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Principes et cultures de guerre

... Cadre de l’étude
Engagement opérationnel
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Un questionnement sur les principes de la guerre retenus par l’armée française ne peut pas faire l’économie d’une étude sur ceux que se fixent les autres grandes puissances militaires.


Les différences observées témoignent en effet de la recherche, proche a donc une finalité plus opératoire. Fuller, également influencé par les écrits du général gallois Lloyd, au début du XVIIIe siècle, se concentre sur l’étude des principes jominiens, retenant à partir de 1921, la direction, l’offensive, la surprise, la concentration, la distribution, la sûreté, la mobilité, l’endurance, la détermination. Foch quant à lui, a auparavant cherché, dès la fin du XIXe, à dégager des « hyper-principes », en faisant preuve de la même réserve clausewitzienne, quant à la définition de lois de la guerre immuables. Il se limite ainsi à l’énoncé des principes de l'économie des forces, de la liberté d'action, de la libre disposition des forces et de la  sûreté, qu’il convient selon lui, d’appliquer de façon variable, en tenant compte de circonstances toujours différentes à la guerre.

 

L’étude du tableau ci-dessous permet ainsi d’observer les divergences notables d’une armée à l’autre, mais aussi des convergences sur certains principes (liberté d’action, surprise et concentration des efforts) chez les occidentaux, tandis qu’a contrario, les listes russe, israélienne et chinoise se distinguent nettement de cette influence européenne. L’influence clausewitzienne marque ainsi notablement l’Allemagne, qui reste aujourd’hui encore la seule puissance militaire majeure qui n’ait jamais adopté une liste de principes.

 

On retrouve également indirectement cette influence dans le nombre restreint de principes caractérisant encore aujourd’hui la doctrine française. A contrario, l’exhaustivité jominienne constitue, sous l’influence de Fuller, la marque des écoles de pensée stratégique anglo-saxonnes. On trouve ainsi une liste de dix principes dans l’actuelle doctrine britannique, tandis que les Américains en ont retenu neuf. Très marquée par Jomini, puis par Fuller, l’armée américaine retrouve dans cette liste une certaine forme de gestion scientifique de l’action de guerre, très adaptée à leur approche taylorienne de la résolution des problèmes complexes. Au travers de cette exhaustivité, on ne peut toutefois que s’interroger sur la distinction devant être faite entre principes et procédés. La souplesse, l’offensive et l’anéantissement doivent-ils, par exemple, être considérés comme des principes ou des procédés ?

 

Hormis cette différenciation relative au nombre de principes adoptés par chacune des écoles de pensée, l’évolution des conditions matérielles de la guerre, et donc des procédés d’application, constitue une seconde variable conditionnant la réflexion sur des lois de la guerre. La question de l’intemporalité et de l’intangibilité des principes, ainsi que leur lien avec leurs procédés d’application constituent donc des interrogations majeures chez la plupart des stratégistes contemporains. Hervé   Coutau-Bégarie   s’est   ainsi   interrogé   sur   la   façon   de « déterminer dans quelle mesure l’apparition de nouveaux procédés suscite une adaptation ou une rupture par rapport aux principes établis ». Pour les doctrines issues de la pensée jominienne, la modification conjoncturelle des principes est une évidence.

 

C’est ainsi que, fort de son expérience tirée du Second Conflit mondial, le maréchal Montgomery fit évoluer les principes initiaux de Fuller pour aboutir à la liste adoptée aujourd’hui encore par l’armée britannique. Considérant que cette liste n’était « ni infaillible, ni immuable », il restait donc persuadé d’une nécessaire adaptation des principes en fonction des conditions techniques propres aux « nouvelles guerres ». De nombreux stratégistes occidentaux, dont l’historien militaire John Keegan, considèrent ainsi que les puissances doivent continuellement adapter leurs principes aux environnements technologiques et aux contextes d’engagement caractérisant leur époque. C’est ainsi que l’armée américaine a introduit en 1990, une nouvelle liste de principes réservés  aux  opérations  autres  que  la  guerre,  comprenant la légitimité, la persévérance et la retenue.

 

La réflexion ne peut donc pas rester figée. Toutefois, comme  le soulignait Hervé Coutau-Bégarie, « le conservatisme historique de l’institution militaire vient souvent du fait qu’elle érige en principe et même en dogme ce qui n’est qu’un procédé imposé par les circonstances ou par une technique nécessairement changeante ». Il devient dès lors légitime de s’interroger à la fois sur le caractère « universel » de ces principes, mais aussi sur l’exhaustivité et la modernité des principes retenus par les Français. Par modernité, on entendra bien entendu l’adaptation de ces principes aux conditions de la conflictualité actuelles et celles envisagées dans un avenir proche.

 

Quelles sont les implications de la nouvelle approche de la conflictualité sur les principes traditionnels et leurs procédés d’application ?

 

La pertinence des cinq principes actuellement retenus par la doctrine française reste indéniable si on les considère sur le plan stratégique. Sont-ils pour autant suffisants pour raisonner une manœuvre aéroterrestre englobant l’ensemble des facteurs caractérisant les engagements de demain ? Les études prospectives conduites par la plupart des grandes puissances occidentales tendent à caractériser l’environnement opérationnel de 2035 au travers de plusieurs types de ruptures, notamment stratégiques, sociétales et technologiques, par rapport à notre environnement actuel. Ces ruptures invitent à réfléchir non pas à la remise en question de ces principes,  mais à leurs procédés d’application et à la définition de nouveaux effets tactiques et opératiques à réaliser, afin de créer les conditions d’une victoire stratégique et d’une paix durable.

 

Ainsi que le soulignent les rédacteurs d’ATF, la recherche de l’anéantissement de l’adversaire au travers d’une bataille décisive ne répond plus aux réalités et aux objectifs politicomilitaires fixés pour chaque opération aujourd’hui. La force armée n’est ainsi plus suffisante pour garantir à elle seule la victoire stratégique, si tant est qu’elle l’ait jamais été. La force armée n’apporte plus qu’une contribution, certes essentielle mais non suffisante, à la création des conditions de la victoire stratégique,  c’est-à-dire un  environnement  sécuritaire conférant au décideur politique une supériorité suffisante pour négocier une sortie de crise dans des conditions acceptables. La notion de bataille décisive ne constituant plus un paradigme absolu dans l’atteinte de la victoire stratégique, ces sorties de crise sont donc aujourd’hui caractérisées par une approche intégrée, s’inscrivant dans le temps long et nécessitant une action coordonnée et souvent coûteuse, impliquant des acteurs variés et principalement non-militaires.

 

Ces derniers ne peuvent généralement pas agir efficacement sans un niveau sécuritaire minimal que ne peuvent garantir que des forces armées. On constate donc une multiplication des coopérations bilatérales, de partenariats de circonstance avec des institutions régionales/mondiales, des entreprises privées, des acteurs locaux, des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) et des ONG. Par ailleurs, la porosité entre des organisations criminelles internationales, des adversaires réguliers et irréguliers disposant souvent d’une agilité et d’une liberté d’action plus étendues que celles des forces déployées, contribue à imposer des approches plus indirectes, plus globales et non plus essentiellement militaires.

 

Ainsi, la recherche d’évitement ou le contournement de la puissance par un adversaire hybride, fondu au sein des populations, remettent en question l’efficacité de manœuvres directes visant à l’anéantissement de l’adversaire et correspondant à une approche et à des principes occidentaux hérités du XIXe siècle. Toutes ces tendances, susceptibles de devenir des ruptures à moyen terme, invitent à s’interroger sur leurs conséquences sur une pensée militaire occidentale se fondant très largement depuis l’Antiquité, sur une aptitude à produire un effet de choc sur l’adversaire ainsi qu’à le soutenir, aussi bien physiquement que moralement. Indirectement, c’est donc bien l’actualité des principes irrigant cette pensée militaire qu’il convient également de questionner.

 

Les constats incitent ainsi très naturellement à s’interroger sur la pérennité, ou au minimum la suffisance des principes actuellement retenus pour concevoir et conduire nos opérations dans le futur. Une approche raisonnable pourrait consister, à partir des principes existants, à raisonner sur des procédés d’application, peut-être plus indirects, permettant d’obtenir des effets cinétiques et immatériels plus décisifs et moins coûteux sur le plan des ressources.

 

On peut ainsi établir que l’acquisition de la supériorité opérationnelle dans le contexte des opérations actuelles ou futures pourrait se traduire ou se vérifier au travers d’effets décisifs réalisés sur l’adversaire et sur ses propres capacités. Ces effets seraient considérés en tenant compte de l’émergence probable de nouvelles technologies potentiellement disruptives, de la porosité déjà constatée des milieux de la confrontation, du nouveau contexte informationnel et les nouvelles formes de conflictualité envisagées à court terme.

 

La réalisation de ces effets pourrait être obtenue par des combinaisons variables des principes, appliquées dans les domaines recouverts par les facteurs de supériorité opérationnelle, tels qu’établis dans le document prospectif Action terrestre future de l’armée de Terre française. Une réflexion approfondie sur ces futurs procédés d’application est donc désormais indispensable.

 

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Titre : Principes et cultures de guerre
Auteur(s) : CDEC
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Armée