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La guerre d’Espagne de 1808-1813, les raisons d’un enlisement

1/3 - Revue militaire n°55
Histoire & stratégie
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Saint-cyrien de la promotion Grande Armée (1981-1983), docteur en histoire, le lieutenant-colonel HOUSSET sert dix ans dans l’arme du Train avant d’occuper les fonctions de chef de bureau, successivement, au cabinet du ministre (SDBC), à la Direction de la mémoire du patrimoine et des archives (DMPA) et au Service historique de la Défense (SHD). En 2006, il est affecté en qualité d’adjoint au général délégué au patrimoine de l’armée de Terre (DELPAT) puis retourne au SHD pour prendre la tête de la division de la symbolique de la Défense. Depuis 2015, il sert au centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC) comme chef de la fonction recherche et histoire, au sein du pôle études et prospective (PEP), adjoint au commandant du pôle.


Dans son propos, l’auteur passe en revue, de la conception à l’exécution de la manoeuvre, les raisons qui font du conflit en Espagne, une guerre interminable et finalement perdue par les aigles impériales. Il en profite pour dénoncer les erreurs accumulées par Napoléon, notamment l’absence d’une approche globale, tout en soulignant sa dépendance devant l’évolution d’un contexte international qui lui est défavorable.

 

Après avoir affirmé en 1808 qu’il « trouverait en Espagne les colonnes d’Hercule, mais non les limites de son pouvoir », Napoléon vaincu, disait huit ans plus tard à propos de la guerre d’Espagne : « les événements ont prouvé que j’avais fait une grande faute dans le choix des moyens, bien plus que dans les principes1 ». Quels sont donc ces principes ?

Jean Tulard les rappelle. C’est dans le but de fermer les côtes du Midi aux marchandises britanniques que les troupes françaises envahissent le Portugal en 1807, tandis que l’invasion de l’Espagne doit permettre d’intégrer entièrement la péninsule au système continental2. En effet dans la lutte qui oppose la France à l’Angleterre, il importe de faire respecter les règles du blocus continental alors instauré. Or, Napoléon ne peut pas faire confiance aux Portugais totalement inféodés aux Anglais. Quant aux Espagnols, le souverain des Français s’en méfie et la péninsule Ibérique représente tout de même quelque 4 800 km de côtes.

À cet aspect politico-économique, l’Empereur voit également un intérêt stratégique qui consiste à compléter la sécurité de la France du sud. Le royaume d’Italie assure déjà la protection des départements du sud-est du « sanctuaire ». Mais les départements du sud-ouest de la France restent, eux, menacés par les Anglais et mal garantis par les Bourbons espagnols. En s’appropriant les provinces du nord de l’Ebre (la Catalogne, l’Aragon, la Navarre et la Biscaye3), la frontière du sud est cadenassée. Cette obsession de la sécurité est à mettre en parallèle avec la constitution progressive de la confédération du Rhin (1806-1813) qui, par ses états satellites protège l’est de la France.

On ne peut qu’adhérer aux principes énoncés ; ce sont les moyens utilisés qui sont plutôt discutables. La preuve en est que cette guerre d’Espagne est ininterrompue et interminable4. L’histoire nous enseigne que non seulement la mise en oeuvre des ressorts employés est inopportune, mais que de surcroît, le choix de ces derniers a été inadapté. Sont en cause une absence de compréhension générale du théâtre, l’exercice d’un commandement à une trop grande distance qui se révèle trop lâche et enfin, un défaut global d’adaptation des troupes aux opérations.

 

Les difficultés de compréhension par l’Empereur

      Qu’est-ce que Napoléon connaît de l’Espagne ?

De nombreux ouvrages paraissent en France à cette époque pour dépeindre les Espagnols comme ayant connu un long déclin au cours des dernières générations. Ils soulignent que « les vertus essentielles de la race ibérique se sont émoussées », que leur fierté s’est abâtardie, que leur courage s’est assoupi… Des rapports d’ambassadeurs qui se relaient à Madrid, décrivent une cour sujette aux intrigues et une Espagne minée par les divisions. Ils soulignent les impuissances des Bourbons. Le pays serait donc dans l’attente d’un sauveur comme en 1799 en France5 ! Napoléon qui n’a pas une idée personnelle sur le pays, fait sien les préjugés de ses compatriotes sur la dégénérescence et l’inertie des Espagnols. Il a donc l’image d’une Espagne en perdition et archaïque qui ne peut, selon lui, qu’aspirer aux réformes. Ce qui est vrai, c’est que la population espagnole (10 millions d’habitants en 1803) souffre alors d’un analphabétisme massif. Si un « esprit des Lumières » existe, il reste très limité. Par ailleurs, il règne en Espagne une église qui encadre fortement les esprits. Le poids des traditions est lourd. « En Espagne, il était de principe absolu de toujours faire ce qu’on avait fait la veille et absolument comme on l’avait fait », selon l’abbé Cavanilles cité par Jordi Canal6. Selon Miguel Artola, éminent historien espagnol du XXe siècle : « en ce XVIIIe siècle, où le rationalisme acquiert droit de cité dans toute l’Europe, même dans la lointaine Russie, dans ce siècle où le continent entier se considère ignorant et s’éduque en vue d’un avenir meilleur, l’Espagne dans la certitude de sa foi, reste telle quelle, se refuse à examiner les transformations politiques, philosophiques et religieuses qui caractérisent l’époque moderne, et de ce fait, demeure en dehors de l’univers courant spirituel ». Ainsi, lorsqu’au mois de mai 1808, le souverain des Français écrit à Bessières : « les Espagnols sont comme les autres peuples » en imaginant qu’ils pouvaient être sensibles à des promesses de réformes et de libertés7, il est dans l’erreur. La suite va montrer que le souverain des Français ignore à peu près tout de l’âme, du caractère et du patriotisme espagnol.

                                    

1 Général Louis Candille : « Les gendarmes impériaux en Espagne en 1810 : raison déraison ? », dans Mémoire de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 1901.

2 Jean Tulard : « Napoléon ou le mythe du sauveur », Paris, Fayard, 1987.

3 Décret impérial du 8 février 1810 qui détache lesdites provinces du royaume d’Espagne qui seront désormais administrées par des gouverneurs français.

4 On parle d’ailleurs de campagne de 1805, de campagne de 1806-1807, de campagne de 1809 ou de 1812... mais des guerres de la péninsule (1807-1813).

5 Jean Tulard : « Le mythe du sauveur », op. cit.

6 Jordi Canal : « Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 à nos jours », collection U, histoire, Paris, Armand Colin, 2009.

7 Il s’agit de doter le pays d’une Constitution libérale (7 juillet 1808). Il y est question du principe de la souveraineté de la nation. La monarchie est maintenue, de même que le catholicisme qui reste la religion de l’État. Les ordres ne sont pas abolis et le principe de l’unicité de la justice est approuvé. En revanche, le Code civil n’est pas inclus dans ladite constitution. On le voit donc, Napoléon agit avec mesure.

 

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Titre : La guerre d’Espagne de 1808-1813, les raisons d’un enlisement
Auteur(s) : le lieutenant-colonel Georges HOUSSET
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