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Du « THÉ » dans la MEDO ?

Réflexion Libre
Tactique générale

Crédit photo ECPAD
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A la suite de la récente révision de la MEDO conduite par la DEP de l’école d’état-major, le CDEF a cru bon, entre autres menues corrections et ajouts, de rebaptiser cette dernière MEDOT, avec un « T » comme « tactique (1) ». Quoique cet amendement ait poursuivi le but louable de souligner l’utilité propre de cette méthode par rapport à celles venues des hautes sphères de l’interarmées et de l’interallié (2), l’auteur de ces lignes (3) tient à dire son désaccord avec cet ajout qui induit l’idée que la méthode serait adaptée à un niveau et un seul du commandement des opérations.


Toute la question est de savoir si l’emploi de la méthode ainsi dénommée peut et doit être réservé à un niveau de commandement déterminé et à un type de travaux particuliers, ou si au contraire, il peut en être fait un usage assez large au prix d’adaptations éventuelles. La question revient de façon récurrente dans tout exposé sur la méthode, quelles que soient la compétence et la nationalité des auditeurs.  Pour ma part, je tiens pour certain que la MEDO permet d’élaborer des réponses à n’importe quel problème d’ordre opérationnel et que confiner son emploi à un niveau ou à un type de travaux particuliers est une idée de doctrinaire rigide et néfaste. D’abord parce que même l’échelon le plus élevé du commandement peut avoir à concevoir et à faire exécuter rapidement une manœuvre simple. Ensuite parce que la méthode, par sa simplicité même, se montre aisément adaptable et à la portée de tout esprit un peu éclairé alors que les méthodes actuellement en usage pour les échelons et niveaux élevés souffrent intrinsèquement de leur complexité et de leur intellectualisme.   


En 2009, dans le but de disposer d’une méthode unique couvrant tout le spectre des situations, des niveaux de commandement, et des  décisions à prendre, on avait introduit dans la MEDO les outils conceptuels issus des méthodes alliées de planification stratégique, centres de gravité, points décisifs et lignes d’opération, sans les intégrer clairement à l’effet majeur, concept essentiel de l’antique méthode de raisonnement tactique. La confusion qui en était résulté conduisit en 2013 à réviser la méthode pour l’épurer de ces apports extérieurs et la ramener à la logique de la méthode de raisonnement tactique dont la MEDO ne différait que fort peu (4). Une décision du CEMA (5), publiée à la même époque, selon laquelle la comprehensive operations planning directive (COPD) (6) serait désormais l’unique méthode employée pour la planification dans les armées françaises, légitimait la révision de la MEDO, tout en la reléguant dans les travaux de court et moyen terme des bas échelons tactiques, la préparation d’ordres d’opération, les opérations de coercition. Dès lors se posait la question : tout le monde s’accordant sur l’emploi de la méthode aux petits échelons du commandement jusqu’à celui de la brigade inclus, fallait-il en exclure l’emploi par les échelons supérieurs, division et au-dessus ?  Ou, pour poser la question autrement, les échelons hauts du commandement, y compris l’interarmées, peuvent-ils et doivent-ils appliquer la COPD à tous leurs travaux ?


Les méthodes contemporaines de « planification », héritées des méthodes françaises de 1918 et des méthodes américaines de 1945, spécialement étudiées pour la rédaction des plans d’opérations combinées de très grandes ampleurs (du type Overlord), mâtinées récemment de considérations de politique ou stratégie générale (l’approche globale), sont avant tout destinées à préparer la rédaction de travaux multiples largement dominés par les considérations techniques. On l’oublie toujours, mais leur sujet n’a jamais été de rédiger un ordre initial d’opération (7) mais bien la fameuse « famille de plans » organisant une campagne, c’est-à-dire une série d’opérations.  La méthode est, du fait même, adaptée aux travaux initiaux des états-majors stratégiques ou opératifs, à la rédaction des plans de campagne, voire à la rédaction des plans « combinés » d’une phase particulière de la campagne. Ces méthodes s’imposent, en coercition par l’énormité des groupements de force mis en jeu dans les manœuvres de l’Alliance (8), et en stabilisation par l’immensité des théâtres, conjuguée à la durée au moins décennale des opérations et à la prise en compte des multiples causes non militaires du conflit.  Cependant, même les commandants de force interalliés sont parfois obligés de donner dans l’urgence des ordres immédiats, et des expériences comme celles réitérées de la KFOR (mars 2004 puis mars 2008) comme de nombreuses expériences au HQ IJC en Afghanistan, ont clairement montré que la GOPP ou la COPD étaient fondamentalement inadaptées à un tel besoin et que l’efficacité de l’état-major reposait alors entièrement sur la maîtrise, par au moins quelques-uns, de méthodes simples et rapides de raisonnement. On peut même avancer que l’usage exclusif de méthodes de type COPD était en 2009 une des causes principales de l’incapacité de l’ISAF à conduire la manœuvre, incapacité qui conduisit à la création d’un commandement subordonné, ISAF Joint command, lequel se montra aussi peu apte à « conduire » que l’avait été son supérieur. La MEDO peut donc être utile à tout échelon de commandement, sans exclusive.

 

La question est parfois posée de l’adaptation de la MEDO aux problèmes de la comprehensive approach. Cette question repose le plus souvent sur le constat que la méthode ne prévoit pas nommément l’étude de tel ou tel facteurs, facteurs dont l’étude semble nécessaire à une compréhension globale du problème et dûment mentionnés comme tels dans les méthodes de « planif ». Il devrait pourtant aller de soi que la méthode n’est pas enfermée dans les textes qui la décrivent et que tout traitant d’état-major a le devoir d’étudier un facteur non formellement prévu mais qu’il a identifié comme important dans le problème opérationnel étudié.  Or la simplicité de la MEDO donne une très grande liberté aux traitants d’y étudier des facteurs de toute nature, moyennant un effort pour identifier correctement dans quelle partie de l’analyse ces facteurs seront étudiés. Dans l’approche globale, l’état-major doit notamment s’efforcer de distinguer ce qui relève de l’étude de l’ennemi (CONTRE QUOI ?) de ce qui relève du « terrain humain » (OÙ ?). Par exemple, on peut contester la pertinence de l’étude par l’ISAF et l’IJC de la corruption des élites afghanes comme partie de l’étude de l’ennemi, principe conduisant à étudier comme « ennemi » le président afghan lui-même que la force avait pour mandat de soutenir ! On aurait dû comprendre que la corruption n’était qu’un facteur parmi d’autres du terrain humain de l’opération. Pour être simple, la MEDO n’est donc pas simpliste et peut parfaitement couvrir des problèmes d’une grande complexité.


Une de ses qualités essentielles, enfin, reste son accessibilité à un esprit moyen. Elle a donné satisfaction aussi bien pour les sous-officiers subalternes (dans sa version brève) que jusqu’aux plus hauts échelons du commandement dans ses versions les plus élaborées, sans que la logique profonde (son « moteur ») n’en change profondément. En conséquence elle constitue la méthode collective idéale car une bonne méthode est avant tout une méthode que tout le monde comprend. Or les méthodes de raisonnement dédiées aux échelons élevés de commandement, MPO, GOPP, COPD, operational design et autres, souffrent toutes du péché capital d’intellectualisme. Souvent conçues dans de brillants think tanks, incompréhensibles au commun des mortels, marquées de convictions scientistes selon lesquelles n’importe que ce qui peut s’exprimer par des chiffres, elles ne sont réellement pratiquées que par des élites intellectuelles, aux antipodes de la composition d’un état-major même de haut niveau, fut-il américain. Elles ne servent la plupart du temps qu’à élaborer des « plans » aussi énormes que convenus, valables pour toutes les guerres, et que l’ennemi le plus cérébralement sous-développé percera sans difficultés. Ces travaux d’ailleurs n’ont en réalité d’autre usage que d’être approuvés dans leurs détails par les gouvernements de nations. En conséquence la simplicité de la MEDO est mieux adaptée si on veut employer toute la force de travail d’un étatmajor pour produire un travail concret et réellement utile pour les opérations.  


Dans la réalité de telles questions sont réglées directement par les individus qui adoptent d’eux mêmes la méthode la plus adaptée à leur besoin du moment. Ainsi il arrivera que le J35 d’un étatmajor opératif mette en œuvre la MEDO ou une méthode comparable à un moment particulier tandis que le J5 de son côté déroulera la COPD pour l’élaboration du plan d’ensemble. Vouloir confiner de force la MEDO à un échelon ou « niveau » déterminé des opérations est donc non seulement fautif mais complètement illusoire.

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1 Et non comme « timeo Danaos et dona ferentes » comme l’ont pu croire ceux qui ont des lettres.

2 Ceux qui combinent les joints ?

3 Et du document final lui-même dans lequel on lui a fait l’honneur d’être cité comme « l’auteur » alors qu’il en conteste plusieurs détails.

4 La première version de la MEDO ne faisait qu’ajouter à la MRT une réunion portant sur les conclusions de l’analyse de la mission, par mimétisme avec le processus de réflexion décrit dans la Bi-strategic commanders guideline for operational planning (bi-SC GOPP), méthode alliée alors en usage. 

5 Note n° 012 DEF/CICDE/SEC-CENT/NP du 12 janvier 2013

6 Méthode de réflexion remplaçant la Bi-SC GOPP.  

7 On trouve dans certains documents un peu anciens le mot opération au pluriel dans « plan d’opérations » et au singulier dans « ordre d’opération », ce qui indique clairement la différence d’ampleur. 

8 Dont les scenarii sont caractérisés par une probabilité d’occurrence nulle. Lors de l’exercice CJTFX 2004 du CJTF 950 (subordonné à SACLANT), la TF amphibie mettait en l’air à elle seule plus d’aéronefs que n’en possédaient alors toutes les armées françaises réunies…  Les niveaux d’ambition actuels de l’Alliance n’ont pas rompu encore avec ce caractère incantatoire.

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Titre : Du « THÉ » dans la MEDO ?
Auteur(s) : Colonel Christophe de LAJUDIE
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