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À la recherche d’un front !

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Les forces armées royales marocaines (FAR) mènent depuis 1975 un long conflit face à l’insurrection du front POLISARIO. L’auteur nous montre leur adaptation originale à ce conflit très évolutif, grâce à la création ex nihilo de véritables fronts successifs.


Un ennemi insaisissable: que faire face au désert?

 

Dès 1975, les FAR sont confrontées à une guérilla tout à fait classique avantagée par son expérience et sa connaissance fine du terrain désertique. Soutenu logistiquement et financièrement par l’Algérie et la Libye, le POLISARIO agit initialement, selon l’expression de Mao, «comme un poisson dans l’eau». Les opérations initiales de ratissage organisées par les FAR en direction de Smara, Mahbas et Tifariti ne donnent que des résultats très mineurs pour une débauche de moyens et d’hommes. Les forces du POLISARIO sont taillées pour mener un combat insurrectionnel en profitant au maximum des avantages que leur procure le désert. Organisées en petites unités furtives et très mobiles, elles sont surtout bien encadrées. Elles tendent des embuscades d’envergure sur les échelons de soutien et mènent des opérations de harcèlement en choisissant systématiquement le «où» et le «quand» de chaque attaque. Bénéficiant de zones refuges inaccessibles, notamment dans la zone d’Amgala, le POLISARIO est un ennemi insaisissable qui neutralise tous les efforts et toutes les initiatives des FAR.

En réponse, la tactique de contre-insurrection des FAR est loin d’être efficace. Elle préconise de fixer l’ennemi dans des zones choisies par des opérations d’envergure de bouclage/ratissage, sans succès convaincants. À cela s’ajoute le désavantage du terrain. En effet, cette partie occidentale du désert du Sahara est immense et surtout très diversifiée (hamadas, regs, massifs rocheux, vallées encaissées, déserts de sable…). Certains officiers marocains ayant participé aux opérations de ratissage menées à cette période comparaient les zones refuges du POLISARIO aux réseaux de grottes souterraines de Tora-Bora en Afghanistan. Pour les FAR, la traque des unités ennemies se résume à des coups d’épée dans le sable. Jusqu’au début des années 80, elles font leur l’aphorisme de T.E. Lawrence: «Making war up on insurgents is messy, slow, like eating soup with knife».

 

Un front sorti de nulle part ou l’inversion du rapport de force

 

Dans ce contexte particulièrement défavorable, le problème tactique principal des Marocains est de répondre à la question: comment réussir malgré tout à contrôler ce désert tout en menant des actions coercitives efficaces contre le POLISARIO? Le Général Ahmed Dlimi, alors chef d’état-major des FAR, et ses grands subordonnés mettent en œuvre une nouvelle approche qui consiste à conquérir progressivement le terrain tout en sanctuarisant chaque conquête. En somme, les FAR vont réussir à créer un obstacle défensif linéaire d’envergure après chaque grande avancée. Ainsi, le premier mur défensif (en arabe Samta et en anglais Berm) sort du sable et protège ce que l’on peut appeler le triangle utile Laâyoune, le port de Boudjour et les mines de phosphate de Boucra (carte n°1). Cependant, l’idée de défendre une frontière par un dispositif défensif passif et linéaire est loin d’être novatrice. La «ligne Morice» émanant du plan Challe en 1957 avait déjà montré toute sa pertinence pendant la bataille des frontières en Algérie. L’innovation dans cette initiative tactique est bien la création d’un front et non d’une frontière. En effet, entre 1982 et 1986, pas moins de six murs sont successivement construits en parallèle des opérations de conquête du territoire. Face à cela, le POLISARIO est obligé de changer de tactique et de planifier des opérations d’attaques sur les positions défensives. Ce changement fait perdre à leurs unités légères et autonomes toute leur efficacité. Elles se soldent majoritairement par de lourdes pertes et une débauche d’énergie pour de faibles résultats. L’initiative change de camp car les FAR, sous l’impulsion du Général Abdelaziz Bennani, nouveau chef d’état-major de la zone sud, perfectionnent leurs capacités de réaction. Sur chaque point du mur, elles sont en mesure de contre-attaquer avec des moyens largement supérieurs à ceux du POLISARIO. Ainsi, la supériorité aérienne marocaine devient enfin un avantage et permet de porter des coups décisifs aux forces irrégulières. On passe dès lors d’un conflit asymétrique à un conflit dissymétrique qui tourne en faveur du royaume du Maroc et ce jusqu’en 1991, date de la signature du cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU.

 

Qu’en est-il en 2014?

 

«À l‘ouest rien de nouveau» ou presque! En effet, depuis le déploiement des observateurs de la MINURSO (Mission des Nations-unies pour un referendum au Sahara occidental), le dispositif militaire déployé derrière le dernier mur de défense (berm) n’a pas évolué d’un canon. Il est à quelques exceptions le même qu’après l’arrêt des derniers combats. Ainsi, onze brigades interarmes sont déployées face à l’est et au sud sur un front linéaire de plus de 2.280 kilomètres au milieu du désert. Le dispositif de chaque brigade est quasiment identique. Un 1er échelon défensif, sur la ligne de défense principale (mur de sable, fossés antichars, champs de mines AP et AC), une succession, tous les cinq kilomètres, de points d’appui armés chacun par une compagnie d’infanterie (appelée compagnie d’infanterie de secteur). En 2ème échelon, une capacité de réaction composée de bataillons blindés et d’infanterie motorisée, appuyés et soutenus par des groupements d’artillerie ainsi que des bataillons de commandement et de soutien. Entre 100.000 et 120.000 hommes (selon les estimations de l’ONU en 2014) sont présents côté ouest du Berm. Sur le territoire marocain, où les résolutions de l’ONU ne s’appliquent pas, le Maroc a en parallèle poursuivi la modernisation de ses moyens (chars lourds, radars, véhicules) et l’acquisition de nouveaux matériels de pointe (drones, avions de chasse F16). Au bilan, on estime que le rapport de force (même si la partie armée du conflit est terminée depuis plus de vingt ans) est théoriquement de vingt contre un (en se basant sur l’estimation de volume des forces du POLISARIO, entre 3.000 et 6.000 combattants).

Dès lors, s’achemine-t-on vers la fin programmée du POLISARIO en tant que mouvement disposant d’une force armée même réduite? Dans cette perspective, deux hypothèses peuvent être avancées :

 

  • Hypothèse 1: déliquescence

 

En supposant la suppression totale du soutien de l’Algérie et compte tenu de la situation de la Libye après la chute de Khadafi, d’après plusieurs officiers généraux marocains rencontrés en «zone sud», les forces armées du POLISARIO pourraient tout simplement disparaître au sens où elles déposeraient les armes et retourneraient dans leurs pays d’origine (Mauritanie, Algérie voire même Maroc). On assisterait dès lors à une dilution des unités dans l’espace régional composé par la Mauritanie, le Maroc et l’Algérie. Cette hypothèse serait sans grande conséquence sur la sécurité de la zone.

 

  • Hypothèse 2: mutation

 

Compte tenu de la perte de terrain sur le plan diplomatique de l’organisation politique du POLISARIO, une radicalisation de ce dernier peut survenir et faire basculer les forces armées dans le grand banditisme (trafic d’armes, de carburant et de drogues) et/ou dans le terrorisme au sein de la bande sahélienne. Erik Jensen (ancien représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et ancien chef de la Mission des Nations-unies au Sahara occidental), dans Menaces en Afrique du nord et au Sahel et sécurité globale de l’Europe, décrivait cette possibilité assez clairement: «A resolution is more imperative now than ever. Events across North Africa have led to heightened aspirations among a predominantly young population and to unsettled conditions congenial to terrorists».

 

À l’heure actuelle, la région du Sahel, dont le Sahara occidental est la frange ouest, est plus que sensible, notamment pour les intérêts français. L’avenir politique du voisin algérien est incertain et le rôle actuel de l’Algérie est ambigu. La crise malienne et la déstabilisation durable de la Libye laissent craindre une possible déstabilisation à grande échelle du Sahel. Compte tenu de cet environnement et de l’hypothèse 2, il est préférable que le Sahara occidental ne devienne pas une nouvelle zone de front.

 

 

Sorti de Saint-Cyr en 2002, le Chef de bataillon Aurélien MOY a choisi les troupes de marine et a effectué son temps de commandement au 21ème RIMa de Fréjus. Il a servi comme assistant militaire du Force Commander de la MINURSO de juillet 2013 à janvier 2014, avant d’intégrer l’École de guerre.

 

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Titre : À la recherche d’un front !
Auteur(s) : le Chef de bataillon Aurélien MOY
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Armée