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Relire Foch

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(Re)lire Foch ! Aujourd’hui ? Pourquoi faire ?

Le Général Gilles Bemelmans nous rappelle ce qui frappe le caractérise: le bon sens, celui des réalités. Au ras du sol, c'est le cas de le dire. Cet aspect ne disparaît jamais, même quand il est chargé des plus hautes responsabilités.


C’est complètement dépassé, la guerre d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle de 14-18. Et puis c’était un doctrinaire de l’offensive à outrance, il était atteint de l’esprit de système. Ses principes sont une pure construction intellectuelle. Voilà ce que l'on entend parfois, lorsqu'on n'a pas un interlocuteur trop inhibé.

Et pourtant, pour surprenant que cela puisse paraître, Foch reste d'une lecture roborative, comme ceux qui ont raconté leur expérience sous ses ordres (Weygand ou Bugnet). On en sort ragaillardi.

 

On y trouve une atmosphère, une personnalité, mais aussi le résultat d'une éducation, d'une culture et d'une foi. Jugez-en.

«J'ai dit: la ligne de chemin de fer. Sans savoir ! Mais je pensais: c'est en remblai ou en déblai. En tout cas, c'est toujours une ligne bien marquée sur la carte et sur le terrain, et qui peut servir d'abri peut-être. Tout le monde la voit, la connaît. On doit s'y arrêter, s'y tenir, c'est simple! C'était un remblai ; on s'est mis d'un côté. Et puis il y a eu les inondations. Elles se sont arrêtées de l'autre côté. Alors on tirait au canard ! Oui, les boches étaient comme des canards»[1].

 

C'est ce qui frappe d'abord : le bon sens, celui des réalités. Au ras du sol, c'est le cas de le dire. Cet aspect ne disparaît jamais, même quand il est chargé des plus hautes responsabilités.

«Les grandes affaires ? Je les traite comme si elles étaient petites. Ce n'est pas difficile. La méthode est toujours la même»[2].

 

Le second élément évident dans ses ouvrages, c'est le culte du travail intellectuel. La raison au service de l'action. Une intelligence toujours en éveil, puissante parce qu'ordonnée et méthodique.  Les sources de ses conférences sont significatives à cet égard:

«J'ai lu Clausewitz. C'est quelqu'un ! Il y avait quelque chose dans ce livre. Il avait fait la guerre, il la connaissait. Blücher, Scharnhorst aussi. C'étaient des gaillards. Pour que des hommes comme eux aient eu raison de ce colosse qu'était Napoléon, il leur avait fallu travailler. Leur patriotisme les guidait. Sans doute. Mais surtout la cause à laquelle ils s'étaient donnés. On réussit toujours quand on se donne une cause, quand on ne se disperse pas, quand on ne veut pas toucher à tout […] Et puis Molkte aussi. Avez-vous lu sa correspondance ? C'est là que j'ai tout puisé, car j'en reviens toujours à 1870 […] Et je ne vous parle pas de l'Empereur ! Celui-là c'est le grand maître, le dieu ! C'est le plus beau type historique que l'on puisse étudier parce qu'il avait le sens de la discipline, le souci clair du travail, l'horreur des mots, de la phraséologie qui tue l'action»[3].

 

C'est la même méthode qu'il appliquera pendant la guerre:

«Ce qui a fait la supériorité de mon état-major pendant la guerre, avec les Weygand, les Desticker, les Georges, c'est que chacun étudiait à fond les questions, savait ce dont il s'agissait et décidait en connaissance de cause. Pas de chic. Pas de sentiment. On dit: «Je crois que...» – On fait du chic. – «Je pense que l'ennemi fera ceci… ou cela...» C'est mauvais. «Je crois… !» Il faut être sûr! Il faut étudier, voir ses possibilités, les chiffres, juger, décider, et alors ça va !»[4].

 

Dans l'incertitude, c'est encore la force du savoir et du raisonnement qu'il fait prévaloir:

«Les renseignements ? Mais c'est inutile, ils sont presque tous faux; on ne sait jamais qu'après ceux qui étaient vrais. Je n'en ai jamais fait état. On voit ce qu'on veut faire; on voit si on peut le faire avec ce qu'on a, et puis on le fait […] Les renseignements sur l'ennemi ? On ne sait jamais rien… Le soir de la Marne, quand on m'a dit que les Allemands n'étaient plus là, je ne comprenais pas!L'histoire ? A posteriori, on ne fait plus état que des renseignements dont on sait qu'ils furent exacts, mais quand on devait s'en servir, on ne savait pas! Voyez-vous, ce qu'il faut, c'est ne pas attendre les renseignements, c'est savoir ce que l'on veut. On fait ce qu'on veut, quand on sait ce qu'on veut»[5].

 

Vouloir, le mot est essentiel ; le troisième élément dominant chez Foch, c'est la volonté. Sans doute fondée sur une forte personnalité et une grande énergie, mais il l'a cultivée toute sa vie.

Il le prouve à la bataille de la Marne quand la IXème armée qu'il commande tient dans des conditions inouïes, parce qu'il a compris que son rôle de butoir à l'aile droite est essentiel au succès («Ma droite est enfoncée, ma gauche recule, tout va bien, j'attaque», paroles qu'il n'a pas prononcées, mais qui sont restées significatives de son analyse lucide et de sa décision de faire réussir le gigantesque coup d'arrêt coûte que coûte).

Il en fait montre encore en 18 à Doullens, lorsqu'il lui faut persuader tout le monde –Haig, Pétain, Clemenceau – de ne pas ouvrir le passage devant le Friedensturm, tout près de débouler de l'Oise sur Paris.

«Il n'y a plus cinquante centimètres de terrain à perdre. Il faut s'accrocher au sol. Rappelez-vous octobre 1914 […] L'ennemi a frappé juste à la jonction des deux battants de la porte. Il les a repoussés sur Haig et sur Pétain. Il faut qu'une force nouvelle les réunisse […] Et surtout n'indiquons pas aux troupes une ligne de repli, sinon elles auront tendance à s'y précipiter».

Et il emporte la décision, permettant l'offensive générale et victorieuse quelques mois plus tard. Force de volonté qui en impose à tous lorsque son fils unique est tué en août 14. Il s'isole une demi-heure puis reprend son commandement, écartant les condoléances d'un «Oui, oui, laissez».

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur son obsession du résultat, sur sa force de persuasion et sa capacité diplomatique, sa hauteur d'âme devant l'adversité et les tracasseries partisanes dont il a eu quelquefois à souffrir.

 

La simplicité de sa démarche est elle-même source d'encouragement. Elle est accessible à tout le monde, avec du travail et de la méthode, comme le rapporte Weygand.

«Le Maréchal est tellement sincère qu’il ne cherche point du tout à faire illusion, à ne sortir son idée que lorsqu’elle est au point. Il ne craint pas de laisser voir le travail de son cerveau. Il dit les choses comme elles lui viennent. On assiste à leur naissance, à leur éclosion. Petit à petit on voit l’idée se développer, se clarifier. Le Maréchal ne cache rien. Il n’y a qu’une chose qui compte pour lui: le résultat. Alors ses idées, il les retournait dans tous les sens, les prenait par tous les bouts. Enfin, il les exprimait d’une façon saisissante en deux ou trois phrases. Quand je le quittais, je pouvais me mettre au travail et accomplir ma tâche, dans le sens qu’il fallait»[6].

 

Lire Foch ou ceux qui l'ont côtoyé, c'est un vrai bol d'air.

On découvre un homme à la fois réaliste et d'une exceptionnelle hauteur de vue, sans chichis, armé d'une volonté inébranlable et d'une parfaite simplicité.

À cheval sur les deux siècles précédents, sa personnalité s'est construite sur quelques piliers consolidés au long de son existence: la raison contre le sentimentalisme, la foi et le devoir contre les abandons. Ajoutez-y un solide sens des réalités et une formation méthodique, vous avez le chef qui a mené les alliés à la victoire de 1918.

Ce témoignage trace la perspective d'une action intelligente, lucide, pratique et persévérante dans une adversité apparemment écrasante.

C'est un excellent antidote au découragement, à l'«à quoi bonisme» et à la fabrique du crétin.

 

Lire Foch, c'est bon pour le moral!

 

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Issu de la promotion«Général Lasalle» (79-81), le Général (2S) Gilles BEMELMANS est breveté de la 107èmepromotion de l'École Supérieure de Guerre.

Il a en particulier commandé le 54èmerégiment d’artillerie, puis dirigé le cours supérieur d’état-major de 2004 à 2007.

Son parcours l’a amené à se passionner pour les questions de tactique, de commandement et d’histoire militaire.

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[1]«En écoutant le Maréchal Foch», Commandant Charles Bugnet – Ed. Grasset 1929 – p. 192-193 – octobre 1914 à propos de l'offensive allemande sur Dixmude.

[2] Op. cit. p. 53.

[3] Op. cit. p. 59-60.

[4] Op. cit. p. 56.

[5] Op. cit. p. 121-122.

[6] Op. cit. p. 25.

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Titre : Relire Foch
Auteur(s) : le Général(2S) Gilles BEMELMANS
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