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Autorité, jeunesse:principes du commandement militaire en résonance aux attentes des nouvelles générations en matière d’autorité

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Autorité et jeunesse sont deux termes qui semblent aujourd’hui antinomiques. Loin d’être une maladresse, cette association permet d’aborder les exigences des nouvelles générations vis-à-vis des détenteurs de l’autorité. Au travers d’une approche psychologique de ces attentes, l’auteur propose de considérer l’autorité militaire comme une réponse possible.


Il apparaît plus facile de savoir ce que l’autorité n’est pas que de définir ce qu’elle est. Ceci est d’autant plus malaisé que nous sommes quotidiennement confrontés à l’autorité puisqu’elle est un aspect inéluctable et normal d’une organisation quelle qu’elle soit. Ainsi, notre définition est généralement plus en rapport avec nos mauvaises expériences. Couramment associée à la notion de pouvoir ou de domination, l’autorité s’en distingue par la nécessaire légitimité qui l’accompagne. Sans reconnaissance et acceptation, l’autorité n’est que pouvoir. Or cette illégitimité est au cœur de la «crise» de l’autorité de nos sociétés modernes.

Evoluant dans un environnement dans lequel les manifestations de l’autorité peuvent être considérées déficientes voire inexistantes, la jeunesse est aujourd’hui en attente de valeurs auxquelles les principes du commandement militaire semblent adaptés.

Si la fin de l’autorité annoncée par certains auteurs ne semble pas vraisemblable, il y a cependant une indéniable évolution vers la négociation de l’autorité, notamment de la part des nouvelles générations. Pour autant, cette nouvelle vision de l’autorité ne doit pas être analysée comme un rejet mais comme une recherche spécifique située entre deux formes extrêmes que sont le laxisme et l’autoritarisme. Dans ce contexte, l’autorité militaire, usuellement assimilée à une pratique archaïque, véhicule des principes d’une grande actualité.

 

Vers une autorité «négociée» et délégitimée

 

La décennie 2000 a été marquée par un regain d’intérêt pour le concept d’autorité, notamment en raison d’une certaine attitude ostentatoire de dénégation de la jeunesse. En effet, la crise économique et sociale des années 70 est venue déstabiliser les processus de socialisation et donc le rapport à l’autorité de la jeunesse.

Tout d’abord, la massification du chômage a transformé l’identité paternelle construite autour du travail. Au-delà de la blessure narcissique qu’elle cause, l’expérience du chômage a des conséquences sur les équilibres familiaux, plus particulièrement sur les rôles des membres de la famille. Les parents et notamment le père, représentation naturelle de l’autorité, ne disposent plus de l’aura leur permettant d’assumer cette fonction. Les milieux populaires sont d’autant plus marqués par cette mutation qu’ils sont confrontés à une disparition progressive d’autres formes de reconnaissance sociale du fait de la crise socio-économique persistante. Comme le souligne Salid Bouamama, «non reconnu dans la famille, l’enfant de nombreux quartiers populaires se voit aussi dénier toute place au sein de l’école, puis dans le monde du travail»[1].

 

Par ailleurs, la vision sociétale post-1968 basée sur un paradigme égalitariste, a également des effets directs sur l’autorité. Etty Buzyn note qu’ «aujourd'hui, les enfants sont mis sur un piédestal. Les parents qui sont pour la plupart issus de la génération mai-68 sont beaucoup plus permissifs. Avant on imposait, maintenant, on propose».[2] Or, l’autorité parentale est fondamentale pour l’autonomie et la responsabilisation d’un enfant par la fixation d’un cadre et de règles de vie. L’apprentissage de l’autorité par l’enfant dans le cadre familial n’est plus garanti. Ce phénomène est d’autant plus amplifié par l’éclatement de la cellule familiale (divorce, recomposition…). Cette modification engendre progressivement chez les enfants un questionnement puis une remise en cause de l’autorité.

Si la famille, première expérience de lien social, est le creuset de cette «crise» profonde de légitimité de l’autorité, l’enfant ou l’adolescent ne trouve pas plus de repères au sein du milieu scolaire. Or l’école devrait être également un cadre d’apprentissage de l’autorité. Malheureusement, les enseignants sont eux aussi confrontés au problème de l’affirmation de leur autorité soit par manque de compétences, soit par manque de moyens. Cette situation est largement aggravée par le fait que de nombreux parents ne reconnaissent ni ne défendent cette autorité par peur du conflit avec leur progéniture.

Enfin, notre modernité connaît un rétrécissement flagrant de l’espace et du temps, résultat d’une évolution technologique exponentielle. Les relations humaines sont, au même titre que d’autres produits, devenues de l’ordre du consommable. Ainsi, la multiplication des réseaux sociaux tels que Facebook[3] permet de multiplier les «amis» sans pour autant les rencontrer physiquement voire les connaître. La facilité avec laquelle les utilisateurs acceptent, refusent ou rejettent une personne illustre parfaitement la fugacité et le peu d’intérêt accordé à la relation. Or l’autorité nécessite de s’inscrire dans la relation et donc dans la durée. Les liens d’autorité sont ainsi rendus plus fragiles.

Les situations d’absence, de carence d’autorité, que ce soit dans le milieu familial ou scolaire, voire dans celui du travail, engendrent une certaine incompréhension du rapport d’autorité pour les jeunes qui les subissent. Dans ce cadre, la jeunesse a pris l’habitude de négocier et de remettre en cause la légitimité de détenteurs de l’autorité quels qu’ils soient.

 

Une attente particulière de la nouvelle génération

 

Pourtant, la recherche d’autorité par la jeunesse n’a jamais été aussi forte. Dans un sondage réalisé en 2010 auprès de parents et d’enfants âgés de 15 à 24 ans, 79% des jeunes évoquent un sentiment positif à l’égard de l’autorité, alors que seulement 66% des parents ont fait cette réponse. Les enfants sont d’ailleurs plus de six sur dix à juger cette autorité insuffisante dans la sphère familiale comme scolaire[4].

En effet, pour se construire d’un point de vue psychologique afin d’exister par lui-même et de s’affirmer, le jeune a tout autant besoin d’endurer l’autorité que de s’y mesurer. Une lacune en autorité est une lacune en limites, lesquelles pourtant sécurisent et permettent le développement psychique. Sans autorité, l’enfant ressent une certaine angoisse d’abandon et une réelle détresse. Jean-Luc Aubert, psychologue spécialiste de l'enfant et de l'adolescent explique que «dans une période de transformations très anxiogène, l'adolescent cherche des personnes qui le rassurent, qui l'accompagnent. C'est une structuration qui aide à la recherche d'identité». Entre autres, certains psychologues tels que D. W. Winnicott assimilent la survenue de la petite délinquance lors de l’adolescence à un appel au cadre, à des repères, à la fixation de limites[5]. Cet appel à l’autorité trouve d’ailleurs écho chez les parents comme le souligne Jean-Luc Aubert, qui précise que «depuis trois ou quatre ans, on revient vers un certain autoritarisme. On délaisse l'idée, née en mai 1968, d'une éducation égalitaire basée sur le dialogue, car trop difficile à mettre en place».

Néanmoins, le besoin d’autorité de la jeunesse ne doit pas être confondu avec un désir d’autocratie. Les attentes des nouvelles générations dans ce domaine sont différentes. Lors d’une étude de la commission armée-jeunesse réalisée en 2007 portant sur les attentes des jeunes en matières d’autorité, il a été souligné que les jeunes souhaitaient principalement le respect, l’égalité de traitement et l’exemplarité du détenteur de l’autorité[6]. Ces principes d’égalité et d’exemplarité en appellent évidemment d’autres tels que la responsabilité et la délégation comme le formule Saint Jean Bosco: «L’homme d’autorité est un homme qui sait déléguer, certes, mais cette délégation n’est pas une prise de pouvoir pour que tout soit fait par nos subordonnés, en résumé, par nos «gens» ! Quand nous avons autorité sur quelqu’un, nous en sommes, d’une certaine manière, responsable. La responsabilité est un fondement de l’autorité»[7]. Mais également celui de la reconnaissance, qui permet, selon la psychologue Ariane Bilheran, de rassembler au lieu de diviser et qui consiste à reconnaître les mérites de chacun indépendamment des titres et honneurs[8].

Cette recherche, qui s’apparente à une poursuite identitaire, n’a pour but que de permettre de trouver une place sociale légitime. Toutefois, au-delà du contexte dans lequel s’inscrit l’autorité, les attentes sont d’un niveau relationnel dont le focus est le détenteur de l’autorité, ou leader.

 

Le commandement militaire: une forme d’autorité adaptée

 

La relation d’autorité a régulièrement été étudiée par les psychologues. Certains se sont même attachés à caractériser le bon leader. À titre d’exemple, en 1978, dans une vision pragmatique, Roger Mucchielli, psychosociologue et psychopédagogue, résume les fonctions du chef à quatre verbes: organiser, animer, informer et former[9]. Dans une approche plus récente, face à la question de la crise de l’autorité, Ariane Bilheran donne sa définition du bon leader qui, «en somme, sait faire preuve de prudence et d’audace, faire valoir la reconnaissance de chacun et faire montre d’exemplarité. Il se soumet à la loi qu’il donne aux autres, et fait de l’égalité un concept dérivé de la liberté… Il permet d’établir autant que possible les conditions de l’autonomie de chacun (donc développement de potentialités), au sein d’un fonctionnement collectif dévoué à un idéal commun. Enfin, on pourrait également ajouter que le bon leader connaît les vertus de la parole et se manifeste en orateur plus qu’en sophiste (il ne manie pas le langage pour manipuler, mais pour élever la pensée)»[10].

 

Pour la communauté militaire, ces notions sont au fondement de l’exercice de l’autorité, du commandement qui fait l’objet d’une doctrine et d’un enseignement. Ainsi, en 2003, dans un contexte de professionnalisation, le chef d’état-major de l’armée de Terre réaffirme les principes et fondements de l’exercice du commandement dans l’armée de Terre énoncés par le Général Lagarde en 1980. Ce texte détermine les qualités individuelles et les procédés institutionnels indispensables au commandement des hommes visant à «la responsabilisation, la valorisation des individus ainsi qu’à la création d’une profonde satisfaction de servir afin d’aboutir à une discipline librement consentie»[11]. Concrètement, les valeurs partagées au sein de l’institution militaire dans ce domaine sont l’exigence, la compétence, l’esprit de décision, l’humanité, la justice et la confiance.

Ainsi, selon L’exercice du commandement dans l’armée de terre, commandement et fraternité[12], le chef militaire se doit de faire preuve d’exigence tant vis-à-vis de lui-même que de ses subordonnés. Équivalente à la notion d’exemplarité, l’exigence induit la confiance. Une confiance qu’il gagne et qu’il partage. La relation d’autorité devient alors une interaction humaine d’interdépendance. Elle est donc empreinte d’humanité. Car, même si cette relation est intrinsèquement inégalitaire du fait du positionnement hiérarchique, elle se base sur le principe d’égalité de traitement. Le chef militaire se doit d’être juste lorsqu’il sanctionne ou récompense. Si le terme de sanction fait écho à celui de discipline, militaire en l’espèce, il doit être rappelé que toute autorité s’accompagne d’un pouvoir pour faire respecter les règles du contexte dans lequel cette autorité s’inscrit. Enfin, faisant preuve d’une compétence technique certaine tout en sachant valoriser les compétences de ceux qui l’entourent, le chef militaire prend des décisions qui attestent de son sens des responsabilités. Toutes ces qualités individuelles s’inscrivent nécessairement dans une démarche d’information, de participation et d’accompagnement[13].

Au-delà des clichés résistants sur l’autosuffisance du lien hiérarchique comme base d’organisation, l’autorité militaire est intiment liée à la confiance et à la connaissance de l’autre, et est un savant dosage entre l’amour et la crainte qu’elle inspire. Pour reprendre une interprétation de l’autorité de Bruno Robbes, professeur des écoles, maître formateur et chargé de cours à l’université Paris X – Nanterre, l’autorité militaire pourrait être résumée par: «être l’autorité, c’est-à-dire en avoir le statut, avoir de l’autorité en tant que personne et faire autorité en termes de capacités et de compétence»[14]. Ces trois volets sont, pour l’auteur, le «centre de gravité de la relation d’autorité».

S’il ne semble pas évident de définir le commandement militaire comme une forme d’autorité humanisante, ces préceptes ne sont pas si éloignés à la fois des discours de certains psychologues, mais également des attentes de la nouvelle génération. «L’autorité qui allait de soi nécessite maintenant parole, explication, voire négociation, pour recueillir l’adhésion de ceux sur lesquels elle s’exerce»12.

 

En conclusion, au fondement de l’humain, phénomène singulièrement psychologique et relationnel, l’autorité est aujourd’hui une question centrale pour la jeunesse. Confrontés à ce qu’ils considèrent comme des défaillances d’autorité dans leurs milieux environnants, qu’ils soient familiaux, scolaires ou institutionnels, les jeunes sont de plus en plus à la recherche d’une attitude ferme mais compréhensive, sans hostilité ni cruauté, empreinte de justice et d’exemplarité. Ce qui correspond peu ou prou à la définition du commandement militaire, relation d’autorité qui s’inscrit indubitablement dans un cadre culturel et historique spécifique.

Au-delà des quelques aspects abordés dans cet article, volontairement spécifiques et personnels, cette mise en perspective des principes relationnels du commandement militaire et des attentes en termes d’autorité des nouvelles générations en la matière invite à la réaffirmation de ces préceptes tant au sein de l’institution militaire que vers le monde extérieur. Dans le cadre d’un plan de communication, ils pourraient être vecteurs d’un nouveau regard de la jeunesse sur l’armée, dont l’image autoritariste voire tyrannique est encore véhiculée par certains médias. Certes, du fait de la spécificité de l’engagement militaire, cette communication ne serait qu’un prélude et ne suffirait certainement pas à susciter des vocations, mais pourrait modifier certaines représentations préjudiciables. Même si la jeunesse fait preuve de dispositions majoritairement favorables à l’égard de l’armée, certains tropismes demeurent. Ainsi, dans une étude d’opinion menée par l’IRSEM en novembre 2011, il ressort que «l’inventaire des qualités qui font un «bon militaire» privilégie les valeurs d’engagement à celle d’autorité, et valorise des qualités individuelles dont la finalité et le sens restent dédiés au collectif. Cette interprétation altruiste du métier de militaire se retrouve dans la vision que les jeunes ont du rôle et de l’utilité de l’armée»[15].

En revanche, la pratique et la mise en œuvre de ces principes doivent être une priorité car elles sont parties des enjeux de la fidélisation.

 

 

 

[1] Article «Jeunesse, autorité et conflit», revue Ville École Intégration, mars 1998.

[2] Etty Buzyn, psychanalyste et auteur de «Je t'aime donc je ne cèderai pas», collection «Questions de parents» chez Albin Michel 2009.

[3] Facebook est un service en ligne de réseautage social, qui permet à ses utilisateurs de publier du contenu et d'échanger des messages. Il compte aujourd'hui plus d'un milliard d'utilisateurs et est le deuxième site internet le plus visité au monde.

[4] Sondage CSA-APPEL-La Croix réalisé auprès d’un échantillon de 659 parents et de 319 jeunes âgés de 15 à 24 ans à l’occasion d’un congrès de l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre.

[5] «Agressivité, culpabilité et réparation», Petite Bibliothèque Payot, Paris 1994.

[6] «Les attentes des jeunes en matière d’autorité»: Rapport du groupe de travail de la commission armée-jeunesse session 2007-2008.

[7] Article «Le retour de l’autorité», site internet prieuré de Saint-Jean à Murat.

[8] «L’autorité», Éditions Armand Colin, Paris 2009.

[9] «Psychologie de la relation d’autorité», Éditions ESF, Paris 1978, p 61.

[10] «L’autorité», Éditions Armand Colin, Paris 2009, p 103.

[11] «L’exercice du commandement dans l’armée de terre, commandement et fraternité», Septembre 2003, p 7.

[12] «L’exercice du commandement dans l’armée de terre, commandement et fraternité», Septembre 2003, p 17 à 25.

[13] «L’exercice du commandement dans l’armée de terre, commandement et fraternité», Septembre 2003, p 30 à 36.

[14] Article «Les trois conceptions actuelles de l’autorité», revue Les Cahiers Pédagogiques, mars 2006.

[15] Étude d’opinion «Les jeunes français et les armées: images, attentes, engagements», IRSEM, novembre 2011.

 

Appartenant au corps des officiers spécialistes de l’armée de Terre, le Capitaine Nécika LESAULNIER est lauréat du concours du diplôme technique en 2013. Elle a été sélectionnée pour suivre un cursus universitaire de trois ans en psychologie. À ce titre, cet officier a intégré en septembre 2014 un master 1 de psychologie à l’université de Paris 13 Nord.

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Titre : Autorité, jeunesse:principes du commandement militaire en résonance aux attentes des nouvelles générations en matière d’autorité
Auteur(s) : le Capitaine Nécika LESAULNIER
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