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Le coup de maître de Guise-Saint Quentin, 30-31 août 1914

Soldats de France n° 16
Histoire & stratégie
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La Première Guerre mondiale est emblématique de la résilience de la Nation française et du courage de ses soldats bien plus que de la maîtrise tactique de ses généraux. Il y eut pourtant un exploit, une bataille menée de main de maître et avec une grande subtilité, dès le mois d’août 1914.

 


Mais le génie du général Lanrezac, son auteur, n’avait pu s’exprimer qu’au prix d’une désobéissance caractérisée au commandant en chef, Joffre. Dans la gloire de la Marne, il n’y avait pas de place pour un subordonné qui avait rendu la victoire possible par une indiscipline salvatrice.

 

Situation générale

Le premier acte de la Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale s’ouvre avec la pénétration allemande en Belgique. Sur le front Ouest, le «  Plan Schlieffen » vise à contourner l’armée française et la mettre hors jeu avant que la Grande-Bretagne n’ait le temps d’intervenir. Simultanément, sur le front Est, on se contentera d’observer la montée en puissance des armées du Tsar, avant de basculer l’effort face à elles en cas de besoin.

Le plan français (« Plan XVII ») consiste à attaquer frontalement en Alsace et en Lorraine (les provinces perdues en 1870). Après quelques succès mineurs, obtenus début août, les armées françaises sont brutalement ramenées sur leurs positions de départ, puis attaquées à leur tour.

Le débordement par la Belgique surprend Joffre

La traversée de la Belgique par l’aile marchante allemande (1re armée de von Kluck, 2e armée de von Bülow) surprend par sa vitesse. Les forts de Liège, soumis à un bombardement intensif, tombent en quatre jours, alors que leur résistance était donnée pour deux semaines. Repoussant les restes de l’armée belge vers Bruxelles et Anvers, les deux armées allemandes abordent la région frontalière après deux semaines de marche. Elles y trouvent l’aile gauche française (5e armée de Lanrezac) ainsi que la British Expeditionary Force (BEF) du général French. La BEF est réduite en effectif (cinq divisions) mais il s’agit de troupes professionnelles et aguerries. Les premiers combats (Charleroi le 21 août pour les Français, Mons le 23 et le Cateau le 26, pour les Britanniques) retardent l’avance allemande et lui infligent des pertes sévères, mais ne parviennent pas à briser son élan.

 

L’intuition de Lanrezac

Deux semaines avant Joffre, son général en chef, Lanrezac a compris la manœuvre allemande. Surtout, il a compris que l’effort ennemi est opéré par son aile droite, qui vise l’encerclement de l’armée française. Contrevenant aux ordres exprès de Joffre, confirmés après la bataille de Charleroi, Lanrezac se replie vers le sud en offrant un combat par jour pour retarder l’ennemi, le temps que Joffre comprenne la situation. 

 

Dans la bataille

 

Gagner deux jours pour réarticuler l’armée française

Dans son repli vers le sud, l’Oise offre un obstacle de valeur médiocre mais suffisante pour imposer une manœuvre à l’attaquant. Joffre diffuse un nouveau plan le 25 août. Obtenir un ou deux jours de répit est vital pour ramener le centre de gravité de l’armée française sur la Marne, face à l’effort allemand tardivement reconnu. Lanrezac reçoit l’ordre de contre-attaquer pour gagner les délais nécessaires.

 

Le coup d’arrêt par contre-attaque

Au cours de son repli, la 5e armée franchit l’Oise le 28 août. Lanrezac a donné ses ordres  : partant d’un dispositif en L inversé, appuyé sur la boucle de l’Oise à Guise, il va retenir l’avance allemande à l’aide de son flanc droit, qui défendra l’Oise, et contre-attaquer les unités allemandes progressant de St Quentin vers Paris. Son armée compte 4 corps et demi (CA), face aux cinq corps de von Bülow.

Le 30 août, le flanc droit de Lanrezac (10e CA), valorisant l’Oise, arrête la progression du flanc gauche de von Bülow (corps de la Garde et partie du 9e CA). Simultanément, l’aile gauche de Lanrezac (3e et 18e CA et un groupe à deux divisions de réserve) franchit l’Oise et attaque les colonnes allemandes progressant vers Paris. Celles-ci s’arrêtent et font face à gauche pour châtier l’importun, ramenant l’attaque sur l’Oise. Von Bülow fait donner ses deux corps de gauche contre le 10e CA, qui tient le flanc nord. Lanrezac lance alors son unité de réserve, le 1er CA (Franchet d’Esperey) à la jonction des deux ailes, sur Guise, tournant ainsi la pénétration allemande. Surpris par la vigueur de la contre-attaque, les deux corps d’armée allemands se replient en concédant de lourdes pertes.

Dès que Lanrezac obtient l’effet désiré (l’arrêt de la progression, le changement d’orientation), il replie ses unités à l’abri de l’Oise, puis s’esquive vers le sud. Pendant ce temps, la défense acharnée de l’Oise a infligé de lourdes pertes à la Garde, qui mettra deux jours à récupérer.

 

Action décisive : l’attaque du 1er corps d’armée

Le 1er CA (Franchet d’Esperey) est tenu en réserve centrale à Marles. Le 30 août dans l’après-midi, constatant que son aile droite plie et que son aile gauche tient l’Oise, Lanrezac engage alors ses réserves qui s'engagent en direction de Guise. L’irruption tardive d’une telle masse, à la charnière des deux ailes de von Bülow, assomme l’attaque allemande et provoque une tombée en garde généralisée – justement l’effet que vise Lanrezac.

Dans la nuit du 30 au 31, la 5e armée se replie par-dessus l’Oise et reprend son mouvement vers le sud. Von Bülow, qui a monté une manœuvre pour écraser l’impudent sur l’Oise, pendant la journée du 31 août, en est pour ses frais : sa manœuvre tombe à vide, Lanrezac s’est esquivé.

 

Maîtrise morale et subtilité tactique de Lanrezac

Lanrezac s’est montré très clairvoyant dans une situation très fluide, engageant sa réserve au moment le plus opportun. Le choix du point d’attaque a été décisif. De surcroît, la dérobade de la nuit du 30 au 31 août est effectuée magistralement.

Lanrezac a fait preuve d’une grande finesse tactique. L’attaque de son aile gauche provoque l’arrêt de la moitié avancée de son adversaire direct. L’engagement de sa réserve vers le nord arrête l’autre moitié. En deux coups, Lanrezac a brisé l’élan de von Bülow et obtenu les délais nécessaires pour s’échapper.

 

Conséquence : Guise forme le piège de la Marne

L’acharnement que met von Bülow à rétablir sa situation face à Lanrezac, qui s’est joué de lui, conduit à un changement d’orientation aux conséquences incalculables. En effet, dans sa poursuite de la 5e armée, la 2e armée allemande appuie de 45° sur sa gauche. La 1re armée (von Kluck), le 1er septembre, a donc le choix entre se séparer de son voisin et contourner Paris par l’ouest, ou se lier à son voisin et obliquer vers le sud-est. Von Kluck, à la suite de von Bülow, décide de laisser Paris à main droite et de s’orienter vers le sud-est. Cette décision fatidique amène l’aile marchante allemande dans le piège de la Marne. Lanrezac a servi d’appât.

 

Lanrezac, sauveur et victime de Joffre

Lanrezac s’est montré plus clairvoyant que Joffre, un peu trop tôt. Sa retraite, à partir du 22 août, malgré les ordres contraires de Joffre, extrait son armée du piège de la frontière et, en définitive, sauve l’armée française. Joffre a déjà prévu de remplacer ce subordonné indiscipliné, alors même qu’il vient assister à la bataille. La maîtrise et le calme de Lanrezac le convainquent de remettre la décision à plus tard. Le 3 septembre, alors qu’il vient de rétablir son armée au sud de la Marne, Joffre le relève par Franchet d’Esperey. Von Kluck commente : « Tant mieux, les Français se privent de leur meilleur général ».

 

Joffre est connu pour avoir dit : « Je ne sais pas qui a gagné la bataille de la Marne, mais je sais qui l’aurait perdue ». Oubliant que, sans l’acte d’indiscipline de Lanrezac, il n’y aurait jamais eu de bataille de la Marne. Guise-St Quentin est la seule bataille habile, parfaitement maîtrisée, dans le plan comme en conduite, pour l’armée française, de toute la Grande Guerre. Et pourtant, aucune promotion de Saint Cyr ne porte le nom de Lanrezac…

 

1 Guise pour les Français, Saint Quentin pour les Allemands.

 

 

 

 

 

 

 

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Titre : Le coup de maître de Guise-Saint Quentin, 30-31 août 1914
Auteur(s) : Général Michel Yakovleff
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Situation du front du 25 au 30 août 1914, crédit de l’auteur. Réalisation CDEC/S. Rivière
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La manœuvre de Guise permet le basculement de l’effort français vers La Marne, crédit de l’auteur.
Armée