Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

Innovation, préparation, formation : comment anticiper une bascule d’intensité de la guerre ? Le contre-exemple de 1870

Revue militaire général n°58
Histoire & stratégie
Saut de ligne
Saut de ligne

Le conflit de 1870 constitue une illustration spectaculaire de l’incapacité d’une armée pourtant forte d’une expérience opérationnelle alors hors du commun, de basculer dans la haute intensité. Cet article tente d’en identifier les principales causes, principalement issues du décalage entre l’application d’une doctrine innovante et l’évolution technologique. Ainsi, la pensée militaire peut être captée par UNE guerre - ici celle de la conquête de l’Algérie - et bercée d’illusions au détriment de LA guerre qui intègre toutes les bascules possibles


« Je ne vous dirai pas mon désespoir ! Il persistera tant que j’aurai un souffle de vie. Vivre ! Ce sera mon expiation de ne pas m’être mis en travers de cet acte de démence. Et cependant, avec une volonté à la tête, du dévouement et de la discipline, on pouvait ne pas faire une campagne aussi désastreuse ![1] »

Tel est le cri de rage, réaliste et émouvant, poussé par le maréchal Edmond Le Bœuf, à la veille de sa mort, en juin 1888. Celui-là même, alors qu’il était ministre de la Guerre[2], qui aurait évoqué la complétude du stock de boutons de guêtres devant l’Assemblée le 15 juillet 1870[3], et qui porterait, pour beaucoup, à lui seul, la responsabilité de la défaite. Le conditionnel doit être employé, car les deux hypothèses restent à démontrer. Volonté, dévouement et discipline n’ont pas manqué, à coup sûr : la célèbre furia francese[4] en atteste, sorte de talisman permettant d’emporter la victoire face à n’importe quel ennemi. En revanche, rien n’a pu prémunir la France, ou plutôt son armée, de la défaite face à un ennemi robuste, bien préparé et bien formé, dans des combats de type symétrique, que l’on qualifierait aujourd’hui « de haute intensité ». La bascule n’a été ni anticipée, ni accompagnée.

Cependant, la volonté, le dévouement et la discipline, évoqués par Le Bœuf, auraient-ils suffi pour gagner face aux Prussiens ? Dans un contexte tellement différent de celui que les corps expéditionnaires français avaient connu pendant cinquante ans ? Certes, non. Autant ces qualités sont indispensables pour se battre et pour vaincre, autant elles ne peuvent à elles seules garantir la victoire. Pour être complet dans l’analyse de cette armée française de 1870, on pourrait à loisir décliner le célèbre acronyme DORESE[5], « méthodologie qui permet d’avoir une approche globale de la question des capacités, qui ne sont plus uniquement perçues sous le prisme des matériels[6] ». Mais la démarche est peu scolaire.

Aussi, trois sujets majeurs d’étude, complémentaires et plus originaux, peuvent être retenus pour comprendre les raisons de la déroute de la première armée d’emploi de cette seconde moitié du XIXe siècle, au plan européen voire mondial ; celle-là même qui a glorieusement combattu en Italie, en Crimée, en Algérie, au Mexique ; celle qui n’a jamais été défaite depuis Waterloo ! Et répondre à une question précise : « comment peut-on éviter d’être surpris par une soudaine bascule d’intensité de la guerre ? »

La guerre franco-prussienne nous permet en effet de tirer quelques leçons, sans pour autant donner de recettes, car la comparaison entre l’armée française de 1871 et celle de 2021 trouve vite ses limites. Cependant, la défaite donne à réfléchir très positivement, cent cinquante ans après, à un moment où des combats de haute intensité sont envisagés avec sérieux dans divers scénarii de prospective géopolitique et stratégique. Trois mots, donc : innovation, préparation, formation.

 

[…]

---------------------------

[1] Césaire Lanty (général), « La vie du maréchal Le Bœuf », manuscrit inédit de 1893, 2 volumes. Ce manuscrit est en cours d’étude par l’auteur.

[2] Le maréchal Edmond Le Bœuf (1809-1888) est nommé ministre de la Guerre le 21 août 1869, puis relevé de ses fonctions le 12 août 1870, après avoir confié l’intérim au général vicomte Pierre-Charles Dejean à compter du 20 juillet. Lorsque Bazaine est placé à la tête de l’armée, Le Bœuf reçoit le commandement du IIIe corps en remplacement du général Decaen, mortellement blessé à Borny. Dossier SHD n° GR 6 YD 63.

[3] Aucune trace d’une quelconque déclaration de ce genre ne peut être trouvée dans les archives de l’Assemblée nationale. Dans ses Mémoires, le maréchal affirme ne jamais avoir prononcé de telles paroles. Il s’agit sans aucune doute d’un montage postérieur, réalisé à des fins politiques, pour réhabiliter Napoléon III en vue de sa succession par le Prince impérial.

[4] « Furie française » : expression employée par les Italiens pour décrire la bravoure physique et morale des soldats français lors de la bataille de Fornoue en juillet 1495. Cette expression est reprise lors de la campagne d’Italie de 1859 et, en particulier après Solferino, le 24 juin, où l’on se tue à coup de pierres.

[5] Doctrine, organisation, ressources humaines, équipements, soutien des forces, entraînement.

[6] Audition du Général de division Pascal Facon. Compte rendu Commission de la défense nationale et des forces armées. Mardi 25 septembre 2018. Séance de 17 heures. Compte rendu n° 74. Présidence de M. Jean-Jacques Bridey.

Séparateur
Titre : Innovation, préparation, formation : comment anticiper une bascule d’intensité de la guerre ? Le contre-exemple de 1870
Auteur(s) : Colonel Stéphane FAUDAIS
Séparateur


Armée