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Comment jouer le rôle d’accélérateur de projets ?

M. Emmanuel Chiva, directeur de l’agence de l’innovation de défense
Sciences & technologies
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M. Emmanuel Chiva, directeur de l’agence de l’innovation de défense : Madame La Présidente, Mesdames et Messieurs les députés de la commission de la Défense nationale et des forces armées, je suis très heureux de pouvoir me présenter devant votre commission, dans son ensemble, pour la première fois depuis la création de l’Agence de l’Innovation de Défense en Septembre 2018. Naturellement, nous aurions tous préféré que cette audition se déroule dans un contexte différent ; néanmoins c’est une grande fierté que de vous présenter aujourd’hui l’action qui a été celle de notre Agence et notamment durant cette crise sans précédent.


La vision de la ministre des armées, lorsqu’elle a créé cette agence que j’ai l’honneur de diriger, était de disposer d’un chef d’orchestre de l’innovation de défense qui puisse également jouer le rôle d’accélérateur de projets, en particulier en s’ouvrant à l’innovation civile. Être devant vous aujourd’hui, c’est donc également l’occasion de vous parler alors que nous venons de clôturer notre premier véritable exercice, et que nous avons structuré une nouvelle organisation de l’innovation de défense, orientée projets, avec l’objectif de produire des résultats tangibles, concrets, rapides, conformes à l’ambition portée par la loi de programmation militaire.

 

De ce point de vue, l’action de l’Agence pendant la crise valide ce nouveau fonctionnement de l’innovation de défense, conformément à une instruction ministérielle signée par Mme la ministre le 7 mai dernier. Nous y reviendrons, car cela fait partie du retour d’expérience que je souhaitais partager avec vous. Vous me permettrez donc maintenant de vous décrire quelle a été et quelle est notre action dans le contexte de cette pandémie.

 

Dès le début de la crise sanitaire l’Agence de l’Innovation de Défense s’est pleinement engagée dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre le COVID-19. L’Agence a ainsi lancé, au nom du Ministère des Armées, le jeudi 19 mars 2020 un appel à projets visant à capter et soutenir le développement de projets innovants pour lutter contre la pandémie. La conception et le lancement de cet appel à projet se sont déroulés dans des délais très courts, puisque le lancement est intervenu 7 jours après le premier discours du Président de la République annonçant la fermeture des établissements scolaires, et deux jours après l’entrée en vigueur du confinement. Je tiens d’ailleurs à préciser que tout le pilotage de cet appel à projet s’est opéré dans le plus grand respect des règles sanitaires imposées à toute la population, avec des personnels de l’Agence tous mobilisés en télétravail.

 

Sur le fond, cet appel à projets portait sur la recherche de solutions innovantes, d’ordre technologique, organisationnel, managérial ou d’adaptation de processus industriels, pouvant répondre aux défis posés par la crise du Covid-19. L’objectif poursuivi était de dé-risquer l’innovation et de préparer l’industrialisation, le cas échéant. Les solutions proposées devaient être directement mobilisables afin de protéger la population, soutenir la prise en charge des malades, réaliser des tests et diagnostics, surveiller l’évolution de la maladie au niveau individuel et l’évolution de la pandémie, ou aider à limiter les contraintes pendant la période de crise sanitaire.

 

Cet appel à projets visait donc un champ large d’innovations. Il s’agissait là d’un choix volontaire de la part du Ministère des Armées, motivé par la diversité des besoins et la volonté résolue de capter les meilleurs projets. Le périmètre de notre appel à projets a par ailleurs su être adapté en fonction de l’évolution constante de la situation. Par exemple, l’ensemble des propositions concernant les masques de protection ont été rapidement transférées vers la Direction Générale des Entreprises (DGE) qui a piloté la task force interministérielle spécifique sur ce sujet, soutenue par la DGA qui a apporté son soutien technique. La recherche de solutions pouvant répondre aux besoins en matière de tests (qu’ils soient virologiques, sérologiques, antigéniques ou de détection en environnement) est également rapidement devenu l’une de nos priorités.

 

En termes de financement, un budget de 10 M€ TTC a été mobilisé pour l’ensemble de l’appel à projets afin d’être en mesure d’apporter un soutien financier a plusieurs projets d’intérêts. Les projets reçus sont issus d’entreprises, de personnes physiques ou de laboratoires, mais également d’agents du Ministère des Armées au titre de ce que l’on appelle l’innovation participative. Les propositions de projets ont été évaluées au fur et mesure des dépôts, selon 3 critères principaux : l’impact (sur la gestion de crise, la population, les soignants, etc.) ; la crédibilité (faisabilité technique, sérieux scientifique, statut du déposant) ; le calendrier (compatible avec le tempo de la crise). À ces trois critères centraux est venu s’ajouter un facteur d’analyse supplémentaire : le potentiel de dualité dans les usages futurs. Cela signifie que nous avons analysé dans quelle mesure les projets retenus pourraient à moyen ou long terme présenter des applications pour le monde de la Défense, et particulièrement la « santé et la protection militaire ». Il y a donc eu une anticipation de ce que pourrait être le deuxième temps de chaque projet, une fois la crise sanitaire actuelle jugulée. L’apport d’une innovation pouvant bénéficier à la santé de nos militaires constituait naturellement un avantage supplémentaire que nous avons pris en compte.

 

Pour chaque projet, trois décisions étaient possibles :  le rejet de la proposition ; le transfert de la proposition vers un autre ministère ou vers un autre appel à projets, plus adapté ; l’accompagnement par le ministère des armées.

 

À la clôture de l’appel à projet, le 12 avril 2020, l’Agence de l’innovation de Défense avait reçu 2584 propositions correspondant à 1 milliard 150 millions d’€ en demandes de financement. Nous avons donc dû être sélectifs. Sur ce total de 2584 propositions, 2547 propositions ont été rejetées ou transférées vers d’autres acteurs de la lutte contre le Covid 19. Près de 40 projets ont été retenus par le Ministère des Armées. À ce jour 22 marchés ont été notifiés pour autant de projets qui sont désormais en phase active d’accompagnement. Nous sommes en train de finaliser les démarches contractuelles concernant les autres projets. Dès que l’ensemble des marchés auront été notifiés, et donc que la liste définitive des projets retenus sera stabilisée, nous pourrons vous l’adresser afin qu’elle puisse, le cas échéant, être annexée au compte rendu de cette audition. Nous nous réjouissons de pouvoir souligner que parmi la quarantaine de projets sélectionnés, 1/3 est issu de l’innovation participative interne au Ministère des Armées, c’est-à-dire des projets imaginés, proposés et portés par des militaires ; ce qui nous rappelle le caractère innovant par nature de notre ministère et de ses personnels militaires. Les projets d’innovation participative ont capté un financement cumulé d’un peu plus de 2M€, et les projets issus du secteur privé ont capté en cumulé 7,9M€, ce qui signifie une consommation complète de l’enveloppe initiale de 10M€.

 

Les projets retenus offrent des solutions innovantes dans les domaines de la détection du virus et des diagnostics ; de la décontamination et la protection ; de l’aide à la décision et la gestion de crise ; de la prise en charge des patients ; et de l’innovation en matière de matériels médicaux. Je pourrai vous en donner quelques exemples, à votre convenance.

 

Voilà pour les éléments d’organisation et de cadrage de cet appel à projet, j’aimerais maintenant faire un point plus précis sur la méthode inédite mise en place pour déployer concrètement le soutien à ces projets.

 

Tout d’abord concernant le dépôt des propositions, nous avons veillé à mettre en place une procédure spécifique qui permette de répondre à l’urgence de la situation. Un système de démarches simplifiées a ainsi été instauré grâce aux outils numériques fournis par la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (la DINUM). Ce système a réellement permis de répondre aux exigences de la situation, tout en constituant une expérimentation grandeur nature pour notre Agence. Une expérimentation fructueuse, qui nous encourage à envisager la pérennisation de ce mode simplifié de dépôt de projets, afin de faciliter encore la relation entre le ministère et les innovateurs. L’ensemble des projets proposés via la plateforme « démarches simplifiées » a ensuite été réceptionné par notre guichet unique. Si vous me le permettez, je vais en dire quelques mots.

 

Lors de la création de l’Agence, l’une de nos priorités était d’offrir aux innovateurs un accès facilité à notre ministère. Le guichet unique est le point d’entrée, comme son nom l’indique, unique, qui a vocation à centraliser toutes les propositions de projets afin de les orienter par la suite vers les interlocuteurs et processus appropriés. Ce principe de guichet unique se retrouve dans la plupart des grandes organisations où il peut être difficile d’identifier un point d’entrée pertinent. Le guichet unique est opérationnel depuis janvier 2019, il a été essentiel dans la phase de montée en puissance de l’Agence. Dans le cadre de cet appel à projets, ce guichet a été un outil indispensable, permettant à l’ensemble des innovateurs d’être orienté vers un interlocuteur clairement identifié. Ce fut particulièrement pertinent pour cet AAP qui se destinait à énormément d’acteurs qui n’ont pas l’habitude de travailler avec notre ministère, puisqu’ils nous venaient du monde de la santé. On peut donc dire que cet AAP s’est fondamentalement engagé dans une démarche d’innovation ouverte. En interne, la centralisation a permis une gestion performante de l’information, en amont du processus de filtrage des dossiers. L’expérience de l’AAP a donc conforté notre conviction que le guichet unique est un outil capital pour garantir la captation des projets innovants et la réactivité de notre structure.

 

Une fois les projets parvenus à l’Agence, ils ont chacun été évalués par différentes équipes successives. Ces équipes outre l’Agence associaient la DGA (notamment Maîtrise NRBC), et le Service de Santé des Armées principalement, mais également des experts particulièrement concernés par certains projets d’innovations, issus de l’ensemble du ministère des Armées et qui sont venus nous soutenir (le commissariat aux armées et le Battle Lab Terre de l’Armée de Terre par exemple, nous ont détachés des personnels en renfort). Le parcours d’un projet proposé était donc le suivant :               L’équipe ALPHA avait tout d’abord la charge d’une mission de filtrage générique (Go / No Go selon le respect ou non des critères de base de l’AAP, à cette étape, 82% des projets ont été rejetés) ; l’équipe BRAVO, avait ensuite la mission d’analyser les dossiers ayant passé le filtrage et de décider s’ils devaient être soutenus, écartés ou bien faire l’objet de demandes de précisions supplémentaires ; les dossiers retenus étaient ensuite adressés à l’équipe CHARLIE, en charge d’affiner les cas d’usage et de délivrer l’approbation finale ; enfin l’équipe DELTA, assurait la phase de finalisation du soutien, c’est-à-dire l’étape de contractualisation réactive.

 

Grâce à l’organisation mise en place, la durée moyenne d’instruction d’un dossier reçu dans le cadre de cet AAP a été de 5 jours, entre la réception du dossier et la décision finale de soutien ou non du projet. Pour permettre de tenir ce rythme un comité de pilotage des projets s’est réuni chaque jour, 7j/7 pendant toute la durée de l’AAP afin de procéder aux arbitrages.

 

Une fois sélectionnés, les projets retenus bénéficient d’un soutien financier. Dans le cas de l’innovation participative (encore une fois, l’innovation venue des personnels militaires du ministère des armées) ce soutien prend la forme d’une délégation de gestion financière. Pour les projets portés par des acteurs externes, le soutien aboutit à la conclusion d’un marché.

 

Afin d’être au rendez-vous des exigences de délais imposées par cette crise, nous avons mis en place une équipe de contractualisation rapide. Cette équipe était composée de cinq acheteurs de la division achat mutualisée Agence-CATOD et de six acheteurs d’autres divisions achat du service des achats d’armement de la DGA qui ont répondu à l’appel à volontaires que nous avions lancé. Nous tenons à saluer ici leur soutien. Leur mobilisation a permis d’assurer la notification de chaque marché dans un délai moyen de 6 à 20 jours. Pour vous fournir deux exemples, l’appel à projets a été lancé le 19 mars ; la première lettre de délégation de finances pour un projet d’innovation participative a été signée le 27 mars, et le premier marché a été notifié le 31 mars.

 

Pour permettre cette efficacité, chaque chef de projet a été binômé à un acheteur. La mise en place de ces petites équipes dynamiques et volontaires a permis des échanges en boucle courte, réactifs, avec l’ensemble des parties prenantes. Elles ont permis de mener de front l’ensemble des étapes de conduite du projet et ainsi de compresser les délais de traitement. Ces marchés ont été passés en s’appuyant d’une part sur des modèles de marché simplifiés et éprouvés et d’autre part sur les dispositions de la commande publique les plus adaptés à chacun des projets sélectionnés (dispositions relatives à l’urgence de crise et à la recherche et développement, marchés à procédure adaptée et décret du 24 décembre 2018 relatif aux marchés de produits et services innovants). Les pratiques de contractualisation qui ont été utilisées n’ont pas vu le jour dans le cadre de cet AAP. L’ensemble de ces pratiques, désignés par le terme de « contract factory » dans le DOID 2019, a prouvé tout son sens dans le cadre de cet AAP et créé des résultats concrets grâce à leur mise en œuvre effective par des équipes conçues pour mener des actions rapides.

 

Pour finir sur le cycle de vie des projets lancés dans le cadre de l’AAP, j’aimerais rappeler que la sélection de ces projets n’est pas une fin en soi mais bien le début d’une aventure. Cette quarantaine de projets intègre désormais le plan de charge de l’Innovation Défense Lab, de la cellule d’innovation participative, mais aussi de certaines unités de management concernées à la DGA et experts de la Direction Technique qui accompagneront leur développement sur les prochains mois, voire plus longtemps si certains projets le nécessitent. L’une des particularités qui caractérisent les projets retenus réside dans le fait que leur passage à l’échelle n’est pas envisagé uniquement dans le cadre du ministère des Armées. En effet, les projets retenus suite à l’appel à projet vont désormais être soutenus par le ministère des Armées pour leurs phases de recherche et développement, et de pré-industrialisation, à des fins d’expérimentation et d’évaluation. Puis leur passage à l’échelle pourra être assuré par le Ministère des Armées, mais aussi par d’autres administrations publiques, qui seront susceptibles de passer des commandes massives des solutions développées suite à l’AAP.

 

Tout au long du pilotage de cet appel à projets, nos équipes ont été en contact avec des experts issus du Ministère des Armées (la DGA, et le SSA ont déjà été cités, mais aussi la DGNUM, la Cellule de Coordination de l’Intelligence Artificielle de Défense, ou encore le réseau des Labs d’armée) ; mais elles ont également assuré le lien avec d’autres ministères notamment pour partager les dossiers pertinents entre les initiatives portées par chaque entité. Le ministère des Solidarités et de la Santé, le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et l’Agence Nationale de la Recherche ont été des interlocuteurs importants durant cette période. Cette coopération interministérielle se poursuit actuellement avec la mise en place prochaine d’une plateforme partagée sur laquelle les entités publiques ayant piloté des appels à projets dans le cadre de la crise, pourront partager leurs résultats, et notamment les projets reçus mais non retenus. Cet outil servira de plateforme de « repêchage », un projet non retenu selon les critères de l’AID pouvant potentiellement intéresser l’ANR par exemple.

 

En conclusion le pilotage de cet appel à projet a été pour notre agence une validation de l’instruction ministérielle de l’innovation de défense qui est désormais publiée (signature de la ministre le 7 mai) et une source d’enseignement, sur de nombreux points.

 

Une validation tout d’abord : cet exercice inédit a permis de confirmer la pertinence du nouveau fonctionnement du soutien à l’innovation de défense. Il a confirmé l’intérêt de disposer d’un acteur fédérateur, qui soit en capacité de mobiliser et d’orchestrer des projets d’innovation d’ampleur, impliquant des acteurs multiples au sein de notre ministère, et en relations avec les autres administrations publiques. Quand on n’est chef d’orchestre, on ne joue pas de tous les instruments… Cette expérience nous confirme également l’importance capitale de l’agilité et de l’audace dans notre action. Face à une menace inédite, il a été nécessaire de prendre pleinement la mesure de la situation pour porter l’action du Ministère des Armées en matière de réponses innovantes aux besoins du monde de la santé. Je pense pouvoir dire que nous avons su collectivement être au rendez-vous, notamment grâce à la mise en place de ces démarches simplifiées qui ont été d’une grande pertinence et constituent un retour d’expérience sur lequel nous capitaliserons.

 

La complémentarité entre le mode d’innovation ouvert et planifié prend également tout son sens dans une telle situation. L’entreprise B for Cure en est un très bon exemple. Aujourd’hui accompagnée jusqu’à sa phase de pré-industrialisation grâce à l’AAP, cette entreprise est en fait soutenue par notre Ministère depuis 2013. Bénéficiaire des dispositifs ASTRID, puis ASTRID MATURATION et enfin RAPID, cet AAP nous a permis de capitaliser sur les efforts passés pour accompagner le projet jusqu’au bout de son développement.

 

Tout le pilotage de cet appel à projets et les innovations qui en seront issues, n’ont été possibles que grâce à la mobilisation sans faille du personnel de l’Agence de l’Innovation de Défense et l’ensemble des volontaires du Ministère des Armées. Ensemble, ils ont rendu possible la contribution de notre institution à l’effort national de réponse à la crise du covid-19. Je souhaiterais ici, devant vous, les en remercier.

 

J’aimerais clôturer ces développements en soulignant un point essentiel : alors que notre pays anticipe progressivement « l’après » et recherche les leviers disponibles pour relancer notre économie, ébranlée par les semaines de confinement, notamment dans le secteur industriel, l’innovation de défense saura contribuer activement à cette relance. Avec 890 M€ engagés en 2019 dont 99% ont irrigué directement la base industrielle et technologique de Défense française, l’innovation de défense peut être un outil majeur de la relance économique, j’en suis intimement convaincu.

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Titre : Comment jouer le rôle d’accélérateur de projets ?
Auteur(s) : Commission de la défense nationale et des forces armées
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