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Le service universel et Le rôle social de l’officier. Faut-il encore lire Lyautey ?

Revue militaire générale n°54
Histoire & stratégie
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Après avoir rappelé le contexte historique et social de sa parution, M. Matthieu Meissonnier montre pourquoi, vingt ans après la suspension de la conscription, et alors que l’on réfléchit activement à l’instauration d’un service national universel, il faut encore lire « Du rôle social de l’officier dans le service militaire universel ».

 


« En vérité, le Maréchal  Lyautey n’a pas fini de servir la France ». Ainsi s’exprimait Charles de Gaulle lors du transfert de ses cendres aux Invalides, le 10 mai 1962. Gageons qu’Emmanuel Macron aurait pu prononcer les mêmes mots, tant le projet de service national universel paraît s’inscrire dans sa filiation. À l’hôtel de Brienne, le 13 juillet dernier, ne soulignait-il pas « l’expertise singulière des armées à l’égard de la jeunesse » ?

C’est le 15 mars 1891 que paraissait « Du rôle social de l’officier dans le service militaire universel » dans La Revue des deux Mondes sous la plume de celui qui n’était alors que capitaine, commandant le 1er escadron du 4e régiment de chasseurs à Saint-Germain-en-Laye.  Cet article publié sans signature acquiert rapidement un grand retentissement et attire sur son auteur de vives critiques comme de brillants éloges, du président de la République à l’empereur d’Allemagne. Réédité à plusieurs reprises, il est devenu un classique, un slogan.

Mais presque 130 ans après sa parution, mérite-t-il encore d’être le livre de chevet de l’officier ? Présente-il un intérêt autre qu’historique, 20 ans après la fin de la conscription ? Les réflexions autour d’un service national universel suffisent-elles à exhumer un texte plus connu par son titre que par son contenu ?

Pour répondre à ces questions, il faut chercher à comprendre comment il est devenu le «livre du jour », pourquoi il s’est imposé comme une référence dans la durée et, enfin, s’interroger sur son actualité dans une société et une armée profondément transformées.

Du Rôle social de l’officier va recevoir un large écho car il « cristallise l’époque » en conjuguant l’expérience d’un jeune officier avec le contexte politique et militaire du moment.

Cet article est d’abord le fruit de l’évolution de Lyautey du conservatisme monarchiste vers le libéralisme, via le catholicisme social, et de son expérience militaire contrastée.

 

Dès 1874, sous l’impulsion d’Albert de Mun, il participe activement à l’œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, qui mobilisent des jeunes de l’élite pour la formation des jeunes défavorisés. En 1883, ses rencontres avec le comte de Chambord et surtout le pape Léon XIII amplifient sa double évolution vers le ralliement à la République et l’action sociale.

En ces années de jeunesse, la vocation militaire de Lyautey paraît incertaine. Réussissant le concours de Saint-Cyr alors qu’il prépare Polytechnique, il intègre, en octobre 1873, mais le regrettera longtemps. Indépendant et original, il souffre des contraintes de la vie militaire. Il est très critique sur sa formation et ses camarades. Il ne supporte pas la routine et la petitesse de la vie de caserne. À la suite de la dissolution du corps d’état- major en 1880, il est affecté au 2e Hussards. C’est pour lui l’occasion d’une OPEX avant  la lettre. Les confins algériens sont le baptême du feu du jeune officier et marquent durablement son style fait d’action et de proximité avec la troupe. Les quatre années suivantes, de 1883 à 1887, sont le troisième point saillant de cette première partie de carrière. Aide de camp du général L’Hotte, inspecteur de la cavalerie, il acquiert une vision d’ensemble des problèmes de l’armée. Il acquiert la conviction que pour réformer l’armée et faire triompher ses idées, il faut utiliser l’opinion.

Ce cheminement personnel prend place dans un contexte politique, religieux et militaire bien particulier. Rappelons-le brièvement.

Les années 1880 sont celles de l’affermissement du régime républicain après la crise de 1877 qui a vu triompher le Parlement contre Mac-Mahon. En 1883, le comte de Chambord meurt. En 1886, la loi d’exil est votée, les princes sont rayés des cadres de l’armée. Ce sont également les lois sur la liberté de la presse (1881), la liberté syndicale (1884), l’école (1881, 1882 et 1886) qui ouvrent le combat laïc.

Léon XIII accompagne  ce mouvement. En 1890, par le « toast d’Alger », le cardinal Lavigerie amorce le ralliement, acté par l’encyclique Au milieu des sollicitudes, deux ans plus tard. Entre temps, en mai 1891, il avait publié Rerum novarum, la première encyclique sociale de l’Église donnant toute sa légitimité au catholicisme social.

Sur le plan militaire, d’importantes réformes sont mises en œuvre à visées politiques autant qu’opérationnelles.  On peut citer, d’un côté, la suppression du corps d’état-major et, de l’autre, la création de l’École de guerre, les mesures sociales au profit des soldats (1886), l’adoption du fusil Lebel et, surtout, en 1889, l’adoption de la loi sur le service militaire universel qui supprime les exemptions tout en réduisant la durée de cinq à trois ans.

Ces années sont aussi celles d’une tension entre une vision, largement partagée, de l’armée comme « Arche sainte » du patriotisme et de la revanche, et la montée d’un antimilitarisme forgé dans l’expérience parfois désastreuse du service militaire dont les ouvrages de Courteline ou d’Abel Hermant, futur académicien, sont représentatifs. Parallèlement, existe dans l’armée, comme à l’étranger, un courant réformiste visant à tirer les conséquences de la question sociale et de la conscription dont s’inspirera Lyautey (Lewal, Chasseloup-Laubat, Dragominov).

Ainsi, quand Lyautey est nommé fin 1887 à Saint-Germain, il participe à un large mouvement d’opinion. Mais les choses ne sont pas encore mûres. La loi sur le service universel n’est pas encore votée et il manque à Lyautey deux éléments : son expérience réussie à la tête d’un escadron et la formalisation de ses idées au contact de l’intelligentsia parisienne.

Son affectation au 4e  Chasseurs n’est pas un hasard. Son chef de corps, le colonel Donop, est chargé d’y étudier les conditions nouvelles de l’instruction. Officier en vue, il participe à la Revue de la Cavalerie et développe des idées novatrices. Lyautey trouve en lui un appui afin de mettre en place « l’escadron social » dont il rendra compte dans son article. Fort de son expérience en Algérie et de ses années d’inspection, Lyautey s’attelle avec passion à sa tâche. Contrairement à beaucoup d’officiers de sa génération, il est présent dans son escadron, forme lui-même ses cadres et s’attache à connaître ses cavaliers. Il rejette l’instruction théorique en usage pour adopter une instruction pratique, expliquée dans un langage clair et faisant voir le but, voire utilisant le jeu. Il s’agit également de gagner les cœurs, de vivre au plus près de la troupe. Il se soucie des conditions de vie : il crée une salle à manger pour que les repas ne soient plus pris dans les chambrées. Il cherche à les arracher à l’oisiveté, au dancing et au bistrot en créant un foyer, une bibliothèque, une salle de lecture et d’écriture, en fournissant des jeux et des boissons non alcoolisées. Conscient des dérives des gradés et des défauts de la vie militaire de l’époque, plutôt que, comme d’autres, faire brûler en public le livre d’Hermant (Le cavalier Miserey -1887), il le lit, en achète un stock et le donne à tous les jeunes officiers arrivant à l’escadron ! S’il a le soutien de son colonel, « l’escadron social » est pour partie financé par des dons privés qu’il récolte dans la haute société parisienne.

C’est la deuxième facette de ces années 1887-1890, où l’intense vie sociale de Lyautey devient plus intellectuelle que mondaine, plus libérale et sociale que conservatrice. Les personnes qu’il rencontre lui permettent d’affiner ses idées et seront la cheville ouvrière de la publication et du succès du Rôle social de l’officier. Parmi celles-ci, la plus déterminante est le vicomte Eugène-Melchior de Voguë, écrivain influent, actif à la Revue des Deux Mondes, alors massivement lue par les officiers. Il devient son mentor et l’introduit dans les milieux républicains, par exemple auprès d’Ernest Lavisse qui a orienté des associations étudiantes vers le service social, le patriotisme et les devoirs civiques.

Ainsi, lorsqu’est votée la loi sur le service militaire universel, c’est naturellement que Voguë lui demande de rédiger une étude sur les enjeux de la réforme. À l’origine, il s’agit de préparer un article que Voguë doit signer. Mais une fois le texte en main, considérant le travail abouti et après avoir conseillé à Lyautey quelques modifications modérant le propos, il le propose pour la publication. C’est la chance attendue de longue date par Lyautey.

 

Quel est donc le contenu de cet essai paru en mars 1891 ? Quel accueil reçoit-il ?

Les conséquences de la révolution industrielle sur la société, tout particulièrement la lutte des classes, sont le point de départ du raisonnement. Suivant sa fibre catholique sociale, Lyautey veut trouver les voies et moyens d’une réconciliation :  « Marcher,  non plus la revendication ou la répression au poing, mais la main dans la main, dans la large et noble voie du progrès social ».

Pour accomplir cette action auprès de la jeunesse et progressivement dans tout le corps social, Lyautey cherche l’outil adapté et le trouve :

« c’est le corps des vingt mille officiers français ». En effet, la loi du service universel fait en sorte qu’une classe d’âge entière va passer pendant trois ans entre ses mains. « Tous […] reçoivent, pendant une période de leur vie, l’empreinte d’un lieutenant, d’un capitaine, d’un colonel ». En dehors de ce point de passage obligé, les officiers ont-ils d’autres raisons de prétendre être le cadre formateur de la nation ? Lyautey  répond par l’affirmative. Il estime que le corps des officiers a évolué. Il est mieux formé. L’officier a deux avantages supplémentaires  : « En contact avec [ses subordonnés], il partage entièrement leurs travaux, leurs fatigues, et n’en tire néanmoins aucun profit. Son gain ne dépend pas, comme celui des industriels, de la peine de ses hommes. […] Tout concourt à dégager son indépendance personnelle et le désintéressement de son action ».

Ce groupe,  pourtant, déplore Lyautey, n’a pas pris conscience de son rôle. Pire encore il laisse faire de vieilles pratiques. Lyautey reprend à son compte l’influence néfaste que peut avoir le passage dans l’armée sur certains jeunes : « De leur passage dans l’armée, un bien grand nombre de jeunes gens rapportent dans leurs familles un sens moral diminué, le dédain de la vie simple et laborieuse et, dans l’ordre physique, des habitudes d’intempérance et un sang vicié qu’ils transmettent » ! Les officiers ne commandent pas non plus comme il  convient. Ils connaissent trop peu leurs hommes. Il ne s’agit pas seulement d’humanisme, il y a un motif militaire : « Une troupe bien en main, moins instruite, vaut mieux qu’une troupe plus instruite, moins en main ». Alors que la durée du service est plus courte, il faut forcer les choses pour créer l’esprit de corps. Ce sera d’autant plus nécessaire que les engagements se font plus rares et que, lors du prochain conflit, beaucoup verront le feu pour la première fois.

Pour Lyautey, il faut aimer ses hommes et conquérir leur affection avant de chercher à les instruire. Il s’insurge contre une fausse anglomanie qui conduit à s’envelopper d’une morgue impassible. Selon lui, les écoles militaires fabriquent des officiers considérant leurs hommes comme des automates et ne s’intéressant qu’au matériel et à la technique, tout particulièrement dans la cavalerie : « On a soigneusement étudié l’outil : le canon, le fusil, le cheval ; et le moins possible l’ouvrier, par qui seul pourtant vaudra l’outil. Cela est si vrai que dans la cavalerie, par exemple, il est extrêmement bien porté de connaître beaucoup mieux ses chevaux que ses hommes […] “Quant à mes hommes, je ne puis retenir leurs noms, c’est un genre de mémoire qui me manque […]. Du reste, ce sont des brutes” ».

Lyautey se fait donc l’apôtre d’un commandement au plus près et d’un « management par l’exemple ». Il faut saisir chaque occasion, les marches, les repos, le pansage, les repas, pour cultiver le lien de confiance. Il faut aussi fournir aux soldats un environnement adapté à ces nouveaux objectifs en améliorant leur ordinaire. Vis-à-vis des sous-officiers, il prône la pédagogie, l’initiative et la responsabilité. Il convient de ne laisser faire aucun abus, mais de les « associer de manière absolue », conscients de leur rôle central dans les résultats.

Dans un contexte où le temps de paix est devenu l’état normal de la vie militaire, la mission sociale doit être l’axe principal de l’officier en direction des conscrits. Pour un officier, l’idéal ne serait plus dans une vie de guerres et d’aventures, mais dans « la conception féconde du rôle moderne de l’officier devenu l’éducateur de la nation entière ».

Toutefois, ce rôle spécifique, Lyautey ne le conçoit pas sans une préparation. Il envisage aussi la place que devrait prendre l’école. Il estime que « … tout collège est aujourd’hui, dans quelque mesure, une école de cadets ».

« Tout professeur de collège […] n’aura  pas fait besogne inutile, s’il a profité des toutes les occasions pour inculquer à ces jeunes âmes l’esprit militaire […]. Et il nous semble que ce sera une révolution ». Pour lui, en définitive, « le service militaire doit devenir le complément salutaire de toute éducation ».

 

Ainsi, Lyautey apporte plusieurs nouveautés importantes :

- la prise de conscience du caractère éminemment politique du service militaire universel au-delà des nécessités militaires ;

- le rôle central, dans la nation, de l’armée professionnelle à partir du moment où elle reçoit la mission d’instruire une classe d’âge entière ;

- l’intuition d’un « parcours citoyen » et du lien dans la formation de la jeunesse entre l’école et l’armée ;

- la  nécessité d’un changement radical des méthodes de commandement et la prise en compte de la condition militaire.

 

Très vite, l’article provoque une controverse dans l’armée, où beaucoup se sentent attaqués et, en dehors, au Parlement et dans les milieux intellectuels. À l’étranger, il suscite curiosité et réaction. Il est traduit en Autriche-Hongrie, en Allemagne et en Russie.

Des lecteurs issus de son milieu n’ont voulu voir dans cet article qu’un ralliement au régime et une profession de foi socialiste. En effet, la loi sur le service militaire universel du 15 juillet 1889, quoique visant à faire jeu égal avec l’Allemagne en effectifs, avait pu paraître une brimade vis-à-vis d’officiers persuadés qu’en trois ans, il n’était pas possible de mener à bien l’instruction.

A contrario, plusieurs journaux en font des comptes rendus positifs. Dès la publication, l’identité de l’auteur est connue. Le président de la République, averti par son fils officier, en parle en Conseil des ministres, ce qui vaut à Lyautey d’être convoqué par Freycinet, ministre de la Guerre. Mais il en sort sans sanction. Dans l’armée, si c’est surtout dans la cavalerie que l’on s’est senti visé, l’armée coloniale, avec Gallieni, accueille favorablement ses thèses. Dans de nombreux régiments, l’article est mis en pratique. Il a en tout cas un réel écho populaire puisque quelque 133 000 livres vont lui parvenir pour garnir les rayonnages des bibliothèques des compagnies, escadrons et batteries ! L’auteur est désormais l’homme à la mode, on lui demande des conférences.

Si Lyautey s’est créé des inimitiés, l’article ne nuit pas à son avancement, au contraire.  Il est promu chef d’escadrons,  en 1893,  en tête de sa promotion. Il a percé dans les milieux progressistes et républicains. Ses idées l’ont emporté.

Dès 1901, un cours sur la mission sociale de l’officier est créé à Saint-Cyr. En 1902, 1903 et 1904, paraissent plusieurs directives sous l’impulsion du général André, alors ministre de la Guerre, pour l’installation de foyers, salles de lecture, et l’organisation de conférences éducatives. Les conflits mondiaux confirmeront les intuitions de Lyautey, ancrant durablement les principes qu’il avait dégagés.

 

Vingt ans après la suspension de la conscription, alors que l’on réfléchit activement à l’instauration d’un service national universel, faut-il encore lire le Rôle social de l’Officier ?

Évidemment, l’œuvre n’est pas sans rides. Depuis 1891, l’armée et la société ont changé.  Ce ne sont plus des conscrits contraints mais conscients de la menace pesant sur le pays (Allemagne, Pacte de Varsovie), mais des volontaires que l’armée recrute sur le marché du travail pour mener des opérations extérieures souvent lointaines et des opérations intérieures qui peuvent apparaître comme des charges indues. Les cadres doivent jongler avec plusieurs impératifs : fidéliser, gérer les projections multiples, préserver l’entraînement, sans oublier les questions de disponibilité des matériels… Les unités ont désormais une réelle expérience du feu. Dès lors, le rôle social, comme vocation d’une armée de temps de paix, peut apparaître bien éloigné des urgences du moment et comme un certain paternalisme décalé par rapport aux jeunes générations.

Cependant, dépoussiérée,  l’œuvre de Lyautey reste une référence. Le style de commandement fondé sur la confiance et la force d’entraînement n’a pas vieilli. Il est même intrinsèque au style de commandement dans l’armée de Terre. Le souci des hommes et de leurs conditions de vie reste lui aussi d’actualité dans une société où le confort est plus répandu et où la condition militaire est devenue essentielle au recrutement et à la fidélisation, même si certains aspects peuvent susciter des questions au regard de la sécurité et de l’efficacité des opérations, la régulation des mobiles n’en étant qu’un exemple.

La dimension politique du Rôle  social de l’officier reste tout autant prégnante. En comprenant que la loi de 1889 faisait des régiments un des creusets de la République, un lieu d’instruction militaire autant que républicaine, l’armée mettant ses savoir-être et ses savoir-faire au service de l’ambition éducative et de la volonté d’amalgame du pouvoir politique, Lyautey donnait à l’institution militaire un rôle central dans une période historique où naissaient des institutions et des traditions propres à l’identité française. Ainsi, le Rôle social de l’officier devait progressivement incarner l’essence même du service militaire et participer à sa mythologie.

L’idée d’un rôle éducateur des armées est, pour cette raison, encore très présente aujourd’hui, motivant les multiples demandes politiques et sociales. Au-delà de dispositifs ad hoc (SMA, SMV, EPIDE…), les armées se voient reconnaître un rôle particulier, conjointement à l’éducation nationale, dans la formation de la jeunesse qui a été formalisé dans les protocoles entre les deux ministères depuis le début des années 1980. Il est d’ailleurs significatif que cette démarche ait été amorcée par une gauche héritière de la IIIe République.

 

Mais, là où Lyautey a peut-être été mal compris, c’est au niveau de l’équilibre et de la relation entre rôle social et objectif militaire. Pour lui, l’action sociale dans l’armée n’a pas vocation à remplacer l’école, mais à conforter la défense du pays. Le rôle des militaires ne résulte pas de l’objectif social, mais c’est de l’objectif militaire que résulte le rôle social.

Avec le Rôle social de l’officier le maréchal Lyautey a signé un document fondateur qu’il faut lire pour comprendre l’origine du foyer du régiment comme celle du projet de service universel !

Depuis lors, l’armée française tient une place singulière. La nation lui demande un engagement social et éducatif, qui prend ses racines dans le processus par lequel elle est devenue partie prenante de la République à la fin du XIXe  siècle. C’est parce que l’article de Lyautey en est l’un des principaux jalons qu’il a pris place au sein des acquis républicains aux côtés de l’école publique gratuite ou de la laïcité.

La proximité de l’officier avec ses hommes, la volonté d’emporter leur adhésion et l’attention à leurs conditions de vie sont restées parmi les caractéristiques du commandement à la française. C’est le deuxième grand héritage de Lyautey.

Enfin, en publiant, hors hiérarchie Le rôle social de l’officier, le maréchal Lyautey a pris un risque bien réel, mais mûrement réfléchi, pour faire connaître les résultats de son action originale et prometteuse. Penser et oser par-delà les conservatismes et les frilosités, n’est-ce pas aussi l’une des bonnes raisons de le lire ou de le relire Lyautey aujourd’hui  ?

 

Diplômé  de  l’Institut  d’études politiques de Paris et titulaire d’un master de recherche en relations internationales, Matthieu Meissonnier est administrateur du Sénat. Il est également membre du groupe réflexion Terre (GRT),  auditeur de la 63e session de l’IHEDN et officier de réserve (Orsem).


 

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Titre : Le service universel et Le rôle social de l’officier. Faut-il encore lire Lyautey ?
Auteur(s) : Monsieur Matthieu Meissonnier
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