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La remontée en puissance de l’armée française en 1813

1/2 - BRENNUS 4.0
Histoire & stratégie
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La mission principale des forces armées au repos est l’entraînement. Ce dernier permet de mettre en condition les personnels (encadrement comme soldats) et les matériels en vue de leur emploi en temps de guerre.


Tout se complique lorsqu’un pays assure en même temps plusieurs types de missions opérationnelles. En France, jusqu’en 2015, la lutte contre le terrorisme était assurée par le plan Vigipirate. Aujourd’hui, l’opération Sentinelle, complément du plan précité, modifie le rythme des activités du militaire par son ampleur et sa durée. Jadis, ce dernier se déroulait dans un cycle ternaire où se mêlaient l’entraînement, l’intervention et le repos. Aujourd’hui, le rythme est quaternaire : aux trois phases précédemment citées, s’ajoute à part entière la mission Sentinelle. Depuis peu, la reprise de la préparation opérationnelle interarmes (POIA) permet de reprendre l’entraînement.

 

L’historicité nous apprend que les armées françaises ont été confrontées par le passé au problème d’un entraînement inadapté, sommaire ou déficient.

Aujourd’hui dans notre institution, on attribue une telle importance au « drill » qu’on a coutume de dire qu’un entraînement difficile est la condition sine qua non d’une guerre facile. L’exemple qui suit, tiré du « capital d’expérience » de nos forces terrestres au XIXe siècle, donne la mesure de ce qui peut advenir d’une armée qui peine à s’entraîner, dans le cas présent faute de temps.

 

 Napoléon n’est plus le maître du temps

 

Nous sommes au lendemain de la campagne de Russie. Le décret de création de la Garde d’honneur du 4 avril 1813 s’inscrit dans les mesures prises par l’Empereur pour mettre sur pied une nouvelle armée. Chacun des 130 départements que compte la France est assujetti à la levée d’un contingent qui correspond au dix millième de sa population. L’opération est confiée aux préfets. Ces derniers doivent mener de front une opération de recrutement qui s’accompagne de la mission parallèle de contracter des marchés destinés à habiller, équiper et monter leurs hommes. En attendant la confection des uniformes et les montures, les jeunes gens sont réunis au chef-lieu de leurs départements où ils bénéficient, pour la plupart d’entre eux, d’une instruction dispensée par des officiers, durant plusieurs semaines. On comprend tout l’effet d’entrainement que doit produire cette levée des classes notables qui se préparent à la guerre, sous les yeux des classes populaires qui sont spécialement amenées à contribuer à l’effort national. Mais c’est aussi pour gagner du temps que notre jeune phalange, montée et équipée de pied en cap, doit rejoindre ses dépôts (Versailles, Metz, Tours et Lyon) pour y parfaire son entraînement. Dès le début du mois de juin 1813, les premiers contingents arrivent au sein de leurs corps respectifs. Evidemment, les travaux conduits par les préfets ne sont pas toujours satisfaisants, mais les chefs de corps se frottent les mains. Ils se font fort en deux mois de former des régiments redoutables.

 

Napoléon n’a pas le temps d’attendre. Il vient de remporter les batailles de Lützen (2 mai 1813) et de Bautzen (20-21 mai 1813), mais faute de cavalerie légère il n’a pas pu exploiter ses avantages[2]. Dès le 7 juin 1813, il ordonne que quatre escadrons (1000 sabres) le rejoignent au plus tôt en Saxe. On obéit tant bien que mal. L’Empereur prescrit ensuite de nouveaux départs. Au mois de septembre, le souverain des Français constate qu’il est allé trop vite en besogne et qu’il a trop exigé de cette « jeune cavalerie ». Ce sont alors quelque 17 escadrons sur 40 qui sont à l’armée avec lui. Le 23 septembre 1813, l’Empereur décide que le second échelon (23 escadrons) ne franchira pas le Rhin, afin de s’entraîner sur ses berges. Malheureusement, dès le mois d’octobre, la situation se dégrade en Westphalie, où on a un pressant besoin de troupe, alors que parallèlement, après la défaite de Leipzig, l’armée impériale harcelée dans sa marche rétrograde, reflue en désordre vers le fleuve. Il convient donc pour l’armée concentrée sur le Rhin de prendre les mesures adéquates permettant de protéger son retour (verrou de Hanau). D’entrainement, il n’est alors plus question. À la mi-novembre 1813, l’armée impériale est répartie, à l’abri et en défensive le long de la rive gauche du Rhin. Napoléon estime alors que la prochaine campagne s’ouvrira au printemps. La Garde d’honneur dispose donc, selon lui, de trois ou quatre mois « pour se refaire » et parfaire son entraînement. Mais dans la nuit du 20 au 21 décembre 1813, violant la neutralité de la Suisse, les coalisés franchissent le Rhin et entrent en Alsace. L’entrainement reste un vœu pieux.

 

Nos gardes, à peine instruits, ratent successivement les occasions qui leurs sont données de s’entraîner. Les conséquences sont de trois ordres et affectent, à la fois, l’encadrement des corps, l’accoutumance à l’effort des hommes et de leurs montures, et finalement la capacité opérationnelle de « l’outil ».

 

« La performance du commandement » et « la compréhension » en questions

Le corps des officiers n’est pas sorti indemne de la dernière campagne, loin s’en faut. Habitué à partager le sort de la troupe, le cadre a subi avec ses hommes le froid et les privations de toutes sortes. L’encadrement a fondu [3]. L’école de Saint-Germain, qui forme les officiers de cavalerie, ne parvient pas à combler les vides. Jusqu’au mois de mars 1813, elle a déjà fourni 126 élèves qui ont pris le chemin de tous les régiments de cavalerie de France et d’Allemagne. Des cadres sont retirés de l’armée d’Espagne, on procède à des promotions de sous-officiers. Enfin, on se résout à rappeler des cadres à la retraite ou retirés du service [4]. Telle est la large palette dont vont bénéficier nos quatre régiments. Si l’on résume, l’encadrement concerne des jeunes gens dont les connaissances sont théoriques, des cadres formés et des officiers qui ont, par le passé, exercé un métier qu’ils ont maîtrisé. C’est en gros la théorie des trois tiers ; la majeure partie des officiers aurait donc besoin d’entraînement.

 

Ainsi, on relève plusieurs incidents que nous relatent dans leurs mémoires, des officiers consommés stupéfaits de l’ingénuité ou de l’incompétence de leurs pairs. Par exemple, de très jeunes officiers se font abuser par des marchands de foin lors d’une réquisition. Un garde de 28 ans leur fait observer que l’on a mouillé l’intérieur des bottes de fourrage pour leur donner plus de poids. Il y a plus grave : « je vis tomber raide mort un de mes camarades nommé Antin, tué par un lieutenant en deuxième, d’Ossonville[5] (sic) qui maniait maladroitement une de nos carabines[6] », nous rapporte un autre garde. Des officiers ne maîtrisent pas les fondamentaux des missions de la cavalerie. Ainsi, le 16 octobre 1813, le colonel d’Autancourt[7], commandant le régiment de lanciers polonais de la Garde, charge un lieutenant du 4e régiment de gardes d’honneur d’une mission de reconnaissance simple. « Étonné de son peu d’assurance, j’essayais de lui faire répéter mon ordre ; à peine s’il avait compris[8]». Le 2 janvier 1814, alors qu’il effectue une marche rétrograde et qu’il se croit couvert par 200 de ses chevaux, le général Philippe de Ségur, chef de corps du 3e régiment de gardes d’honneur, a la surprise de voir que son détachement de flanc-garde l’a devancé ! Il explique : « leur chef d’escadron, tout novice encore, n’avait pas compris sa mission[9]». Ce même général nous narre qu’un peu plus tard, il a dressé une embuscade au général Seslawin[10]: « Ces Russes eussent été tous enlevés, sans un geste de l’un des nôtres qui sans attendre mon ordre, dans son impatience, mis le sabre à la main[11]… »… et le général russe parvient à sauver une partie de sa troupe. Quelques officiers supérieurs, rappelés au service, donnent de la gîte. Ainsi, en Saxe, le colonel d’Autan court s’étant déplacé au bivouac d’un escadron de gardes d’honneur qui lui est rattaché, est stupéfait de n’y trouver aucun officier. Ceux-ci, soucieux de leur confort personnel, se sont abrités dans des maisons à l’écart de la troupe. Cette dernière s’est installée sans discernement. « Je fus obligé de faire moi-même changer des pelotons placés sans aucun soin dans une prairie humide[12]», nous révèle le colonel.

                                          

 

[1] Il n'est pas question ici de traiter des « Marie-Louise », cavaliers novices, auxquels il faut tout apprendre, c’est-à-dire non instruits et levés en 1814. Le corps qui nous intéresse concerne des enfants de classes aisées (10 000 hommes répartis en quatre régiments), en principe fils de nobles ou de la riche bourgeoisie qui, dès la prime enfance, ont été familiarisés aux exercices d'équitation. Pour cette jeunesse dorée cet art fait partie intégrante de l'éducation. Au XIXe siècle, il n'y a pas de noble terrien qui ne dispose de quelques chevaux à l'écurie. C'est d’ailleurs pratiquement le seul moyen de déplacement, tant les chemins sont rares et défoncés. Or, l'institution du Remplacement (loi du 28 germinal an 7) a permis, en quelque sorte, la mise en réserve de cette élite, puisqu'elle a autorisé les conscrits tirés au sort de présenter, à leur place, des volontaires de 18 ans au moins et de 20 ans au plus. Il s'agit donc, en théorie, d'une cavalerie opérationnelle fin prête qui est appelée dans la Garde d’honneur. On peut ajouter que pour une partie au moins de ces jeunes gens, le maniement du sabre n'est pas méconnu, de même que l'usage du pistolet.

[2] En effet, le contexte stratégique où évoluent les troupes : cette grande plaine d'Allemagne centrale, dont Napoléon connait les moindres accidents et où il a si souvent vaincu, est propice à la manœuvre, donc à l'usage abondant de la cavalerie. Selon lui « la cavalerie doit être dans une armée en Flandres et en Allemagne, le quart de l'infanterie ». Or, à la fin de l’armistice, la cavalerie française représente 10 % de l’armée (34 000 hommes), tandis que la cavalerie alliée représente le quart de ses effectifs (85 000 hommes). Picard (E., Lieutenant-colonel), « Préceptes et jugements de Napoléon », Paris, Nancy, Berger-Levrault, 1913.

[3] Le 11e régiment de hussards et le 6e régiment de lanciers, par exemple, ont laissé plus de 50 % de leurs cadres en Russie. Statistiques tirées de l'ouvrage de F.G. Hourtoulle, « Ney le brave des braves », Paris, Limoges, Charles Lavauzelle, 1981. Le 26 mars 1813, le général de Lauriston qui commande le corps d'observation de l'Elbe, rend compte au ministre de la guerre qu’il lui manque 83 capitaines et 73 lieutenants (archives Vincennes C2 141).

[4] Selon Napoléon, la cavalerie « a besoin de plus d'officiers que l'infanterie » (Correspondances de Napoléon Ier tome XXV).

[5] Dupont d’Aubevoye (Marie-Thomas-Eugène, marquis d’Oysonville).

[6] Wismes (baron de), « Journal du marquis Alexandre de la Roche Saint-André, gardes d'honneur de l'Empereur (1813-1814) », document inédit, s. l. n. d.

[7] Autancourt (Pierre, baron d’), futur général.

[8] Archives de Vincennes, 1M 2331.

[19] Ségur Philippe (comte de), « Du Rhin à Fontainebleau », Londres, Nelson, s. d.

[10] Chef de partisans.

[11] Ségur (Philippe, comte de), « Du Rhin à Fontainebleau », Londres, Nelson, s. d.

[12] Archives de Vincennes, 1 M 2331.

 

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Titre : La remontée en puissance de l’armée française en 1813
Auteur(s) : lieutenant-colonel Georges Housset, du pôle études et prospective du CDEC
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