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L’encadrement juridique des SMP : entre contrainte et éthique

3/3 Revue militaire n°55
Histoire & stratégie
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Depuis quelques années, les SMP sont l’objet de processus internationaux de légitimité juridique qui intègrent un minimum de  protection statutaire des actifs de ce secteur.


Des lois nationales et textes internationaux comme garanties

Face à la distinction qui s’impose dès lors, entre sociétés militaires privées et sociétés de sécurité privées – ou même ESSD – la législation internationale peut sembler inappropriée puisque le mercenariat est globalement condamné par la convention de Genève (12 août 1949 et l’article 47 du Protocole additionnel I de 1977), la Convention de l’Organisation de l’Unité africaine pour l’élimination du mercenariat en Afrique (3 juillet 1977) et la Convention internationale contre le recrutement et l’utilisation, le financement et l’entraînement de mercenaires (1989).

Certes, à partir de 2003, les États-Unis ont établi un régime de licences attribuables à des SMP à condition qu’elles soient enregistrées sur le territoire national, licences que délivre le Defence Trade Control Office. En revanche, en Grande-Bretagne l’enregistrement d’une société en tant que SMP se fait uniquement sur la base du volontariat. Cela donne une impression de flottement juridique même si le mercenariat stricto sensu y est interdit depuis le Foreign Enlistment Act (« Loi sur l’enrôlement à l’étranger ») de 1870. Et dans l’absolu, les SMP britanniques se révèlent très imbriquées avec le jeu du Foreign Office et du MI611.

 

En France, un concept soigneusement légiféré

En France, on réitère l’attachement à la loi du 14 avril 2003 – qui condamne et sanctionne tout acte de mercenariat12 – à l’Accord de Montreux (2008)13 ainsi qu’au Code de Bonne Conduite (ICoC) adopté en 2010 et modifié en 201314. Mais le Document de Montreux n’est à ce jour, soutenu que par une cinquantaine d’États et trois organisations internationales, à savoir l’Union européenne (UE), l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération et en Europe (OSCE) et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Au début des années 2010, l’État français laisse entrevoir des changements quant à la perception des SMP. En février 2012, deux députés Christian Menard (PS) et Jean-Claude Viollet (LR) remettent à la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale un rapport favorable à l’introduction des SMP dans le paysage français.

 

Toutefois, en 2013, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en poste de 2012 à 2017, faisait savoir qu’il n’était pas envisagé de recourir à des sociétés militaires privées dans l’armée de Terre car « […] cela s’apparenterait à du mercenariat ce qui est contraire à notre tradition républicaine et nos convictions ».

Malgré tout, en mai 2016, les députés Menard et Viollet, rejoints par les députés Philippe Folliot (UDI) et Francis Hillmeyer (UDI), déposent un amendement afin que le gouvernement établisse un rapport d’évaluation de mise en oeuvre et d’encadrement des activités de SMP. Finalement, l’amendement est rejeté.

 

Une étape constructive est tout de même franchie en 2014, avec l’application d’une loi le 1er juillet 2014 portée par le ministère des Transports, de la légalisation du recours à des contractors au profit de la protection et de la sécurisation des navires marchands face aux actions de piraterie.

In fine, les tentatives visant à promouvoir des unités spécifiques de contractors qui mèneraient des opérations de combat stricto sensu sont vite dissipées. Certains pourraient rétorquer que nous avons la Légion étrangère assimilée à tort par les néophytes, à un corps étranger. Or, cette troupe d’élite appartient pleinement à l’armée de Terre française.

 

Si dans quelques décennies, la culture du métier des armes se transforme en France en même temps que le pouvoir régalien, il n’est pas exclu d’entrapercevoir de possibles recours à des unités privées sur fond de mises à disposition de soldats « augmentés ». Mais l’imbrication croissante des armes intelligentes et artificielles tend à brouiller la donne et à rendre improbable, dans un sens ou dans l’autre, une approche claire du modèle d’armée de terre qui s’imposera dans une ou deux générations.

 

Conclusion

En tout état de cause, de larges interrogations subsistent quant au positionnement des SMP à l’avenir sur l’échiquier des affaires militaires. En effet, il est clair que certaines d’entre elles ont plus vocation d’officines à missions classifiées, pilotées pour défendre des intérêts économiques sur fond de rivalités géopolitiques, comme on peut le constater en Afrique notamment. À l’inverse, les SSP sont mieux perçues mais n’entrent pas du tout dans le même registre d’activités, puisqu’éloignées des opérations militaires conventionnelles ou spécialisées.

 

C’est d’autre part, la nature même d’un pouvoir exécutif en mutation qui suscite également des questions. La tendance observable « d’État dans l’État » s’accentue à l’échelle internationale ; comment alors s’assurer de la crédibilité des contre-pouvoirs afin d’éviter la mise en ordre de bataille de dispositifs de contractors hors cadre législatif ou juridique, pour répondre à des intérêts partisans ou strictement mercantiles ? Car, le réflexe de l’entre soi est déjà une réalité du milieu paramilitaire où les profils des acteurs d’influence révèlent les liens avec les milieux du renseignement et des unités spéciales de l’armée française. De tels microcosmes d’expertises ne peuvent-ils pas non plus nuire à une approche élargie sur les réalités socio-culturelles et socio-économiques, loin du seul art opératif ?

Nous orientons-nous vers un déclin des États-nations et le développement de conflits entre des entités guerrières, telles que les structures de contractors et les grandes sociétés commerciales ? On peut craindre, en effet, l’affaiblissement des États de droit face à des entités supranationales aux seules motivations ultralibérales, déstabilisatrices, d’autant que l’Europe ne parvient toujours pas à trouver une réelle posture sur l’échiquier international et que notre concept d’État-nation régalien connaît des signes tangibles de fragilité croissante.

                                        

 

11 En 1998, la SMP Sandline International livra en Sierre Leone des armes au président en place, Ahmad Tejan Kabbah, en violation de l’embargo alors en vigueur. Les conclusions de la commission parlementaire britannique chargée de l’enquête, firent apparaître que le Foreign Office et le MI6 avaient donné leur accord et assuré le soutien de cette opération.

12 Loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l’activité de mercenaire.

13 Document de Montreux sur « les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés ». Le Document de Montreux finalisé et signé le 17 septembre 2008 résulte de la mobilisation, dès 2006, de la Suisse et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

14 Le code de bonne insiste sur la garantie du respect des droits humains et du droit humanitaire.

 

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Titre : L’encadrement juridique des SMP : entre contrainte et éthique
Auteur(s) : le commandant (CR) Pascal LE PAUTREMAT
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