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La préparation du soldat aux conflits actuels

Cahiers de la pensée mili-Terre n° 44
Engagement opérationnel

Crédit photo ECPAD
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Nos soldats combattent désormais avec des équipements très élaborés, utilisant les dernières avancées technologiques. Leurs nouvelles protections et l’augmentation significative des distances d’engagement le montrent bien. Ces améliorations capacitaires pourraient pousser à croire que faire la guerre est désormais à la portée de tous et ne nécessite plus de qualités particulières; il n’en est rien! L’aguerrissement est plus que jamais d’actualité, dans toutes ses dimensions, y compris psychologique.


Quand haute technicité rime avec aguerrissement…

 

«La première qualité d’un soldat est sa patience à supporter les fatigues et les privations. La valeur n’est que la seconde».

Napoléon Ier.

 

Nos soldats combattent désormais avec des équipements très élaborés, utilisant les dernières avancées technologiques. En quelques années, l’efficacité et la précision de leurs armes ont été décuplées. L’augmentation significative des distances d’engagement et les protections dont disposent les combattants pourraient laisser croire que faire la guerre est désormais à la portée de tous et ne nécessite plus de qualités particulières; il n’en est rien! Il serait même dangereux de penser qu’il est possible de faire abstraction de la préparation opérationnelle la plus élémentaire, tant dans le domaine physique que psychologique. L’aguerrissement est donc plus que jamais d’actualité. Imaginer que les avancées de la technologie ou du droit des conflits armés pourraient atténuer cette exigence serait un sérieux contre-sens[1].

 

Une appropriation exigeante

 

Ces équipements offrant des possibilités révolutionnaires n’en exigent pas moins un entraînement extrêmement exigeant car les technologies mises en œuvre sont complexes. De nombreuses heures de familiarisation sont nécessaires, sous peine de voir ces matériels de dernière génération devenir des fardeaux inutiles si le soldat ne les utilise pas de manière optimale. Ainsi, une unité percevant le système FELIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés) devra consacrer au moins six mois à son appropriation.

 

Avant tout, il faut prendre en compte les contraintes physiques considérables imposées par ces matériels lorsqu’ils sont sur l’homme. Avec la totalité de son équipement et sa protection balistique, le combattant est amené à porter une quarantaine de kilos sur des terrains difficiles et sous des climats arides, comme ce fut le cas en Afghanistan, et comme ce l’est aujourd’hui en République centrafricaine et au Mali.

 

Au-delà du simple poids du système, c’est l’encombrement qui affecte la mobilité de l’utilisateur, particulièrement en milieu urbain. Il faut désormais intégrer le fait que se glisser dans une ouverture exiguë ou franchir un obstacle peut s’avérer difficile.

 

Ces contraintes ne sont pas insurmontables, mais il faut s’y entraîner avec une préparation physique très spécifique. Des séances d’aguerrissement bien particulières viennent donc compléter les séances plus classiques telles que la course à pied en tenue de sport. Les parcours d’obstacles avec l’ensemble des équipements préparent ainsi le combattant à remplir sa mission dans un milieu accidenté. Intellectuellement également, cette appropriation est exigeante car la maîtrise de ces équipements de pointe demande des connaissances techniques poussées et une lucidité à toute épreuve. Les actes «reflexes» du combattant, qui lui permettent de poursuivre sa mission dans les conditions les plus critiques, voire de sauver sa vie, sont de plus en plus complexes. Presser la détente de son arme n’est plus suffisant aujourd’hui: en une fraction de seconde, il doit avoir tous les automatismes lui permettant de mettre en œuvre ses équipements.

 

Il ne s’agit pas non plus de négliger la lourdeur logistique de ces nouveaux matériels. Ils nécessitent une maintenance poussée qui n’est pas toujours possible en fonction des théâtres d’engagement. La charge des batteries, par exemple, nécessite un abri dédié de bonne taille. Les combattants qui sont amenés à progresser à pied, loin de leur base et en totale autonomie, peuvent donc perdre momentanément certaines capacités. Il n’est pas impensable d’envisager de combattre au corps à corps. Le soldat doit donc conserver les savoir-faire de base qui lui permettront de combattre en mode dégradé, sans l’appui de toutes ces nouvelles technologies.

 

Une efficacité amoindrie face à un ennemi asymétrique

 

Il a d’ailleurs été observé que, dans la plupart des conflits actuels, nos adversaires parviennent à contrer notre supériorité technologique grâce à des modes d’action simples mais efficaces.

 

«Les excès de confiance démobilisateurs que procure la force de ses armes technologiques à notre combattant lui font parfois oublier que l'asymétrie des conflits réside aussi dans la force des hommes»[2]. Le décalage est important entre nos soldats, habitués au confort de la vie moderne, et nos adversaires, plus motivés et rustiques. Ces derniers tirent vite des leçons lorsque qu’ils sont confrontés à de nouvelles armes. Ils n’hésitent pas à passer provisoirement de l’action à l’observation, le temps de découvrir le mode de fonctionnement et les effets de ces nouveaux équipements. Comprenant que nos matériels permettent de les engager à longue distance, ils chercheront à s’imbriquer, comme ce fut le cas en Afghanistan en 2008 lors de l’embuscade d’Uzbin. C’est donc en s’appuyant sur les dernières technologies dont disposent nos soldats et en intégrant les contraintes qu’elles imposent que des nouveaux procédés ont été mis en place, tels que le C4 (combat au corps à corps adapté au combat de haute intensité) et l’ISTC (instruction sur le tir de combat). Ces techniques, souvent enseignées dans des centres d’aguerrissement ou d’entraînement commando, permettent de s’adapter aux méthodes de nos adversaires.

 

Nos soldats doivent également se préparer psychologiquement à ces nouveaux engagements. Leur résistance au stress est mise à rude épreuve par un ennemi asymétrique qui affiche clairement son rejet du droit des conflits armés et des règles internationales. Il ne s’agit plus aujourd’hui d’affronter un adversaire prévisible qui emploie les mêmes méthodes que nous. En cas de confrontation directe voire de capture, nos soldats savent qu’ils peuvent être soumis à la barbarie la plus primaire. Cette préparation morale qui permet de faire face à une pression constante est également une facette de l’aguerrissement.

 

 

Une fausse idée de distanciation du combattant

 

Dans son livre «Humane Warfare», Christopher Cocker écrit que «dans un contexte de civilianisation des esprits au sein des forces armées, la guerre n’est plus présentée comme un fait politique, mais comme un mélange de compassion humanitaire et d’actions techniques à travers le management des crises, si possible menée à distance».

Si les moyens technologiques actuels permettent d’engager l’ennemi au plus loin, ils n’atténuent en aucun cas la prise de conscience de celui qui les met en œuvre. La responsabilité du combattant est même accrue puisqu’il voit en détails les effets qu’il produit. Cela est rendu possible grâce à des moyens d’observation et d’acquisition d’une grande précision. La lunette du système FELIN ou l’optique de la tourelle télé-opérée (TOP) du VAB (véhicule de l’avant blindé) laissent peu de doute quant aux résultats des tirs effectués. Suite à des tirs de VBCI (véhicule blindé de combat de l’infanterie), des cas de traumatismes psychologiques ont parfois été observés. L’opérateur qui avait neutralisé un ennemi à plusieurs centaines de mètres en avait une vision très précise.

 

Il est même possible aujourd’hui d’effectuer des tirs en vision déportée: à l’abri derrière un bâtiment, le combattant peut viser sans s’exposer. Ce système, s’il présente l’avantage considérable de préserver la vie des soldats, peut néanmoins créer un effet pervers puisqu’il donne le sentiment de donner la mort sans s’exposer soi-même. En effet, le retour d’expérience montre que souvent le soldat accepte plus facilement le fait d’avoir tué un ennemi lorsqu’il se trouvait lui-même directement en danger.

 

C’est pour les mêmes raisons que nous sommes surpris de constater à quel point les opérateurs de drones armés, se trouvant parfois sur le sol américain alors que leur engin survole le Pakistan, peuvent être choqués par les dommages qu’ils ont causés.

 

Il serait donc erroné de considérer que seul le soldat directement au contact de son ennemi est exposé aux affres de la guerre.

 

Il s’avère que les nouveaux moyens technologiques placent également au cœur des conflits ceux qui opèrent depuis les arrières et qui avaient avant, par la force des choses, du recul par rapport à la situation sur le terrain. La transmission de données, qui permet d’avoir une connaissance en temps réel de la situation tactique et qui favorise une réaction instantanée et adaptée, place les chefs au cœur de l’action. Mais des effets pervers ont été observés, notamment lors de la guerre menée par les Israéliens au Liban en 2006. Dans un ouvrage consacré à ce conflit, le Colonel Goya et le Chef de bataillon Brillant sont très précis sur ce phénomène: «Cette position en arrière des combats n’empêche pas le stress. Confrontés à un ennemi difficile et compétent, un certain nombre de chefs ont été frappés de stupeur. Cette attitude a eu un impact immédiat au combat dans la mesure où l’intelligence de situation s’est retrouvée inhibée»[3]

 

Une grande attention est accordée aujourd’hui aux conséquences psychiques de nos engagements, y compris pour les personnes qui n’ont été impliquées que de loin. Mises en évidence aux États-Unis sous l’appellation PTSD (Post-Traumatic Stress Disorder), ces pathologies sont aussi nombreuses et graves que les blessures de guerre physiques.

 

De même que le combattant est préparé à porter et utiliser son lourd paquetage, il dispose aujourd’hui de moyens lui permettant de surmonter les difficultés psychologiques de la guerre. Le recours aux techniques d’optimisation du potentiel (TOP) s’est largement répandu au cours de l’engagement en Afghanistan. Tous ces outils permettant de préparer nos soldats à leurs missions semblent loin de l’idée que l’on se fait de l’aguerrissement. Pourtant, il s’agit du cœur du sujet car s’aguerrir est bien «l’ensemble des actions visant à s’habituer à affronter des choses difficile»[4].

 

«Une âme guerrière est maîtresse du corps qu’elle anime»

 

En ajoutant à cette maxime intemporelle de Bossuet la maîtrise des nouvelles technologies au service du combattant, nous résumons tout ce concept d’aguerrissement réactualisé. C’est bien la combinaison de l’entraînement physique, de la maîtrise technique et de la préparation psychologique qui permet à nos soldats d’affronter le plus sereinement possible un ennemi semblant faire fi de toute retenue, voire parfois d’humanité. D’où la nécessité de conserver et de développer les moyens dont nous disposons pour y parvenir…

 

 

Le Chef de bataillon NOBEL a occupé les fonctions de chef de section, de commandant d’unité et d’officier entraînement au 21ème régiment d’infanterie de marine où il a été en charge de l’appropriation du système FELIN. Instructeur des techniques commandos et des techniques d’intervention opérationnelles rapprochées, il a commandé le centre d’aguerrissement des Antilles de 2007 à 2009

 

 

[1] Général de corps d’armée Charpentier, Fantassins: le magazine d’information de l’infanterie n°26 de septembre 2011 sur l’aguerrissement

[2] Marc Defourneaux dans «Force des armes, force des hommes» (L'Harmattan, 2005)

[3] «Israël contre le Hezbollah, chronique d’une défaite annoncée», Michel Goya et Marc-Antoine Brillant (Éditions du Rocher, 2013).

[4] Définition du dictionnaire Larousse

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Titre : La préparation du soldat aux conflits actuels
Auteur(s) : le Chef de bataillon NOBEL
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