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Tout chef militaire a, à un moment ou un autre, la vie de ses hommes entre ses mains 1/2

Cercle de réflexion G2S - n°23
Valeurs de l’Armée de Terre
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Nous n’avons pas le droit de « jouer » avec ces vies par des décisions hasardeuses. Il est donc essentiel avant d’agir d’avoir réfléchi à jusqu’où ne pas aller trop loin. C’est ce à quoi nous invitent les généraux Hubert BODIN et Bruno DARY qui nous interrogent respectivement sur les risques à consentir à l’entraînement et en opérations.

L'article  1  du  Statut  général  des  militaires  est  particulièrement  clair :

« L'armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d'assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. »


Il est clair, que, sans avoir besoin de parler du risque, cette notion est sous- entendue dans chacune des phrases :

−    La finalité du métier militaire est de défendre un pays et ses intérêts, et pour parvenir à cette fin, d'avoir recours à des armes pour détruire l'adversaire. La maîtrise des armes est donc une nécessité. Détenir la capacité d'y avoir recours « en toute circonstance » implique de devoir s'entraîner en tout temps et en tout lieu. Il est donc essentiel, pour ne pas dire vital, que la prise et la maîtrise du risque imprègnent la culture militaire, l'éducation des cadres et la formation de ses soldats.

−    Le statut précise en outre, que cet état demande « esprit de sacrifice pouvant  aller  jusqu'au  sacrifice  suprême ».  Au  combat,  en  effet, l'adversaire va chercher à nous détruire, ce qui exige, outre la maîtrise du risque acquise en temps de paix, une anticipation et une vigilance de tous les instants pour parer aux coups de l'ennemi.

Ainsi le risque fait partie du métier des armes ! Les soldats n'en ont pas le monopole, mais il doit leur coller à la peau. Et si un jour tel n'était plus le cas, alors, il serait préférable de quitter cet uniforme, en se souvenant de ce chant que nous chantions au cours de la préparation militaire parachutiste: « Si tu as le goût du risque… »

 

Le risque à l’entraînement

La judiciarisation de notre société nous contraint désormais, même en opérations. Dans ces conditions peut-on encore prendre des risques alors que nous ne sommes qu’à l’entraînement ?

L’actualité  nous  rappelle  le  bien-fondé  de  cette  question :  crash  d’un hélicoptère au cours d’un entraînement, drame en montagne avec des élèves officiers, dans les deux cas, des morts à déplorer… Un adage dit certes : « à entraînement difficile, guerre facile ». Mais dans notre monde occidental la question se pose clairement : jusqu’où peut-on risquer la vie ou l’intégrité des combattants que l’on entraîne ? Sommes-nous face à un problème éthique ?

L’entraînement du combattant doit pouvoir continuer à se faire au plus proche de la réalité, dans un cadre dominé par la technique, où s’observe alors la règle commune, mais aussi dans un cadre plus spécifique, qui exige une prise de risque importante, ce qui nécessite une formation spécifique des formateurs aidés par un organisme de référence en matière d’éthique.

Après avoir caractérisé notre monde occidental paradoxal face au risque, il paraît d’abord possible de penser bannir le risque à l’entraînement grâce aux moyens que nous offre la technique, ou tout le moins rester dans un cadre bien règlementé, pour en fin de compte constater qu’il nous faut malgré tout aller au-delà en prenant des risques spécifiques exigeant des instructeurs particulièrement formés.

La société civile occidentale présente un visage paradoxal face au risque.

C’est d’un côté un monde aseptisé, judiciarisé, encadré par le principe de précaution, qui ne favorise pas la culture du risque.

La rupture avec un ancien mode de vie, qui s’est amélioré lentement aux cours des siècles passés, a été soudain brutale. Nous sommes aujourd’hui à des années lumières de la rusticité de la vie du début du XXe siècle où la peur, la souffrance et même la mort étaient des expériences vécues et naturelles. Le soldat de la Grande Guerre, particulièrement s’il venait de la campagne, était  prêt  à  endurer  les  intempéries,  la  faim,  la  soif  et  les blessures ! L’entraînement dans ces conditions ne posait pas de problèmes éthiques quant à la prise de risque. On a ainsi longtemps cru et colporté le bruit que l’armée s’autorisait 7% de pertes à l’instruction !

 

Mais pourtant, en même temps, notre société est toujours à la recherche d’adrénaline.

La violence, qui est inhérente à l’homme, reste latente et a besoin de s’exprimer. Cette pulsion qui est en même temps acceptation, voire recherche, du risque va s’exprimer de plusieurs façons.

Nous le constatons d’abord, dans le virtuel. Des jeux vidéo de plus en plus réalistes, qui peuvent entraîner nos jeunes jusqu’à l’addiction, les accaparent des heures à tuer et à détruire, faisant prendre à leurs héros des risques improbables. En ce qui concerne les films, c’est la surenchère dans le domaine de la violence !

Il y a aussi la violence par procuration. C’est l’engouement pour les sports d’équipe qui attire les foules dans les stades ou immobilise encore davantage les adeptes devant leur écran. On s’identifie aux joueurs, on se bat et on risque avec eux. « Panem et circenses»…

 

Mais nous constatons aussi, quand cette violence cesse d’être canalisée, particulièrement chez certains jeunes, un plaisir à côtoyer le danger jusqu’à la  recherche du  risque maximum :  ski  hors-piste,  surf  extrême, drogues dures… Ce phénomène, qui n’est sans doute pas nouveau, est en décalage complet avec la société, voire en réaction contre elle. Ces jeunes semblent avoir perdu tous repères et sont en recherche d’absolu. Cette violence qui est en eux va aboutir à des batailles rangées face à la police, l’intrusion dans les manifestations où le jeu consiste à casser sans se faire prendre… Cela peut aller, on l’a vu, jusqu’au départ vers le djihad.

Le soldat que nous entraînons est un jeune d’aujourd’hui, qui vient de cette société de consommation, mais qui a peut-être gouté à la violence et qui par l’entraînement va en découvrir une autre forme, maîtrisée celle-ci.

L’entraînement militaire peut et doit se faire avec des risques minimums, c’est-à-dire admis par la société et régis par la loi, donc sans poser de problème éthique.

 

L’entraînement fait de plus en plus appel à la simulation.

La simulation devient réaliste à tel point que l’on pourrait désormais penser que l’on peut se passer de la réalité, évitant ainsi tout accident physique à l’entraînement. Dans les domaines particuliers à chaque armée, on apprend à piloter un bateau, un avion, à réagir face à une émeute. On sait mettre l’individu dans des conditions extrêmement difficiles, comme par exemple dans un sous-marin devenu incontrôlable ! Nous sommes dans le domaine proche   des   jeux   vidéo   évoqués   ci-dessus ;   un   peu,   voire   beaucoup d’adrénaline, mais plus de risque réel.

Malgré tout, ceci ne supprime pas l’entraînement sur le terrain où les risques sont bien encadrés par les règlements de sécurité, à l’instar du civil. La réalité demeure indispensable. Il faut, une fois le dégrossissage en simulation effectué, commander à la mer la manœuvre d’un vrai navire, piloter un vrai char, monter une embuscade, réagir face à des manifestants.

Le réalisme du combat est particulièrement fort chez les pilotes de chasse à qui il ne manque, au cours de leurs exercices, que le tir réel face à l‘adversaire. L’armée de Terre pratique les exercices en camps d’entraînement, là encore au plus près de la réalité, avec tous les matériels déployés sur le terrain et le feu simulé par le laser. Il en est de même avec les exercices à tir réel qui restituent l’ambiance du combat avec les bruits du champ de bataille, les effets des armes, où la seule contrainte demeure les limites de sécurité.

 

Les exercices les plus dangereux sont sans doute ceux qui s’effectuent dans le cadre de l’entraînement au sauvetage. Nous avons connu les fosses d’où il fallait, à travers le trou d’homme du char, sortir en immersion. Les pilotes d’avion et d’hélicoptère continuent à effectuer des exercices du même ordre en s’extrayant de leur cabine immergée après quoi ils sont réellement largués en mer avant d’être hélitreuillés.

Si, en matière de risque, nous examinons toutes ces actions, y compris les plus impressionnantes, nous constatons que nous sommes exactement dans le cas des pratiques effectués dans le civil dans des métiers dangereux : le bâtiment, les mines, les ouvriers en usine sur leurs machines, les pompiers. Les risques sont connus, répertoriés et les mesures de sécurité adaptées. L’officier au champ de tir ou le chef d’équipe dans une carrière applique, chacun dans son domaine, les mesures de sécurité prévues pour ce type d’activité.

Ainsi, il n’y a pas dans l’application de nos techniques militaires de prise de risque très différentes de celles des autres professionnels qui côtoient le danger. Face au sacro-saint principe de précaution, en cas d’accident, la juridiction civile se montrera compétente. L’on n’a donc pas à craindre des limitations de nos pratiques d’entraînement. Nous sommes dans la législation normale du travail et aucun problème éthique ne se pose ici.

 

Sommes-nous donc complètement rentrés dans le lot commun ou contraints d’en sortir du fait de notre spécificité ?

Cette spécificité entraîne la nécessité d’un entraînement particulier, hors normes civiles habituelles, où les cadres instructeurs ont besoin d’une formation technique, éthique et même opérationnelle face aux risques à prendre, car il n’est pas admissible de perdre des hommes à l’entraînement.

 

Dans ce cadre, il parait bon de maintenir quelques structures d’exception, avec des champions exemplaires, qui nous fourniront des exemples capables de motiver une prise de risque.

La figure emblématique d’Éric TABARLY nous a montré que le militaire savait être parmi les meilleurs en matière de courage et d’innovation. L’exemple nous est encore fourni par le Groupe militaire de haute montagne (GMHM) et ses différents exploits. Il est à noter que lors de la tentative de conquête de l’Everest par ce groupe, le chef avait pris au dernier moment la décision la plus difficile de sa vie : renoncer au sommet pour ne pas risquer de pertes humaines. Nous sommes toujours dans la maîtrise du risque en même temps qu’au plus près du danger. Il est indispensable de continuer à conserver des «champions »  militaires dans  des  structures  d’exception. L’aptitude  au «discernement» s’enseigne !

 

Il faut surtout continuer à mener un entraînement progressif et exigeant mêlant rusticité et technologie de pointe avec des prises de risques proches du risque en opération.

En matière de danger, non seulement les risques n’ont pas diminué, mais ils sont désormais plus divers, voire déroutants. Nous avons affaire à des adversaires dont les lois de la guerre, s’ils en ont, ne sont pas exactement les nôtres. Nous sommes engagés dans des combats dissymétriques où règnent la ruse, le piège, l’imbrication au milieu des civils. Le théâtre d’opération est souvent un terrain aride où les conditions climatiques extrêmes exigent un entraînement rigoureux et une rusticité loin des critères modernes.

De ce fait, accepter, voire exiger, que nos combattants à l’entraînement connaissent la faim, la soif, l’obscurité, le manque de sommeil, le froid, l’humidité, la fatigue extrême parait indispensable. Nous sommes loin des critères occidentaux préconisant le contrôle de l’hydratation, l’équilibre de l’alimentation, allant même jusqu’à permettre chimiquement de dominer le stress, de récupérer rapidement, de rester éveillé. Il faut poursuivre nos stages en milieux hostiles -  jungle, montagne, désert - nos stages commandos, nos exercices de survie, tous ces exercices où le corps et le mental sont soumis à rude épreuve et où le danger paraît tout proche.

 

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Titre : Tout chef militaire a, à un moment ou un autre, la vie de ses hommes entre ses mains 1/2
Auteur(s) : les généraux Hubert BODIN et Bruno DARY
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