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S’inspirer du management pour exercer pleinement le commandement

Cahiers de la pensée mili-Terre
Commandement
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Commandement et management  ne sont pas des synonymes. La maîtrise des sciences managériales permet à l’officier de dominer la complexité croissante de son environnement. Mais les apports de compétences sont réciproques. Ils permettent une reconnaissance de l’expertise de l’officier et de sa capacité à commander  pleinement.


La mise en œuvre du modèle «Au contact» ainsi que la réédition du livre bleu sur l’exercice du commandement dans l’armée de Terre invitent à «repositionner les repères de ce qui constitue le fondement du métier de chef militaire, l’exercice du commandement». Ce dernier document rappelle que l’exercice du commandement doit remplir deux objectifs. En premier lieu, garantir la spécificité du commandement et conserver sa primauté dans l’exercice du métier d’officier, tout en faisant face à l’impératif croissant de maîtrise des techniques managériales auquel il est confronté. En second lieu, préserver des fondamentaux identitaires inhérents au métier des armes, tout en répondant aux exigences individuelles fortes de la seconde génération de soldats professionnels.

Au risque de «banalisation de l’état militaire» fait également face la nécessité pour le management de s’enrichir en permanence de nouveaux courants de pensée pour ne pas se scléroser.  À  la  suite  d’une  littérature  déjà  riche  sur  les  notions  de commandement et de management, il convient de déterminer sous quelles conditions les sciences managériales permettent, aujourd’hui, de conforter l’officier dans la plénitude de l’exercice d’un commandement à sa place, rien qu’à sa place, mais prenant toute sa place.

Une définition claire des apports potentiels des sciences managériales et des interactions possibles en matière de savoir-faire contribuent directement à garantir aux armées un exercice du commandement spécifique, plein et reconnu.

Affirmant d’emblée une différence fondamentale en matière de finalité, mais reconnaissant des qualités transposables, la maîtrise des sciences managériales contribue à renforcer le commandement et permet des interactions qui offrent de nouvelles opportunités.

 

Une finalité différente, mais des qualités transposables

 

Il convient tout d’abord, pour éviter toute confusion, d’aborder plus précisément les termes commandement et management.

 

Le Général Blachon, commandant des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, identifie que, pour commander, il s’agit de «savoir où l’on veut aller et fixer le cap (…), d’organiser l’action quotidiennement (…), de mobiliser les énergies». Le management, de son côté, est défini comme «la capacité à tirer le meilleur d’une organisation par l’utilisation optimale des ressources humaines et matérielles disponibles». Une étude de 1989 fixe, entre autres, comme objectif pour les officiers de la 103ème promotion de l’École supérieure de guerre de «dégager les capacités à développer chez le chef militaire pour accroître son efficacité comme manageur en temps de paix».

 

Ces définitions semblent conférer des aspects similaires aux deux termes. C’est pourquoi il est indispensable d’insister sur leur principale différence: leurs finalités respectives. Pour cerner cette différence, il convient d’identifier le critère de la force comme central. Le chef est celui qui commande, prépare, puis conduit sur le champ de bataille. En outre, jamais un chef d’état-major des armées ne se verra proposer leur rachat. Cette distinction relative aux différentes finalités entre le commandement et le management est fondamentale. Elle n’empêche pour autant pas les interactions et un enrichissement mutuel.

 

Un retour sur le livre bleu indique que pour remplir son objectif, la réussite de la mission, «le commandement s’exerce en permanence dans trois dimensions distinctes mais complémentaires»:

 

Il conforte également l’utilité des sciences managériales dans l’exercice du commandement, tant «pour garantir entre autres l’économie des moyens, condition nécessaire à la victoire», que «dans le cadre du travail d’état-major et la gestion de domaines relevant de l’organique».

 

Cet apport possible du management au commandement, dans le respect de la spécificité de ce dernier, est résumé par la formule d’Olivier Kempf: «L’utilisation de techniques civiles, jointe aux qualités militaires, permet d’obtenir des résultats réels. Surtout, elle modifie la pratique du commandement, mais pas forcément son essence».

 

Cette clarification conceptuelle permet de se pencher sur les apports possibles des sciences managériales au commandement aujourd’hui.

 

Maîtriser la complexité pour occuper pleinement sa place

 

Les apports possibles des sciences managériales permettent à l’officier de maîtriser la complexité actuelle croissante des organisations et de répondre aux exigences nouvelles du soldat professionnel, confortant la place des armées au sein des institutions et de la société.

 

Ces apports peuvent être étudiés au travers de trois domaines que management et commandement cherchent à optimiser: les ressources financières, matérielles, et humaines. Les apports au sein de ces trois champs ne peuvent être examinés ici de manière exhaustive. Cependant, quelques exemples de portées et de niveaux très différents illustrent les intérêts potentiels pour le commandement dans l’une ou plusieurs de ses trois dimensions de meneur d’homme, de responsable et de gestionnaire.

 

Dans le domaine des ressources financières, les différents mécanismes budgétaires (élaboration des lois de programmation militaire, mécanisme du surcoût des opérations, etc.) illustrent directement la nécessité d’une maîtrise technique des différents outils. L’officier, dans sa dimension de responsable et de gestionnaire, voit alors les apports des sciences managériales dans le cadre de la connaissance des mécanismes de la gestion publique. Il n’est alors pas réduit à un rôle d’exécution mais contribue bel et bien à la conception. La maîtrise des différentes techniques d’optimisation des ressources lui permet également par la suite d’optimiser ces dernières dans un contexte budgétaire tendu.

 

Dans un domaine de portée radicalement différente, le meneur d’hommes engagé dans le cadre de la mission Harpie, de lutte contre l’orpaillage, a tout intérêt à comprendre d’un point de vue micro-économique la logique financière qui s’applique au trafic de matières premières. Une baisse de la quantité d’or «offerte» conduit à une hausse des prix et, par là même, encourage de nouveaux entrants à se lancer dans l’exploitation, en particulier illégale. En effet, cette dernière, s’affranchissant de nombreuses contraintes étatiques, bénéficie d’un coût d’exploitation inférieur. En revanche, s’attaquer à ces mêmes coûts d’exploitation des clandestins (logistique, etc.) permet d’inciter l’arrivée de nouveaux entrants légaux et le développement de concessions légales existantes. Ces dernières, redevenues bénéficiaires pourraient alors constituer une forme de «dissuasion économique», rempart au développement de l’orpaillage clandestin. Bien évidemment, cette approche schématique ne saurait résoudre le problème à elle seule, mais elle offre des clés de compréhension directement applicables.

 

Ensuite, dans le domaine des ressources matérielles, les apports des sciences managériales permettent de renforcer certains des facteurs de supériorité opérationnelle (FSO) identifiés dans le document Action terrestre future.

Pour le FSO masse (capacité à générer et à entretenir les volumes de force suffisants pour produire des effets de décision stratégique dans la durée), les apports des sciences managériales sont directement transposables pour le gestionnaire pour la préparation à l’engagement, que ce soit dans la formulation du besoin, la gestion de projets ou des stocks.

Pour le FSO compréhension (l’aptitude à percevoir, interpréter et apprécier un environnement opérationnel complexe et évolutif en vue de fournir le contexte, la perspicacité et la clairvoyance requis pour la prise de décision), la maîtrise des réseaux et celle du Big Data nécessitent des apports des sciences managériales.

Enfin, dans le domaine des ressources humaines, les sciences managériales permettent une meilleure connaissance de «l’ensemble des acteurs prenant part au règlement d’une crise», objectif du FSO compréhension.

Elles trouvent également une utilité indéniable dans le cadre du FSO influence (capacité à agir sur les perceptions), notamment dans la discrimination des différents groupes humains.

 

Les sciences managériales procurent également des clefs de compréhension et d’analyse de la génération actuelle de soldat. Elles renforcent la clarté du message du meneur d’hommes au cœur de l’information, «un des fondements majeurs de l’exercice du commandement».

 

Un dernier exemple de l’apport possible des sciences managériales se trouve dans la fidélisation du personnel sur des postes aux qualifications particulières et directement soumis à la «concurrence» du secteur privé. L’étude des différents mécanismes mis en place par l’armée américaine depuis 2007 révèle l’importance de l’approche socio- économique dans la mise en place de primes spécifiques sur un ensemble de postes clairement identifiés.

 

Ces différents apports dans les domaines des ressources financières, matérielles, et humaines renforcent le commandement dans ses trois dimensions de meneur d’hommes, de responsable, et de gestionnaire, confortant la place des armées au sein des institutions et de la société. Ces apports sont réciproques et offrent certaines opportunités.

Et agrandir l’éventail des opportunités

 

Les apports possibles des sciences managériales permettent une interaction duale entre deux univers distincts (civil et militaire). L’officier peut exporter un savoir-faire et une expertise transposables aux qualités de leadership recherchées par le manager. Cet enrichissement réciproque peut être observé, entre autres, dans le domaine de la planification et dans la mobilisation des énergies où l’expertise militaire est reconnue.

 

S’agissant de la planification, Peter Drucker louait déjà, en 1964, son importance capitale pour le manager: «Il n’y a que trois façons d’atteindre le succès: la chance, avoir un génie aux manettes, et la planification. La chance et disposer d’un génie sont des attributs qui ne sont malheureusement pas instantanément disponible pour le manager». Pour la survie des entreprises, Michel Godet recommande de «marier veille prospective et volonté stratégique». Il est également intéressant de constater que certains manuels faisant référence dans le domaine du management reprennent textuellement les différents modes d’action offensifs ou défensifs (attaque frontale, la défense mobile, etc.), par exemple pour formuler une stratégie marketing. Enfin, les méthodes d’analyse du risque par le commandement sont également aujourd’hui reconnues dans un univers aussi différent que celui des traders qui reconnaissent que «seuls les militaires affrontent le hasard avec une véritable honnêteté intellectuelle et en faisant preuve d’introspection». Face à ces besoins toujours actuels des entreprises, l’officier est parfaitement à même de faire valoir ses qualités, notamment dans sa capacité à conduire un travail de planification, à élaborer des modes d’action, à concevoir un plan de manœuvre, à réduire l’incertitude ou à «garder le cap».

 

Concernant la mobilisation des énergies, Michel Godet affirme que «pour que la réflexion se cristallise en action efficace, il lui faut s’incarner au sein de l’entreprise, c’est à dire d’un groupe humain tout entier mobilisé autour d’un projet collectif». Cette formulation résonne de manière familière pour le commandement. Pour ce dernier, c’est «la compétence collective qui compte», et, là encore, il peut faire montre de ses savoir-faire. Expertise dans l’exercice du commandement de chef à subordonné pour donner du sens à l’action, donner des ordres, déléguer, contrôler, etc. Celle-ci est aujourd’hui reconnue au travers de la multiplication des différents séminaires de leadership pilotés par des militaires et prisés tant par les grandes entreprises que par les grandes écoles. Mais expertise également dans la capacité à s’intégrer rapidement dans différents cadres (interarmées, interalliés) comme l’y invite le FSO coopération.

Expertise enfin dans la capacité à agréger des renforts (forces locales, opérateurs privés, coalitions) comme l’y engage le FSO masse28.

 

Témoignant de son expertise dans des qualités de commandement immédiatement transposables, en particulier au travers de la capacité à planifier et à mobiliser les énergies, l’officier voit s’ouvrir de nouvelles opportunités pouvant lui permettre de renforcer sa légitimité à exercer pleinement le commandement.

 

Différencier clairement commandement et management, en particulier dans leurs finalités respectives, reste un impératif. Il ne s’agit pas non plus de chercher à en confondre les acteurs, mais plutôt d’examiner les interactions possibles pouvant directement contribuer à garantir aux armées, un exercice du commandement spécifique, plein et reconnu.

La génération montante de cadres et de dirigeants n’a pas la même connaissance du monde militaire et de ses savoir-faire que les générations antérieures qui ont connu la conscription. Dès lors, des actions de rayonnement ciblées à destination des managers (tant publics que privés), en particulier dans le cadre de leur formation, pourraient apporter une réponse sérieuse à un besoin réel, renforçant encore davantage la légitimité du commandement.

 

Saint-cyrien de la promotion «Général de Galbert» (2002-2005), le Chef de bataillon Paul LEMAIRE a servi au 1er régiment du génie, puis au 2ème régiment étranger de génie. Il a également été affecté pendant deux ans au commandement des forces terrestres. Il a été projeté plusieurs fois en opérations ou en mission de courte durée en Guyane, en Afghanistan, à Djibouti, au Burundi, et au Liban. Il suit actuellement une scolarité au MBA d’HEC.

 

 

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Titre : S’inspirer du management pour exercer pleinement le commandement
Auteur(s) : le Chef de bataillon Paul LEMAIRE
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