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Comment optimiser la maintenance des aéronefs de nouvelle génération

cahier de la pensée mili-Terre
Défense & management
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À l’image de ce qui a déjà été réalisé dans d’autres domaines tels que les ressources humaines et les opérations d'armement, on peut envisager d'instaurer des méthodes pour optimiser les programmes d'entretien des aéronefs.

Cela demandera d'une part d'analyser de manière approfondie les coûts d'entretien et de les comparer aux pertes engendrées par les indisponibilités. Cette notion élargie de coût permettra de définir des critères d'évaluation pertinents et de quantifier les niveaux de performances à atteindre. D'autre part, les armées devront collaborer plus étroitement avec les industriels et s'inspirer davantage des méthodes mises en place au profit des exploitants civils.

«Se préparer à notre monde incertain est le contraire de se résigner en un scepticisme généralisé. C’est s’efforcer à bien penser, c’est nous rendre apte à élaborer et pratiquer des stratégies, c’est enfin effectuer en toute conscience nos paris» (Edgar Morin)


Depuis 2008, la crise économique continue de peser lourdement sur le budget des États européens. Ainsi, chaque gouvernement cherche à maîtriser ses déficits et à réduire ses dépenses publiques. En France, les armées n’échappent pas à ces restrictions, car même si le budget de la défense est stabilisé en 2013 par rapport à 2012, à un montant de 31,42 milliards d'euros hors pensions, il reste en-deçà de ce qui était prévu par la loi de programmation militaire 2009-2014[1].

 

Dans ce contexte, il semble important de rappeler que, pour 2013, les crédits de paiement prévus au titre de l'entretien programmé des matériels (EPM) ‒ qui regroupe la majeure partie du maintien en condition opérationnelle (MCO) hors masse salariale ‒ s'élèvent à 2,91 milliards d'euros et sont en augmentation de près de 225 millions d’euros (soit 8%) par rapport à la loi de finances initiale de 2012. Une forte proportion de ce montant reste dédiée aux matériels aéronautiques de toutes les armées. Concernant plus particulièrement ces matériels, et en dépit des budgets contraints, l'effort de renouvellement des flottes se poursuit en 2013 avec la livraison prévue de onze avions Rafale, d’un C160 Gabriel, de deux ATL2, des premiers A400M, de trois CN235, d’un FALCON 50 et d’un avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport, mais aussi de quatre hélicoptères Tigre, cinq Cougar rénovés et douze NH90 (quatre en version navale et huit en version terrestre). Si l’arrivée de ces matériels de nouvelle génération représente une formidable opportunité pour répondre aux impératifs de l'engagement et de la préparation des forces, elle ne sera pas pour autant une source d'économie sur le budget des EPM. Ainsi, s'interroger sur les possibilités d'étendre la volonté d'économie budgétaire du ministère de la Défense à l'entretien des aéronefs est aujourd'hui plus que jamais d'actualité.

 

L'optimisation de la maintenance est complexe; elle demande de définir au préalable des critères d'évaluation et des niveaux de performances

 

Qu'est-ce que la maintenance ? Au sens strict du terme, la maintenance est l'ensemble des opérations d'entretien destinées à accroître la fiabilité ou à pallier les défaillances d'un équipement[2]. Plus généralement, elle fait partie des actions effectuées pour qu'une entreprise puisse prospérer. Son objectif est de limiter les effets des perturbations afin d'atteindre les performances qui sont exigées pour un équipement. Ces performances sont regroupées en deux catégories: la sûreté de fonctionnement et la maîtrise des coûts d'entretien.

La sûreté de fonctionnement au sens large recouvre les aspects de fiabilité, de sécurité, de maintenabilité et de disponibilité[3], et dépend des conditions dans lesquelles les équipements sont mis en œuvre: un équipement doit être apte à répondre à des besoins spécifiques, en temps voulu, pendant la durée prévue, sans dommage pour les opérateurs et leur environnement. Ainsi, le fait que les armées utilisent leurs équipements dans des conditions parfois extrêmes oblige les constructeurs à prendre des mesures conservatoires beaucoup plus lourdes lorsqu’ils conçoivent un aéronef, afin de garantir la sûreté de fonctionnement de celui-ci.

Les coûts d'entretien sont associés à la notion de soutien logistique et de gestion des ressources matérielles et humaines utiles à l'exploitation d'un équipement (pièces de rechange, outillage spécifique, équipes de maintenance). Dans l'évaluation de ces coûts, les entreprises civiles ajoutent les pertes d'exploitation dues aux arrêts pour effectuer les tâches de maintenance. Actuellement, il n'y pas d'équivalent d'un point de vue militaire à l'évaluation des pertes d'exploitation. Or, les indisponibilités des matériels entraînent des retards dans les missions (formation et entraînement du personnel, missions opérationnelles retardées ou annulées...) et des frais de personnel (indemnités de stage, de service en campagne, personnel non opérationnel, ...). Tout cela a un coût qui devrait être inclus dans la justification des budgets alloués aux EPM. La maintenance est chère, mais son coût est à comparer à celui des pertes engendrées par les arrêts d’activité. Ainsi, pour faire des choix pertinents, il faut élargir ce qui est pris en compte dans les coûts de maintenance afin d'être en mesure de définir clairement les niveaux de performances à atteindre.

 

L'optimisation de la maintenance est complexe car elle doit prendre en compte de nombreuses considérations interdépendantes, et ses critères de choix sont parfois antagonistes (comme la disponibilité et les coûts). Afin d’illustrer ce propos, on peut envisager le scénario suivant: supposons qu'il y ait au sein des armées des équipements dont la fiabilité a été optimisée par rapport aux conditions d’utilisation, qui suivent un programme d'entretien adapté et qui sont entretenus par un nombre suffisant de techniciens qualifiés ayant à leur disposition un stock de pièces de rechange et d'outillages spécifiques illimité. Ce scénario permettrait d'avoir une disponibilité optimale, mais on peut s'interroger sur le coût d'un tel dispositif. Par voie de conséquence, un tel niveau de disponibilité est-il nécessaire pour réaliser notre contrat opérationnel? Optimiser la maintenance d'un équipement nécessite donc de faire des choix préalables reposant sur des critères d'évaluation pertinents, et de définir des niveaux de performances nécessaires et suffisants pour la réalisation des missions.

 

La spécificité de l'aéronautique: une réglementation qui implique de nombreux acteurs

 

L’Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)[4] a été créée en novembre 1944. Dépendante des Nations-Unies, son rôle était initialement de participer à l’élaboration des normes permettant la standardisation du transport aéronautique international. Aujourd’hui, un des objectifs fondamentaux de l'Organisation est d'améliorer la sécurité du transport aérien. Pour l'Union européenne, c'est l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)[5] qui est la clé de voûte de la stratégie de sécurité aérienne. Sa mission est de promouvoir le plus haut niveau possible de sécurité pour l'aviation civile. Dans ce but, l'Agence développe des règles européennes communes, délivre les certifications et surveille l'application des normes au moyen d'inspections dans les États membres[6]. L'aspect de la sécurité est donc primordial dans le domaine de l'aéronautique.

Il existe deux exigences pour faire voler un aéronef. D'une part, il faut que le modèle soit certifié, c'est-à-dire qu'il doit exister une fiche de certification de type, définissant le modèle tel qu'il a été conçu par le constructeur et approuvé par l'autorité de certification. La conformité de cette fiche à la réglementation en vigueur relève de la responsabilité du constructeur. D'autre part, il faut que l'appareil en particulier soit déclaré navigable[7], c'est-à-dire qu'il doit posséder un certificat de navigabilité en cours de validité, qui soit en conformité avec son certificat de type, son manuel d'entretien, les consignes de navigabilité émises par l’AESA et toute autre obligation réglementaire. S'assurer qu'un aéronef est navigable à tout instant est un travail à part entière. Cela suppose de connaître la dernière réalisation et la prochaine échéance de toutes les opérations préconisées par le manuel d'entretien, la date de pose et l'âge de tous les équipements sérialisés, et de garantir la perpétuelle conformité avec la fiche de certification de type ainsi que l'application stricte des consignes de navigabilité. Cette responsabilité incombe à l'exploitant, donc aux armées dans le cas des aéronefs militaires, qui délèguent cette charge à leur organisme de maintenance agréé PART 145[8].

 

L'élaboration des programmes d'entretien

 

Ainsi, les armées sont responsables du maintien de la navigabilité de leurs aéronefs. Elles doivent s'assurer que les instructions pour leur maintenance sont conformes aux programmes d'entretien tels qu'ils ont été spécifiés par le constructeur et approuvés par l’autorité de certification. De tels programmes sont initialement élaborés au moment de la conception et avant la certification de type d’un nouvel aéronef, et serviront de référence pour toute la vie des équipements. Conçus à partir de données théoriques et de tables de fiabilité issues des essais de certification, ces programmes sont mis au point au travers de méthodes fondées sur la logique MSG-3. Cette logique d’analyse et de décision découle du concept de maintenance axée sur la fiabilité (MAF)[9], qui permet d'élaborer des instructions de maintenance préventive et des plans d’inspection en partant de la conséquence des défaillances. Le but de la MAF est d'améliorer la sûreté de fonctionnement des équipements; mais elle ne tient pas compte des coûts.

 

Pour modifier ces programmes d’entretien, la réglementation impose à l'organisme de maintenance de se conformer à une procédure préétablie, de démontrer que les modifications souhaitées se traduisent par des normes d'entretien équivalentes ou améliorées, donc plus contraignantes, et d’en informer le constructeur. Dans ce domaine, c’est la seule marge de manœuvre dont dispose l’exploitant en totale autonomie. En effet, dans la mesure où les modifications rendraient les programmes d’entretien initiaux moins contraignants, seul le constructeur peut mener des études afin de prouver que la navigabilité de l'appareil n’est pas remise en question, et lui seul peut soumettre le nouveau programme à l’approbation de l’autorité de certification. À cause du coût de telles études, le constructeur a peu d’intérêt à optimiser les programmes qu’il a initialement préconisés, contrairement aux exploitants, qui cherchent continuellement à diminuer les coûts d'entretien de leurs aéronefs.

 

Une solution pour diminuer les coûts de maintenance: le processus Maintenance Review Board

 

Le Maintenance Review Board Report (MRBR) est un document émanant du constructeur aérien et précisant le programme minimum de maintenance d'un aéronef pour le maintien de sa navigabilité. Le MRBR est un document évolutif, c’est-à-dire sujet à des révisions et à des amendements périodiques pour incorporer, au fur et à mesure, les leçons tirées de l’expérience opérationnelle de l’aéronef. Le but ultime est d’assurer le maintien de la navigabilité d’une flotte d’aéronefs en effectuant seulement les tâches qui sont appropriées et efficaces. Les MRBR sont produits par les Maintenance Review Board (MRB), qui sont des commissions d’examen de maintenance auxquelles participent à la fois le constructeur, l'autorité de certification et l’exploitant. Les décisions y sont majoritairement prises sur la base d’informations qualitatives fournies par l’exploitant et appuyées par des données de retour d’expérience.

 

Le processus MRB se définit d’une manière générale comme l’ensemble des activités nécessaires pour élaborer et mettre à jour les MRBR[10]. Les grands objectifs de ce processus sont de s’assurer que les instructions de maintenance planifiée (tâches et périodicités) établies pour un aéronef respectent les exigences de maintien de la navigabilité et d’environnement établis par l’AESA, que ces tâches sont réalistes et susceptibles d’être exécutées, et que l’application de ces instructions de maintenance planifiée occasionnera un minimum de dépenses. Dans le cadre de l'amélioration continue de leurs prestations, certains constructeurs français[11] proposent d’ores et déjà à leurs clients un suivi conforme au processus MRB uniquement sur leur gamme civile. Ce service nécessite de mettre en place un système d’acquisition d'informations à partir de rapports rédigés par les exploitants: ces rapports leur donnent l’opportunité de s’exprimer sur la pertinence des tâches d’entretien, et permettent un suivi détaillé des pannes et de leurs conséquences. De plus, ce service inclut un système d’évaluation périodique de toutes les tâches du programme d'entretien afin d’éliminer celles qui sont devenues inutiles, et de réévaluer systématiquement leurs périodicités. La mise en place d'un tel processus, qui implique une étroite collaboration entre les constructeurs et les maintenanciers, est contractuelle.

 

Actuellement, ce type de service n'est pas instauré dans les contrats qui lient les armées aux constructeurs d'aéronefs. Or, il est possible d'inclure le process MRB dans les contrats. Le bénéfice d'une telle évolution pour les armées serait de pouvoir participer à l'élaboration des programmes d'entretien qui leur sont dédiés. Cette opportunité permettrait la prise en compte des conditions particulières d'utilisation et de mise en œuvre de nos aéronefs, qui doivent répondre aujourd'hui à des impératifs d'adaptabilité, de simplicité et de robustesse. Elle permettrait aussi une meilleure maîtrise des coûts de maintenance et l'ajustement des programmes d'entretien à d'éventuelles restrictions budgétaires.

 

 

 

Le processus d’élaboration des programmes d'entretien pour les aéronefs a évolué d'un environnement dans lequel chaque constructeur proposait son propre programme unique, vers un environnement dans lequel l’organisme de réglementation, le constructeur et l’exploitant collaborent pour adapter les programmes et concevoir les modifications. Ainsi, les responsables de maintenance ne se contentent plus de surveiller et de réparer; ils cherchent à prévoir les événements et à évaluer les alternatives qui s'offrent à eux pour exploiter au mieux les équipements en fonction des contraintes techniques et budgétaires qui leur sont imposées.

 

Appliquées au secteur de la défense, ces nouvelles méthodes obéissent pleinement au principe de discipline budgétaire: la juste suffisance fondée sur les notions d'économie et de finalité. Économie, car il s’agit d’éviter les redondances pour faire en sorte que les entretiens soient dimensionnés au plus juste, et finalité, car elles permettent d’adapter les solutions d'entretien à l'emploi réel des aéronefs, tout en mettant à la disposition des forces des équipements qui répondent aux impératifs des engagements de demain.

 

[1] «Entre 2009 et 2012, la mission défense a bénéficié de 125,8 milliards d'euros (contre 128,8 milliards prévus), les ressources effectives s'écartant progressivement de la trajectoire initialement prévue», Source La Tribune du 18/09/12.

[2] Il existe une multitude de façons de maintenir un équipement: on peut faire varier les types de maintenance, les types de tâches et leur fréquence, les niveaux d’intervention... La maintenance peut être corrective, préventive (pour les sous-ensembles qui subissent une usure), ou conditionnelle (avec un programme de révision et de contrôle).

[3] La fiabilité d'un équipement est sa capacité à ne pas tomber en panne. La maintenabilité d'un équipement est sa capacité à être réparé rapidement. La disponibilité d'un équipement peut être caractérisée par ses durées d'indisponibilité fortuite liée aux pannes, et d'indisponibilité programmée résultant des opérations de maintenance.

[4] En anglais, International Civil Aviation Organization (ICAO).

[5] En anglais, European Aviation Safety Agency (EASA) ; le règlement de base (EC) N° 216/2008 entré en vigueur le 8 avril 2008, définit les missions de l'Agence.

[6] Les règlements dont il est question ont été initialement créés pour l’aviation civile, mais sont totalement transposables aux armées pour les dernières générations d'aéronefs.

[7] La navigabilité se définit comme l'aptitude d'un aéronef à effectuer sa mission dans des conditions acceptables de sécurité vis à vis des équipages, des personnes et des biens transportés mais également des autres usagers de l'espace aérien ainsi que des biens et des personnes survolés.

[8] Agréés selon la partie 145 du règlement (CE) N° 2042/2003; l’agrément est dit FRA 145 pour les organismes de soutien militaires.

[9] En anglais, Reliability Centred Maintenance (RCM).

[10] Un organisme international indépendant de l'industrie, l’International Maintenance Review Board Policy Board (IMRBPB), a pour rôle d’assurer le suivi, l’harmonisation et la normalisation des politiques, des procédures utilisées par les MRB du monde entier.

[11] Il s'agit d’Airbus, de Dassault et d’Eurocopter.

 

Titulaire d’un diplôme d’ingénieur de l’École nationale supérieure des Arts et Métiers, le Capitaine PINET est officier du matériel, spécialisé dans la maintenance des hélicoptères. Après avoir servi successivement sur la base école Général Navelet, au 1er RHC et au 44ème RI, elle est lauréate du concours du diplôme technique en 2011. Sur le cycle universitaire 2012/2013, elle a effectué une scolarité de mastère spécialisé en management de projets industriels aéronautique aux Arts et Métiers Paris Tech.

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Titre : Comment optimiser la maintenance des aéronefs de nouvelle génération
Auteur(s) : le Capitaine Sophie PINET
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