Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

La place sociale du militaire

Dossier G2S n° 25
L’Armée de Terre dans la société
Saut de ligne
Saut de ligne

La place et le rôle du militaire dans la Nation est un sujet complexe et subjectif, comme le souligne l'introduction de ce dossier. Le niveau de vie en est un des aspects, toutefois quelque peu tabou. Quand on exerce un métier mu par la vocation, on ne compte pas ! La contribution qui suit s'essaiera donc à arpenter prudemment ce champ, en abordant le lien entre le niveau social occupé par le militaire, et particulièrement l'officier supérieur ou général, et sa présence dans la société.


On considérera dans un premier temps le rôle non négligeable joué par les revenus et le train de vie dans la place qu'occupe un individu ou une corporation. Dans cette perspective, nous verrons ensuite qu'à niveau professionnel égal, le décalage entre le civil et le militaire nuit à la « présence » tant symbolique qu'effective de ce dernier. On terminera en abordant quelques options permettant de réduire ce décalage et ainsi de créer les conditions d'une plus juste place du militaire.

 

Le lien entre l'importance sociale et le niveau de vie est de tout temps un marqueur. Avoir de hauts revenus donne de l'importance sociale, de façon symbolique d'abord, mais surtout parce que les moyens financiers permettent d'entretenir une vie sociale, d'animer des activités intellectuelles ou encore de soutenir diverses causes (mécénat, aides particulières, etc.).

 

Or, il existe un décalage entre le niveau de vie du militaire et celui d'un civil de niveau professionnel comparable, décalage qui s'accroit en deuxième partie de carrière. Ce décalage résulte de deux facteurs : le revenu mensuel moindre des militaires d'une part - sans même faire des comparaisons avec le secteur privé, observons simplement les décalages existants au sein du ministère des Armées entre les officiers généraux et les hauts fonctionnaires et d'autre part, le manque à gagner qu'implique la mobilité militaire, accentué par les caractéristiques peu propices d'un nombre conséquent de nos garnisons : difficulté pour le conjoint de trouver un emploi et de conduire une carrière suivie, difficulté d'habiter dans un logement dont on est propriétaire.

 

Le CEMA, dans ses VŒUX adressés aux associations fin janvier 2020, mentionnait une étude de l'INSEE constatant qu'à niveau égal, le revenu d'un foyer avec un militaire est inférieur de 25 à 30 % à celui d'un fonctionnaire civil.

 

Ce décalage prend un accent particulier au grade de colonel, tout particulièrement lors de l'exercice des fonctions de chef de corps. Ce dernier, généralement plus haut représentant de l'institution militaire dans son lieu d'implantation, dispose très rarement d'un logement de fonction. Il doit donc « se débrouiller » pour entretenir la vie sociale attachée à ses fonctions. Or, les conditions de cette débrouillardise se sont encore complexifiées avec les réformes du soutien d'il y a une décennie, en privant le chef de corps de moyens propres pour tenir son rang, non pas à son bénéfice mais au nom de l'institution38. On arrive ainsi au paradoxe qu'un sous-préfet de département dispose, en particulier en matière de logement et de locaux de réception, de moyens de rayonnement supérieurs à ceux d'un chef de corps.

 

L'année de scolarité à I'IHEDN, et les liens qui s'y créent, donnent au décalage du niveau du militaire un nouveau relief. On y fait connaissance, avec un grand profit intellectuel et humain, de civils exerçant peu ou prou des niveaux de responsabilité équivalents à ceux des colonels stagiaires. On est ainsi frappé par la différence fréquente de niveau de vie. Elle se traduit tout particulièrement en matière de logement, largement banlieusard pour les militaires, fréquemment parisien pour les civils. Cela n'a pas toujours été le cas. Un intéressant document de la salle d'honneur de l'École de Guerre contient les adresses d'une promotion de l'entre-deux guerres : avec le grade de capitaine, ils habitaient presque tous autour de l'École militaire !

 

La différence se fait aussi sentir en matière de financement des études des enfants. La capacité de financer des études en école de commerce est un marquant fort de niveau social, ainsi d'ailleurs qu'un puissant outil de pérennisation de ce niveau social. Or, force est de constater qu'il est difficile pour un militaire de consentir à cet investissement.

 

Enfin, les années de général parachèvent ce tableau, avec, comme pour les chefs de corps, la question des moyens d'assurer la vie sociale, qu'elle soit tournée vers la cohésion interne ou vers leur environnement civil. Beaucoup de généraux exerçant des commandements ne disposent pas de lieux pour cela. Les salles du mess local, dernières survivantes de notre patrimoine dans ce domaine, ne répondent plus, par leur niveau et leur mode de fonctionnement (fortes contraintes d'horaires, de fermeture le week-end, etc.), au besoin.

 

On ne changera pas cette situation en peu de temps, mais cela ne doit pas empêcher d'avoir une ambition et de se fixer quelques positions à conquérir au fil du temps et des opportunités. Celles qui sont proposées ci-dessous, semblent répondre au besoin et être raisonnablement jouables.

 

Le parc des logements de fonction est devenu modeste. Lorsqu'ils existent, ils correspondent, à quelques anomalies près, généralement liées à l'histoire des implantations, à des besoins avérés. On n'envisagera donc pas d'y toucher. En revanche, la situation des autorités militaires « à la rue » peut et doit être améliorée. Il ne s'agit évidemment pas d'acquérir des palais : autres temps, autres mœurs. Quoique le souvenir des époques où l'on construisait ou acquérait des demeures prestigieuses pour les autorités constitue un intéressant repère historique dans les réflexions de ce dossier. Il 'agit donc, de façon pragmatique, de louer des logements répondant aux besoins de ces autorités. Nos alliés, en particulier britanniques39 ou allemands, savent user de cette pratique. Elle s'avère d'un très bon rendement, car elle ne coûte pas des sommes significatives, elle présente une grande souplesse, et offre aux autorités une plate-forme à partir de laquelle peut s'exercer une véritable politique de rayonnement et d'influence, ainsi que de cohésion.

 

Les capacités collectives sont quasiment réduites à nos mess. Le réseau de mess, dont disposaient nos armées il y a quelques décennies encore, a fondu progressivement, plus sans doute par un manque de vision des questions de condition du personnel que pour les raisons budgétaires généralement évoquées. Il a été souligné précédemment que ces mess s'avéraient désormais peu adaptés au rayonnement ; ce n'est pas une fatalité ! Il existe encore, ici ou là, quand le commandement local en a la volonté forte et quand la connivence avec le soutien le permet, des établissements de belle qualité. C'est sans doute la voie la moins coûteuse. Gardons-en l'ambition. Mais l'autre solution adaptée à notre époque peut être d'établir des partenariats avec des établissements civils de qualité40 . C'est une option souple et adaptable, permettant d'accéder à de bons standards.

 

Pour anecdotique qu'elle puisse paraître, la détention d'une carte de crédit permettant de tirer directement sur les crédits de représentation, constituerait un progrès. Elle permettrait de façon très souple d'inviter des relations de travail, tout en constituant une marque de confiance de l'institution. Le fait que de très jeunes cadres dans le civil disposent de cette facilité que n'ont pas les autorités militaires constitue un décalage dont la réduction ne dépend que du ministère.

 

Enfin, on terminera par une réflexion sur la question d'une forme de comité d'entreprise au sein du ministère des Armées. Les comités d'entreprises, en proposant des activités et des tarifs très intéressants, ont deux effets : ils permettent d'accéder à des activités onéreuses que les salaires des bénéficiaires ne permettent pas ou rendent difficiles (sport d'hiver, voyages lointains en famille, etc.), et en dégageant des finances, augmentent artificiellement le niveau de revenu. Aussi, n'est-il interdit d'envisager, dans le prolongement et dans l'esprit du « plan famille », de promouvoir le développement d'un projet de cet ordre.

 

La situation sociale des militaires n'est pas mauvaise, en particulier en début de carrière. Mais le décalage qui se crée par la suite avec les situations de responsabilité équivalentes dans le civil est sans doute une entrave à la présence sociale des militaires, notamment lorsqu'ils exercent des commandements. Le fait qu'il soit certainement possible d'y remédier, de façon pragmatique, nous met devant nos responsabilités quant à l'idée que nous nous faisons de l'état de militaire dans un grand pays comme la France.

 

 _____________________________________

[38] L’auteur de Ces lignes a pu constater, dans des fonctions exercées précédemment, la médiocrité de ces conditions pour certains chefs de corps.

[39] Le commandant de l'Allied Rapid Reaction Corps, dont le quartier général a été implanté relativement récemment dans une petite ville de l'Ouest de l'Angleterre, dispose ainsi d'une villa parfaitement adaptée avec pièces de réception et possibilité de loger des visiteurs.

[40] Certains régiments le pratiquent, avec succès, en matière d'hôtellerie. Lors du rapatriement d'Algérie, le mess d'un certain régiment étranger s'est trouvé implanté, faute de mieux, dans le restaurant d'un village proche, à la grande satisfaction de tous.

Séparateur
Titre : La place sociale du militaire
Auteur(s) : GCA (2S) Éric MARGAIL
Séparateur


Armée