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Etudier les engagements extérieurs de l’Armée de Terre

Préparation aux concours
Histoire & stratégie
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Afin d’appuyer la préparation aux concours de l’armée de terre, le CDEC propose des fiches synthétiques et pédagogiques pour comprendre les enjeux du monde contemporain et les engagements récents de l’armée de terre.
Ces fiches comprennent des éléments de connaissance renforcés par des documents et des sources sélectionnées pour leur pertinence. Plus largement, ces fiches permettent de satisfaire un intérêt pour les questions d’histoire contemporaine, de géographie et de géopolitique.

La réalisation des fiches d’étude mises à disposition des préparants aux concours dans le cadre du projet "Étudier les engagements extérieurs de l’Armée de terre" a paru répondre à un double besoin : d´abord celui de disposer d´éléments de formation sur des thématiques d´histoire contemporaine - et même d´histoire immédiate - pour lesquelles la formation universitaire initiale a pu être insuffisante et qui a pu demeurer lacunaire par la suite ; ensuite parce que ce qui est en jeu dans les opérations extérieures (OPEX) est à ce point structurant pour le monde du début du XXIe siècle, et donc pour notre pays, qu´il a paru utile de mettre à disposition des étudiants mais aussi de tous ceux qui s’intéressent à ces questions des éléments de connaissance et des sources, notamment primaires, pour la compréhension de ces lignes de force toujours mouvantes. C´est la raison pour laquelle le Centre de Doctrine et d´Enseignement du Commandement de l´armée de terre a constitué une équipe de professeurs pour élaborer ces ressources.  
 
 
• Les OPEX, ou l´évolution du format et de la sémantique des conflits
 
 D´un strict point de vue juridique, la France n´a plus été en guerre depuis 1940. En effet, seule la déclaration de guerre, dont la Constitution de la Ve République prévoit qu´elle doit être autorisée par le Parlement1, permet de lever toute ambiguïté à ce sujet et de considérer le pays comme participant à une guerre. Pourtant, le mot lui-même est fortement utilisé dans l´espace politique et médiatique. Ainsi, le 14 novembre 2015, le Président de la République François Hollande qualifie les actes terroristes commis la veille à Paris et Saint-Denis d´"acte de guerre qui a été commis par une armée terroriste, Daech"2.
 
 S´il ne peut y avoir d´ambiguïté juridique au regard du droit constitutionnel, il y a donc une ambiguïté sémantique. Le mot "guerre", a priori simple d´emploi, est devenu dans le langage commun une catégorie aux contours sans cesse plus flous, que les spécialistes ont dès lors besoin de préciser. On peut postuler que le terme tel qu´il est utilisé dans la langue courante recouvre en fait la réalité des conflits armés. Le politologue Xavier CRETTIEZ en distingue plusieurs sortes3, parmi lesquelles figurent d´abord, en effet, les guerres. Les guerres "parfaites" correspondent aux conflits interétatiques, c´est-à-dire menés par des corps politiques institutionnalisés, se reconnaissant les uns les autres comme des États et dont les forces armées sont le moyen du conflit. Cette forme de conflit armé, si elle n´a pas disparu (guerre du Golfe, par exemple), a vu sa part relative dans le nombre total des conflits s´effriter au cours de la deuxième moitié du XXe siècle.

 

A contrario, les guerres civiles, c´est-à-dire les conflits intraétatiques, sont désormais majoritaires, notamment sur les continents africain (Libye) et asiatique (Yémen, Sri Lanka). Certains auteurs distinguent par ailleurs des "guerres sauvages" se caractérisant par la volonté d´exterminer l´adversaire et en plus de s´assurer un bénéfice territorial, économique ou idéologique, comme ce fut le cas en Bosnie ou au Rwanda. Outre les guerres, Xavier CRETTIEZ identifie les guérillas, qui sont à la fois une catégorie de conflit armé et une tactique de lutte. Apparues avec la résistance espagnole aux armées napoléoniennes au début du XIXe siècle, elles ont connu un franc succès au XXe siècle, que l´on pense à la figure archétypale de Che Guevara ou au type d´actions basées sur l´escarmouche adopté par le Viêt-Cong contre l´armée des États-Unis au Vietnam. Autre catégorie de conflit armé dont la contagion a été importante : le terrorisme. Comme la guérilla, le terrorisme est aussi une forme de lutte, correspondant à ce qui est qualifié "guerre asymétrique"4. L´organisation pratiquant le terrorisme choisit délibérément de dissocier les victimes de l´acte (des civils, le plus souvent) de la cible qu´elle veut réellement atteindre (l´État). De cette asymétrie des moyens résulte une grande difficulté pour l´État visé par procuration à cerner la source exacte de la menace et à adapter sa réponse, notamment militaire. Enfin, il existe un dernier type de conflit armé, qui peut apparaître de manière périphérique dans le champ de cette étude, à savoir les conflits criminels organisés pratiqués par les mafias.
 
 De cela, il résulte que la France n´est plus, et depuis longtemps, en guerre. Aucune déclaration de guerre n´ayant été prononcée depuis la campagne de 1940. En effet, d´un point de vue juridique, les conflits de décolonisation n´appartiennent pas à ce type de conflits armés dans la mesure où l´État français, ne reconnaissant pas aux organisations insurrectionnelles dans les territoires colonisés, sous mandat ou protectorat, le statut d´États, ni même de proto-États, il ne peut y avoir ni déclaration de guerre ni symétrie des parties et des moyens. Ces conflits pourraient, du moins dans un premier temps, être plus facilement rangés dans la catégorie des guerres civiles, en considérant toutefois, de notre point de vue a posteriori, que la légitimité originelle ou croissante des insurgés à incarner un État distinct de la France fait progressivement sortir le conflit de cette catégorie.5     Pourtant, nous l´avons vu, la guerre fait toujours partie des réalités contemporaines, et notamment celles de la France. C´est que celle-ci a continué à utiliser ses forces armées contre des États, comme en 1991 contre l´Irak de Saddam Hussein, ou dans le cadre de guerres civiles comme en Bosnie et dans plusieurs États africains. Mais jamais le Parlement n´a dû autoriser une quelconque déclaration de guerre. On parle désormais d´interventions à l´étranger6 pour qualifier les engagements français dans des conflits armés. Ce terme, qui ressort du vocabulaire de la chirurgie, révèle la volonté, plus ou moins consciente, du pouvoir politique, comme de l´opinion publique qui le presse, de mener des opérations "propres" (limitant les pertes militaires et les dommages civils), ponctuelles et rapidement efficaces. Le combat contre les organisations pratiquant la lutte terroriste s´inscrit également dans le cadre de ces interventions. Ces dernières, décidées par le Président de la République et mises en œuvre par le Gouvernement, ne font d´abord l´objet que d´une information et d´un débat sans vote au Parlement dans les trois jours qui suivent leur déclenchement et, dans le cas d´une prolongation au-delà de quatre mois, d´une autorisation de poursuite des opérations votée par les députés et les sénateurs.  
 
 Ces interventions à l´étranger correspondent donc aux opérations sur les théâtres extérieurs. Celles-ci se distinguent d´abord par leur cadre géographique. Il s´agit toujours de projeter des capacités militaires (personnels et équipements) en dehors du territoire national, en faisant appel à divers viatiques comme les moyens des forces prépositionnées, de la Marine nationale, les forces aériennes, etc. Elles correspondent ensuite à une chronologie dont le point de départ, repris par de nombreux chercheurs, est la fin de la guerre d´Algérie7, ce qui permet de borner le présent projet8. Remonter plus avant dans l´histoire pour qualifier certains conflits d´opérations extérieures9 reviendrait à effectuer un anachronisme ; par ailleurs, les opérations militaires de l´épopée coloniale, pour les raisons déjà indiquées, ne peuvent rentrer, elles non plus, dans ce champ. Il s´agit donc d´une réalité militaire très contemporaine, devenue réalité juridique dans les années 199010 par la possibilité d´arrêtés ministériels ouvrant une opération extérieure et fixant précisément le cadre géographique de l´intervention.  
 
 Par conséquent, les opérations extérieures ne sont pas une forme de conflit armé en particulier mais une donnée d´abord géographique et une période de l´histoire militaire et géopolitique française. A une première époque où les intérêts français étaient encore massivement tournés vers l´Afrique et les anciennes colonies a succédé, à partir de 1991, une seconde phase où les interventions, jusque-là menées dans un cadre essentiellement national, se furent désormais construites selon une approche multilatérale, via l´ONU, l´OTAN, l´UE ou des coalitions de circonstance, reflétant de fait les évolutions de l´ordre international11. En effet, elles peuvent désigner aussi bien des guerres menées en coalition pour la préservation de l´ordre international, des opérations de maintien de la paix dans le cadre de guerres civiles, des actions de lutte contre des groupes terroristes, des opérations d´assistance aux populations, des opérations de surveillance de processus démocratiques, etc. Bien que leur nombre varie en fonction des critères retenus par les chercheurs, on pourra retenir ici la liste du récent Dictionnaire des opérations extérieures de l´armée française12 qui en recense près de 130. Si la France ne déclare plus la guerre, elle continue donc, plus que jamais, à assumer, avec ses alliés, un rôle de vigie de l´ordre mondial.
 
 
• Pourquoi étudier les opérations extérieures ?
 
 A l´heure actuelle, les armées françaises sont massivement sollicitées par les opérations extérieures13 et la médiatisation de la lutte contre des groupes terroristes tant au Sahel qu´au Levant a familiarisé l’ensemble de la population avec l´idée que des Françaises et des Français se battent au nom de la République dans des espaces éloignés du territoire national. Pourtant, la connaissances précise des causes des interventions, de leurs enjeux et de leurs objectifs, des moyens déployés, des missions dévolues aux forces sur le terrain, tout comme l´imbrication des éléments militaires et civils ne sont pas toujours bien cernés par l´opinion publique14 quand bien même les militaires y ont retrouvé une image fortement positive. C´est donc pour tenter de combler ces lacunes que ces ressources sont mises à disposition.  
 
 Elles ont été conçues par des professeurs chargés de mission, réservistes de l’Armée de terre et par ailleurs familiers de ces questions qui sont abordées dans l’enseignement secondaire. Elles viennent abonder le catalogue de ressources disponibles pour la préparation aux concours de l’Armée de terre mais peuvent aussi intéresser des formateurs en histoire, géographie, géopolitique, sciences politiques et l´EMC.
 
 Si le champ de la recherche universitaire au sujet des opérations extérieures commence seulement à se structurer, il est indubitable que ces interventions constituent une étape essentielle de l´histoire militaire, politique, géopolitique de la France. A la période de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale, enfin à celle des conflits de décolonisation, a succédé une nouvelle période d´engagement des forces, en cohérence avec les doctrines politiques et militaires validées par les chefs d´État et les chefs militaires successifs de la Ve République. Pour ce qui est du monde combattant, nous parlons désormais de quatrième génération du feu. Moins visibles dans la société civile qu´ont pu l´être les "anciens de 14" ou les membres des réseaux et mouvements de résistance, les soldats de retour d´OPEX, particulièrement aujourd´hui, ont conscience d´œuvrer pour la République et pour la France dans un monde confronté à un retour et à une complexification des tensions. Si le nombre des décès en opérations extérieures est sans commune mesure avec ceux des grands conflits précédents, ces morts n´en restent pas moins des pertes au nom d´idéaux et d´intérêts français mais aussi à vocation universelle.    Commence à se poser avec acuité la question du devoir de mémoire des OPEX. En 2019 devrait être inauguré à Paris un monument national aux combattants morts en opérations extérieures. Il n´est pas concevable que la République leur rende hommage sans, dans le même temps, faire œuvre de pédagogie. C´est là aussi le sens profond de la démarche de l´armée de terre.  
 
• Que peut apporter l´armée de terre à l´étude des opérations extérieures ?  
 
 L´armée de terre n´est pas la seule à participer aux opérations extérieures. L´ensemble des armées y contribue et parfois d´ailleurs en interarmées, comme l´illustre l´opération Chammal sur le théâtre levantin. Il n´en reste pas moins qu´elle a été particulièrement sollicitée depuis les années 1960 pour mener à bien tout ou partie de ces opérations. Elle a, comme toute institution publique, constitué un fond d´archives important15 et a, ainsi qu´il est de coutume dans l´art de la guerre, utilisé les retours d´expérience pour augmenter ses savoirs. Ce faisant, elle est riche de témoignages qui constituent pour l´historien autant de sources primaires à analyser et à mettre en perspective. Elle est riche aussi de capacités d´analyse dont elle souhaite faire profiter le monde civil. Elle a donc ouvert de multiples sources pour servir de support d´analyse et a souhaité faire connaître sa réflexion sur les enjeux passés et futurs des conflits.  

 

Au-delà de la conception de ressources utiles pour les concours, le Centre de Doctrine et d´Enseignement du Commandement de l´armée de terre a aussi voulu prendre sa part dans la formation civique des jeunes générations, à l´heure où celles-ci doivent inaugurer une nouvelle version du Service National Universel. Aider à mieux comprendre les réalités du monde combattant, de ces hommes et de ces femmes croisés dans les rues des métropoles, sur les quais des gares pour assurer la sécurité de leurs concitoyens et dont beaucoup ont aussi été, ou seront, projetés sur des théâtres extérieurs ; soutenir l´acquisition de connaissances en matière militaire, historique, politique, géopolitique ;  aider à développer dans la population une culture de la défense et de la sécurité en accord avec le triptyque des valeurs républicaines : telles sont les ambitions, que nous croyons partagées, du présent projet "Etudier les engagements extérieures de l’Armée de terre".   
 

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1 Article 35, Constitution de la Ve République, 1958.

2 HOLLANDE François. « Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les attaques terroristes à Paris, le 14 novembre 2015. », 14 novembre 2015. http://discours.vie-publique.fr/notices/157002978.html.

3 CRETTIEZ Xavier, "Conflit armé", in MARZANO Michela, Dictionnaire de la violence, coll. Quadrige, PUF, 2011. Le texte de l´article est accessible sur le site Internet de l´auteur :  https://xaviercrettiez.typepad.fr/diffusion_du_savoir/conflits-arm%C3%A9s/ (consulté le 15 avril 2019)

4 Il faudrait, si l´on suit la logique de cet article, parler plutôt de conflit armé asymétrique.

5 On remarquera, au sujet de ces distinctions lexicales, que le cas de la guerre d´Algérie illustre bien la difficulté à qualifier un conflit. D´abord qualifiée d´événements", puis d´"opérations de maintien de l´ordre", elle a ensuite été désignée comme des "opérations de pacification" (ce qui appelle par effet-miroir l´antonyme "guerre") et enfin reconnue par le législateur comme étant une guerre en 1999. Or, la loi du 18 octobre 1999 n´apporte aucune précision supplémentaire. On supposera que, la loi visant à reconnaître aux combattants pour l´indépendance de l´Algérie un statut symétrique aux forces françaises engagées pour maintenir la tutelle coloniale, il était par trop évident qu´on reconnaissait là une guerre interétatique, quand bien même elle pouvait être d´abord considérée comme une guerre civile.

6 Article 35 de la Constitution de la Ve République, 1958.

7 GOYA Michel (COL), « Le temps des opérations extérieures | Chemins de Mémoire - Ministère de la Défense ». Consulté le 4 avril 2019. http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/le-temps-des-operations-exterieures.

8 D´un point de vue didactique, c´est aussi l´occasion de réfléchir à la construction d´une périodisation, éléments clé de l´écriture de l´histoire. La construction de périodes au sein de l´histoire militaire (depuis les guerres de la Révolution et de l´Empire jusqu´aux opérations extérieures) ne peut en effet être comprise en dehors des contextes géopolitiques dans lesquels les conflits armés s´inscrivent. A ce titre, un tel exercice suppose la mobilisation et le croisement de connaissances historiques variées.

9 Bien que l´acception la plus ancienne de l´expression remonte aux "théâtres d´opérations extérieures" (TOE) qu´étaient l´Afrique Occidentale Française, la Pologne, le Moyen-Orient et le Maroc où la France était militairement présente dans l´entre-deux-guerres. En 1921 a d´ailleurs été créée une Croix de guerre spéciale au titre des théâtres d´opérations extérieures (loi du 20 avril 1921).

10 CHAUVEAU Guy-Michel et GAYMARD Hervé, « Engagement et diplomatie : quelle doctrine pour nos interventions militaires ?», Rapport d´information de la Commission des Affaires étrangères de l´Assemblée nationale, enregistré le 20 mai 2015.

11 La période de la guerre froide et la fin du processus de décolonisation permettaient en effet à l´ancienne puissance coloniale de nouer des partenariats avec les nouveaux États sous la forme d´accord de défense, éléments de la politique de coopération. La chute de l´URSS et la redéfinition de l´ordre international sous la tutelle de l´hyperpuissance des États-Unis amenèrent les autorités françaises à privilégier progressivement le travail en partenariat de puissances

12 CHAPLEAU Philippe et MARILL Jean-Marc (dir.), Dictionnaire des opérations extérieures de l´armée française. De 1963 à nos jours, Ministère des Armées-ECPAD/Nouveau Monde Editions, 2018.

13 6 500 personnes engagées dans les opérations extérieures sur 17 000 personnels engagés en dehors du territoire national au 4 avril 2019. Source : defense.gouv.fr

14 Voir CHERON Bénédicte, Le soldat méconnu, Armand Colin, 2018.

15 Cette mission est en particulier assurée par la Division des Patrimoine, de la Mémoire et des Archives, ainsi que par l´ECPAD, Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense.

 

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Titre : Etudier les engagements extérieurs de l’Armée de Terre
Auteur(s) : CDEC - Pôle Etudes Prospective
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