveaux supérieurs, et ce sans tomber dans l’excès de les prescrire et donc de brider l’initiative. Enfin le risque d’une mauvaise décision liée à une opportunité qui n’aurait pu être saisie serait atténué.


Un des exemples illustrant l’importance de connaître les objectifs du niveau opératif et les opportunités qui lui sont associées est celui de la bataille d’Alsace qui débuta fin 194441. Le général d’armée de Lattre de Tassigny, commandant la 1ère armée française, lança le 16 novembre une opération de conquête du sud de l’Alsace dont l’objectif principal était la libération des territoires situés à l’ouest du Rhin. Le 18 novembre, la 1ère DB attaqua en direction de Delle et ses unités effectuèrent une percée en direction de l’est. L’exploitation de cette percée ne fut pas totale, et l’opportunité d’une manoeuvre enveloppante d’envergure, permettant la prise rapide de Mulhouse et surtout l’encerclement d’une grande partie de la 19e armée allemande du général Wiese, ne put être saisie. La percée de Delle a conduit la 1ère armée française aux portes du Rhin, a permis la prise de Mulhouse, mais, alors qu’une offensive vers Colmar était possible, aucune manoeuvre d’encerclement à grande échelle ne fut mise en place. Au bilan la 19e armée allemande s’est rétablie au Nord de la Doller, conservant ainsi des positions à l’ouest du Rhin et une grande partie de sa capacité opérationnelle tout en préservant ses lignes logistiques vers l’Allemagne. Les facteurs ayant privé l’armée française de cette victoire tactique sont liés au manque de connaissance, par les chefs tactiques engagés au contact, des intentions du commandement comme des opportunités possibles. De plus, le général de Lattre, ne pensant pas ses unités capables d’un tel succès, ne leur donna pas l’ordre de pousser sur Colmar. La confiance du chef envers ses subordonnés, bien que nécessaire pour conduire une exploitation, n’était pas suffisante. Enfin la connaissance des enjeux et la subsidiarité auraient permis davantage de réactivité dans les prises de décisions afin de conserver l’initiative sur l’ennemi et ainsi l’empêcher de se rétablir rapidement.

 

Les facteurs de succès d’une exploitation sont donc la connaissance du cadre de l’action et de l’intention des niveaux supérieurs, la subsidiarité et la confiance réciproque, la prise d’initiative associée à la rapidité de décision.


Si les ordres doivent encourager cette initiative, ils ne doivent cependant pas être trop rigides pour éviter qu’ils n’aient un effet contre-productif. Cela rejoint donc le style de commandement des chefs et la formation au commandement.

 

Favoriser l’esprit d’initiative : l’école du commandement

 

Les deux grands types de commandement caractérisant la majorité des chefs militaires, et qui sont enseignés en école de formation, sont définis dans FT 0542 : le commandement par objectif et le commandement directif (ou par ordre).

Dans le premier, une marge de manoeuvre importante est accordée aux échelons subordonnés qui doivent s’imprégner de l’idée de manoeuvre du chef pour atteindre leurs objectifs. Cette forme de commandement, bien que recherchée mais pas forcément adaptée à la conjoncture des conflits actuels (écrasement des niveaux, capacités essentielles échantillonnaires imposant leur centralisation, faible volume de troupes engagées) laisse souvent place au commandement directif dont le but à atteindre, les moyens à mettre en oeuvre ainsi que les modalités d’exécution sont donnés par le supérieur. On obtient alors une centralisation du commandement qui se rapproche de celui de l’opération Barkhane.


Pour autant, l’initiative, qui s’apparente davantage au commandement par objectif, est clairement définie et encouragée dans le livre bleu43 de l’armée de Terre. Elle y est décrite comme la « capacité à prendre la décision nécessaire, à faire preuve de détermination, d’imagination et de créativité, de spontanéité, tout en restant fidèle, respectueux et soucieux de l’efficacité collective ». Dans les opérations actuelles, si la détermination, individuelle et collective, est une caractéristique du militaire français, l’imagination et la créativité reviennent aux états-majors pour la conception des ordres. Quant à la rigueur dans l’exécution, même si elle contribue à garantir au niveau tactique la réussite de la mission donnée par l’état-major, elle bride l’initiative car la liberté d’action en est réduite à la conduite et à la réaction face à une action de l’ennemi.


L’agilité44, qui traduit la possibilité de faire face à la surprise, de réagir au changement, de le provoquer pour se rendre imprévisible, doit donc de fait être associée à une rigueur active dans l’exécution, et sera permise par la confiance construite en amont. Ce point rejoint l’idée du maréchal Ferdinand Foch, qui définit l’« obéissance active, conséquence de l’appel constamment adressé à l’initiative ». Cette agilité et cette initiative, rendues possibles grâce à cette rigueur active dans l’exécution, contribuent directement à la performance du système de commandement45.

 

 

35 Michel Yakovleff, Tactique Théorique, Économica, 2006.
36 PFT 5.1 MEDOT : Méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle tactique, 2014.

37 Generalfeldmarschall allemand de la seconde guerre mondiale (1891-1944).
38 TTA 902 : Manuel d’emploi du corps d’armée - TTA 903 : Manuel d’emploi de la division.

39 Il existe deux niveaux d’exploitation : l’exploitation de théâtre, qui est une nouvelle mission, nécessite une ré-articulation voire un engagement de la réserve, et qui peut s’envisager sur un temps long, et l’exploitation de niveau tactique, qui est une prolongation de l’action, d’une portée peut être plus limitée, avec des moyens propres plus aptes à répondre au paradoxe saisie d’opportunité - adaptation de la Force.
40 PIA 5-B_PNO (2014) : Planification du niveau opératif : Guide méthodologique.
41 Eugène Riedweg, La libération de l’Alsace, septembre 1944 – mars 1945, Tallandier, 2014.

42 NP_CDEF_FT 05 : L’exercice du commandement en opérations pour les chefs tactiques, 2010.

43 L’exercice du commandement dans l’armée de Terre, commandement et fraternité, 2016
44 Action terrestre future, 2016 : L’agilité (FSO n° 3) est la capacité permanente des forces à répondre à l’évolutivité d’un environnement caractérisé par la variété, la turbulence et l’incertitude.
45 Action terrestre future, 2016 : la performance du système de commandement (FSO n° 8) doit assurer la direction optimisée des opérations par la prise en compte de 4 impératifs interdépendants : intelligence des situations, accélération des décisions, plasticité des organisations, réduction des vulnérabilités.

 

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Titre : L’ entrée en premier dans la culture SCORPION et la saisie d’initiative 1/2
Auteur(s) : Chef d’escadron Olivier LEDUC, École de Guerre-Terre, stagiaire de la 132e promotion
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