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Groupes terroristes en Libye

Cahiers de la pensée mili-Terre n° 48
Tactique générale
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La situation en Libye reste toujours aussi problématique avec un pays divisé et contrôlé par des milices. Cela laisse le champ relativement libre à l’implantation de groupes terroristes comme Daech ou Al Mourabitoune… Quels sont les enjeux sécuritaires pour la stabilité régionale posés par l’implantation de ces groupes à un carrefour entre l’Europe et l’Afrique?


Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye, divisée, est en proie au désordre. Ce chaos est favorable à l’implantation de groupes terroristes qui utilisent la Libye pour y mener leurs actions ou comme base arrière pour leurs actions dans la bande sahélo saharienne (BSS), voire comme certains le pensent, pour des actions futures en Europe. Certains de ces groupes terroristes existaient déjà sous Kadhafi; cependant, le chaos ambiant suite à sa chute leur a permis de se développer. Ils ont des objectifs, des stratégies et des moyens très divers qui évoluent en permanence.

 

Cela rend leur étude très complexe. La situation évoluant sans cesse, nous limiterons notre étude à l’État islamique en Libye (EIL) ainsi qu’à Al Mourabitoune, affilié à Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), parce qu’ils sont les plus dangereux sur la scène régionale. Quelles menaces représentent donc ces deux groupes pour la stabilité du pays et de la région? Bien que cette menace paraisse sérieuse, il s’avère que ces groupes, notamment Daech, ont subi dernièrement des revers, et leur niveau de dangerosité a tendance à baisser. Il convient donc de s’intéresser tout d’abord au contexte de la Libye avant de se pencher sur ce qui fait la spécificité de ces deux groupes pour enfin aborder leurs perspectives d’évolutions dans la région.

La chute de Khadafi en 2011 suite à l’intervention occidentale a vu la Libye se diviser petit à petit. Dès lors, des milices, affiliées ou non au gouvernement, ont contrôlé chacune leur territoire et s’opposent aux autres milices dans leur volonté d’expansion. Le pays a ainsi été divisé entre les gouvernements de Tripoli et de Tobrouk jusqu’en 2016. Cependant, face à la montée du terrorisme, notamment de Daech qui a réussi à s’implanter en Libye entre 2014 et 2015, les Occidentaux poussent pour la création d’un gouvernement d’union nationale (GUN). Ce dernier, initialement rejeté par les parlements de Tripoli et Tobrouk, finit par être accepté et est institué le 12 mars 2016 sous  la  présidence de  Fayez el-Sarraj.  Avec l’appui  de l’ONU,  le gouvernement s’installe à Tripoli et commence petit à petit à instaurer son autorité sur le pays. Il se heurte cependant à des résistances, notamment celle du Général Haftar qui a conquis en septembre 2016, avec l’armée nationale libyenne (ANL), le croissant pétrolier de la Libye, véritable poumon économique du pays. Cependant, s’il est une chose sur laquelle les Libyens s’accordent, c’est la lutte contre l’EIL.

En effet, l’EIL a réussi à s’implanter dans les villes de Derna et de Syrte. Ce groupe a été créé par des djihadistes qui rentraient de Syrie le 4 avril 2014 sous le nom de conseil consultatif de la jeunesse islamique. Il prête allégeance à l’État islamique le 3 octobre 2014 dans un communiqué qui sera rendu public le 13 novembre 2014. Il a notamment profité de sécession d’éléments d’Ansar Al Charia pour grossir ses rangs. Il est organisé en trois wilayas qui correspondent aux provinces libyennes de la Cyrénaïque, de la Tripolitaine et du Fezzan. Dans les faits, ses éléments ont essentiellement été stationnés près de Derna et Syrte. L’EIL a cependant été repoussé de Derna en août 2015 et ses éléments se sont repliés sur Syrte. En janvier 2016, des éléments de l’EIL lancent notamment des attaques sur les terminaux pétroliers de Ras Lanouf et de Marsa El Brega. Ils sont repoussés après avoir endommagé les infrastructures. En avril 2016, le Général David M. Rodriguez, commandant des forces américaines en Afrique,

déclare que l'EI compte 4.000 à 6.000 hommes en Libye. Depuis, l’EIL a subi une vaste contre-offensive menée par les forces du GUN. Ainsi, en juin 2016, ces dernières reprennent petit à petit Syrte et acculent les derniers éléments de l’EIL depuis août 2016.

 

Al Mourabitoune, quant à lui, est un groupe terroriste né le 13 mai 2015 de la fusion du «mouvement  pour  l’unicité  et  le  jihad  en  Afrique  de  l’ouest»  (MUJAO)  et  des «signataires par le sang le 22 août 2013». Le 13 mai 2015, une branche prête allégeance à l’État islamique. L’autre branche, menée par Mokhtar Belmokhtar, rallie AQMI le 4 décembre 2015 et en devient une de ses katibas. En février 2016, les services de renseignement maliens estiment qu’Al Mourabitoune compte 200 combattants. Rémi Carayol, journaliste à Jeune Afrique, indique que «d’autres sources parlent d’un millier». Ce groupe est cependant particulièrement dangereux car il mène des  actions  au  Mali  et au  nord  du  Niger,  comme  les  attaques  perpétrées  à Ouagadougou en janvier 2016 et l’attaque suicide sur l’aéroport de Gao le 1er décembre 2016. Ce groupe utilise la Libye comme base arrière pour ses combattants. Cela semble être confirmé par l’annonce par les services secrets américains de la mort de Mokhtar Belmokhtar lors d’une frappe française en Libye en novembre 2016.

 

Ces deux groupes terroristes font cependant face à un contexte libyen qui est bien différent de celui de la Syrie et de l’Irak. En effet, la problématique majeure, notamment pour l’EIL, est celle des ressources. Contrairement à l’EI en Syrie et en Irak, l’EIL ne peut pas utiliser la manne pétrolière pour se financer car le pétrole libyen ne peut être exporté que par la mer. Or, il serait aisément intercepté par les puissances occidentales. Le trafic par voie terrestre n’est pas non plus envisageable car la Tunisie, l’Algérie et l’Égypte contrôlent étroitement leurs frontières avec la Libye et qu’il faudrait passer par des zones sous contrôle du GUN ou de l’ANL. C’est pourquoi l’EIL cherche plutôt à détruire les rares infrastructures pétrolières qui fonctionnent encore pour déstabiliser le pouvoir en place. En effet, le pétrole est la seule ressource que le gouvernement peut utiliser pour reprendre le contrôle du pays, payer les fonctionnaires et ses forces… L’EIL ne peut donc compter que sur les impôts qu’il prélève sur les populations locales. Ce qui ne va pas sans opposition. C’est un peu le même schéma pour Al Mourabitoune, qui est cependant plus réduit au niveau des effectifs. Ses membres sont cependant liés pour la plupart à des trafics divers, notamment de stupéfiants.

 

La question du recrutement est également centrale pour ces groupes. Quand l’EIL avait encore des effectifs assez importants, les chefs étaient essentiellement des étrangers venus d’Irak ou de Syrie. Ces derniers ont cependant été régulièrement visés par des frappes américaines. Ainsi, Abou Nabil al-Anbari, arrivé d'Irak pour prendre la tête de l’EIL, est tué près de Derna dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 par une frappe aérienne américaine. Il est remplacé par un autre Irakien, Abou Ali al-Anbari, qui arrive à Syrte en novembre 2015. En 2016, les États-Unis le tuent lors d'un raid aérien. Les combattants, quant à eux, sont un mélange d’étrangers et de Libyens. Suite aux revers subis par l’EIL, il semble que les derniers éléments à Syrte soient constitués essentiellement par des étrangers, Marocains, Tunisiens, Egyptiens, Soudanais… et quelques Libyens qui n’ont plus rien à perdre. Al Mourabitoune a également subi de nombreuses pertes ces dernières années. Mais le groupe a toujours été plus réduit et a tendance à privilégier la qualité à la quantité. Ses combattants sont donc bien mieux entraînés et endoctrinés que les soldats de l’EIL. C’est ce qui explique qu’ils soient plus dangereux et capables de mener des actions de façon plus autonome. Cependant, leurs derniers revers pourraient réduire le pouvoir d’attraction d’Al Mourabitoune sur les djihadistes qui souhaiteraient rejoindre leurs rangs.

 

En termes de perspectives, il est raisonnable de penser que la menace constituée par l’EIL est en net recul et que ses derniers membres, s’ils arrivent à s’échapper de Syrte, vont plutôt chercher à se fondre dans la population pour disparaître ou pour reconstituer leurs forces. Leur remontée en puissance sera sûrement contrariée par la reprise progressive du pouvoir par le GUN ou l’ANL. En effet, ces derniers ont démontré leur capacité à lutter contre l’EIL quand ce dernier s’attaque à la ressource qui soutient tout le pays: le pétrole. Al Mourabitoune continuera probablement, quant à lui, à utiliser la Libye comme base arrière pour ses actions au Mali ou au Niger.

 

Il est également possible que la menace, notamment de l’EIL, ressurgisse plus au sud dans la BSS. Cela permettrait aux différents groupes terroristes d’avoir des camps moins menacés par les forces gouvernementales car le sud est moins contrôlé. C’est déjà le cas pour Al Mourabitoune, mais on pourrait voir la réapparition de l’EIL. Ce scénario semble cependant peu plausible.

Enfin, quant aux menaces qui pèsent sur l’Europe, il est vrai que de nombreuses milices profitent des migrants pour s’assurer des revenus financiers en se faisant payer pour leur protection. Ce n’est cependant pas un mode d’action qui a été observé pour l’EIL ou Al Mourabitoune, qui se contentent de l’impôt islamique ou des trafics. Il paraît donc très peu probable que ces deux groupes infiltrent des éléments pour frapper en Europe parce que l’EIL est suffisamment en difficulté à Syrte et qu’Al Mourabitoune est, pour l’instant, toujours resté cantonné dans la BSS.

Ainsi, les dernières reconquêtes du GUN et de l’ANL ont largement mis à mal l’EIL. Al Mourabitoune a, quant à lui, subi des pertes par des frappes occidentales ou des actions de forces spéciales. Ces deux groupes, bien qu’encore dangereux (surtout l’EIL qui n’a plus rien à perdre), sont devenus moins dangereux pour la stabilité régionale. Ils ont cependant déjà prouvé leur capacité à rebondir suite à leurs échecs. Espérons que les divisions en cours en Libye ne leur permettront pas de renaître de leurs cendres.



 

Saint-cyrien de la promotion «Général de Galbert» (2002-2005), le Capitaine (TA) Thomas VARNIER effectue son temps de chef de section au 44ème régiment de transmissions avant de commander la BRB7 du 1er régiment d’artillerie. Pendant cette première partie de carrière, il est déployé deux fois en Afghanistan et une fois au Liban. Il sert ensuite au centre national de ciblage (CNC) en tant qu’analyste avant d’être choisi pour suivre une scolarité en arabe à l’INALCO.

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Titre : Groupes terroristes en Libye
Auteur(s) : le Capitaine (TA) Thomas VARNIER
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