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⚡️ L’influence militaire pour créer la surprise dans un champ de bataille transparent ?

BRENNUS 4.0
Histoire & stratégie
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Proche, faites croire que vous êtes loin, et loin, que vous êtes proche ; qu’il vous croit faible là où vous êtes fort et fort là où vous êtes faible ». Sun Tsu nous rappelle que la surprise est depuis longtemps un  objectif des  chefs  militaires, cherchant à tromper l’ennemi sur leur force, leur position, ou leur intention. De la même manière on a souvent cherché à  préserver la  sûreté en empêchant l’ennemi d’acquérir du renseignement  sur nos dispositions et intentions.

 

 


Parmi les différents leviers à notre disposition, les opérations de déception ont constitué jusqu’ici un moyen efficace de garantir la surprise et la sûreté. Constituées d’actions de simulation, de dissimulation et  d’intoxication, les  actions de déception ont pour but de tromper l’adversaire surnos intentions, de manière à induire chez lui des comportements qui favorisent le but recherché. Elles peuvent se créer de plusieurs manières.

Le corpus doctrinal de l’a été récemment refondu, formalisé au niveau stratégique par une stratégie militaire d’influence (SMI) et une directive de communication stratégique (STRATCOM). L’influence militaire est une fonction planifiant et conduisant actions spéciales sur l’environnement informationnel (ASEI), actions civilo-militaires (CIMIC), key leader engagement (KLE)  et  opérations psychologiques (PSYOPS).

À l’aune de progrès technologiques majeurs et d’une certaine transparence du champ de bataille, l’influence militaire et notamment les opérations psychologiques peuvent-elles contribuer à  la surprise tactique ainsi qu’à la sûreté, et si oui comment ?

 

1.  Les  limites contextuelles de  l’influence militaire

11. Nécessaire cohérence narrative de l’influence militaire

 

Comme le précisent les doctrines de la France et de l’OTAN relatives à l’influence militaire, cette dernière doit être cohérente :« Le contrôle stratégique a notamment pour but d’assurer la cohérence d’ensemble des actions pour garantir la pleine convergence des effets…»1. Ainsi la marge d’initiative du niveau tactique pour la conception et la conduite d’actions d’influence à but de déception est limitée. En effet, il faut « s’assurer que le message… ne soit pas interprété à tort par un autre auditoire »2.

Ainsi, les effets d’une action d’intoxication  de niveau tactique pourraient être, à long terme, contre productifs pour la stratégie d’influence menée sur un théâtre. En effet, tromper un adversaire par l’intoxication aura un impact sur la confiance en la force pour le reste de la campagne. Tout chef tactique ou opératif devra donc peser le coût et le bénéfice d’une action de déception. Ces dernières devraient être réservées à la préparation des actions majeures de la force.

 

12. Transparence et infobésité gênent la déception

La dissimulation semble vouée à l’échec dans notre environne- ment opérationnel : « Aux niveaux tactique et opératif se joue une véritable lutte entre capacités de détection et de simula- tion. Pour beaucoup d’analystes, les évolutions en matière de détection vont vouer – ou vouent déjà – à l’échec toute tenta- tive de surprendre l’ennemi. […] quelques tendances actuelles principales peuvent être identifiées, accentuant la transparence du champ de bataille : multiplication et précision des capteurs, variété des  signaux collectés, persistance de  l’observation, accélération de la vitesse de transmission des informations»3.

Cependant, les  capacités de  détection impactent surtout la dissimulation, mais moins l’intoxication et la simulation. Ceci étant, masquer ses intentions imposera plusieurs évolutions : tout d’abord une dilution des intentions4, ce que le programme SCORPION autorisera par son combat décentralisé. Ensuite, une mise à niveau technologique des capacités de camouflage, qu’elles soient passives ou actives, pour permettre la dissimulation face à un ennemi symétrique.

En sus, la masse de données générées par le big data entraînera une difficulté pour le processus d’influence militaire : identifier à  temps la  cible d’une manœuvre de déception. La  masse d’informations  pourrait donc être un frein aux opérations de déception menées par l’influence militaire.

 

13. Limites culturelles, éthiques et morales à la ruse

Le droit des conflits armés exclut tout recours à la perfidie dans les opérations. Ce droit n’interdit pas les opérations d’influence militaire à but de déception, mais leur fixe un cadre. Toutefois, en France, les armées ont eu une certaine retenue concernant les opérations psychologiques. Ce fait, amplifié par les événements d’Algérie, prend son origine dans la mise en valeur du beau geste, la figure de Bayard l’emportant toujours sur celle de du Guesclin. Cette réticence, ces limites morales à l’emploi de la ruse et des PsyOps viennent s’ajouter à la relative jeunesse (2018) des publications doctrinales de l’influence militaire. De ce fait, son appropriation par les chefs tactiques et opératifs est récente, donc perfectible. De plus, la nature de nos opérations récentes, dans lesquelles la supériorité opérationnelle des armées françaises est acquise, n’incite pas à recourir à la ruse.

 

2. Le caractère humain et complexe du milieu aéroterrestre rend possible la déception par l’influence

 

21. L’opacité des milieux urbains et la technologique (?) permettront une certaine dissimulation

D’une part, la tactique reste, comme la stratégie, une « dialectique des volontés »5. Ainsi, croire que les avancées en détection ne seront pas compensées par des avancées en dissimulation est illusoire. Les récentes avancées technologiques (revêtements absorbants, flocons métalliques sub-ioniques, fibres conductrices diélectriques) permettront de masquer des forces, non seulement dans le spectre visible, mais de l’optique jusqu’à l’infrarouge6.

 

D’autre part, la tendance au déplacement des conflits dans les zones urbaines va s’amplifiant dans les guerres actuelles. La prise en compte de la complexité de ce « milieu strié »7 et par nature opaque est donc incontournable. Mais cette difficulté amènera aussi des opportunités : l’opacité de la ville facilitera également vraisemblablement les manœuvres d’influence militaire. La présence de population, connectée ou pas, en nombre amènera aussi des possibilités d’amplifier l’intoxication.

 

22. Le chef ennemi ainsi que son environnement restent humains et donc influençables

Nos ennemis potentiels ou avérés, qu’ils soient symétriques, dissymétriques ou asymétriques, resteront de nature humaine, ainsi que leur environnement  (états-majors, populations, etc.). Les états-majors des forces régulières ou irrégulières, s’ils ont tous plus ou moins tendance à la numérisation, garderont toujours la décision humaine dans leur cycle décisionnel. De ce fait, l’influence militaire pourra toujours, à un moment ou un autre, influencer le chef ennemi dans sa décision, en le trompant sur les intentions de son adversaire. Son environnement (bureau renseignement par exemple) sera lui aussi vulnérable aux manœuvres de déception menées par la chaîne influence militaire (ou ciblage-large-spectre). Ce fait sera accentué par la tendance actuelle à l’augmentation du flux de données et au big data, comme nous le verrons ci-dessous.

 

23. L’Infobésité handicape aussi l’ENI

L’infobésité 8,  entendue comme  la  nature  énorme  du  flux d’informations circulant dans les postes de commandement (PC) est une difficulté majeure pour les processus décisionnels. En effet, cette surcharge d’informations a pour conséquence le rajout de niveaux de synthèse et de tris, un ralentissement du cycle décisionnel et surtout une difficulté à exploiter convenablement le renseignement. Cela impliquerait possiblement un recours aux nouvelles techniques d’intelligence artificielle (IA) pour exploiter ce big data. Cet usage entraînera nécessairement, chez tous les protagonistes,  de nouvelles vulnérabilités.  Celles-ci permettront à l’aide de vecteurs comme le cyber, en profitant des médias de masse, de manipuler l’information jusqu’au niveau tactique, sous réserve de disposer de capacités d’action et de coordination cyber à ces niveaux.

Ces opportunités de mener des actions d’influence militaire au niveau tactique devraient être saisies. Certains moyens et modes d’actions comme le cyber, la GE, les leurres tactiques pourraient ainsi trouver, soit un renouveau, soit une utilisation nouvelle au sein de notre armée, pour peu que quelques moyens soient consentis.

 

3. Linfluence militaire créatrice de surprise et de sûreté grâce aux nouvelles technologie

31. En basse intensité, les chefs ennemis peuvent être intoxiqués par des actions de KLE

Pour  peu  que  la  SMI  l’autorise, l’intoxication de  chefs  ou personnages clés ennemis dans le cadre d’une manœuvre de déception tactique, reste possible à l’heure actuelle dans un conflit de basse intensité. Comme expliqué supra, une action de déception de ce genre ne devrait être décidée qu’après en avoir mesuré les conséquences potentielles sur les effets recherchés par l’influence sur le théâtre. Des actions de KLE auprès d’acteurs neutres sont un mode d’action envisageable pour influencer un chef ennemi. En effet, le caractère complexe des conflits contre- insurrectionnels, les liens entre les différents groupes humains sur les théâtres d’opérations, font que la porosité entre groupes alliés et ennemis est souvent importante. Annoncer une opération à un endroit particulier, à une date précise à un allié pourrait conduire à divulguer cette information à l’adversaire. La difficulté de ce mode d’action résiderait principalement dans la mesure de l’efficacité de l’action et dans le ciblage des autorités alliées ou neutres à influencer. Pour être efficaces, ces actions de désinformation/ intoxication par KLE devraient idéalement être complétées par d’autres vecteurs, comme des opérations de Lutte Informatique Offensives (LIO) et même des actions de déception par le CIMIC.

 

32. Le domaine cyber est un champ propice aux manœuvres d’intoxication au niveau tactique

Les  actions dans le  milieu cybernétique présentent des opportunités intéressantes pour mener des opérations de déception, en particulier de simulation et d’intoxication. En effet, par le vecteur cyber, l’adversaire ne se doute pas de l’origine de la manœuvre, car il y a «l’inattribution des attaques »9. Ainsi, les actions de LIO pourraient techniquement diffuser en grand nombre de fausses informations pour tromper l’ennemi, via des réseaux sociaux par exemple. L’IA en elle-même, utilisée par l’ennemi pour gérer son flux d’informations, présente une grande vulnérabilité au Cyber : leurrer les données d’entrée, comme le processus d’apprentissage, reste techniquement faisable.

Reste que, pour la mise en œuvre, il faudrait disposer de suffisamment de capacités cybernétiques ainsi que d’un échelon pouvant les coordonner jusqu’au niveau tactique.

 

33. Les nouvelles technologies de leurres, physiques ou à base de guerre électronique, permettraient de mener des manœuvres de simulation/diversion

La relative supériorité opérationnelle  occidentale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a entraîné un certain oubli pour les techniques de simulation diverses, qu’elles soient diversion, démonstration, ou feinte. Ces dernières étaient utilisées massive- ment par les Russes et les alliés avec l’opération « Fortitude » et les différentes applications de maskirovka, durant le Second conflit mondial.

Les perspectives dans le domaine de la robotisation et des engins pilotés à distance permettent d’envisager à nouveau ce genre d’action, avec un risque moindre de pertes humaines et sans handicaper l’action principale. En effet le concept d’essaims de drones ou de robots, pilotés à distance, permettrait de mener des diversions ou démonstrations. Coupler ces nouvelles techniques avec la génération de faux « nuages » électroniques, simulant des unités de mêlée, pourrait se révéler efficace pour simuler un effort dans une zone. À ceci près que ces unités devraient disposer de capacités minimales d’agression, pour pouvoir entretenir la diversion chez l’ennemi. En France les Détachements de Liaison Environnement  Opérationnel  (DLEO), chargés de conduire des actions d’influence militaire, sont équipés de  dispositifs tels que haut-parleurs. Ils pourraient potentiellement recevoir des dispositifs de leurres, sur principe traditionnel ou valorisés, et permettraient pour un coût relativement acceptable de disposer de bonnes capacités de déception au niveau tactique. Les Britanniques quant à eux, prévoient dans leur concept de future combat team de doter leurs futurs sous-groupements d’équipes et de moyens dédiés à la déception.

Les capacités de l’influence militaire à créer la surprise sont bien réelles : la transparence du champ de bataille ne sera jamais totale et celui-ci gardera toujours un côté humain. Moyennant une nécessaire coordination « verticale » permettant de garantir la cohérence des actions avec la Stratégie Militaire d’Influence, ainsi qu’une coordination « horizontale » permettant de coupler au sein de la manœuvre les différents effets, cinétiques ou non ; l’influence militaire permettra de tromper l’ennemi sur les intentions amies. Plus que jamais la déception sera nécessaire, tant les possibilités d’aboutir à un nouveau « blocage tactique » sont réelles.

Malgré une transparence accrue limitant la dissimulation des forces amies, ainsi qu’une symétrie potentielle imposant de neutraliser au préalable les moyens ISTAR de l’ennemi, linfluence militaire permettra, en profitant de la complexité du milieu et des nouvelles technologies, d’obtenir la surprise par la simulation et l’intoxication de l’ennemi.

 

Perdue de vue pendant un temps dans l’armée de terre, la déception doit, à travers l’Influence Militaire, faire un retour en force et faire l’objet de formation, de doctrine et de dotations nouvelles. Ces capacités permettraient de faire face aux futurs combats de haute intensité. Cette déception, si elle nécessite des cellules et moyens dédiés, n’en doit pas moins irriguer toutes les forces : la manœuvre est unique et les actions de dissimulation, simulation, intoxication doivent y être intégrées. La question se posant de l’évolution ou non des principes de la guerre, on peut s’interroger sur l’opportunité de reformuler, puis introduire dans nos principes de la guerre, les notions de ception et surprise.

 

 

1   DIA-3.10, Communication stratégique des armées, page 19.

2   Ibid.

3   Rémy Hémez, Opérations de déception. Repenser la ruse au XXI e siècle, IFRI, page 44.

4   Guy Hubin, Perspectives tactiques, ECONOMICA, 2009.

5   André Beaufre, Introduction à la stratégie, FAYARD, 1963.

6   Rémy Hémez, Opérations de déception. Repenser la ruse au XXI e siècle, IFRI, page 44.

7   Olivier Kempf, Introduction à la cyberstratégie, ECONOMICA, 2012.

8   Fabrice Clée / Lettres de la doctrine N° 12/ Réflexions sur les principes fondamentaux de la prise de décision opérationnelle dans l’armée de terre. CDEC, août-septembre 2018.

9   Olivier Kempf, Op. cit.

 


 

FÉRENCES

 

1. Gagner une guerre aujourd’hui ? sous la direction du colonel Stéphane CHALMIN « le rôle de la technique dans la victoire », extrait : « Entre les délais de réalisation d’un programme d’armement et la prospective militaire et politique permettant de savoir dans quelles conditions ces systèmes d’armes sont employés, l’écart est de plus en plus manifeste ».

2. Massu Suzanne, Quand j’étais Rochambelle, 1969.

3. Bernard Schnetzler, La guerre de demain – évolutions stratégiques et tactiques.

4. Tableaux d’effectifs de guerre, organisation de la 2e DB.

5. Les évolutions des structures de combat, CDEC, Lettre de la doctrine n° 6.

6. Les développements techniques nous entraînent-ils vers un nouveau blocage tactique ? CBA Rémy Hémez, Stratégique n° 112, p. 113-124.

7. Tactique théorique, Michel Yakovleff.

8. Plan Stratégique de Recherches et Technologies, DGA, 2016.

9. Analyse coût-avantage appliquée à la question des robots militaires, La guerre robotisée, Ghislain Dutheil de La Rochère.

10. Doctrine exploratoire SCORPION.

11. CRCO « Les opérations en essaim : un concept ancien à revisiter à l’aune du combat SCORPION ? » CBA Peter, CDT Brulais, CES Terrier.

 

 



 

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Titre : ⚡️ L’influence militaire pour créer la surprise dans un champ de bataille transparent ?
Auteur(s) : le chef de bataillon Vincent Mariel
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