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La résilience de la société française en 1914-1918: quelles leçons pour l’avenir ? 1/2

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Histoire & stratégie
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Le Capitaine (R) Xavier Boniface détaille les raisons de la résilience de la population française au cours de la Grande Guerre et précise comment les attitudes de résilience de la société française de 1914-1918 peuvent, sinon inspirer, orienter ou influencer les comportements actuels, du moins les éclairer et aider à les comprendre?


L’une des raisons de la victoire des Français en 1918, au-delà de toutes celles, militaires, matérielles ou diplomatiques qui peuvent être invoquées, a tenu à leur capacité morale de tenir le coup malgré les épreuves, les pertes effroyables et les destructions. En d’autres termes, c’est leur résilience dans la guerre qui leur a permis non seulement de durer, mais aussi de vaincre.

Cette notion de résilience n’est pas utilisée à l’époque de la Grande Guerre, au moins dans ce contexte. À l’origine, elle définit la capacité de matériaux soumis à un choc ou à une déformation d’absorber de l’énergie, et donc leur capacité mécanique de résistance et de reconstruction. Elle a ensuite été appliquée à d’autres domaines des sciences, y compris la psychologie. Ainsi, Boris Cyrulnik a contribué à la transposer dans ce domaine en étudiant comment les survivants de la Shoah ont pu surmonter leur traumatisme et vivre avec lui. La psychologie sociale s’y intéresse aussi: la résilience ne concerne pas seulement les individus, mais également les communautés ou les groupes sociaux. Toutefois, le terme tend à être vulgarisé pour ne devenir souvent qu’un simple synonyme de mécanisme de défense, d’adaptation, ou encore de survie. On parle aussi de résistance au stress et aux traumatismes, voire d’invulnérabilité – quoique cette dernière notion se distingue de la résilience car elle ne suppose pas de réaction à un choc initial. Selon les scientifiques, la résilience peut être une capacité, un processus ou un résultat[1]: c’est dire la diversité des définitions à ce sujet.

La question de la résilience des Français en 1914-1918 peut ainsi, par-delà son intérêt historique, être un élément de réflexion et de comparaison avec la situation actuelle de la société française confrontée au djihadisme islamiste terroriste. Bien sûr, les contextes sont profondément différents, les protagonistes ne sont pas les mêmes, l’intensité et l’ampleur du conflit d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles de la Grande Guerre. Mais on peut s’interroger sur l’existence d’invariants dans les ressorts profonds de la société face à l’adversité, à la menace et à la violence. Il faut entendre ces invariants comme des cadres conceptuels qui dépassent les contingences et sont agencés de manière différente selon les cultures (ils n’impliquent pas l’invariabilité). On étudiera cette résilience à travers ses aspects et ses imites en 1914-1918, puis ses causes, et enfin les enjeux pour aujourd’hui.

 

Les aspects et les limites de la résilience française en 1914-1918

 

  • Quelques remarques méthodologiques préalables

Dans ce panorama, l’avant et l’arrière sont envisagés de manière complémentaire. En effet, même si les civils et les combattants ressentent souvent une coupure profonde entre eux, les liens sont plus nombreux qu’il n’y paraît. Leurs relations sont donc dominées par l’ambivalence et les porosités. Ce constat pour 1914-1918 est peut-être plus valable encore aujourd’hui, où il y a une continuité entre l’engagement de l’armée française sur des théâtres d’opérations parfois lointains et la situation de la population exposée à la menace terroriste sur le sol métropolitain.

  • Le monde civil est critiqué et méprisé: les combattants se sentent coupés, incompris, ignorés des civils, alors même qu’ils risquent leur vie pour eux. Ils se représentent un monde d’embusqués et de profiteurs de guerre. Le bourrage de crâne y déforme la réalité guerrière pour la présenter sous la forme de l’héroïsme et des vertus chevaleresques. En permission, les soldats français constatent qu’ils sont moins bien payés que les ouvriers des usines d’armement qui, en outre, restent avec leurs familles. La guerre fait naître un sentiment d’arbitraire et d’injustice.
  • Les soldats ont en même temps besoin de la reconnaissance des civils, dont ils ne sont pas complètement séparés, que ce soit psychologiquement, familialement ou matériellement. Les permissions (organisées à partir de 1915 et améliorées en 1917), les colis des familles, de marraines ou d’associations, ainsi que les lettres (une par jour et par combattant en moyenne) – malgré le contrôle postal mis en place en 1915 – entretiennent des liens qui concourent à la motivation des soldats à se battre. Ces derniers ont conscience qu’ils défendent leurs proches en étant sur le front. En même temps, les combattants restent des civils en uniforme, préoccupés par leurs affaires personnelles et familiales. Au cours de la guerre, les évolutions du moral des uns et des autres sont en interaction. Les représentations et la détermination des soldats face aux épreuves du conflit dépendent en profondeur de la réalité de la cohésion nationale.

 

  • Des critères de la résilience des Français

Comment mesurer la résilience de la population française au cours de la guerre – si tant est que cette notion puisse être appliquée dans une perspective historique? La question est liée à celle des raisons qui lui ont permis de tenir.

 

Le ralliement à la guerre est massif et durable: s’il n’est pas en soi un signe de résilience, il favorise celle-ci. En août 1914, alors que le haut commandement s’attendait à 15% de défections lors de la mobilisation, il n’y en a que 1,5% (et encore, ce chiffre prend en compte ceux qui, éloignés de la métropole ou de leur centre de mobilisation pour des raisons personnelles ou professionnelles, n’ont pas pu rejoindre leur corps à temps). Début août, le ministre de l’Intérieur décide de ne pas faire arrêter les quelques 2.500 suspects (dont 500 étrangers) inscrits dans le «Carnet B». Celui-ci recense depuis 1886 les suspects d’espionnage, et, depuis 1909, les militants antimilitaristes (socialistes et surtout anarchistes syndicalistes révolutionnaires) dont les autorités craignent les agissements en cas de mobilisation (sabotages). L’acceptation de la mobilisation perdure pendant toute la guerre, comme avec les appels des classes 1919 et 1920 dès 1918. Bien sûr, il y a des stratégies d’évitement; le choix de l’engagement permet de choisir son arme, et donc de ne pas servir dans l’infanterie; dans les régions frontalières, certains cherchent refuge à l’étranger. Mais ces pratiques restent minoritaires.

 

Face aux pertes élevées, les Français font preuve, malgré le deuil, de résignation, de ténacité et de vaillance. Quelques rappels permettent d’en mesurer l’ampleur. En moyenne, 16,1% des mobilisés ont été tués, mais 19% des officiers et 15,8% des soldats (respectivement, 29 et 22,9% dans l’infanterie). De tels chiffres ont des implications sociales. Beaucoup de fantassins sont des paysans, qui supportent davantage de morts que d’autres catégories, notamment les ouvriers bénéficiant de leur rappel en usine (affectés spéciaux). Quant aux officiers, ils viennent des catégories un peu plus aisées, bourgeoisie, noblesse et élites sociales: 6.000 instituteurs et 240 normaliens ont été tués (avec 50% de pertes pour les promotions scolarisées en 1914)… Partout, les plus jeunes classes sont les plus touchées, car elles ont participé à toute la guerre dans les unités d’active, qui ont été aussi les premières engagées au combat. Celles de 1912 et 1915 perdent près de 28% de tués chacune. Les soldats de l’armée territoriale, plus âgés, sont moins exposés et subissent moins de pertes. Enfin, au-delà des morts au front, il faut tenir compte aussi d’une surmortalité civile, indirectement due à la guerre. Devant la mort de masse, surtout celle de jeunes, les vieillards, psychologiquement plus affaiblis, meurent davantage. Pendant et après la guerre, des «communautés de deuil» professionnelles, associatives, familiales, institutionnelles, se créent et se retrouvent, exaltant la mémoire des disparus, publiant des livres d’or, érigeant des monuments, accomplissant des cérémonies (appel des morts le 11 novembre). Elles sont un des vecteurs de résilience.

 

L’arrière se mobilise pour soutenir les soldats, les blessés (nombreux hôpitaux improvisés), les réfugiés. Dans les régions occupées du nord-est, même si la population doit s’accommoder au quotidien d’une présence allemande parfois très contraignante (otages, réquisitions, déportations – c’est-à-dire déplacements forcés de civils), certains prennent l’initiative de résister, comme Louise de Bettignies, à l’origine du réseau de renseignement «La Dame blanche».

 

Malgré la guerre qui dure et éprouve, les oppositions restent très limitées. Quelques pacifistes socialistes, très minoritaires, participent aux conférences de Zimmerwald (1915) et Kienthal (1916). Les grèves à l’arrière et les mutineries au front – en fait, plutôt les refus collectifs d’obéissance (les mutineries impliquent une révolte) – sont rares et assez tardifs.

 

Largement étudiés, notamment pour la France, ces mouvements soulèvent plusieurs problèmes quant à leur signification. Ils peuvent apparaître comme un refus de tenir, voire comme une crise du sentiment national. Les mutineries de 1917 constituent la plus grave crise militaire ayant frappé les armées européennes sur le front ouest. Toutefois, le plus étonnant est qu’il ne se soit pas produit davantage de mutineries, bien plus tôt et d’une plus grande ampleur. La véritable question, celle des raisons qui font qu’il n’y a pas eu davantage d’insubordination, renvoie à l’acceptation générale la guerre. Les refus d’obéissance augmentent au cours de la guerre: ils ont motivé 500 condamnations en 1914, 2.500 en 1915, 9.000 en 1916, 21.000 en 1917 et 13.000 en 1918. Les premiers fléchissements dans le moral des troupes, révélés par le contrôle postal, datent de l’été 1916 lors des batailles de Verdun et de la Somme. En revanche, les mutineries de mai-juin 1917, à la suite de l’échec de l’offensive Nivelle du Chemin des Dames, traduisent un malaise plus profond: plus de 20% des unités sont touchées. La répression s’élève à 554 condamnations à mort, 1.400 aux travaux forcés et 1.500 à des peines plus légères. En réalité, elle sera plus modérée (49 exécutions capitales), alors que Pétain vient de prendre la tête de l’armée. Les mutins ont agi sous le coup de l’exaspération, refusant de remonter en ligne pour des attaques jugées aussi inutiles que meurtrières. Mais ils n’ont pas abandonné leur poste, surtout en premières lignes, et ont tenu assez rarement des propos défaitistes. Les historiens, après les militaires, se sont interrogés sur la place de la propagande pacifiste et l’exemple de la révolution russe dans les références et les motivations des mutins. En fait, ces éléments sont surtout mis en avant par les responsables des mouvements de refus d’obéissance. Or, parmi eux, il y a une sur-représentation relative d’ouvriers, qui se retrouvent parmi les condamnés aux lourdes peines, même si les paysans sont en majorité parmi les mutins. Cette sur-représentation traduit le rôle dirigeant et les traditions collectives de ces ouvriers, qui comparent peut-être aussi leur situation à celle des travailleurs requis dans les usines (d’où leur rancœur).

 

  • Les limites de la résilience

La résilience de la population française peut se vérifier sur le court et le moyen terme. Il est révélateur qu’en 1918 l’union sacrée se renforce, quelques mois après les mutineries et les grèves ouvrières, alors que les Allemands lancent plusieurs grandes offensives et menacent même Paris au printemps. Il y a comme un sursaut national quand le pays est en péril. Selon l’historien Antoine Prost, Verdun a été l’acmé du sentiment national en France. Mais la bataille, qui incarne dans la mémoire française le summum des sacrifices de la guerre, marque aussi un seuil dans l’acceptation des sacrifices. On peut alors s’interroger sur la résilience à long terme.

 

Le pacifisme de la société française dans l’entre-deux-guerres, puis après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à nos jours, ne s’inscrit-il pas dans la continuité d’un rejet des hécatombes de la Grande Guerre et des pertes que celle-ci a entraînées? Il est également possible de relire le désastre de 1940 comme une limite, et même un échec de la résilience, comme si le pays, tel un matériau, s’était cassé avec un nouveau conflit rappelant le précédent. Épuisés moralement par la Grande Guerre, les Français ont rapidement plié devant l’avance allemande. La défaite n’est d’ailleurs pas seulement militaire: de nombreux cadres de la société s’effondrent, désertent ou renoncent. En même temps, la réponse ne peut être que nuancée au regard de la ténacité au combat de certaines unités et des sacrifices consentis (plus de 55.000 morts[2]).

 

De ce point de vue, les commémorations ont un caractère ambivalent. Elles exaltent moins la victoire qu’elles n’expriment le deuil collectif. C’est une question centrale dans l’analyse de la résilience. Ce qu’il s’agit de saisir, c’est l’articulation entre, d’une part, les pratiques collectives et sociales du deuil de guerre à travers les commémorations et le culte des morts, et, d’autre part, l’expression de la douleur personnelle[3]. La mort à la guerre présente en effet des spécificités: mort de masse, mort d’hommes jeunes (ce qui est une inversion de l’ordre des générations), mort violente (souffrances), mort lointaine (sur un champ de bataille éloigné), ce qui peut nourrir un sentiment de culpabilité des proches qui ne peuvent être présents ni au moment du décès, ni aux obsèques; ce sont aussi des morts multiples (familles perdant plusieurs membres). Parfois, les corps sont méconnaissables, absents ou disparus – d’où le soldat inconnu.

 

Le deuil collectif est porté par l’idéalisation du héros mort à la guerre et la vénération de sa mémoire. La mort au combat n’est pas ordinaire, même si elle est dramatique; elle prend son sens dans le grand récit collectif de la nation. Le soldat tué à la guerre n’est pas présenté comme une «victime» – au moins dans la perspective du consentement au conflit. La mort revêt un sens d’autant plus marqué que la guerre est victorieuse. Toutefois, cette héroïsation peut également entraîner un blocage, empêcher ou compliquer l’épilogue du deuil personnel (du fait des spécificités du type de mort à la guerre) – d’où l’intérêt encore aujourd’hui des familles pour les traces des morts à la guerre. Cela n’empêche pas le deuil individuel et la commémoration publique de se rejoindre (voir l’importance des cérémonies – au moins dans l’entre-deux-guerres – et les assistances nombreuses).

 

Les causes de la résilience

 

  • Un objet de débats

Les causes de la résilience de la société française de la Grande Guerre font l’objet de débats historiographiques, qui ne sont pas de simples querelles érudites et académiques: ils recouvrent des enjeux philosophiques, sociaux et politiques qui peuvent avoir encore des échos aujourd’hui. Cette question de la résilience renvoie à celle des raisons qui ont amené les Français à tenir, entre contrainte et consentement.

  • La thèse de la contrainte est défendue par le Collectif de recherche international et de débat sur la guerre de 1914-1918 (CRID 14-18). La société a tenu parce que ses membres y étaient contraints, d’abord par l’autorité militaire, de manière coercitive (fusillés pour l’exemple, cours martiales, prévôté…) ou par pression morale. Ce sont les cadres de la société (les politiques, les chefs de l’économie, le commandement, le clergé, les gendarmes…) qui auraient imposé leur conception de la guerre contre le peuple, qui aurait été au fond pacifique. Tout soldat a intériorisé la culture de l’obéissance et de la discipline, inculquée depuis l’enfance. Du coup, il n’y a pas de possibilité d’échapper à la guerre. Cette théorie privilégie une approche sociale de la contrainte, qui s’étend aussi à l’arrière. Il faut toutefois observer, pour les soldats, que le système coercitif militaire, quoique développé, semble bien limité au regard du déchaînement de la violence du champ de bataille.
  • La théorie du consentement est portée par le Centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre (Péronne)[4]. Le peuple a accepté la guerre, y a adhéré et consenti. Cela n’exclut pas des hésitations, des tensions, voire des refus ponctuels, mais qui sont finalement peu importants, voire tardifs. Ce consentement s’appuie sur un patriotisme solidement enraciné, et il se traduit par une culture de guerre, c’est-à-dire une manière de (se) représenter celle-ci, de la vivre, de la transcender avec des ferveurs spécifiques, des symboles et des pratiques. Ces représentations contribuent à intégrer la guerre dans un univers familier, à travers des objets de décoration, la publicité, les jouets ou les exercices scolaires par exemple. La propagande est efficace parce qu’elle s’appuie sur l’état d’esprit qui est culturellement prêt à la recevoir. Cette approche est surtout anthropologique. Mais certains lui reprochent de privilégier la vision des élites parisiennes sur celle du peuple et des provinciaux.
  • Plus isolée, une troisième tendance[5], qui s’attache toutefois aux seuls soldats, mais dont on peut sans doute étendre les analyses à l’ensemble de la société, cherche un équilibre entre les deux théories de la contrainte et du consentement en soulignant les différences entre les personnes, au-delà des groupes sociaux, en fonction des circonstances, dans une perspective évolutive.

 

  • «Un processus multifactoriel issu de l’interaction entre l’individu et son environnement»[6]

La psychologue Marie Anaut distingue plusieurs «niveaux» de la résilience sociale: les pairs, les communautés sociales, locales, religieuses ou idéologiques/partisanes, la société et la culture. Elle repère aussi des «formes» de résilience à travers les solidarités, les attentes, l’implication active, les valeurs d’entraide et de tolérance, la diversité des ressources sociales. Ces éléments peuvent être déclinés dans l’étude des causes de la ténacité des combattants, de leur capacité à surmonter la violence de la guerre, des causes qui peuvent être aussi appliquées à l’arrière et aux civils.

  • L’importance du «groupe primaire», c’est-à-dire l’unité de base (escouade, comme celle évoquée par Roland Dorgelès dans «Les croix de bois»). Il existe une forte solidarité, une entraide, une fidélité et une cohésion entre ses membres, entre «pairs», qui sont nécessaires pour survivre dans la guerre (à Verdun, il n’y a plus de tranchées, seulement des petits groupes d’hommes isolés). Déserter eût été trahir la confiance des camarades. Le rôle des cadres de contact est important aussi. Ces solidarités existent également, sous des formes variées, à l’arrière.
  • Le sens du devoir, très souvent mentionné dans les différents milieux sociaux: une fierté profonde s’attache à son accomplissement. Pour les Français, il résulte de la formation délivrée par l’école républicaine, notamment à travers l’instruction civique. Mais la conception du devoir peut varier: pour le catholique, elle se confond avec les devoirs envers Dieu. Cela relève du niveau social et culturel mis en avant par Marie Anaut.
  • Les soutiens religieux et moraux: ils aident les soldats – mais aussi les civils qui partagent les convictions religieuses des mobilisés – à surmonter la peur, à trouver un réconfort avant ou dans les épreuves, à être rassurés, protégés et consolés, même si la foi et certaines pratiques superstitieuses se confondent parfois. Les combattants y puisent du courage, voire des assurances morales, pour affronter la violence; les civils, des ressources pour surmonter l’inquiétude au sujet des mobilisés. La guerre s’accompagne d’un réveil religieux, surtout durant les premiers mois. Toutes les armées ont des aumôniers militaires, souvent de différentes confessions, qui apparaissent parfois comme des auxiliaires pour le commandement en concourant à maintenir le moral des troupes. À l’arrière, le clergé contribue aussi au soutien moral des populations.
  • L’hostilité à l’encontre de l’adversaire: l’autre reste un ennemi, une menace, un envahisseur, voire un «barbare» qu’il s’agit de rejeter. Cette hostilité est mobilisatrice. Il ne s’agit pas pour autant d’une haine aveugle pour les soldats de la tranchée d’en face, avec lesquels il est possible de s’entendre à l’occasion afin de rendre la vie moins difficile.
  • Le sentiment de défense de la nation/patriotisme défensif, à associer à la sacralisation du sol national. La guerre de tranchée se caractérise par la défense de la terre, mais aussi des siens et de l’arrière. Ce n’est pas une abstraction pour les fantassins français, des paysans pour plus des deux-tiers. Même lorsqu’ils combattent à Salonique, loin de la France, ils défendent leur pays. Pour les soldats du Nord, c’est même une guerre de libération des régions envahies. De manière plus générale, les soldats se battent pour que leurs enfants vivent dans un monde meilleur (d’où une pression de la société et de la nation sur eux).

 

 

 

 

[1] Voir B. Michallet, «Résilience: perspective historique, défis théoriques et enjeux cliniques», Frontières, n° 22 (1-2), automne/printemps 2009-2010, p. 10-18.

URL: https://www.erudit.org/fr/revues/fr/2009-v22-n1-2-fr3943/045021ar.pdf

[2] Et non pas 100.000 comme maints ouvrages l’affirment – un chiffre issu de la propagande de Vichy.

[3] Stéphane Audoin-Rouzeau, «Qu’est-ce qu’un deuil de guerre?», Revue historique des armées, n° 259, 2010, p. 3-12.

[4] Annette Becker, Stéphane Audoin-Rouzeau, «14-18. Retrouver la guerre», Paris, Gallimard, 2000, 272 p.

[5] François Cochet, «Survivre au front. Les Poilus entre contrainte et consentement», Saint-Cloud, Soteca, 2005, 263 p.

[6] Marie Anaut, «Le concept de résilience et ses applications cliniques», Recherche en soins infirmiers, 2005/3, n° 82), p. 4-11.

URL: https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2005-3-page-4.htm

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Titre : La résilience de la société française en 1914-1918: quelles leçons pour l’avenir ? 1/2
Auteur(s) : le Capitaine (R) Xavier BONIFACE
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